DURAND Hippolyte
Paris, 1801-1882.
Élève de Vaudoyer et de Lebas à l'école des Beaux-Arts. Après avoir été quatre fois logiste et obtenu un prix départemental en 1829 ainsi qu'une grand médaille d'émulation en 1830, il entreprit de se spécialiser dans l'architecture médiévale et travailla à la restauration de Saint-Rémy de Reims dont il établit la monographie (salon de 1837), de Notre-Dame de l'Épine à côté de Châlons-sur-Marne (salon de 1838) et de l'église de Saint-Menoux dans le Bourbonnais (salon de 1841). En 1841, il obtint une médaille au salon et l'année suivante se porta candidat, mais sans succès, aux fonctions d'inspecteur sur le chantier de Notre-Dame de Paris. Dans le même temps, il était membre correspondant du comité des arts et monuments au ministère de l'instruction publique. Il consacra les années suivantes à l'élaboration de projets-type de constructions religieuses en style médiéval. Il prévoyait des types d'édifices établis en fonction de l'importance de la commune. Il présenta ces études au salon de 1845 et publia les devis et plans dans L'Art et l'Archéologie en province (1849, t. IX, p. 13-16) sous le titre : Quelques considérations sur l'art religieux. Il comptait ainsi démontrer la supériorité de l'art médiéval sur l'art antique dans le domaine de l'architecture médiévale : « Du jour, écrit-il, où quelques hardis novateurs passant de la théorie à la pratique ont facilement démontré les immenses avantages de l'art du Moyen Âge sur l'art antique, lorsqu'il s'agit de monuments religieux, alors, tous ceux qui vivaient dans le farniente que l'art antique leur avait procuré sans beaucoup d'effort ont secoué leur engourdissement. Du reste, le retour des idées du Moyen-Âge répondaient si directement au voeu général qu'à la voix de quelques esprits éminents, une révolution presque instantanée s'est opérée dans les constructions religieuses ».
En 1848, Durand était suffisamment réputé dans le milieu « néo-gothique archéologique » pour être choisi comme architecte diocésain de Bayonne, chargé de la cathédrale, de l'évêché et du séminaire. Il ambitionnait en fait les postes de Bourges (il rédigeait avec le baron de Girardot une monographie de la cathédrale de Bourges) et de Moulins (il avait conçu un projet d'achèvement de la cathédrale de Moulins). Mais il entretint de si mauvais rapports avec Mgr Lacroix, l'évêque de Bayonne, qui lui reprochait « son mauvais caractère et ses manières hautaines et insolentes » (lettre de l'évêque au directeur général des cultes du 8 novembre 1851) qu'il démissionna le 10 février 1852. Voici comment l'évêque le jugeait (lettre du 7 mai 1851) :
L'architecte Durand connaît le dessin et la ligne ogivale mais il laisse beaucoup à désirer sous le rapport du talent, du goût et de l'expérience. Son collègue est un surveillant des travaux fort actif mais sans études. Une audacieuse témérité à entreprendre des travaux non autorisés, un esprit de domination, des obsessions continuelles qui n'ont d'autres principes que la cupidité, l'âpreté, la violence de leur caractère ne nous permettent pas d'avoir en eux la confiance nécessaire... La duplicité dont l'architecte fait si fréquent usage et son oubli trop habituel des convenances me forceraient à interrompre les rapports que j'avais avec lui.
En même temps, il était nommé à Auch en remplacement de Lodoyer et à Tarbes. Il résidait alors à Bayonne et à Biarritz en raison de la construction dont il était chargé de la villa de l'Impératrice à Biarritz : cette situation souleva des difficultés de la part des préfets des Hautes-Pyrénées et du Gers. Il était considéré comme négligent. Pourtant, vers 1853, Vaudoyer écrivait sur cet architecte controversé :
Comme architecte, M. Durand ne manque pas de mérite ; il est très travailleur, travaille avec facilité mais il manque de méthode. On a aussi à se plaindre de son inexactitude dans ses rapports officiels avec l'administration. Comme homme, M. Durand se fait reprocher une certaine raideur de caractère qui souvent a rendu difficiles ses relations avec les autorités ; à cet égard, je dois dire que M. Durand m'a paru changé à son avantage et j'ai forte raison de croire qu'il n'y aura pas lieu de lui adresser les mêmes reproches.
Or, Hamille, chef du service des édifices diocésains notait en 1855 : « Des réclamations arrivent de toutes parts » et, à la fin de cette année, il fut révoqué du chantier de la villa de l'Impératrice.
En 1868, les appréciations étaient tout à fait différentes. L'évêque de Tarbes sollicitait pour lui la légion d'honneur en raison de la qualité des services qu'il avait rendus dans la construction du séminaire. L'administration préféra attendre, tout en estimant que Durand méritait cette distinction. L'année d'après, l'évêque renouvellait sa demande en ces termes : « Les travaux de M. Durand dans la contrée ont déjà produit d'heureux résultats. Le goût s'épure et, avec la même dépense, nous avons des églises décentes et des presbytères assortis » (lettre du 7 juillet 1869). Durand ne reçut la légion d'honneur qu'en 1875.
Hippolyte Durand construisit le théâtre de Moulins en style néo-classique à partir de 1842 ; il commença la construction de la villa Eugénie à Biarritz qui fut continuée après sa révocation par Couvrechef et réalisa le séminaire de Tarbes. Dans le Gers, il bâtit le prieuré des Ursulines à Auch, le flèche de Plaisance et l'église du quartier Saint-Michel à Condom ; dans les Landes, les églises de Peyrehorade, Soustons et Tartas ; dans les Hautes-Pyrénées, Notre-Dame de Lourdes achevée en 1872 (exposée au salon de la même année) ; dans les Pyrénées-Atlantiques, Saint-André de Bayonne qu'il construisit en collaboration avec l'architecte basque Guichenné.
Le projet de cette dernière église date de 1846. Mais les travaux commencèrent vers 1853 et durèrent jusqu'en 1862. Rapporteur du dossier devant la commission des arts et monuments, Viollet-le-Duc estimait le « projet sage et bien conçu » (F19 4544, séance du 5 juin 1851). En 1898, on dut démolir les clochers. La construction de la façade est simple : trois parties séparées par des contreforts, c'est-à-dire, triple porche, balustrade, rosace de type chartrain encadrée de deux baies formées de deux lancettes et d'une rosace à six lobes. L'élévation inférieure comprend trois niveaux : grandes arcades, triforium aveugle dans la nef et à claire-voie dans le chœur et baies analogues à celles de la façade. L'édifice est voûté de croisées d'ogives sur plan barlong. Saint-André de Bayonne est typique des recherches d'Hippolyte Durand sur la construction d'édifices à bon marché.
À sa mort, Durand était également officier de l'Instruction publique et membre de l'institut royal des architectes britanniques.
- F19 4544, 4545, 7230, 7805.
- Arch. de la direction du patrimoine, manuscrit, 8 DOC 65.
- L'Art et l'Archéologie en province, 1849, t. IX, p. 77.
- Bauchal, p. 648.
- Bellier-Auvray.
- Delaire, p. 145.
- C.E. Godard, Symbolisme de la nouvelle église Saint-André de Bayonne au triple point de vue de l'architecture, de la perspective et de la musique ; esquisse de monographie chrétienne, Bayonne, 1862, in-8°, 72 p.
- J.M. Leniaud, « Les constructions d'églises sous le second Empire : architecture et prix de revient », Revue d'histoire de l'Église en France, 1979, p. 267-278.
- -"Les restaurations de la cathédrale de Bayonne au XIXe siècle, Actes du congrès des sociétés savantes, Bordeaux, 1979, 1982, p. 445-466.
- Middleton, p. 396.
- The second Empire, art in France under Napoléon III, Philadelphia museum of art, 1878, in-4°, 464 p., p. 45-46.
- Thieme et Becker, X.
Voir aussi : LODOYER Jean-Baptiste ; VAUDOYER Léon ; VIOLLET-LE-DUC Eugène, Emmanuel.
Autres architectes concernés : GUICHENNÉ.Hyppolyte ; LAISNÉ Charles, Jean ; PROSPER ; WERLÉ Félix, Joseph.