L’édition

Les éditeurs : éléments biographiques

Auguste Moutié (1812-1886) est issu d’une famille de la bourgeoisie de Rambouillet, ville dont il fut maire et où il fut le fondateur et l’inlassable animateur d’une société savante qui connut, de son vivant même, des heures plus ou moins fastes. La Société archéologique de l’arrondissement de Rambouillet, dont il fut secrétaire puis président, parvint sous son impulsion à publier plusieurs volumes de Mémoires et documents, accueillant de fortes monographies, mais encore, grâce au mécénat du duc de Luynes, quelques éditions de sources, réunies en une éphémère série de Documents pour servir à l’histoire du département de Seine-et-Oise. Dans les Mémoires (t. 3, 1875-1876), Auguste Moutié publia ses longues Recherches sur Chevreuse ; dans les Documents…, il publia dès 1846 le Recueil de chartes et pièces relatives au prieuré des Moulineaux et à la châtellenie de Poigny, en 1857-1858, le cartulaire des Vaux-de-Cernay, cinq ans plus tard l’édition du cartulaire de Notre-Dame de La Roche. Collectionneur passionné de géologie, correspondant d’Arcisse de Caumont, influencé par Benjamin Guérard, rédacteur de guides d’excursions archéologiques et historiques le long des voies de chemin de fer, Auguste Moutié est un bon représentant de l’érudition « totale » du XIXe siècle, assidue à exhumer et éditer les vestiges de tout genre.

Sources : notice nécrologique par Adolphe de Dion, dans Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet, t. 8, 1887-1888, p. 5-15. — Les papiers d’érudition d’Auguste Moutié sont conservés aux Archives départementales des Yvelines, 13 F 1-12 [13 F 7 pour la préparation des éditions des Vaux-de-Cernay et de Notre-Dame de la Roche.]

Le second auteur du volume, Lucien Merlet (1827-1898), est originaire de Vannes. Il est nommé en 1852 archiviste d’Eure-et-Loir à l’issue de sa scolarité à l’École des chartes, et fait toute sa carrière dans le département. Secrétaire et membre fondateur de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, il consacra son activité au classement et à la réalisation de nombreux inventaires des fonds des archives départementales (sept volumes), comme des archives municipales et hospitalières de Chartres et de Châteaudun. Il mena également des travaux d’histoire locale, dictionnaire topographique d’Eure-et-Loir, publication de sources (dont le cartulaire de Tiron et, en collaboration, celui de Notre-Dame de Chartres, mais aussi de nombreux documents du XVIIIe siècle) ou de catalogues, mais encore biographies et monographies, se passionnant pour l’histoire de son département d’adoption.

Source : nécrologie et bibliographie dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 60 (1899), p. 267-280.

Conception et contenu de l’édition

Les éditeurs, dominé par le poids de l’édition des cartulaires médiévaux chez leurs contemporains, plaident en introduction pour l’organisation de leur travail, qui les amène, de façon très moderne, à passer au peigne fin les fonds conservés (à Versailles, mais aussi à Paris, Chartres et Alençon, à l’origine avec l’aide d’un autre archiviste paléographe, André Borel d’Hauterive) pour produire une édition intégrale du chartrier, qu’ils appelleront tout de même « Cartulaire » et qu’ils ont d’abord été tenté d’organiser sur un plan topographique… Ils ont aussi voulu donner une riche gamme d’outils et de documents complémentaires, dont on détaille ci-dessous le contenu.

(a) Le recueil s’ouvre par une substantielle introduction (t. I-1, p. I-XXVII).

Les éditeurs justifient ici leur choix. Ils passent également en revue les divers types de renseignements qu’apportent les documents : topographiques tout d’abord, mais également généalogiques, et sigillographiques grâce au très grand nombre de sceaux que conserve le fonds. Cette édition est également l’occasion d’un travail de critique des faux du fonds, ainsi que d’une étude linguistique. Les éditeurs reconstituent ensuite la succession des abbés (p. XVIII-XXVI).

(b) Suit le corpus des actes (voir le décompte chronologique plus bas) : jusqu’en 1250 au t. I-1, de 1251 à 1300 au t. I-2 (qui donne aussi quatre additions XIIe-XIIIe siècles), une sélection d’actes de 1301 à 1625 au début du t. II.

(c) Une série d’appendices, dans la suite du t. II, fournissent l’édition de documents, essentiellement modernes, qui apportent des informations supplémentaires pour la reconstitution des possessions de l’abbaye (pages extrêmes entre parenthèses) :

Appendices
  • État des biens de l’abbaye de Vaux de Cernay, datant de 1511 (113-138).
  • Récapitulatif des aliénations de biens de l’abbaye, XVIe siècle (139-142).
  • Partage des terres et biens de l’abbaye, XVIIIe siècle (143-145).
  • « Estat de la cire, vaisselle, toile et argent deuz aux religieux de l’abbaye des Vaux de Cernay par les fermiers particuliers de ladicte abbaye, outre ce qui leur est deub par leur reglement chaque an », 1621 (146-147).
  • Note sur l’état de l’abbaye de Vaux-de-Cernay, XVe siècle (148-149).
  • Information contre Laurent Pommeraye, chanoine de Chartres, accusé d’avoir fait brûler le moulin de Berchères-la-Maingot, juillet 1517 (150-153).
  • Prise de possession de l’abbaye par Michel Buffereau, 24 janvier 1494 (154-157).
  • Nomination de Louis Guillard comme abbé, 26 novembre 1559 (158).
  • Nomination de Nicolas Brissonet comme aumônier de Port-Royal, 23 septembre 1599 (159-160).
  • Prise de possession de l’abbaye au nom de Casimir, roi de Pologne, 26 juin 1669 (161-165).
  • Ordonnance et règlement des vicaires délégués par le général de l’ordre, 23 août 1606 (166-173).
  • Procès-verbal constatant l’état des lieux réguliers au temps de l’installation de Charles Louvet en la charge de prieur des Vaux, 21 février 1680 (174-178).
  • Journal de ce qui s’est fait et passé de considérable en la communauté des Vaux depuisque frère Charles Louvet, religieux profès de ladite abbaye, y est entré en qualité de prieur, 23 février 1680-11 janvier 1689 (179-181).
  • Tableau des religieux de l’abbaye, contenant leurs noms de baptême, famille et religion, leur âge et l’année de leur profession, dressé par les administrateurs du directoire, 19 janvier 1791 (182-184).

(d) Une section suivante est consacrée à l’épigraphie tumulaire (t. II, p. 185-210).

L’abbaye passe pour avoir accueilli nombre de sépultures, ce qui implique une riche épigraphie tumulaire, mais la perte du nécrologe de l’abbaye ainsi que les destructions subies par l’abbaye au moment de sa nationalisation ont beaucoup réduit cette richesse. L’édition présente les inscriptions en deux groupes : tout d’abord les abbés et ecclésiastiques (16 inscriptions), puis les fondateurs et bienfaiteurs (10 inscriptions), reproduisant parfois un dessin de l’inscription. Chacune fait l’objet d’une description minutieuse, voire d’une restitution graphique.

(e) Vient ensuite un répertoire sigillographique (t. II, p. 211-222).

L’étude s’appuie sur la riche collection de sceaux apposés sur les actes utilisés pour constituer ce cartulaire : trois cent quarante sceaux sont relevés, et une centaine de contre-sceaux (un certain nombre de sceaux sont reproduits en dessin au trait dans l’album de planches). On y trouve notamment un index général par noms de lieu ou de famille des sceaux décrits, gravés, mentionnés ou cités dans le cartulaire de l’abbaye. Les dessins des sceaux ne sont pas donnés ici, mais au volume d’Album.

(f) Les tables des noms (t. II, p. 223-407) sont au nombre de quatre : index des noms de personne (formes anciennes, p. 223-286), index des noms de lieu (formes anciennes, p. 287-307), index matière (p. 309-311), « Dictionnaire topographique » (avec identification des formes anciennes, p. 329-407) ; en introduction au dictionnaire, les éditeurs publient un document de 1511 intitulé « Circonscriptions et limites du domaine et seigneurie des Vaux-de-Cernay » (p. 313-328) servant d’explication au plan topographique (donné dans l’album de planches).

(g) Le recueil se clôt sur des errata (t. II, p. 409-410) et une table des matières (p. 411-412).

Les trois volumes de ce recueil monumental étaient complétés d’un album de planches in-folio (formant le t. III, 1858), et non numérisé ; celui-ci comprend un fac-similé de l’acte de fondation de 1118 (planche 1), onze planches de dessins de sceaux (planches 2-12), la reproduction d’un plan des environs de l’abbaye de 1785 (planche 13).

Le corps de l’édition donne 1095 actes, ainsi répartis :

Tableau de répartition chronologique des actes
 
XIIe siècle 117
Première moitié XIIe siècle 8
1111-1120 1
1141-1150 7
Seconde moitié XIIe siècle 109
1151-1160 12
1161-1170 19
1171-1180 22
1181-1190 29
1191-1200 27
 
XIIIe siècle 886
Première moitié XIIIe siècle 406
1201-1210 57
1211-1220 54
1221-1230 85
1231-1240 96
1241-1250 114
Seconde moitié XIIIe siècle 479
1251-1260 97
1261-1270 106
1271-1280 106
1281-1290 88
1291-1300 82
S.d. XIIIe siècle 1
 
XIVe siècle 79
Première moitié XIVe siècle 69
1301-1310 35
1311-1320 16
1321-1330 7
1331-1340 6
1341-1350 5
Seconde moitié XIVe siècle 10
1351-1360 3
1361-1370 4
1371-1380 2
1381-1390 1
 
XVe siècle 4
 
XVIe siècle 7
 
XVIIe siècle 2

Qualité de l’édition

L’édition est de bonne venue et accompagnée d’un riche ensemble d’outils d’interprétation et d’accès. Dans quelques cas, les formulaires sont abrégés et quelques actes tardifs sont seulement résumés ; il est du reste évident que, passé 1300, les éditeurs n’ont plus recherché l’exhaustivité. On peut regretter la minceur des regestes initiaux, qui ignorent souvent le lieu concerné par l’acte, et l’approximation contrainte des références (le fonds n’était pas encore coté et renvoi est fait à un ancien inventaire).