[p. 73] Les notaires publics en Pologne au Moyen Âge
[p. 75] Les premières recherches sur l’histoire du notariat public polonais datent du début du XIXe s.1. Mais il fallait attendre encore longtemps pour qu’elles acquièrent une rigueur scientifique. Dans la période d’entre-deux-guerres paraissent les travaux de Sylwiusz Mikucki2. Dans ces dernières années on peut noter un certain progrès dans ce domaine grâce à Antoni Gąsiorowski3 et Maria Koczerska4. A côté des historiens proprement dits, on remarque aussi des historiens de droit5.
On peut observer les influences de artis notariae sur la forme des documents locaux encore avant que le premier notaire public ne soit apparu sur le territoire polonais. Ainsi, certains traits du formulaire de documents polonais des XIIe et XIIIe siècles (p.ex. l’emplacement de la datation au début du document) peuvent s’expliquer par l’influence du formulaire de l’instrument public. Cependant, il s’agit là plutôt de l’influence du formulaire de la notification. On peut considérer que l’apparition instrumentum publicum dans les documents polonais à partir de 1227 constitue une preuve plus certaine de la connaissance de la [p. 76] théorie du notariat public. Le premier notaire public qui sans aucun doute a exercé son office sur le territoire polonais auprès du légat apostolique en 1267, était d’origine italienne6. Comme on sait, environ dans les années 1275-1325, en vertu des règlements du droit canonique commun, l’institution du notariat public a franchi la frontière des Alpes et s’est étendue jusqu’aux côtes de la Mer du Nord et de la Baltique. Des notaires publics apparaissaient alors progressivement en Allemagne, en Angleterre, en Bohême, en Hongrie, dans les pays scandinaves et sur les terres de l’Ordre Teutonique7. Dans cette vague il y en a qui sont venus jusqu’en Pologne. En 1284, l’archevêque de Gniezno, Jakub Świnka a obtenu la bulle du pape l’autorisant à nommer deux notaires publics8. Le premier notaire public polonais — Budzisław — a commencé son activité en 1287, donc plus tôt que ses collègues dans les terres qui voisinaient directement avec la Pologne. En 1298, il y a aussi un notaire silésien à Wrocław dont l’évêque était le suffragant de Gniezno9. On peut supposer que la présence des notaires publics in curia archiepiscopi ait contribué à la réalisation des projets politiques du groupe qui, en 1295, a réussi à la restitution du Royaume de Pologne. Ce groupe savait bien manier cette arme, si populaire en Europe, qui étaient les procès canoniques devant le tribunal. En 1309, Bogusław de Sandomierz, un autre notaire de l’archevêque de Świnka, rédigeait des actes de procès contre l’évêque de Cracovie, Jan Muskat, malveillant envers le prince Ladislas Łokietek qui unifiait les terres polonaises. En 1321, Bogusław aidait un autre notaire10 pendant le procès polono-teutonique qui se déroulait en 1321 devant le tribunal du pape à Inowrocław.
A la fin du règne du roi Casimir le Grand (1333-1370) le nombre de notaire publics en Pologne a atteint 60. Les documents qui naissaient alors étaient destinés plutôt à l’usage externe et moins à l’intérieur du pays. C’étaient les iuris periti qui obtenaient assez souvent le titre de notaire public, lequel constituait pour eux le complément de leurs qualifications. Ils travaillaient dans les chancelleries d’évêque ou bien ils faisaient la collecte pour le pape ; ils devenaient aussi [p. 77] diplomates royaux et plénipotentiaires des évêques dans la Curie d’Avignon11. La vraie propagation du document notarial à l’intérieur du pays n’a commencé qu’à la fin du XIVe s. ce qui a fait croître plus rapidement le nombre de notaires publics. Au total nous connaissons plus de 170 notaires investis dans les années 1287-139912. On observe la croissance de plus en plus importante jusqu’aux années 20 du XVe s. où environ 200 personnes ont obtenu leur titre de notaire. Ensuite, ce nombre a diminué et dans les années 50 du XVe s. représentait 100 personnes. Ce qui est intéressant, c’est qu’on observe le même rythme d’évolution en Silésie13. Dans la deuxième moitié du XVe s. nous voyons le nombre de notaires encore augmenter. Dans les années 70, le nombre des personnes affectés à cet office a dépassé 200. Puis, ce nombre a encore diminué de nouveau. Au total nous disposons de données sur environ 1700 notaires publics qu’il y avait en Pologne jusqu’en environ 1510.
L’accroissement et ensuite la diminution du nombre de notaires témoignent du fait que dans les années 1375-1425 en Pologne se déroule le processus d’adaptation de l’institution du notariat public aux conditions locales. Nous essaierons de montrer comment, à la suite de ces transformations, ont évoluées définitivement les compétences des notaires publics polonais.
Étendue et limites de la compétence des notaires publics
On sait bien que les limites de la compétence du notaire public créé apostolica ou bien imperiali auctoritate devaient en théorie atteindre ubique terrarum. Mais en pratique, il a fallu attendre la période 1275-1325 pour que le notariat se répande jusqu’à la côte de la Baltique et de la Mer du Nord. Au courant du XIVe et du XVe s. le territoire sur lequel les compétences des notaires publics étaient [p. 78] reconnues s’étendait de plus en plus à l’est. En général, il correspondait aux frontières de l’État polonais qui étaient en train de s’élargir à l’époque.
Plus importante que l’expansion politique était la création des nouvelles structures d’organisation de l’Église catholique romaine sur les territoires jusqu’alors administrés par l’Église orthodoxe. Au XVe s. les notaires publics étaient déjà bien installés à Lvov — le siège de l’archevêché — ou encore à Vilnius — la capitale du Grand Duché de Lituanie et de l’Évêché à la fois.
Il convient de distinguer ici les structures de l’État des structures de l’Église et cela non seulement dans le sens géographique. L’institution du notariat public a été adoptée et développée en Pologne seulement dans le domaine des droits d’un des états — notamment du droit de l’Église. En principe, à la différence des pays allemands voisins, cette institution n’est pas jusqu’à la fin du XVIIIe s. sortie des limites de cette compétence. A l’exception peut-être de l’époque du roi Casimir le Grand (1333-1370), ou bien de l’époque où vivait un chef politique du camp de la noblesse, Jan Zamojski (1542-1605), où on a pu observer quelque intention, d’ailleurs échouée, d’adapter le notariat public au service de l’appareil de l’État14.
On peut en chercher des causes dans la résistance de la noblesse contre les tentatives d’élargir les compétences de la juridiction de l’église. Cette résistance allait loin. Ainsi, en 1538, les ecclésiastiques se sont vus priver de la possibilité d’entrer en fonction de notaire terrien général qui était une fonction importante, assignée à vie par le roi.
Il s’y ajoutait encore l’attitude défavorable de cette couche dominante envers le droit romain. Dans ce climat, le notariat public n’avait pas beaucoup de chances pour pénétrer dans les domaines de la vie sociale en dehors de l’église. En général, les laïcs avaient affaire aux documents notariaux seulement au moment de régler les affaires appartenant à la compétence du droit de l’Église. Tel était le cas des testaments léguant des biens pour les institutions de l’Église. Dans sa pratique, le droit municipal qui était plus favorable à l’institution du notariat public, permettait parfois aux notaires municipaux d’obtenir aussi le titre de notaire public. Ces notaires rédigeaient les testaments des bourgeois et ensuite ils les inscrivaient in publica forma dans les registres officiels des autorités municipales. Dans certains cas, le droit terrien de la noblesse acceptait aussi que les testaments soient rédigés par des notaires publics, et cela a été même codifié dans la loi de 1543.
Quelle était donc l’étendue de la compétence des notaires publics en Pologne dans l’espace régi par le droit de l’Église ?
La législation locale ne s’occupait guère de ces questions. Il nous reste donc à observer la pratique notariale. L’un des moyens de connaître l’étendue de la compétence de l’officium thabellionatus polonais c’est de déterminer la valeur probatoire représentée par la validation notariale.
[p. 79] De même que dans les pays voisins, elle est apparue dans deux types de documents. Dans le premier d’entre eux, l’auteur formel était notaire, puisque l’acte était rédigé en son nom. Le signum et subscriptio notarial devenait dans ce cas un principal signe de validation. Même si, comme c’est le cas le plus courant, il était accompagné du sceau des parties de la transaction enregistrée par le document ou bien du sceau de l’employé.
Dans l’autre type de document l’auteur et le notaire qui validait le document n’était pas la même personne. Dans ce cas, il faut considérer que le principal moyen de validation est le sceau de l’auteur, le plus souvent de l’évêque ou de l’official général. Et le signe notarial passait derrière ce sceau.
Et quelles affaires étaient-elles enregistrées dans les documents notariaux ? Leur étendue paraît moindre de celle connue en Bohême ou en Silésie. C’étaient avant tout des testaments disposant des legs en faveur de l’Église mais aussi la rédaction des copies officielles /transcriptum, vidimus/, actes de procuration /procuratorium/, ou bien les affaires correspondant à certaines étapes de l’action judiciaire, comme la publication de la demande introductrice, la présentation de l’appel et aussi la conclusion des compromis, le choix des arbitres et la publication de leurs sentences. Pour ce qui est des affaires administratives de l’église, on enregistrait tout ce qui était lié à la création et à la transmission des offices et des bénéfices de l’Église. On peut rencontrer là aussi des déclarations de volonté privées et des contrats de biens des institutions de l’Église ainsi que certaines affaires liées à la gestion du patrimoine de l’Église.
En principe, aucune de ces affaires n’était sous le monopole exclusif des notaires. On peut parler seulement d’un certain principe dans le cas des procurations et d’une certaine coutume dans le cas des testaments. Mais d’habitude, pour tous ces documents, les notaires pouvaient être remplacés par un des fonctionnaires de la hiérarchie de l’Église. Et cela avec un document validé uniquement avec le sceau de l’auteur.
Et qui étaient ces représentants de la hiérarchie de l’Église ? C’étaient d’abord des évêques, et à partir des années vingt et trente du XVe s. avant tout leur substituts judiciaires — les officiaux généraux. Parmi les auteurs des documents validés notarialement on rencontre aussi des vicaires généraux in spiritualibus ; parfois des archidiacres et des membres des chapitres cathédraux et collégiaux ; assez souvent des juges délégués par le Siège Apostolique /iudices a Sede Apostolica delegati/ ; des juges arbitres ; et parfois des prieurs des couvents et d’autres encore.
Conformément à la formule de la loi du Concile de Latran de 1215, il s’agissait avant tout des documents relatifs aux affaires judiciaires. Pour cette raison, la validation était presque de règle pour les documents de l’official général ; dans les documents épiscopaux datant de la première moitié du XVe s. seulement 10% sont validés par le notaire. Il semble que parfois on faisait valider par le notaire ces documents épiscopaux dont le contenu dépassait l’étendue de la compétence de l’auteur potestas ordinaria. Dans ce cas, il serait néanmoins difficile de parler du respect des règles précises. Il arrivait que dans des affaires [p. 80] analogues, une fois l’évêque qui rédigeait ce document le faisait valider par le notaire et une autre fois il se contentait d’un document scellé seulement.
Il est possible qu’il s’agisse là, non de l’étendue du pouvoir de validation notariale dans des circonstances bien définies mais plutôt de la volonté de donner au destinataire un document qui ne perdra pas sa valeur d’un instrumentum publicum même s’il disparaît ou que le sigillum authenticum est endommagé. Il faut se rappeler qu’une des sections de la rubrique De fide instrumentorum des Décrets du pape Grégoire IX apportait à ce sujet des suggestions précises15. Si le destinataire se décidait à couvrir des frais supplémentaires de la validation notariale, il recevait un document doublement protégé.
Il faut maintenant poser la question suivante : y avait-il une concurrence entre le sceau des dignitaires de l’Église et le signum notarialis ?
Analysons pour cela la statistique des documents dont l’auteur était notaire et des documents rédigés par d’autres auteurs et dont la validation reculait devant le sceau.
Au début, c’étaient les documents notariaux qui dominaient. Puis, vers le règne du roi Ladislas Jagellon (1386-1434), prévalent les documents d’autres auteurs. Ensuite, dans la quatrième décade du XVe s. on observe une diminution importante des documents des notaires face à la croissance du nombre des documents des officiaux généraux, des évêques et d’autres. Ainsi donc p.ex. pour ce qui est des années 1420-1430, se sont conservés environ 50 documents rédigés au nom de notaires et environ 60 documents faits par d’autres auteurs et lesquels ont été authentifiés de façon notariale. Dans les années 1430-1440 les premiers sont connus seulement au nombre de 25 et les autres au nombre de plus de 80.
Qu’est-ce que cela peut signifier ? A notre avis, cela prouve que la suprématie de signum notarialis sur le sceau a d’abord diminué et ensuite elle a été réduite au rôle d’un moyen de validation secondaire par rapport au sceau.
On peut y observer aussi une convergence significative dans le temps. La période dans laquelle les documents validés par d’autres auteurs sont devenus plus nombreux que les documents des notaires mêmes correspond au déclin des XIVe et XVe siècles . Et c’est pendant cette époque que les évêques ont entrepris une action législative ayant pour but d’imposer le contrôle et l’enregistrement des notaires publics dans des diocèses. Nous en reparlerons en détails plus loin.
Rappelons que c’est peu de temps après 1420 on observe la diminution du nombre total de notaires qui allaient en diminuant jusqu’aux années 50 du XVe s. Il paraît donc qu’à cette époque, en Pologne, le développement de l’autonomie de cet officium a été freiné. On favorisait ces notaires publics qui exerçaient leur activité dans le cadre des chancelleries de l’Église et en même temps on essayait de limiter les compétences des notaires autonomes. On peut bien prouver que peu après 1420, les documents de notaires publics qui n’étaient attachés à aucune institution d’Église devenaient de plus en plus rares. En même temps, plus limité est devenue aussi [p. 81] l’étendue des affaires qu’ils étaient autorisés à enregistrer. Il est probable que ces actions avaient pour but de rendre plus efficace la bureaucratie de l’Église.
Nous estimons que dans la période 1400-1500, on peut repérer sur le territoire des diocèses polonais environ 2-3 mille personnes avec le titre de notaire public. Seulement une partie d’entre eux travaillait dans les chancelleries de l’Église. Il en restait encore des centaines qui après avoir obtenu dans la jeunesse l’admission à la charge de notaire gagnaient leur vie avec différentes activités qui ne leur donnaient pas souvent l’occasion de s’exercer dans leur profession pour pouvoir garder un bon niveau de compétences notariales. Cependant, même après des années sans exercice ils conservaient leur titre.
Les autorités ecclésiastiques pouvaient exercer réellement le contrôle seulement sur les notaires liés aux structures officielles d’Église. D’autres pouvaient facilement éviter tout contrôle. A cette époque, il n’existait en Pologne aucun équivalent de collège ou de corporation notariale qui étaient tellement importantes sur le territoire méditerranéen. C’est pourquoi, la bureaucratie de l’Église tentait de limiter le rôle des notaires publics autonomes à ce strict minimum qui leur était garanti par la législation commune d’Église.
Fonctionnement des notaires publics
Le fonctionnement de cette institution était limité dans la pratique locale à un tel point qu’il faudrait se poser une question fondamentale à savoir : Peut-on à juste titre parler du fonctionnement du notariat dans la Pologne médiévale ? Du notariat entendu comme un organe indépendant de la juridiction, autorisé à authentifier les documents avec la validation publique dans les affaires entre des particuliers.
Tout au début, ces affaires acquéraient la validité publique principalement en vertu des documents du souverain et parfois en vertu des documents de ses fonctionnaires. A partir du XIVe s. les affaires privées et juridiques étaient inscrites aux registres tribunaux. Au commencement du XVe s., ce système s’est déjà entièrement constitué et il avait sa place dans les droits des états16.
Les bourgeois confiaient leurs affaires aux registres des autorités et des tribunaux municipaux. Le clergé se servait des registres épiscopaux et de l’official. Et la noblesse inscrivait ses transactions, contrats, etc., aux registres des tribunaux terriens (indicium terrestris).
Tous ces registres ont vite cessé d’être la propriété privée des greffiers tribunaux et de chancelleries. Ils sont devenus une garantie de validité publique et en tant que telles ils jouissaient de la protection officielle.
[p. 82] Il serait difficile de définir le système basé sur les registres juridiques comme notariat dans la compréhension mentionnée ci-dessus. Et cette opinion demeure valable même si d’habitude les supérieurs des chancelleries des tribunaux nobles et des chancelleries municipales portaient le titre de notaire. “Notarius terrestris generalis” était un employé nommé par le roi17. Il possédait une des trois clés du coffre où étaient déposés les registres. Les deux autres clés appartenaient au juge et à son remplaçant.
Cependant, même dans le domaine du droit de l’Église, le notariat public menaçait peu le monopole des registres tribunaux dans le domaine de la validation des affaires privées. On peut dire que les notaires publics étaient plus présents en tant qu’employés de tribunaux que les personnes indépendantes par rapport à la juridiction.
Les archives polonaises contemporaines abritent un nombre important de registres de tribunaux. Par contre on n’y rencontre pas du tout de protocoles de notaires publics18. Ils n’ont laissé que de nombreux documents. Les autorités de l’Église polonaise s’intéressaient peu à la question des protocoles de notaires qui demeuraient ainsi l’affaire privée des notaires. On ignore ce que ces protocoles devenaient à la mort de leurs propriétaires. La hiérarchie de l’Église était désintéressée de l’officium thabellionatus exercé par des personnes à part. Elle ne s’occupait que des notaires attachés aux chancelleries de l’Église. Voilà encore un fait qui prouve que l’institution de notariat public en Pologne fonctionnait sur des principes essentiellement différents de ceux connus dans la région méditerranéenne. D’ailleurs, cette situation est connue aussi dans d’autres pays d’Europe Orientale — en Bohême, en Silésie, dans la partie orientale de l’Allemagne, etc.
Le système des registres tribunaux sur lesquels on inscrivait les affaires des particuliers a survécu jusqu’au XVIIIe s. Il a fallu l’intervention de Napoléon aux temps du Grand Duché de Varsovie pour qu’on voie apparaître des notaires publics protégés par la législation de l’État, compétents dans le domaine de la validation des affaires privées et juridiques.
Tout porte à croire qu’au Moyen Âge, les Polonais étaient contents de ce système fondé sur les registres tribunaux. Entre 1447 et 1475 un projet de réforme de l’État est né — “pro Republicae ordinatione” — conçu par Jan Ostroróg, devenu docteur en décrets à Bologne, ensuite châtelain de Poznań et conseiller du roi. Le problème du notariat public l’intéressait exclusivement du point de vue du prestige du pouvoir royal. Il écrivait : “in hoc etiam dignitas regia multum laeditur, quod in regno regii non creantur tabelliones, regis et regni fidem custodientes. [p. 83] Caesarei tantum et pontifici auctorisantur hactenus… Si iura omnia imperialia habet rex… itaque etiam et publicos ac tandem tabelliones habebit”19.
C’est dans ce sens-là que le projet a été partiellement réalisé au XVIe s. quand dans la Prusse Royale, c’est-à-dire celle qui à partir de 1466 a appartenu à la Pologne, apparaissent des notaires nommés par les rois polonais20. Par contre, cette coutume n’a jamais été adoptée sur d’autres terres polonaises.
Nomination des notaires publics
Au Moyen Âge, en Pologne il n’y a que des notaires publics apostolica ou imperiali auctoritate. Passons maintenant à traiter les problèmes liés à la création des notaires publics en Pologne. Après la bulle du pape mentionnée au début, quelques autres évêques polonais ont obtenu des privilèges analogues. En général, c’étaient ceux qui faisaient la recette pour le Siège Apostolique.
Le dernier d’entre eux a obtenu ce privilège en 1344, peut-être pour que ses successeurs ne puissent plus prétendre comme lui que in episcopatu suo Cracoviensi non notariorum publicorum copia21.
Cependant encore dans la première moitié du XIVe s., c’étaient les notaires publics de nomination impériale qui étaient les plus nombreux. Les notaires nommés par le pape étaient très rares encore jusqu’aux années 70 du XVe s. Leur nombre constituait de 0,5% à 6% de l’ensemble des notaires polonais.
Cet état de choses était sans doute dû aux difficultés pour obtenir la nomination du pape. On pouvait la demander d’abord à Avignon, puis à Rome. Mis à part le voyage, il y avait encore un examen à passer devant les fonctionnaires de la chancellerie du pape, somme toute des dépenses considérables. Sur place, en Pologne, on pouvait obtenir cette nomination par l’intermédiaire de certains légats du pape en mission sur les terres polonaises. On connaît leurs privilèges accordés par le pape qui continuent d’être valables jusqu’au XVe s.22. Probablement, ces légats n’étaient pas non plus ni indulgents ni bon marché.
[p. 84] Et on ne connaît pas en Pologne jusqu’en 1486 d’autres délégués du pape compétents pour la nomination des notaires. Nous ne savons pas qui au XIVe siècle nommait les notaires publics polonais dits imperiali auctoritate. Il est fort probable que seulement un certain nombre d’entre eux a obtenu leurs titres à l’étranger — peut-être, entre autres, des mains de l’archevêque de Prague.
Il y a un demi-siècle, Sylwiusz Mikucki a élaboré une liste d’environ 50 personnes — comites sacri Lateranensis palatii, regalis aulae et imperialis consistorii, ainsi que des vicecomites. A partir de 1446, d’après Sylwiusz Mikucki, ces fonctionnaires nommaient des notaires publics de nomination impériale. Aujourd’hui, nous pouvons allonger cette liste jusqu’à environ 110 personnes y compris près de 25 comites et vicomites du pape. Et certainement cette liste n’est pas encore complète.
Ainsi, on peut constater que les sources polonaises attestent les traces du premier vicecomes en 1409. Parmi les personnes figurant sur cette liste on compte plusieurs personnes liées à la cour et à la chancellerie royale, qui exerçaient la fonction de messager à l’étranger, entre autres à la cour impériale. Nous y trouvons également des professeurs de l’Université de Cracovie, ainsi que des représentants de la hiérarchie ecclésiastique — des officiaux généraux, archidiacres, etc. Par exemple, vers la fin du XVe s., à Lvov, deux archevêques successifs étaient en même temps comes impériaux et un autre était official général.
Le premier vicecomes apostolique est apparu en Pologne en 1486, et peu après sont venus d’autres. Leur nombre croissait vite. Au commencement du XVIe s., ils étaient déjà trois fois plus nombreux que les comes et vicecomes impériaux. Cela faisait augmenter le nombre des notaires publics apostolica auctoritate. Dans les années 1480-1489, ces notaires constituaient 10% de l’ensemble, dans les années 1490-1499 — 35%, dans les années 1500-1509 — 59%, et après — environ 75% du total. Une telle évolution suggère que dans la période antérieure c’était le manque des délégués papistes qui freinait la croissance du nombre des notaires de nomination papale.
Le privilège de nomination suffisait aux notaires publics polonais à exercer leur office encore seulement jusqu’à la fin du XIVe s. A partir de 1396, certains évêques ont commencé à exiger dans leur législation que les notaires demandent leur accord avant de pouvoir entreprendre la fonction de notaire dans leur diocèse. En 1420, paraissent les statuts de la province de Gniezno. L’un d’eux, intitulé De fide instrumentorum portait sur le notariat public23. Il les soumettait sous le contrôle des évêques et d’autres administrateurs du diocèse.
[p. 85] Ce statut était appliqué dès sa publication24. C’est à Gniezno qu’a pris le commencement un registre spécial, distinct des notaires publics autorisés par l’official général local à l’exercice de leur profession. Jusqu’en 1500, ils étaient 440 inscrits. Le professeur Antoni Gąsiorowski a l’intention de publier les fac-similés de ce registre. Dans d’autres capitales du diocèse, les inscriptions d’admission des notaires figurent parmi d’autres affaires dans les livres d’évêques ou d’officiaux généraux.
L’autorisation à la profession de notaire public sur le territoire du diocèse s’appelait d’habitude : admissio ad exercendem officium tabellionatus, ainsi que approbatio, assumptio, receptio.
En quoi consistait cette autorisation ? A la lumière des textes des statuts, ainsi que du formulaire du registre des inscriptions, la procédure commençait d’abord par la présentation du candidat qui demandait la nomination /privilegium creationis/. Puis, il subissait un examen lequel portait aussi bien sur les qualifications professionnelles que les bonnes moeurs. Ensuite, l’évêque ou l’official lui accordait l’admissio et peut-être il faisait cela par un document spécial ? Hélas, nous ne connaissons pas de tels documents qui se seraient conservés en original ou en copie. Après cela, le notaire prêtait serment. Il jurait de veiller à l’authenticité des documents qu’il rédigerait. Il promettait également d’être loyal envers les autorités du diocèse. A la fin, le notaire inscrivait sa : subscriptio notarialis dans le registre de l’Église et il y dessinait son signe qu’il ne pouvait plus changer.
L’acte d’admissio est devenu un moyen par lequel la hiérarchie de l’église polonaise s’assurait le contrôle sur le niveau de compétences, la conduite et la loyauté des notaires publics qui voulaient exercer leur office dans la province de l’Église de Gniezno.
Préparation culturelle des notaires publics
L’un des éléments importants de préparation culturelle des notaires, c’est leur instruction et formation professionnelle.
On dit souvent que les notaires polonais devaient être in litteratura experti. Cela veut dire que chacun d’entre eux avait fini au moins une trivium solide25. Les statuts épiscopaux se plaignaient de ces notaires qui étaient rudes et ignari. Il s’agissait là sans doute de la méconnaissance de artis notariae. Il est difficile [p. 86] d’imaginer que le notaire puisse avoir des lacunes dans les rudiments de la langue latine. Dans les années 1400-1500, environ 30% des notaires publics étaient inscrits à l’Université de Cracovie. Peut-être un quart d’entre eux a obtenu le diplôme de bachelier. A partir de 1420, dans le cadre de la faculté des arts libérés (artium liberalium) fonctionne une chaire où l’on s’occupe des problèmes in libris gramaticalibus seu poeticalibus… docendo in rethorica epistolas missiles, aut formam privilegiorum26. Si un notaire étudiait à la faculté de droit, c’était sans doute pour faire autre chose que de finir sa carrière dans la chancellerie.
Seulement une partie des jeunes gens avec le titre de notaire public, entreprenait le travail dans les chancelleries de l’Église. Là, ils poursuivaient leur formation professionnelle. Elle se déroulait aussi bien sous forme de pratique que sous forme de consultation des recueils de formulaires du droit canonique. Au début, ces recueils venaient de l’étranger. Par exemple, dans les années soixante-dix du XIVe s. un évêque de Cracovie a apporté de son voyage à Avignon un code qui comprenait entre autres la “Summa notariorum” de Jean de Bologne et la “Summa super stilo notarii more Romanae Curaie”. Dès la fin du XIVe s. paraissent déjà des recueils élaborés en Pologne.
Les notaires pouvaient aussi consulter le “Speculum iudiciale” de Guilliaume Durant, très populaire en Pologne. Ce manuel consacre beaucoup de place aux problèmes du notariat public. A la Bibliothèque Jagellone il y a un manuscrit italien de Roland Passageria “Summa artis notarie” qui date du XIIIe s. On sait pas quand il est arrivé à Cracovie27.
Le problème de la formation n’épuise pas toute la problématique liée à la préparation culturelle des notaires. On peut en évoquer quelques autres comme p.ex. la caractéristique du groupe des notaires publics en Pologne. Nous connaissons environ 1700 personnes de ce groupe au XIV et XVe s. On estime que dans cette période leur nombre total était de 2-3 mille. Cela correspond à peu près au nombre total des licenciés de l’Université de Cracovie.
Ils ne constituaient pas un groupe professionnel distinct. Seulement une partie d’entre eux trouvaient des emploi dans les chancelleries. Qu’est-ce qui permettait donc de les identifier ?
Ils devaient tous passer un examen et payer les frais de la nomination. C’étaient d’abord des gens instruits, qui investissaient dans la possibilité de gagner leur vie avec la rédaction des documents notariaux, ou bien qui croyaient que le travail dans une chancellerie et le titre de notaire accéléreront leur carrière. Dans la situation polonaise cela signifie qu’ils espéraient entrer dans les rangs de la bureaucratie de l’Église.
[p. 87] Ils faisaient donc partie de cette couche sociale du Moyen Âge qu’on peut appeler les “prolétaires de la culture de l’écriture” C’est le travestissement de la formule employée par Pierre Channu. Plusieurs notaires publics polonais qui n’ont pas travaillé dans les chancelleries sont devenus copistes et illustrateurs des livres. Ils devenaient aussi instituteurs. Ils demeuraient donc dans les milieux in littératura expertes.
Au déclin du Moyen Âge, on assiste à une alphabétisation des couches de plus en plus larges de la société. Ces gens constituent, en particulier dans les conditions polonaises, une catégorie assez anonyme. D’habitude, les historiens peuvent dire beaucoup de choses à propos des individus les plus célèbres. Pourtant, la vie spirituelle des couches sociales connaissant la lecture est une sphère très difficile à cerner. Il serait bien utile de considérer les notaires publics comme une sorte d’échantillon, une représentation de catégorie sociale de lettrés.
Comme on sait, les signes notariaux étaient chargés de différents contenus. L’analyse d’à peu près mille signes polonais des origines jusqu’au début du XVIe s. permet de constater qu’ils cachaient certains sens déjà à partir de la fin du XIVe s.28.
Comment faut-il interpréter le répertoire de ces contenus ? Comment déchiffrer les symboles ambigus qui ont servi de formes pour les signes notariaux ?
Je suis bien d’accord avec l’opinion présentée par Peter-Johannes Schuler. Il souligne que ces signes doivent être analysées comme des formes entièrement personnelles, liées à une personne concrète29. Il semble pourtant qu’on ne peut pas renoncer aux tentatives de l’analyse systématique. Maintes formes de dessins réapparaissent dans plusieurs signes — polonais, allemands, tchèques, hongrois et d’autres aussi. Comment peut-on expliquer cela ?
En effet, le signe était une construction libre du notaire ou peut-être de la personne qui le nommait. Pourtant, tous ces gens-là se sont formés dans la culture conventionnelle et universelle. En analysant le contenu des signes notariaux on y retrouve des formes caractéristiques de la conscience collective. On accède ainsi au monde des contenus qui, au moins en partie, sont objectifs.
Un signe singulier peut être interprété en rapport aux autres. Je n’ai pas bien entendu la possibilité de présenter les résultats complets des études sur le répertoire des contenus des signes notariaux polonais30, mais je peux faire part de quelques remarques.
Comme on sait, l’iconographie médiévale représentait sous forme de tronc d’arbre le motif d’arbor vitae — l’arbre de la vie. Ce dessin figure dans environ 5% [p. 88] des signes en Pologne et dans l’Allemagne du Sud31. On le rencontre aussi dans d’autres parties de l’Europe. Les signes notariaux semblent abriter des contenus appartenant au courant d’idées religieuses. La vie du Christ ainsi que l’histoire de la Sainte Croix en font bien partie. C’est en fait le thème essentiel de l’histoire du salut. La légende qui s’était formée jusqu’au XIIIe s. annonçait que l’arbre de la vie poussait au milieu du Paradis, près de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Après son exil, Adam a envoyé Set chercher des grains de l’arbre de la vie. Ensuite, ces grains ont été plantés sur les lèvres de l’Adam mort. L’arbre qui a ainsi poussé est devenu — après maintes transformations — celui qui a servi pour faire la croix du Christ32.
Il semble nécessaire d’ajouter à l’histoire de la Sainte Croix le thème de la croix sur laquelle poussent des fleurs et des feuilles. Cet élément était très populaire dans les signes notariaux. Parfois, ce tronc d’arbre renaissant était représenté avec les racines33. Cela pouvait faire penser à une prophétie célèbre d’Isaïe :
Et egredietur virga de radice Iesse et flos de radice ieus ascendet34.
Une telle interprétation n’en reste pas moins dans le cadre de l’histoire du Salut.
Ajoutons encore quelques observations générales sur le répertoire des contenus des signes notariaux polonais. Dans les devises, il y avait avant tout des allusions religieuses — relatives à la Vierge ou au Christ. Cela correspond tout à fait à ce que nous savons sur la religiosité du déclin du Moyen Âge. Il rencontre aussi d’autre part des thèmes liés aux prénoms de saints. La Sainte Barbara était considérée comme la patronne de la bonne mort, c’est à dire de la mort douce qui ne surprend pas et laisse le temps de se préparer. En pensant aux bénéfices futurs espérés de la rédaction des testaments, certains notaires mettaient le nom de cette sainte dans leurs signes. D’autres, guidées par la même pensée, recouraient à des devises telles que par exemple : Ultimus spasmus ou Amara mortis memoria35. On trouve aussi dans les signes le nom de la Sainte Dorothée avec le dessin d’un panier de roses. Il s’agit là sans doute du panier qui, d’après la légende, a été livré à la sainte. Cela a amené le persécuteur de la sainte — protonotaire Théophile — à se reconvertir au christianisme. Dans une des devises ce nom de Théophile apparaît également36.
[p. 89] Conditions économiques et sociales des notaires publics
On peut présenter la situation sociale des notaires publics polonais de deux points de vue. Le premier, c’est la perspective qui englobe toutes les personnes qui, au courant des XIVe et XVe siècles, ont obtenu le titre de notaire public. Leur nombre total était de 2-3 mille au maximum. Presqu’une moitié de ce groupe venait des rangs de la noblesse — plutôt petite. A peu près le même nombre de notaires était d’origine bourgeoise. Les fils de famille paysanne constituaient à peine 5% et se recrutaient le plus souvent des familles de maire de village.
Après être admis au notariat, les notaires suivaient des chemins bien variés. A la lumière de ces estimations incomplètes on peut dire que la moitié du nombre total des notaires n’a plus laissé de trace dans les sources accessibles. Seulement un tiers de ce nombre est repérable, soit avec le titre de notaire, soit dans leur travail dans les chancelleries ecclésiastiques et à la rédaction des documents notariaux.
Les noms des notaires publics qu’on rencontre sur les listes des témoins dans certains documents étaient souvent accompagnés de formules telles que discretus, circumspectus ou bien providus. Cela révèle leur situation des clercs. Dans la hiérarchie, ils étaient placés au même rang que le bas clergé.
En fait, un sur six admis arrivait à l’échelon inférieur de la carrière ecclésiastique. Un sur sept, à l’échelon intermédiaire (p.ex. au rang des chanoines collégiaux). Ils sont très rares plus haut — nous ne trouvons qu’une personne sur quatorze admises parmi les chanoines et prélats cathédraux.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, parmi les officiaux généraux, il y a seulement un sur trois qui était auparavant notaire. Et nous connaissons aussi douze évêques et archevêques qui ont obtenu le titre de notaire public au début de leur carrière. La plupart d’entre eux vivait au déclin des XVe et XVIe s. La moitié travaillait d’abord dans la chancellerie royale. Il en était ainsi avec Jan Łaski (1456-1531), l’archevêque de Gniezno, ancien chancelier — un des personnages éminents de l’histoire de Pologne.
Jusqu’à la moitié du XVe s., les notaires publics constituaient un peu plus de 5% du personnel de la chancellerie royale ; puis ce pourcentage s’est élevé jusqu’à 13%37. On trouve aussi des cas singuliers des notaires publics qui travaillaient dans les chancelleries municipales et dans les tribunaux des nobles.
Ils devenaient aussi fonctionnaires laïcs. Dans les villes ils étaient maires et conseillers. Ils pouvaient difficilement monter dans la hiérarchie des offices de [p. 90] noblesse — même aux échelons inférieurs. Mais nous en connaissons un qui — après avoir passé un certain temps au service du roi — est devenu le châtelain de Gdańsk.
On rencontre des notaires publics dans la catégorie des enseignants. Ils administraient les écoles dans de petites villes et parfois les écoles cathédrales. Il y avaient au moins quelques professeurs d’université et même des recteurs de l’Université de Cracovie possédaient le titre de notaire. On s’aperçoit que ces deux mille personnes constituent un groupe bien hétérogène. Pour la majeure partie des membres de ce groupe l’obtention du titre de notaire et de admissio ne prédéterminait aucunement leur vie future.
En général, ils n’arrivaient pas à la haute position sociale même si certains individus ont pu monter très haut. Car ni le titre de notaire ni le travail avec les documents notariaux n’étaient pas en soi un ressort qui pousserait automatiquement ces gens aux échelons supérieurs de la carrière, sauf une situation passagère qui a eu lieu vers le milieu du XIVe s. A cette époque-là, les notaires possédaient une formation juridique solide et ils étaient rares. Aussi obtenaient-ils souvent la position de juristes — experts dans la diplomatie de l’Église et de la cour royale.
J’ai déjà eu l’occasion de constater que le modèle de la bureaucratie de l’église polonaise qui s’était formé au déclin des XIVe et XVe s. ne laissait guère de place à l’activité autonome des notaires publics. Il serait difficile de trouver au courant du XVe s. quelqu’un qui, en travaillant en dehors des chancelleries de l’Église, aurait gagné sa vie exclusivement avec la rédaction des documents notariaux.
Si l’on veut donc avoir une idée de la situation des gens qui devaient leur position avant tout au titre de notaire public, il faut regarder de plus près les employés des chancelleries d’Église. Ceci constitue le deuxième point de vue que nous avons proposé dans l’introduction. Nous pourrons ainsi compléter le tableau de l’impact social des notaires polonais et faire quelques observations sur leur position économique.
Parmi les notaires de la chancellerie épiscopale, environ 80% étaient notaires publics. Dans la chancellerie consistoriale — pareillement. Étant donné le caractère judiciaire de cette dernière seulement le personnel auxiliaire pouvait y travailler sans avoir le titre de manu publicae. Ainsi, les notaires consistoriaux font le groupe dont l’analyse révèle leur situation sociale et économique des personnes qui vivaient seulement de la rédaction des documents notariaux.
Les notaires consistoriaux exerçaient leur activité dans des centres cathédraux et dans des villes où siégeaient les officiaux régionaux. Le plus souvent, ils étaient ecclésiastiques des ordres inférieurs ou bien ils étaient laïcs. Ils constituaient un groupe difficile à distinguer d’avec les avocats du consistorial. Des fois, ils entraient en conflit les uns avec les autres à cause du montant de leurs honoraires.
Pour une copie la plus simple en papier, ils percevaient la taxe d’l Grosz. Pour un document avec le texte de la sentence — 48 Grosz38. Et au XVe s. en [p. 91] Pologne avec 1 Grosz on pouvait acheter la nourriture quotidienne de 3-5 personnes. En 1480, à Cracovie, la mesure d’environ 100 kg de blé coûtait 8 Grosz. Pour la copie du missel (y compris le parchemin, l’encre et la décoration) le copiste pouvait gagner 192 Grosz.
Les notaires consistoriaux qui travaillaient dans des villes plus grandes s’intégraient dans le milieu bourgeois. Cela a eu lieu à Gniezno, fait confirmé par les recherches d’Antoni Gąsiorowski39. Souvent, les notaires arrivaient dans les villes à partir de l’extérieur. L’un d’entre eux — Buszko — est venu à Gniezno de Zitovlice en Bohême. Plusieurs se sont mariés avec des bourgeoises et ils sont devenus propriétaires de maisons. On peut donc considérer que leurs revenus étaient assez élevés pour gagner et conserver la position de bourgeois-possesseur d’immobilier. A Cracovie vivait un chaudronnier qui habitait dans le voisinage du siège du consistorial et dont la femme empruntait de l’argent au notaire. Cette histoire peut servir d’exemple des liens des notaires avec la bourgeoisie.