Miroir des classiques
Miroir des classiques
Frédéric Duval
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Définition du corpus. Corpus des textes cibles

Traduction ?

Toute réflexion sur la traduction médiévale, comme l'a rappelé Jacques Monfrin, est fondée sur l'article fondateur de Gianfranco Folena :

  • Gianfranco Folena, « Volgarizzare e Tradurre. Idea e terminologia della traduzione », dans La traduzione, saggi e studi, Trieste, 1973, p. 59-72, repris dans le volume de ses articles Volgarizzare e tradurre, Torino, 1991 (Saggi breve, 17).

« Gianfranco Folena nous a appris, il y a presque dix ans, dans un article capital, toute la prudence avec laquelle il faut manier les mots, volgarizzare, tradurre : ses réflexions s'appliquent aux équivalents français translater, traduire… Beaucoup [de traducteurs médiévaux], pour dire les choses en gros, utilisent le texte antique en ne s'attachant qu'au contenu, pour ce qu'il apporte d'information, sans se préoccuper de la forme, ni même de l'ordonnance et de l'esprit. D'autres, y recherchant et y découvrant une signification cachée, le transposent sur un autre plan, en dégagent, par exemple, un enseignement moral. »8

Il est quelquefois difficile de trancher entre traductions, adaptations et remaniements. Il y a en réalité deux questions : d’une d'une part quel est le rapport qu'entretient le texte antique avec sa ou ses traductions vernaculaires ; d’autre part quel est le rapport entre une traduction vernaculaire avec ses remaniements éventuels ?

Sur le rapport entre texte antique et traduction nous adoptons une définition restrictive de la traduction. Si on veut donner un tableau représentatif de la place des classiques en français, on ne pourra évidemment pas passer sous silence les œuvres de Lucain, de Salluste ou de Stace, sous prétexte qu'on n'en conserve pas de traduction « littérale » et complète, mais on ne trouvera ces textes que sous forme de rappels dans le Miroir des classiques. Nous avons en effet retenu dans un premier temps comme traductions celles qui sont présentées comme telles, qui respectent un certain degré de littéralité et qui sont d'ailleurs souvent précédées d'un prologue qui justifie la démarche du traducteur.

Sur le rapport entre une traduction vernaculaire avec ses remaniements éventuels, nous pensons que toutes les péripéties textuelles doivent être prises en compte, même si elles éloignent un peu plus du texte source : ainsi la traduction des décades I, III et IV de Tite-Live faite par Pierre Bersuire à la demande de Jean le Bon a été retouchée au début du XVe siècle par le pré-humaniste Laurent de Premierfait ; plus tard le bourguignon Jean Mansel l'a intégrée en grande partie dans la compilation historique intitulée la Fleur des histoires qui a connu elle-même une version brève et une version longue. Tout le dossier figure dans la notice consacrée à Tite-Live.

Bornes du corpus des traductions

Le terminus ad quem du corpus des traductions est 1500. Cette coupure est arbitraire du point de vue de l'activité traductrice, puisqu'un nouveau mouvement de traduction s'est amorcé dans les dernières décennies du XVe siècle, où l'on commence à traduire des œuvres moins didactiques : une partie du théâtre de Térence passe à deux reprises en français dans la seconde moitié du siècle et Octovien de Saint Gelais traduit les Héroïdes d'Ovide en 1496 et l'Énéide de Virgile en 1500. La date de 1500 est une coupure commode, Jacques Monfrin l'avait déjà souligné, qui permet d'exclure les très nombreuses traductions réalisées dans les premières années du XVIe siècle. Elle correspond surtout à une modification radicale du mode de diffusion des textes : après 1500 les traductions se diffusent essentiellement sous forme imprimée alors que jusque là, elles avaient connu une diffusion manuscrite ou mêlant les deux modes de diffusion.

Dans les limites ainsi définies, nous retenons toutes les traductions en français (continental et insulaire), franco-italien, francoprovençal et occitan. Nous incluons les traductions du Corpus juris civilis mais nous ne prenons pas en compte les traductions des textes médicaux, dont la traduction textuelle est extrêmement complexe et diffuse.

Corpus des témoins du texte cible

Le corpus des témoins du texte cible comporte les manuscrits subsistants (tous décrits individuellement et le plus précisément possible du point de vue de leur contenu, alors que l'inventaire de Jacques Monfrin leur consacrait généralement une ligne) et les éditions anciennes (pour lesquelles on ne recherche pas de particularités d'exemplaire). Le terminus ad quem que nous avons fixé pour les témoins (fin du XVIe siècle) est plus large que celui des textes cibles (1500) : il permet de prendre en compte le passage du manuscrit à l'imprimé et d'éclairer les rapports entre l'appropriation vernaculaire des classiques et la « Renaissance » française du XVIe siècle. De même nous signalons, dans la mesure du possible, les possesseurs des manuscrits jusqu'à la fin du XVIe siècle.

Pour les éditions anciennes nous nous appuyons sur

  • Otto Mazal, Die Überlieferung der antiken Literatur im Buch druck der 15. Jahrhunderts, 4 vol., Stuttgart, 2003.

Et sur le répertoire des incunables imprimés en français en cours de rédaction par Dominique Coq qui l'a très généreusement mis à notre disposition. Ce répertoire ne portant pas encore de titre définitif, nous le citons de la manière suivante

  • Dominique Coq, Catalogue des incunables imprimés en français.

Il sera nécessaire dans un second temps de dépouiller les inventaires anciens pour repérer d'une part les traductions qui ont disparu et d'autre part les manuscrits de traductions existantes qui ont disparu. Nous nous appuierons sur

  • Bibliothèques de manuscrits médiévaux en France : relevé des inventaires du VIIIe au XVIIIe siècle, établi par A. M. Genevois, J. F. Genest, A. Chalandon, avec la collaboration de M. J. Beaud et A. Guillaumont pour l'informatique, Paris, 1987.

Il faudrait théoriquement aussi recenser toutes les citations qui sont faites d'auteurs de l'Antiquité dans les textes français, Jacques Monfrin l'avait déjà souligné :

« Une chose est d'établir la liste des textes traduits, une autre de savoir quand et comment telle traduction s'est répandue… La méthode la plus sûre serait d'étudier comment et à quel degré les œuvres qui nous intéressent ont été utilisées dans les œuvres postérieures. »9

La mise en œuvre de cette étude ne pourra intervenir que lorsqu'on disposera d'éditions fiables aussi bien des textes sources (dans leur état médiéval) que des textes traduits.


8 Jacques Monfrin, « Les translations vernaculaires de Virgile au Moyen Âge », dans Lectures médiévales de Virgile. Actes du colloque organisé par l'École française de Rome (Rome, 25-28 octobre 1982), Rome, 1985 (Collection de l'École française de Rome, 80), p. 189-249. Réimpr. dans Études de philologie romane, p. 859-917, p. 859.

9 Jacques Monfrin, , « Les traducteures et leur public au Moyen Âge », dans Journal des savants, 1964, p. 5-20 publié aussi dans L'humanisme médiéval dans les littérature romanes du XIIe au XIVe siècle. Colloque…Strasbourg…1962, Paris, 1964 (Actes et colloques, 4), p. 247-264. Réimpr. dans Études de philologie romane, p. 787-801.