Présentation générale
La présente publication en ligne a été préparée à l'occasion du quatrième centenaire de l'édit de Nantes. Elle connaît une nouvelle actualité avec le quatrième centenaire de l'assassinat de Henri IV. Si elle saisit l'occasion d'anniversaires qui ont rappelé l'attention sur des événements majeurs de notre histoire nationale, elle se situe dans une perspective plus large, puisque, considérant avant tout l'édit de Nantes comme le dernier d'une longue série, elle se propose de le comparer avec ceux qui, dans la seconde moitié du XVIe siècle, ont ponctué les guerres de Religion. Certes, l'idée n'est pas nouvelle : les historiens ont montré ce que l'édit de 1598 doit à ses devanciers. De nombreuses dispositions ont été empruntées aux précédents édits de pacification et souvent reproduites telles quelles. Tous les spécialistes sont d'accord : la principale originalité de l'édit de Nantes est d'avoir duré, d'avoir été appliqué pendant près d'un siècle, contrairement aux précédents. Personne pourtant n'avait jusqu'à présent offert les moyens d'une comparaison rigoureuse et précise en réunissant l'ensemble des textes qui ont légiféré sur le statut des réformés en France entre 1562 et 1598. Le recueil très commode d'André Stegmann, Édits des guerres de Religion, paru en 1979 et constamment cité, se limite aux édits de la période 1562-1591 et se contente d'analyser celui de 1598, sans doute parce qu'il a été publié de nombreuses fois. La présente publication entend remédier à cette lacune, que ne suffisent pas à combler les éditions de l'édit de Nantes publiées à l'occasion du quadricentenaire par Janine Garrisson et Danièle Thomas. En effet, si ces deux historiennes font des rapprochements occasionnels entre tel ou tel article de l'édit et leur équivalent dans les lois précédentes, ces comparaisons n'ont rien de systématique. L'une des originalités du présent travail réside dans les concordances exhaustives que nous donnons entre les textes que nous publions.
Il y a plus. Toutes les éditions existantes à ce jour reposent sur des publications anciennes : éditions officielles, dues aux imprimeurs du roi dès la promulgation des lois et destinées à être diffusées dans le royaume ; anciens recueils d'actes royaux comme celui d'Isambert ; ou insertions dans des ouvrages historiques tels que l'Histoire de l'édit de Nantes d'Élie Benoist (1693-1695) ou l'Histoire des assemblées politiques des réformés de France de Léonce Anquez (1859). Aucune n'a eu recours aux textes authentiques que sont les originaux scellés (conservés en très petit nombre, précisons-le d'emblée) et surtout aux copies transcrites dans les registres des cours souveraines ; or, ce sont ces sources-là qui font foi. En utilisant tels quels des ouvrages anciens sans chercher à en vérifier l'exactitude, les éditeurs et éditrices du XXe siècle ont pris le risque d'en reproduire les erreurs. C'est ainsi que dans le recueil d'André Stegmann, de nombreux passages ont été sautés. De même, Danièle Thomas a fait trop aveuglément confiance à l'édition que donne Anquez de l'état primitif de l'édit de Nantes, conservé sous forme de copie à la Bibliothèque publique et universitaire de Genève ; de ce fait, un bon nombre de variantes qu'elle signale par rapport à la version définitive de l'édit sont imaginaires : elles résultent des erreurs de lecture d'Anquez.
Une autre faiblesse de certains ouvrages récents vient de ce que leurs auteurs ont cru bien faire, probablement dans un souci d'économie, en éliminant les parties des actes qui leur ont paru superflues. Ainsi, A. Stegmann a souvent supprimé, ou abrégé, dans les édits qu'il a publiés, certaines formules de chancellerie : les clauses finales, les dates, les mentions d'enregistrement. Or, ces éléments ne sont pas toujours anodins. Ils contiennent parfois des indications intéressantes — nous nous efforcerons de le montrer — sur la genèse des actes et leur portée juridique.
Enfin, nos devanciers, pour rendre leur édition accessible à un large public, ont généralement modernisé les graphies anciennes. Pour notre part, nous les avons scrupuleusement respectées. Il ne faut pas avoir peur de conserver les caractères formels de l'ancien français.
L'édition que nous proposons aujourd'hui, et qui porte sur quinze textes dont nous aurons plus loin à justifier le choix, a donc l'ambition de se distinguer des précédentes sur tous les points qui viennent d'être signalés. Elle est fondée, toutes les fois que cela est possible, sur les sources manuscrites dotées d'un caractère d'authenticité (originaux scellés pour l'édit de Nantes et registres des cours souveraines). Elle donne des textes complets. Elle établit une concordance précise entre les édits. Enfin, on s'est intéressé, au-delà des actes eux-mêmes, aux conditions dans lesquelles ils ont été reçus par les cours souveraines, vérifiés, éventuellement amendés, et finalement publiés. Ce dernier champ d'investigation nous a paru particulièrement neuf. Mais il était immense puisque, pour être exécutoire dans tout le royaume, une loi de portée générale devait être enregistrée dans tous les parlements (au nombre de huit à cette époque) et parfois aussi dans les autres cours. Notre enquête est donc loin d'être achevée. Pour l'édit de Nantes, nous en avons présenté les premiers résultats au colloque de Pau en septembre 1998.
On trouvera dans les pages qui suivent le résultatî d'un travail collectif mené par les élèves de l'École des chartes dans le cadre du cours d'histoire des institutions de l'époque moderne et du programme de recherche « La civilisation de l'écrit à l'époque moderne » pendant les années universitaires 1997-2002. Pour préciser certains points, nous avons également fait appel à la science et à l'obligeance de quelques conservateurs d'archives que je remercie tout particulièrement, notamment Hélène et Jean-Paul Avisseau (Bordeaux), Geneviève Douillard (Toulouse), Armelle Sentilhes (Rouen).
Par ailleurs, ce travail n'aurait pu être mené à bien sans le concours d'Isabelle Chiavassa, conservateur du patrimoine, qui a assumé, en vue de la publication, le traitement informatique et la correction des textes rassemblés, ainsi que l'établissement des concordances, du glossaire et de l'index : une tâche lourde et délicate qu'elle a conduite avec une rigueur et une compétence exemplaires. Enfin, l'équipe du service « Recherche et valorisation » de l'École des chartes (Sylvie Fayet, Gautier Poupeau, Blaise Royer, Olivier Lachèvre, aujourd'hui Camille Desenclos, Frédéric Glorieux et Vincent Jolivet), qui a mis notre édition en ligne, l'a encore enrichie en automatisant les renvois, les concordances, le glossaire et l'index. A tous, j'exprime ma vive gratitude. Puissent les services que rendra cette publication être à la hauteur de l'effort accompli par ceux qui ont participé à l'œuvre commune.
Bernard Barbiche