Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous presens et advenir, salut. Considerans les grandz maulx et calamitez advenuz par les troubles et guerres desquelles nostre royaulme a esté longuement et est encores de present affligé, et prevoyans la desolation qui pourroit advenir si, par la grace et misericorde de Nostre Seigneur, lesd. troubles n’estoient promptement pacifiez, nous, pour à iceulx mectre fin, remedier aux afflictions qui en procedent, remectre et faire vivre noz subjectz en paix, unyon, repos et concorde, comme tousjours a esté nostre intention, sçavoir faisons que, aprés avoir sur ce prins l’advis, bon et prudent conseil de la royne nostre tres chere et tres honorée dame et mere, de noz tres chers et tres amez freres les duc d’Anjou, nostre lieutenant general, et duc d’Allençon, princes de nostre sang et autres grandz et noapps personnaiges de nostre Conseil privé, avons, par icelluy leur advis et bon conseil, et pour les causes et raisons dessusd. et autres bonnes et grandes considerations à ce nous mouvans, par cestuy nostre present edict perpetuel et irrevocable, dict, declaré, statué et ordonné, disons, declarons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaist ce qui s’ensuyt :
Premierement, que la memoire de toutes choses passées d’une part et d’autre dès et depuis les troubles advenuz en nostred. royaume et à l’occasion d’iceulx, demoure estaincte et assopie comme de chose non advenue ; et ne sera loysible ny permis à noz procureurs generaulx ny autre personne publicque ou privée quelzconques, en quelque temps ny pour quelque occasion que ce soyt, en faire mention, procés ou poursuite en aucune court ou jurisdiction.
Deffendant à tous noz subjectz, de quelque estat et qualité qu’ilz soient, qu’ilz n’ayent à en renouveller la memoire, s’attacquera s'attacher E , injurier ne provocquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, en disputer, contester, quereler ny s’oultrager ou offenser de faict ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme freres, amys et concitoyens, sur peine aux contrevenans d’estre pugniz comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos publicq.
Ordonnons que la Religion catholique et romaine sera remise et restablye en tous les lieux et endroictz de cestuy nostre royaulme et pays de nostre obeïssance où l’exercice d’icelle a esté intermis, pour y estre librement et paisiblement exercée sans aucun trouble ne empeschement sur les peines susd., et que tous ceulx qui durant la presente guerre se sont emparez des maisons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiastiques ou autres catholicques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaisseront l’entiere possession et paisible jouissance en telle liberté et seureté qu’ilz faisoient auparavant qu’ilz en eussent esté dessaisiz.
Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et differendz entre noz subjectz, leur avons permis et permectons vivre et demourer par toutes les villes et lieux de cestuy nostre royaulme et pays de nostre obeïssance sans estre enquis, vexez ny molestez ne abstrainctz à faire chose pour le regardb faict E de la religion contre leur conscience, ne pour raison d’icelle estre recherchez es maisons et lieux où ilz vouldront habiter, pourveu qu’ilz s’y comportent selon qu’il est contenu en ce present edict.
Nous avons aussi permis à tous gentilzhommes et autres personnes, tant regnicoles que autres, ayans en nostre royaulme et pays de nostre obeïssance haulte justice ou plain fief de haubert, comme en Normandye, soit en proprieté ou ususfruict, en tout ou partie, avoir en telle de leurs maisons desd. haulte justice ou fief, qu’ilz nommeront pour leur principal domicile à noz bailliz et seneschaulx, chacun en son destroict, l’exercice de la Religion qu’ilz disent reformée tant qu’ilz y seront residens, et en leurs absances leurs femmes ou familles, dont ilz respondront ; et seront tenuz nommer lesd. maisons à nosd. bailliz et seneschaulx avant que de pouvoir joÿr du benefice d’icelluy. Auront aussi pareilc pareillement E exercice en leurs autres maisons de haulte justice ou dud. fief de haubert tant qu’ilz y seront presens et non autrement, le tout tant pour eulx que leur famille, subjectz et autres qui y vouldront aller.
Es maisons de fief où lesd. de la Religion n’auront lad. haulte justice et fief de haubert, ne pourront faire led. exercice que pour leur famille tant seullement, ne voulant toutesfoys que, s’il y survient de leurs amys jusques au nombre de dix, ou quelque baptesme pressé en compaignye qui n’excede led. nombre de dix, ilz en puissent estre recherchez.
Et pour gratiffier nostre tanted nostre tres chere et tres amée tante E la royne de Navarre, luy avons permis que, oultre ce que cy dessus a esté octroyé ausd. seigneurs haultz justiciers, elle puisse d’abondant en chacune de ses duché d’Albret, contez d’Armaignac, Foix et Bigorre, en une maison à elle appartenant où elle aura haulte justice, qui sera par nous choisye et nommée, avoir led. exercice pour tous ceulx qui y vouldront assister, encores qu’elle en soit absante.
Pourront aussi ceulx de lad. Religion faire l’exercice d’icelle es lieux qui ensuivent, assavoir : pour le gouvernement de l’Isle de France, aux faulxbourgs de Clermont en Beauvoisiz et en ceulx de Crespy en Laonnoys ; pour le gouvernement de Champaigne et Brye, oultre Vezelay qu’ilz tiennent aujourd’huy, aux faulxbourgs de Villenoce ; pour le gouvernement de Bourgongne, aux faulxbourgs d’Arnay le Duc et en ceulx de Mailly la Ville ; pour le gouvernement de Picardye, aux faulxbourgs de Montdidier et en ceulx de Riblemont (sic); pour le gouvernement de Normandye, aux faulxbourgs de Ponteau de Mer et en ceulx de Carrenten ; pour le gouvernement de Lyonnoys, aux faulxbourgs de Charlieu et en ceulx de Sainct-Geny de Laval ; pour le gouvernement de Bretaigne, aux faulxbourgs de Becherel et en ceulx de Kerhez ; pour le gouvernement de Daulphiné, aux faulxbourgs de Crest et en ceulx de Chorguee Chorges E ; pour le gouvernement de Provence, aux faulxbourgs de Merindol et en ceulx de Forcalquier ; pour le gouvernement de Languedoc, oultre Aubenas qu’ilz tiennent aujourd’huy, aux faulxbourgs de Montaignac ; pour le gouvernement de Guyenne à Bergerac, oultre Sainct-Sever qu’ilz tiennent aussi aujourd’huy ; et pour celluy d’Orleans, Touraine, le Mayne et pays Chartrain, oultre Sancerre qu’ilz tiennent, au bourg de Maillé.
Et d’abondant leur avons accordé faire et continuer l’exercice de lad. Religion en toutes les villes où il se trouvera publicquement faict le premier jour du present moys d’aoust.
Leur deffendant tres expressement de faire aucun exercice de lad. Religion, tant pour le ministere que reiglement, discipline ou institution publicque des enffans et autres, fors que es lieux cy dessus permis et octroyez.
Comme aussi ne se fera aucun exercice de lad. Religion pretendue reformée en nostre court ny à deux lieues à l’entour d’icelle.
En semblable n’entendons qu’il soit faict aucun exercice de lad. Religion en la ville, prevosté et viconté de Paris ny à dix lieues à l’entour d’icelle ville, lesquelles dix lieues nous avons limitées et limitons aux lieux qui ensuivent, sçavoir est : Senlys et les faulxbourgs, Meaulx et les faulxbourgs, Melun et les faulxbourgs, une lieue par della Chastres soubz Montlhery, Dourdan et les faulxbourgs, Rambouillet, Houdan et les faulxbourgs, une grande lieue par dellà Meulan, Vigny, Meru et Sainct-Leu de Serans. Ausquelz lieux susd. nous n’entendons qu’il soit faict aucun exercice de lad. Religion, sans toutesfoys que ceulx d’icelle Religion puissent estre recherchez en leurs maisons, pourveu qu’ilz se comportent ainsi que dessus est dict.
Enjoignons à noz bailliz, seneschaulx ou juges ordinaires, chacun en leur destroict, les pourveoir de lieux à eulx apartenans, soit de ceulx qu’ilz ont ja cy devant acquis ou autres qu’ilz pourront acquerir, pour y faire l’enterrement des morts, et que lors de leur decés l’un de ceulx de la maison ou famille l’yra denoncer au chevalier du guet, lequel mandera le fossoyeur de la parroisse et luy commandera qu’avec tel nombre de sergens du guet qu’il trouvera bon de luy bailler pour l’accompaigner et garder qu’il ne se face aucun scandalle, il aille enlever le corps de nuict et le porter aud. lieu à ce destiné, sans convoy plus grand que de dix personnes ; et es autres villes où n’y aura chevalier du guet, y sera commis quelque ministre de justice par les juges des lieux.
Ne pourront ceulx de lad. Religion faire aucuns mariages en degré de consanguinité ou affinité prohibées par les loix receues en ce royaume.
Ne sera faicte difference ny distinction pour raison de religion à recevoir tant es universitez, escolles, hospitaulx, malladeryes que aulmosnes publicques, les escolliers, mallades et pauvres.
Et affin qu’il ne soyt doubté de la droicte intention de nostred. tante la royne de Navarre, nosd.f nosd.tres chers et tres amés E frere et cousin princes de Navarre et de Condé pere et filz, avons dict et declaré, disons et declarons que nous les tenons et reputons noz bons parens, fideles subjectz et serviteurs.
Comme aussi tous les seigneurs, chevaliers, gentilzhommes, officiers et autres habitans des villes, communaultez, bourgades et autres lieux de nostred. royaume et pays de nostre obeïssance, qui les ont suiviz et secouruz en quelque part que ce soyt, pour noz bons, loyaulx subjectz et serviteurs.
Et pareillement le duc des Deux Ponts et ses enffans, prince d’Orenge, conte Ludovic et ses freres, le conte Wolrat de Mansfeld et autres seigneurs estrangers qui les ont aydez et secouruz, pour noz bons voysins, parens et amys.
Et demoureront tant nostred. tante que nosd. frere et cousin, seigneurs, gentilzhommes, officiers, corps des villes et communaultez, et autres qui les ont aydez et secouruz, leurs hoirs et successeurs, quictes et deschargez, comme par ces presentes nous les quictons et deschargeons, de tous deniers qui ont esté par eulx ou leurs ordonnances prins et levez, tant de noz receptes et finances, à quelques sommes qu’ilz se puissent monter, que des villes, communaultez ou particuliers, des rentes, revenuz et argenterie, vente de biens meubles, tant ecclesiasticques que autres, boys de haulte fustaye, soit de nous ou autres, amendes, buttins, rançons, ou autre nature de deniers par eulx prins tant pour l’occasion de la presente que precedentes guerres, sans que eulx ny ceulx qui ont esté par eux commis à la levée desd. deniers ou qui les ont baillez et fourniz en puissent estre aucunement recherchez pour le present ny à l’advenir ; et en demeureront quictes tant eulx que lesd. commis de tout led. maniement et administration en rapportant pour toute descharge acquict de nostred. tante ou de nosd. frere et cousin, et de ceulx qui par eulx auront esté commis à l’audience et closture d’iceulx. Demoureront aussi quictes et deschargez de tous actes d’hostilité, levée et conduicte de gens de guerre, fabrication de monnoye, fonte et prise d’artillerye et munitions tant en noz magazins que de particuliers, confection de pouldres et salpestres, prinses, fortiffications, demantellemens et demolitions de villes, entreprinses sur icelles, bruslemens et demolitions de temples et maisons, establissement de justice, jugemens et execution d’iceulx, voiages, intelligences, traictez, negociations et contractz faictz avecques tous princes et communaultez estrangeres, introduction desd. estrangers es villes et autres endroictz de nostre royaume, et generallement tout ce qui a esté faict, geré et negotié durant et depuis les presens, premiers et secondz troubles, encores qu’il deust estre particulierement exprimé et speciffyé.
Aussi lesd. de la Religion pretendue reformée se departiront et desisteront de toutes associations qu’ilz ont dedans et dehors ce royaulme, et ne feront doresnavant aucunes levées de deniers sans nostre permission, enrollemens d’hommes, congregations ny assemblées autres que dessus et sans armes, ce que nous leur prohibons et defendons sur peine d’estre pugniz rigoreusement et comme contempteurs et infracteurs de noz commandemens et ordonnances.
Toutes places, villes et provinces demoureront et jouyront de mesmes privileiges, immunitez, libertez, franchises, jurisdictions et sieges de justice qu’elles faisoient auparavant les troubles.
Et pour oster toutes plainctes à l’advenir, avons declaré et declarons ceulx de lad. Religion capables de tenir et exercer tous estatz, dignitez et charges publicques, royalles, seigneurialles et des villes de ce royaulme, et estre indifferemment admis et receuz en tous conseilz, deliberations, assemblées, estatz et functions qui dependent des choses susd., sans en estre en sorte quelconque rejectez, ne empeschez d’en jouyr incontinant aprés la publication de ce present edict.
Et ne pourront lesd. de la Religion pretendue reformée estre cy aprés surchargez ny foullez d’aucunes charges ordinaires ny extraordinaires plus que les catholicques, et selon la proportion de leurs biens et facultez. Et neantmoins, actendu les grandes charges que prennent à porter ceulx de lad. Religion, ilz seront deschargez de toutes autres que les villes imposeront pour les despences passées, mais contribueront à toutes celles que nous imposerons, pareillement à celles des villes, à l’advenir, comme les catholicques.
Seront tous prisonniers qui sont detenus soyt par auctorité de justice ou autrement, mesmes es gallaires, à l’occasion des presens troubles, elargiz et mis en liberté d’un costé et d’autre sans payer aucune rançon, n’entendans toutesfoys que les rançons qui ont esté ja payéesg passées E puissent estre repetées sur ceulx qui les auront receues.
Et quant aux differentz qui pourroient intervenir à cause desd. venditions des terres ou autres immeubles, obligations ou ypothecques faictes à l’occasion desd. rançons, comme aussi pour toutes autres disputes dependans du faict des armes qui pourroient survenir, se retireront les parties par devers nostre tres cher et tres amé frere led. duc d’Anjou pour, appellez les mareschaulx de France, en estre par luy decidé et determiné.
Nous ordonnons, voulons et nous plaist que tous ceulx de lad. Religion, tant en general que particulier, retournent et soient conservez, maintenuz et gardez soubz nostre protection et auctorité en tous et chacuns leurs biens, droictz et actions, honneurs, estatz, charges, pensions et dignitez, de quelque qualité qu’ilz soyent, sauf les bailliz et seneschaulx de robbe longue et leurs lieutenans generaulx au lieu desquelz a esté par nous pourveu en tiltre d’office durant la presente guerre, ausquelz sera baillé assignation pour les rembourser de la juste valeur de leursd. offices sur les plus clers deniers de noz finances, si myeulx ilz n’ayment estre conseillers en noz courtz de parlement de leurs ressortz ou Grand Conseil à nostre choix, auquel cas ne seront remboursez que de la plus-valleur desd. offices si elle y eschet, comme aussi payeront les parensus si leurs offices sont de moindre valleur.
Les meubles qui se trouveront en nature, et qui n’auront esté prins par voye d’hostillité, seront renduz à ceulx à qui ilz appartiennent, en rendant toutesfois aux achapteurs le pris de ceulx qui auront esté venduz par auctorité de justice ou par autre commission ou mandement publicq tant des catholicques que de ceulx de lad. Religion. Et pour l’execution de ce que dessus, seront contrainctz les detempteurs desd. biens meubles subjectz à restitution, incontinant et sans delay, nonobstant toutes oppositions ou exceptions, les rendre et restituer aux proprietaires pour le pris qu’ilz en auront payé.
Et pour le regard des fruictz des immeubles, ung chacun rentrera en sa maison et jouyra reciprocquement des fruictz de la cuillette de la presente année, nonobstant toutes saisyes et empeschemens faictz au contraire durant les troubles, comme aussi chacun jouyra des arrerages des rentes qui n’auront par nous esté prinses ou par nostre commandement, permission ou ordonnance de nous ou de nostre justice.
Aussi les forces et garnisons qui sont ou seront es maisons, places, villes et chastaulx appartenans à nosd. subjectz, de quelque religion qu’ilz soient, vuyderont incontinant aprés la publication du present edict pour leur en laisser la libre et entiere jouissance comme ilz l’avoient auparavant en estre desaisiz.
Voulons pareillement que noz chers et bien amez cousins le prince d’Orenge et conte Ludovicq de Nausau (sic) son frere soient effectuellement remys et reintegrez en toutes les terres, seigneuries et jurisdictions qu’ilz ont dans nosd. royaume et pays de nostre obeïssance, ensemble de la principaulté d’Orenge, droitz, tiltres, papiers et documens et dependence d’icelle prinse par noz lieutenans generaulx et aultres noz ministres par nous à ce commis ou autrement, lesquelles seront aud. prince d’Orenge et conte son frere remis et restabliz au mesme estat qu’ilz y estoient auparavant lesd. troubles. Jouyront d’icelles doresnavant et suyvant les provisions, arrestz et declarations accordées par feu de tres louable memoyre nostre tres honoré seigneur et pere le roy Henry (que Dieu absolve) et autres noz predecesseurs roys, comme ilz faisoient auparavant les troubles.
Comme en semblable, nous entendons que tous tiltres, papiers, enseignemens et documentz qui ont esté prins soient renduz et restituez d’une part et d’autre à ceulx à qui ilz appartiennent.
Et pour estaindre et assouppir autant que faire se pourra la memoire de tous troubles et divisions passées, avons declaré et declarons toutes sentences, jugemens, arrestz et procedure, saisyes, ventes et decretz faictz et donnez contre lesd. de la Religion pretendue reformée, tant vivans que mortz, depuis le trespas de nostred. tres honoré seigneur et pere le roy Henry, à l’occasion de lad. Religion, tumultes et troubles depuis advenuz, ensemble l’execution d’iceulx jugemens et decretz, dès à present cassez, revocquez et adnullez. Lesquelz à ceste cause nous voulons estre rayés et ostésh rayées et ostées B des registres de noz courtz tant souveraines que inferieures, comme aussi toutes marques, vestiges et monumentz desd. executions, livres et actes diffamatoires contre leurs personnes, memoire et posterité ordonnons le tout estre osté et effacé, et les places esquelles ont esté faictes pour ceste occasion demolitions ou razemens rendues aux proprietaires d’icelles pour en user et disposer à leurs volontez.
Et pour le regard des procedures faictes, jugemens et arrestz donnez contre lesd. de la Religion en quelconques autres matieres que desd. Religion et troubles, ensemble des prescriptions et saisyes feodales echeuz pendant les presens, derniers et precedens troubles, commanceant l’an mil cinq cens soixante sept, seront estimées comme non faictes, données ny advenues ; et ne pourront les parties s’en ayder aucunement, ains seront remis en l’estat qu’ilz estoient auparavant iceulx.
Ordonnons aussi que ceulx de lad. Religion demeureront aux loix pollitiques de nostre royaume, assavoir que les festes seront gardées, et ne pourront ceulx de lad. Religion besongner, vendre ny estaller lesd. jours bouticques ouvertesi B Omis ; et les jours megres desquelz l’usage de la chair est defendue par lad. Eglise catholicque et rommaine, les boucheries ne s’ouvriront.
Et affin que la justice soyt rendue et administrée à noz subjectz sans suspicion d’aucune hayne ou faveur, nous avons ordonné et ordonnons, voulons et nous plaist que les procés et differentz meuz et à mouvoir entre parties estans de contraire religion, tant en demandant que en defendant, en quelconque matiere civile ou criminelle que ce soyt, soyent traictez en premiere instance devant les bailliz, seneschaulx et autres noz juges ordinaires suyvant noz ordonnances. Et où il escherroit appel en aucune de noz courtz de parlements, pour le regard de celluy de Paris, qui est composé de sept chambres, la Grande, la Tournelle et cinq des Enquestes1, ceulx de la Religion pretendue reformée pourront si bon leur semble, es causes qu’ilz auront en chacune desd. chambres, requerir que quattre, soyt presidens ou conseillers, s’abstiennent du jugement de leurs procés, lesquelz sans aucune expression de cause seront tenuz de s’en abstenir, nonobstant l’ordonnance par laquelle les presidens et conseillers ne se peuvent tenir pour recusezj excusez E sans cause2 ; et oultre ce, contre tous autres presidens et conseillers leur seront reservées toutes recusations de droict suivant les ordonnances.
Quant aux procés qu’ilz auront au parlement de Thoulouse, si les parties ne se peuvent accorder d’autre parlement, seront renvoyez par devant les maistres des requestes de nostre hostel en leur auditoire au Palais à Paris, lesquelz jugeront leurs procés indifferemment en dernier ressort et souveraineté, comme ilz eussent esté jugez en nosd. parlements.
Et pour le regard de ceulx de Rouen, Dijon, Provence, Bretaigne et Grenoble, pourront requerir que six presidentk presidents E ou conseillers s’abstiennent du jugement de leur procés à raison de troys pour chacune chambre, et en celluy de Bourdeaulx à raison de quatre en chacune chambre.
Les catholicques pourront aussi requerir, si bon leur semble, que tous ceulx desd. courts qui ont esté deschargez de leurs estatz pour raison de la religion par lesd. parlements s’abstiennent du jugement de leur procés, aussi sans aucune expression de cause, et seront tenuz iceulx de s’en abstenir. Pareillement leur seront reservées contre tous autres presidens et conseillers toutes les recusations ordinaires et de droict accordées par les ordonnances.
Et parce que plusieurs particuliers ont receu et souffert tant d’injures et dommaiges en leurs biens et personnes que difficilement ilz pourront en perdre si tost la memoire, comme il seroit bien requis pour l’execution de nostre intention, voulans eviter tous inconveniens et donner moyen à ceulx qui pourroient estre en quelque craincte, retournans en leurs maisons, d’estre privez de repos actendant que les rancunes et inimitiez soient adoulcyes, nous avons baillé en garde à ceulx de lad. Religion les villes de La Rochelle, Montauban, Congnac et La Charité, esquelles ceulx d’entre eulx qui ne vouldront si tost s’en aller en leursd. maisons se pourront retirer et habituer. Et pour la seureté d’icelles nosd. frere et cousin les princes de Navarre et de Condé et vingt gentilzhommes de lad. Religion, qui seront par nous nommez, jureront et promectront ung seul et pour le tout, pour eulx et ceulx de leurd. Religion, de nous garder lesd. villes, et au bout et terme de deux ans les remectre es mains de celluy qu’il nous plaira deputer en tel estat qu’elles sont, sans y riens innover ny alterer et sans aucun retardement ou difficulté pour cause ou occasion quelle qu’elle soit ; au bout duquel terme l’exercice de lad. Religion y sera continué comme lorsqu’ilz les auront tenues. Neantmoins voulons et nous plaist que en icelles tous ecclesiastiques puissent librement rentrer et faire le service divin en toute liberté et jouyr de leurs biens, ensemble tous les habitans catholicques d’icelles villes ; lesquelz ecclesiastiques et autres habitans nosd. frere et cousin et autres seigneurs prendront en leur protection et sauvegarde, à ce qu’ilz ne soient empeschez à faire le service divin, molestez ne travaillez en leurs personnes et en la jouissance de leurs biens, mais au contraire remis et reintegrez en la plaine possession d’iceulx. Voulans en oultre que esd. quatre villes noz juges y soient restabliz et l’exercice de la justice remis comme il souloit estre auparavant les troubles.
Voulons semblablement que, incontinant aprés la publication de ced. present edict faicte es deux camps, les armes soient par tousl partout E generallement posées, lesquelles demeureront seullement entre noz mains et de nostred. tres cher et tres amé frere le duc d’Anjou.
Le libre commerce et passaige sera remis par toutes les villes, bourgs et bourgades, pontz et passages de nostred. royaulme en l’estat qu’il estoit auparavant les presens et derniers troubles.
Et pour eviter les viollances et contraventions qui se pourroient commectre en plusieurs de noz villes, ceulx qui seront par nous ordonnez pour l’execution du present edict, les ungs en l’absence des autres, feront jurer aux principaulx habitans desd. villes des deux Religions qu’ilz choisiront l’entretenement et observation de nostred. edict, mectront les ungs en la garde des autres, les chargeront respectivement et par acte publicq de respondre civilement des contraventions qui seront faictes aud. edict dans lad. ville par les habitans d’icelle respectivement, ou bien representer et mectre es mains de la justice lesd. contrevenans.
Et affin que tant noz justiciers et officiers que tous autres noz subjectz soient clairement et avec toute certitude advertiz de noz vouloir et intention, et pour oster tous doubtes, ambiguïtez et cavillations qui pourroient estre faictes au moyen des precedens edicts, nous avons declaré et declarons tous autres edictz, lettres, declarations, modiffications, restrinctions et interpretations, arrestz et registres, tant secretz que autres, deliberations cy devant faictes en noz courtz de parlemens et autres qui par cy aprés pourroient estre faictes au prejudice de nostred. present edict concernant le faict de la religion et des troubles advenuz en cestuy nostre royaulme, estre de nul effect et valeur. Ausquelz et aux derogatoires y contenues avons par icelluy nostred. edict derogé et derogeons, et dès à present comme pour lors les cassons, revocquons et adnullons, declarans par exprés que nous voulons que cestuy nostre present edict soit seur, ferme et inviolable, gardé et observé tant par noz justiciers et officiers que subjectz, sans s’arrester ny avoir aucun egard à tout ce qui pourroit estre contraire et derogeant à icelluy.
Et pour plus grande asseurance de l’entretenement et observation que nous desirons d’icelluy, voulons, ordonnons et nous plaist que tous gouverneurs de provinces, noz lieutenans generaulx, bailliz et seneschaulx et autres juges ordinaires des villes de cestuy nostre royaume, incontinant aprés la reception d’icelluy nostred. edict, jureront de le garder et observer, faire garder, observer et entretenir chacun en leur destroict, comme aussi feront les maires, eschevins, cappitoulx et autres officiers annuelz ou temporelz, tant les presens aprés la reception dud. edict que leurs successeurs, aux sermens qu’ilz ont accoustumé faire à l’entrée de leursd. charges et offices, desquelz sermens seront expediez actes publicques à tous ceulx qui les requerront.
Mandons aussi à noz amez et feaulx les gens de noz courts de parlements que, incontinant aprés le present edict receu, ilz ayent, toutes choses cessantes et sur peine de nullité des actes qu’ilz feroient autrement, [à] faire pareil serment, et icelluy nostred. edict faire publier et enregistrer en nosd. courtz selon sa forme et teneur purement et simplement sans user d’aucunes modifications, restrinctions, declarations ou registres secret[s], ny actendre autre jussion ny mandement de nous, et à noz procureurs generaulx en requerir et poursuivre incontinant et sans delay lad. publication, laquelle nous voulons estre faicte aux deux camps et armées dedans six jours aprés lad. publication faicte en nostre court de parlement à Paris, pour renvoyer aussitost les estrangers. Enjoignans pareillement à noz lieutenans generaulx et gouverneurs de icelluy nostred. edict faire aussi incontinant publier, tant par eulx que par les bailliz et seneschaulx, maires, eschevins, cappitoulz et autres juges ordinaires des villes de leursd. gouvernemens et partout où il appartiendra, ensemble icelluy garder, observer et entretenir chacun en son endroict pour au plus tost faire cesser toute voyes d’hostilité et empescher que toutes impositions faictes ou à faire à l’occasion desd. troubles soient levées aprés la publication de nostre present edict. Ce que dès lors de lad. publication nous declarons estre subject à pugnition et reparation, sçavoir est : contre ceulx qui useront d’armes, force et viollence en la contravention et infraction de cestuy nostre present edict, empeschans le faictm l'effect E , execution ou jouissance d’icelluy, de peyne de mort sans espoir de grace ne remission ; et quant aux autres contraventions qui ne seront faictes par voyes d’armes, force et violance, seront pugniz par autres peynes corporelles, bannissemens, amendes honorables et autres pecunieres selon la gravité et exigence des cas à l’arbitre et moderation des juges à qui nous en avons attribué la cognoissance, chargeans en cest endroict leur honneur et conscience d’y proceder avec la justice et egallité qu’il appartient, sans acception ou difference de personne ny de religion.
Si donnons en mandement ausd. gens tenans nosd. courts de parlemens, chambres de noz comptes, courts de noz aydes, bailliz, seneschaulx, prevostz et autres noz justiciers et officiers qu’il appartiendra ou à leurs lieutenans, que cestuy nostre present edict et ordonnance ilz facent lire, publier et enregistrer en leurs courtz et jurisdictions, et icelluy entretenir, garder et observer inviolablement et de poinct en poinct, et du contenu joÿr et user plainement et paisiblement tous ceulx qu’il appartiendra, cessans et faisans cesser tous troubles et empeschemens au contraire. Car tel est nostre plaisir. En tesmoing de quoy nous avons signé ces presentes de nostre propre main, et à icelles affin que ce soit chose ferme et sapp à tousjours faict mectre et apposer nostre seel.
Donné à Sainct-Germain en Laye, ou moys d’aoust, l’an de grace mil cinq cens soixante et dix et de nostre regne le dixiesme.
Ainsi signé : CHARLES, et plus bas : Par le roy estant en son Conseil, DE NEUFVILLE. Visa.
Leu, publié et enregistré, ouÿ et ce requerant le procureur general du roy. A Paris en Parlement, le unziesme jour d’aoust, l’an mil cinq cens soixante et dix. Ainsi signé : DUTILLET.
Collation est faicte à l’original rendu aud. procureur general du roy, DUTILLET.