Miroir des classiques Frédéric Duval |
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Cet auteur dont nous ne connaissons que le nom et qui semble avoir vécu à Paris à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle a adapté en 1305 octosyllabes à rimes plates le livre I et les 380 premiers vers du livre II de l’Ars amatoria ; il modifie les descriptions d’Ovide pour les accommoder aux habitudes de la vie parisienne de son temps.
Possesseur : « Philippe Alamande, dame de Chassenaige » [= Sassenage près de Grenoble] (signature f. 8 et 127) († 1478)
Indépendamment des adaptations en vers, l’Ars amatoria a fait l’objet d’une traduction en prose. Le traducteur du livre III n’est pas le même que celui des deux premiers livres, mais tous deux ont largement commenté le texte, tout en le traduisant entièrement et assez exactement, et en distinguant soigneusement le texte de la glose. Les deux traducteurs ont en effet enrichi leur traduction d’un nombre considérable de gloses : certaines sont une paraphrase de la traduction, d’autres développent des récits mythologiques de l’original ; d’autres encore sont des commentaires moraux ; une dernière catégorie comprend des additions qui ne semblent se rattacher que de très loin au texte latin (Athis et Prophilias, Blancandin ou L’orgueilleuse d’amour, le Roman de Troie, Chrétien de Troyes, Jean de Meun, refrains et fragments lyriques divers).
Bruno Roy a donné une utile table des passages traduits. Cornelis De Boer avait déjà proposé, en identifiant la plupart des auteurs utilisés dans le commentaire, tous du XIIIe siècle, de reculer jusqu’au début du XIIIe siècle cette œuvre que l’on datait généralement de la fin du siècle. Nico Van den Boogaard a conclu de l’examen des insertions lyriques, nombreuses dans la traduction, qu'on pouvait dater celle-ci des environs de 1240. Il faut préciser que B. Roy et N. Van den Boogaard ont chacun ignoré le travail de l’autre, publié la même année.
Possesseur : ducs de Bourgogne (inventaire de la librairie de Bourgogne vers 1467 [Barrois n° 1367] et inventaire de Bruxelles [Barrois, n° 2169]).
Possesseur : bibliothèque royale de Blois (écu de France, f. 1 ; inventaire de Blois en 1518 (cf. L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, 1881, t. III, p. 345).
Possesseur : famille d’Hostun (Dauphiné) de 1428 (au moins) à la fin du XVe s.
Copiste : Raoul Tainguy (signature f. 48v et 96v)
possesseurs : Arnaud de Corbie ; Jean Martel, changeur rouennais († 1468) (ex libris f. de garde début) ; Jacques Cename († 1484-1485), changeur d’origine lucquoise installé à Paris (dernier f. de garde : signature et devise « trop ennuye » ) ; François Briçonnet (signature avant-dernier f. de garde), receveur général des Finances et maître de la chambre aux deniers en 1511 ; bibliothèque royale de Blois et bibliothèque royale de Fontainebleau.
L’art d’Amours compte 2384 octosyllabes à rimes plates ; l’auteur dont on ignore tout vivait sans doute à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle. Il paraphrase plutôt qu’il ne traduit ; il est probable qu’il connaissait l’œuvre de maître Elie, mais la traduction est plus ample, plus structurée que la précédente. Son auteur semble s’être inspiré du Tractatus de arte honeste amandi d’André le Chapelain. La question de l’attribution reste ouverte : le nom de Jacques d’Amiens ne se trouve que dans un seul manuscrit, celui de Leiden. Si l’on admet qu’il s’agit du traducteur, faut-il penser qu’il s’agit aussi du trouvère, auteur notamment d’un jeu-parti avec Colin Musset et actif entre 1250 et 1280 ? Alors qu’A.-M. Finoli pense qu’il s’agit du même personnage, certains ne voient en eux que deux homonymes (cf. Dictionnaire des lettres françaises : le Moyen Age, Paris, 1992, p. 725).
Possesseur : ms utilisé par Conrad de Lubech de Wolfhagen pour son baccalauréat à Paris (entre 1395 et 1402) ; « iste liber est magistro Bancard Rembout » (f. 116v).
Le traducteur a indiqué son nom, celui de sa dame et la date de son œuvre dans une énigme qui n’a pas été résolue avec certitude. D’après K. Heisig, le poète se nommerait Viviens de Nogent et sa dame Lucienne de Freinet ; il vivait vraisemblablement à la fin du XIIIe siècle et était originaire de Normandie. La clef d’Amour est une réécriture courtoise de l’Ars amatoria, un remaniement largement personnel, qui adopte la structure-cadre du songe et compte plus de 3400 vers.
Copistes : changement de main à partir du f. 21v
possesseur : possesseur anglais à la fin du Moyen Age, comme l’attestent l’écriture des notes en latin et en anglais sur le verso du deuxième f. de garde parchemin.
Petit poème en 64 quatrains d’alexandrins monorimes qui a dû être composé dans les dernières années du XIIIe siècle ou dans les premières du XIVe siècle par un écrivain originaire d’Ile-de-France du nom de Guiart. Il s’est inspiré de l’Ars amatoria dont il traduit quelques vers. Certains de ces quatrains sont repris dans un poème pieux intitulé Des cinq vigiles et conservé dans le manuscrit Paris, Bibl. nat. de Fr., fr. 12483.
Malgré la popularité d’Ovide au Moyen Age, peu de manuscrits conservés sont antérieurs au XIIIe siècle. Parmi ceux qui ont été copiés entre le IXe et le XIIe siècles nous restent 54 manuscrits des Métamorphoses, 10 des Remedia amoris, 10 des Heroides et 9 de l’Ars amatoria. C’est dire qu’Ovide arrive loin derrière les autres poètes classiques et que seules les Métamorphoses ont connu une certaine diffusion. On comparera, pour la même période, avec le succès de Virgile (114 manuscrits des Bucoliques, 127 des Géorgiques, 180 de l’Enéïde), d’Horace (143 manuscrits de l’Art poétique, 143 des Satires, 138 des Odes, 136 des Epîtres et 118 des Epodes), de Lucain (167 manuscrits de la Pharsale), de Juvénal (110 manuscrits des Satires), de Térence (106 manuscrits des Comédies), de Stace (93 manuscrits de la Thébaïde) ou de Perse (74 manuscrits des Satires)... Dans la seconde moitié du XIIe siècle, on a commencé à rassembler des textes ovidiens épars afin d’en faire des corpora d’une utilisation commode. Si la diffusion des poèmes intégraux d’Ovide est bien modeste, les extraits recueillis sous forme de florilèges ont connu une grande fortune. Ovide occupe ainsi une place prépondérante dans les grands florilèges « à sections d’auteurs » du XIIe siècle. A la même époque, Ovide devient plus fréquent dans les bibliothèques scolaires, mais les maîtres formulent des réserves morales, surtout à l’égard de l’Ars amatoria et des Héroïdes. Les seuls poèmes qui ont circulé pendant les siècles suivants (à partir du XIIIe s.) sous le nom d’Ovide sont le Carmen de Philomela et le De lupo, mais au XIIe s., ils constituent des pseudo-ovidiana virtuels, car ils ne sont pas encore attribués à Ovide.
Il est incontestable qu’Ovide influença sensiblement les poètes dès le XIIe siècle. Les amateurs de poésie le citent et trouvent en lui une source d’inspiration. Pourtant, la diffusion de ses oeuvres resta relativement modeste. La réticence des maîtres retarda l’intégration de l’auteur des Métamorphoses dans le canon scolaire.
L’œuvre d’Ovide a suscité des adaptations plus que de véritables traductions. Celles de l’Ars amatoria en vers, toutes du XIIIe siècle, avaient été publiées isolément : ces éditions ont été commodément rassemblées et réimprimées en 1969 dans un seul volume dû à Anna Maria Finoli. Restait inédite une version en trois livres, publiée par Bruno Roy en 1974.