CHAMPENOIS *Ferdinand, Amand

Nom: 
CHAMPENOIS
Prénom: 
*Ferdinand, Amand
Date de début d'activité: 
19/12/1874
Date de fin d'activité: 
25/03/1915
Adresses professionnelles: 

51, rue Madame (1876)
66, boulevard Saint-Michel (1878)

Ville - Département: 
Paris
Prédécesseurs: 
Informations personnelles: 

Il est né le 3 août 1842 à Coucy-le-Château (Aisne) ; son père, garde général des forêts de la Couronne, meurt en 1846. En 1871, il vit à Paris où il est attaché à la préfecture de la Seine et se marie le 21 juin avec Valentine Alphonsine Bujeon avec qui il aura trois filles. En 1894, il est fait chevalier de la Légion d'honneur.
Il meurt le 25 mars 1915 à Paris.

Informations professionnelles: 

Il s'est d'abord associé, pour trois ans, le 12 janvier 1875, avec Testu et Massin dont il a racheté l'imprimerie :  "M. Champenois devenu seul propriétaire  de la maison Testu et Massin, voulant s'assurer le concours et l'expérience de MM. Testu, Massin et Bourrelier, ses vendeurs, leur a proposé de former avec eux une société en nom collectif pour l'exploitation de sa maison." Ainsi, il ne leur verse que le tiers des 1 500 000 F du prix de l'imprimerie, les autres associés laissant leurs capitaux dans la société. Après trois ans de transition, les fondateurs se retirent et Champenois reste à la tête de l'imprimerie qui porte désormais le nom de  "Testu et Massin, Champenois et cie successeurs", puis, plus simplement, de 1886 à 1889, "Champenois et cie", et finalement, jusqu'en 1903, "F. Champenois". En 1878, la première association arrivant à expiration, il en crée une nouvelle, pour 7 ans, avec d'autres associés dont son beau-père qui, peut-on penser, lui avait déjà fourni une part des capitaux de départ. À la dissolution de cette société, il restera associé avec le seul docteur Bujeon. Entre-temps, il a acquis le terrain du 66, boulevard Saint-Michel sur lequel il fait bâtir une imprimerie  composée de plusieurs bâtiments de 2 et 3 étages pour remplacer l'imprimerie de la rue Madame devenue trop petite, et qu'il quitte  en juillet 1878.
L'imprimerie a une petite production d'images religieuses, de plans de ville chromolithographiés, de reproductions de tableaux,  mais son activité principale est l'impression de matériel publicitaire : étiquettes, cartes publicitaires, habillages pour boîtes de bonbons, cigares ou dattes, images à collectionner, menus, calendriers, affichettes... Les chromos perpétuent la veine des guirlandes de fleurs, des scènes d'enfants amusantes et attendrissantes, des portraits de jeunes femmes, héroïnes parfois de chastes marivaudages, mais la fin des années 1880 voit l'apparition de scènes comiques ou militaires mettant en scène des adultes, de portrait de célébrités, voire de séries documentaires. Ces images servent à promouvoir toutes sortes de produits : chocolat (Suchard, Lambert, Sprüngli, Guérin-Boutron, Choquart ), tabac, biscuits (Vendroux, Olibet, Lefèvre-Utile, Félix Potin), bières (Dumesnil, brasseries de la Meuse, de Montbéliard, de Savigny-sur-Orge), spiritueux (Bénédictine, Pernod, apéritif  Byrrh, Saint Raphaël Quinquina, champagne Charles Heidsieck ), épicerie (Maggi, Liebig), produits de beauté et parfumerie (crème Simon, parfums Gellé frères, Delettrez), grands magasins (Au pauvre Jacques, Au Bon Génie, Au Bon Marché ), mais aussi cycles (Richet), machines à coudre (Singer), faïencerie de Creil... et bien d'autres. L'illustration, exploitant surtout la figure féminine ou enfantine et d'un style très uniforme, n'a, le plus souvent, que peu de rapport avec le produit vanté ; la même illustration peut d'ailleurs servir pour plusieurs produits (crème Simon / registres Lemancel), surtout si l'un d'eux est destiné à un marché étranger. Parfois démarquée d'une peinture, elle est adaptée pour recevoir l'image du produit et sa marque. Seules les affiches touristiques et les annonces de publications romanesques dans les journaux ou chez l'éditeur Rouff dont il annonce les publications de romans populaires en livraisons, renvoient directement au sujet de l'affiche. Philippe Linder et A. M. La Monaca, qui dessinent notamment les couvertures du journal de modes Le Goût parisien, mais aussi beaucoup d'autres affiches (Velours Diamant, L'Amer niçois, la Velvoline...), sont représentatifs du style des années 1890.
Pourtant, à partir de 1896, commence une fructueuse coopération avec Alfons Mucha. Succédant à Lemercier avec qui Sarah Bernhardt va entrer dans un long conflit,Champenois imprime les affiches des spectacles de l'actrice pour lesquelles elle avait embauché Mucha, à la fin de 1894,  pour six ans, éblouie par son affiche dessinée pour Gismonda. Outre les affiches de  La Dame aux camélias (1896), Lorenzaccio (1896),  La Samaritaine (1897), Médée (1898), Hamlet (1899), L'Aiglon (1899), Champenois, qui a conclu lui aussi un traité avec Mucha, s'assure sa collaboration pour des affiches publicitaires : biscuits Lefèvre-Utile (sur proposition de Champenois, nombreux travaux de 1896 à 1904,dont les biscuits Petit Boudoir, Petit Poucet, Petit Bordeaux... et le calendrier, 1897 ; les gaufrettes, 1899 ; les seaux métalliques, 1903), imprimerie Cassan (1896), cigarettes Job (1896 et 1898), Champagne Ruinart (1897), liqueur La Trappistine (1897), Bières de la Meuse (1897), Cacao Schaal (1897), cycles Perfecta (1897), Vin des Incas (1897), Champagne Moët et Chandon (1899), Exposition universelle de Saint-Louis (1903)... Cette collaboration s'étend aussi à des projets plus délibérément artistiques. Mucha, souhaitant exposer au Salon des Cent, réalise l'affiche de 1896, puis de 1897, et reste fidèle pour cela à son imprimeur. Il  crée le motif de couverture de l'éphémère revue L'Estampe, imprimée par Champenois, et la première des lithographies offertes en prime aux abonnés. Sans renoncer à la création d'affiches publicitaires, Mucha et son imprimeur profitent  de l'engouement des collectionneurs pour les affiches et pour l'artiste tchèque dont les affiches de Sarah Bernhardt ont assuré la célébrité. Alors que certaines, comme l'affiche Monaco-Monte-Carlo (1897), vont se trouver directement proposées aux collectionneurs sans avoir reçu de texte publicitaire, Champenois va imprimer des séries  d'estampes conçues librement par Mucha : les Têtes byzantines (1897), les Quatre Arts (1898), Les Fleurs (1898), Les Mois (1899). Imprimées  en 12, voire 14 couleurs avec des rehauts d'or et d'argent , ces estampes sont proposées en différents tirages de luxe sur vélin ou sur satin. Devant leur succès, Champenois les décline en plus petit format et en cartes postales artistiques, multipliant les séries à partir  de projets parfois différents (Les Saisons, Les Pierres précieuses). C'est aussi Champenois qui imprime d'abord pour le compte de l'éditeur H. Piazza, puis en  association avec lui, les illustrations d'Ilsée, princesse de Tripoli (1897) de Robert de Flers, travail de Mucha qui le place parmi les grands illustrateurs de livres, ainsi que d'un Pater  (1899) et les somptueux encadrements de Cloches de Noël et de Pâques (1900), d'Émile Gebhart.
Si les biscuits LU, les bières de la Meuse et le papier à cigarettes Job ont abandonné les traditionnels chromos pour l'esthétique Art Nouveau de Mucha, les autres clients de l'imprimerie leur sont restés fidèles, et l'on ne trouve dans la production de l'imprimerie que quelques exemples, autour de 1900, marqués par l'évolution des arts décoratifs (Chocolat Masson,1898 ;  Champagne Lamotte, cognac Jules Robin) ; d'ailleurs, la biscuiterie LU revient, après 1903, à un style traditionnel, les illustrations de Mucha n'ayant pas fait la preuve de leur succès commercial.
À la production antérieure de cartonnages, calendriers, tableaux annonces, cartes illustrées, la publicité de 1878 ajoute l'impression sur métaux, de tableaux de publicité sur tôle, l'imitation de faïences et émaux en métal émaillé, et la fabrication de plats artistiques. Champenois joue dans ce domaine un rôle pionnier, comme le rappelle son dossier de la Légion d'honneur : "Ses nouveaux procédés sur métal ont créé une branche nouvelle d'industrie d'objets en métal, imprimés, émaillés : plats, médailles, coffrets, boîtes de luxe dont quelques spécimens figurent dans son exposition de Chicago." En 1889, Louis Lefèvre-Utile lui confie la réalisation de ses premières "boîtes émaillées" illustrées. Cette production de plaques publicitaires et boîtes métalliques lithographiées nécessite en 1895 la construction  d'un "hangar en fer",  abritant 7 presses mécaniques, 5 presses à bras, 5 cisailles à métal, 3 découpoirs, 7 perceuses, 2 machines à vernir et un stock de pierres lithographiques.
Pour la plus grande partie de ses travaux, l'imprimerie Champenois utilise la vapeur qui, seule, lui permet d'imprimer en très grandes quantités et dans des délais courts (elle fournit aussi des illustrations à certains journaux comme la Revue illustrée). En 1894, elle emploie 400 ouvriers et possède 23 presses à vapeur.
Elle a mis sur pied un réseau de représentants en province, ce qui lui vaut de mordre sur des marchés locaux comme les vins de Bordeaux, les cognacs (Croizet, Bisquit, Martell, Croizet), les fils à coudre du Nord... qui avaient déjà leurs imprimeurs bien établis. Ses productions sont aussi présentes dans de nombreux pays étrangers (Grande-Bretagne, Suisse, Belgique, Allemagne,  Russie, Égypte,  Brésil, Argentine, Colombie...) grâce à des exportateurs français, mais aussi des industriels locaux, ce qui suppose un grand dynamisme commercial ; en 1894, Champenois réalise la moitié des 2 millions de son chiffre d'affaires annuel à l'exportation et il est membre du comité d'organisation de l'exposition universelle de Chicago. Il a toujours participé aux expositions universelles qui lui ont valu une médaille de bronze à Paris en 1867 et  à Vienne en 1873, une médaille d'or à Paris en 1878, un diplôme d'honneur à Anvers en 1885, une médaille d'argent à Bruxelles en 1897. Il était hors concours à Paris en 1889, étant membre du jury et rapporteur pour la classe XI.

Il a joué un rôle actif dans les instances professionnelles comme vice-président du Cercle de la Librairie et président de la Chambre patronale des lithographes de 1886 à 1893.

Après sa mort, l'imprimerie entame son déclin qui aboutit en 1927 à sa liquidation judiciaire ; les bâtiments du boulevard Saint-Michel sont détruits pour faire place à des immeubles de rapport.

 

Bibliographie Sources: 

Archives  nationales, LH / 475 / 46   http://www.culture.gouv.fr/documentation/leonore

Sorisi, (Giuseppe), Les chromos Testu & Massin, et Champenois, Milano, G. Sorisi, 2013.
Mucha (1860-1939). Peintures, illustrations, affiches, arts décoratifs, [expo. Paris, Grand Palais, 5 février-28 avril 1980], Paris, Réunion des musées nationaux, 1980. (Les dossiers d'Orsay)
Rennert (Jack), Weill (Alain), Mucha. Toutes les affiches et panneaux, Paris, Henri Veyrier, 1984.
Bordet (Daniel), Les cent  plus belles images de Champenois,imprimeur : publicité et vie bourgeoise (1875-1915), La Ferté-Bernard, La Fertoise imp., 2004.
 

La bibliothèque Forney, à Paris, conserve un important fonds d'archives commerciales et de spécimens de publications publicitaires.   http://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0001493201
La ville de Paris et la Bibliothèque Forney ont aussi numérisé plus de 1 700 documents publicitaires dus à Champenois, consultables sur le même site des bibliothèques spécialisées de la ville de Paris.

 

Remarques: 
E. P., 20/11/2018 ; 6/11/2022