Édits de pacification » I. Édit de janvier

I. Édit de janvier

  • B : Arch. nat., X1A 8624, fol. 225 r°-228 v°, registre  : Arch. nat., X1A 8624, fol. 225 r°-228 v°, registre
  • E : Actes royaux, nos 1667-1670 ; Fontanon, t. 4, p. 267-269 ; Isambert, t. 14, p. 124-129 ; Stegmann, p. 8-14.  : Actes royaux, nos 1667-1670 ; Fontanon, t. 4, p. 267-269 ; Isambert, t. 14, p. 124-129 ; Stegmann, p. 8-14.
Articles : Préambule, 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, Clause finale, Date.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. L’on sçait assez quelz troubles et seditions se sont dès pieça et de jour en jour suscitées, accreues et augmentées en ce royaume, par la malice du temps et la diversité des opinions qui regnent en la religion ; et que, quelzques remedes que noz predecesseurs aient tentez pour y pourveoir, tant par la rigueur et severité des punitions que par doulceur, selon leur accoustumée et naturelle benignité et clemence, la chose a penetré si avant en nostred. royaume et dedans les esperitz d’une partie de noz subjectz de tous sexes, estatz, qualitez et conditions que nous nous sommes trouvez bien empeschez, à nostre nouvel advenement à ceste couronne, d’adviser et resouldre les moiens que nous aurions à suivre pour y apporter quelque bonne et salutaire provision. Et de faict, aprés avoir longuement et meurement consulté de cest affaire avec la royne nostre tres cherea tres honorée E et tres amée dame et mere, nostre tres cher et tres amé oncle le roy de Navarre, nostre lieutenant general representant nostre personne par tous noz royaume et pays, et autres princes de nostre sang et gens de nostre Conseil privé, nous aurions faict assembler en nostre court de parlement à Paris nostred. oncle, princes de nostre sang, pairs de France et autres princes et seigneurs de nostred. Conseil privé. Lesquelz, avec les gens de nostred. court, auroient aprés plusieurs conferences et deliberations resolu l’edict du moys de juillet dernier1, par lequel nous aurions entre autres choses defendu, sur peine de confiscation de corps et de biens, tous conventicules et assemblées publicques, avec armes ou sans armes, ensemble les privées où se feroient presches et administrations de sacremens en autre forme que selon l’usaige observé en l’Eglise catholicque, dès et depuis la foy chrestienne receue par les roys de France noz predecesseurs et par les evesques et prelatz, curez, leurs vicaires et deputez, aians lors estimé que la prohibition desd. assemblées estoit le principal moien, en attendant la determination d’ung concile general, pour rompre le cours à la diversité desd. opinions et, en contenant par ce moien noz subjectz en union et concorde, faire cesser tous troubles et seditions. Lesquelles au contraire, par la desobeïssance, duretéb directe B et mauvaise intention des peuples, et pour s’estre trouvée l’execution dud. edict difficile et perilleuse, se sont beaucoup plus accreues et cruellement executées, à nostre tres grand regret et desplaisir, qu’elles n’auroient faict auparavant. Pour à quoy pourveoir, et attendu que led. edict n’estoit que provisionnal, nous aurions esté conseillez de faire en ce lieu autre assemblée de nostred. oncle, princes de nostre sang et gens de nostre Conseil privé pour, avec bon nombre de presidens et principaulx conseillers de noz courtz souveraines par nous mandez à ceste fin, et qui nous pourroient rendre fidelle compte de l’estat et necessité de leurs provinces pour le regard de lad. religion, tumultes et seditions, adviser les moiens les plus propres, utiles et commodes d’appaiser et faire cesser toutes lesd. seditions, ce qui a esté faict. Et toutes choses bien et meurementc bien meurement B digerées et deliberées en nostre presence et de nostred. dame et mere par une si grande et noapp compagnie, nous avons, par leur advis et meure deliberation, dict et ordonné, disons et ordonnons ce qui s’ensuyt, assavoir :

I, [01]^ Voir aussi, II.03, III.14, V.03, VI.03, VII.03, VII.08, VIII.03, VIII.31, XII.03.

Que tous ceulx de la nouvelle Religion ou autres qui se sont emparez de temples seront tenuz, incontinentd E Omis aprés la publication de ces presentes, d’en vuyder et s’en departir, ensemble des maisons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiasticques, en quelque lieu qu’ilz soient situez et assis ; desquelz ilz leur delaisseront la plaine et entiere possession et joïssance, pour en joïr en telle liberté et seureté qu’ilz faisoient auparavant qu’ilz en eussent esté desaisiz.

I, [02]^ Voir aussi, III.14, VII.03, VIII.03, VII.13, VIII.18, VIII.59, XII.25.

Rendront et restitueront ce qu’ilz ont prins des reliquaires et ornemens desd. temples et eglises, sans que ceulx de lad. nouvelle Religion puissent prendre autres temples ne en edifier dedans ou dehors les villes ne donner ausd. ecclesiasticques en la joïssance et perception de leurs dixmes, revenuz et autres droictz et biens quelzconques, ores ne pour l’advenir, aucun trouble, destourbier ne empeschement. Ce que nous leur avons inhibé et defendu, inhibons et defendons par ces presentes, et d’abattre et demolir croix, ymages et faire autres actes scandaleux et seditieux sur peine de la vie, et sans aucune esperance de grace ou remission ; et semblablement de ne s’assembler dedans lesd. villes pour y faire presches et predications, soit en public ou en privé, ny de jour ny de nuict.

I, [03]^ Voir aussi, IV.02, IV.03, V.04, VIII.04, XII.06.

Et neantmoins, pour entretenir noz subjectz en paix et concorde en attendant que Dieu nous face la grace de les pouvoir reunir et remectre en une mesme bergerie, qui est tout nostre desir et principale intention, avons par provision et jusques à la determination dud. concile general, ou que par nous autrement en ait esté ordonné, sursis, suspendu et supersedé, surseons, suspendons et supersedons les defenses et peines apposées tant aud. edict de juillet que autres precedens, pour le regard des assemblées qu’ilz feronte qui se feront E de jour hors desd. villes pour faire leurs presches, prieres et autres exercices de leur Religion ; defendant sur les susd. peines à tous juges, magistratz et autres personnes, de quelque estat, qualité ou condition qu’ilz soient, que lorsque ceulx de lad. Religion nouvelle yront, viendront et s’assembleront hors desd. villes pour le faict de leurd. Religion, ilz n’aient à les y empescher, inquieter, molester ne leur courir sus en quelque sorte ou maniere que ce soit.

I, [04]^

Mais où quelzques ungs vouldroient les offenser, ordonnons à nosd. magistratzf magistrats et officiers E que, pour eviter tous troubles et seditions, ilz les en empeschent et facent sommairement et severement punir tous seditieux, de quelque religion qu’ilz soient, selon le contenu en nosd. precedens edictz et ordonnances, mesmes en celle qui est contre lesd. seditieux et pour le port des armes, que nous voulons et entendons en toutes autres choses sortir leur plain et entier effect et demourer en leur force et vertu.

I, [05]^ Sur les séditions : VII.60, VIII.11, XI.03, XII.17. Sur l'interdiction des injures, II.09, III.11, IV.04, V.02, VI.02, VII.02, VIII.02, XII.02. Sur le port d armes, III.10, V.40, VI.20.

Enjoignonsg Enjoignant E de nouveau suivant icelle à tous noz subjectz, de quelque religion, estat, qualité et condition qu’ilz soient, qu’ilz n’aient à faire aucunes assemblées à port d’armes, et à ne se entre-injurier, reprocher ne provocquer pour le faict de la religion ne faire, emouvoir, procurer ou favoriser aucune sedition, mais vivent et se comportent les ungs avec les autres doulcement et gracieusement sans porter aucunes pistolles, pistolletz, hacquebuttes ne autres armes prohibées et defendues, soit qu’ilz voisent2 ausd. assemblées ou ailleurs, si ce n’est aux gentilzhommes pour les dagues et espées, qui sont les armes qu’ilz portent ordinairement.

I, [06]^

Defendons en oultre aux ministres et principaulx de lad. Religion nouvelle qu’ilz ne reçoivent en leursd. assemblées aucunes personnesh aucune personne B sans premierement s’estre bien informez de leurs vies, meurs et conditions, afin que, si elles sont poursuivies en justice ou condamnées par defaultz et contumace de crime meritant punition, ilz les mectent et rendent à noz officiers pour en faire la punition.

I, [07]^

Et toutes et quantes fois que nosd. officiers vouldront aller esd. assemblées pour assister à leurs presches, et veoir quelle doctrine y sera annoncée, qu’ilz les y reçoivent et respectent selon la dignité de leurs charges et offices ; et si c’est pour prendre et apprehender quelque malfaicteur, qu’ilz leuri luy B obeïssent, prestent et donnent tout l’ayde, faveur et assistance dont ilz auront besoing.

I, [08]^

Qu’ilz ne facent aucuns synodes ne consistoires, si ce n’est par congé ou en presence de l’ung de nosd. officiers, ne semblablement aucune creation de magistratz entre eulx, loix, statutz et ordonnances, pour estre chose qui appartient à nous seul.

I, [09]^ Sur les fêtes, V.34, VI.24, VII.15, VIII.13, XII.20. Sur les mariages, V.14, VII.10, VIII.16, XII.23.

Mais s’ilz estiment estre necessaire de constituer entre eulx quelzques reglemens pour l’exercice de leurd. Religion, qu’ilz les monstrent à nosd. officiers, qui les auctoriseront s’ilz veoient que ce soit chose qu’ilz puissent et doivent raisonnablement faire ; sinon ilz nous en advertiront pour en avoir nostre permission et autrement en entendre noz vouloir et intention.

I, [10]^

Ne pourront en semblable faire aucuns enrollemens de gens, soit pour se fortifier et ayder les ungs les autres ou pour offenser autruy ; ne pareillement aucunes impositions, cueillettes et levées de deniers sur eulx ; et quant à leurs charitez et aumosnes, elles se feront non par quotisation et imposition mais voluntairement.

I, [11]^

Seront ceulx de lad. nouvelle Religion tenuz garder noz loix politicques, mesmes celles qui sont receues en nostre Eglise catholicque en faict de festes et jours choumables et de mariages, pour les degrez de consanguinité et affinité, afin d’eviter aux debatz et procés qui s’en pourroient ensuivre, à la ruyne de la pluspart des bonnes maisons de nostre royaume et à la dissolution des liens d’amytié qui s’acquierent par mariages et aliences entre noz subjectz.

I, [12]^

Les ministres seront tenuz se retirer par devers noz officiers des lieux pour jurer en leurs mains l’observation de ces presentes et promectre de ne prescher doctrine qui contrevienne à la pure parole de Dieu selon qu’elle est contenue au Simbole du concile de Nicene et es livres canonicques du Viel et Nouveau Testament, afin de ne remplir noz subjectz de nouvelles heresies.

I, [13]^

Leur defendant tres expressement, et sur les mesmes peines que dessus, de ne proceder en leurs presches par convices contre la messe et les ceremonies receues et gardées en nostred. Eglise catholicque ; et de n’aller de lieu à autre et de village en village pour y prescher par force contre le gré et consentement des seigneurs, curez, vicaires et marguilliers des paroisses.

I, [14]^ Voir aussi, VII.05, VIII.14, XII.21.

Et en semblable à tous prescheurs de ne user en leurs sermons et predications d’injures et invectives contre lesd. ministres et leurs sectateurs, pour estre chose qui a jusques icy beaucoup plus servy à exciter le peuple à sedition que à le provocquer à devotion.

I, [15]^

Et à toutes personnes, de quelque estat, qualité ou condition qu’ilz soient, de ne recevoir, receller ou retenirj retirer E en sa maison aucun accusé poursuivy ou condamné pour sedition, sur peine de mil escuz d’amende applicable aux pauvres et, où il ne sera solvable, sur peine du fouet et banissement.

I, [16]^

Voulons en oultre que tous imprimeurs, semeurs et vendeurs de placartz et libelles diffamatoires soient puniz pour la premiere foys du fouet, et pour la seconde de la vie.

I, [17]^

Et pour ce que tout l’effect et observation de ceste presente ordonnance, qui est faicte pour la conservation du repoz general et universel de nostre royaume et pour obvier à tous troubles, tumultesk E Omis et seditions, depend du devoir, soing et diligence de noz officiers, avons ordonné et ordonnons que les edictz par nous faictz sur les residences3 seront gardez inviolablement et les offices de ceulx qui n’y satisferont vacans et impetrables, sans qu’ilz y puissent estre remis ne conservez soit par lettres patentes ou autrement.

I, [18]^

Que tous bailliz, seneschaulx, prevostz, et autres noz magistratz et officiers seront tenuz, sans attendre priere ou requisition, d’aller promptement et incontinent la part où ilz entendront que aura esté commis quelque malefice, pour informer ou faire informer contre les delinquens et malfaicteurs et se saisir de leurs personnes et faire et parfaire leurs procés, et ce sur peine de privation de leurs estatz sans esperance de restitution, et de tous dommages et interestz envers les parties.

I, [19]^

Et s’il est question de sedition, puniront les seditieux sans defferer à l’appel, selon (et appellez avec eulx tel nombre de noz autres officiers ou advocatz fameux) qu’il est porté par nostred. edict de juillet4, et tout ainsi que si c’estoit par arrest de l’une de noz courtz souveraines.

I, [20]^

En defendant à nostre tres cher et feal chancellier et à noz amez et feaulx les maistres des requestes ordinaires de nostre hostel tenans les seaulx de noz chancelleries de ne bailler aucuns reliefz d’appel, et à noz courtz de parlement de ne les tenir pour bien relevez, ne autrement empescher la congnoissance de nosd. officiers inferieurs oud. cas de sedition, attendu la perilleuse consequence et ce qu’il est besoing y donner de prompte provision et exemplaire punition.

Si donnons en mandement par cesd. presentes à noz amez et feaulx les gens tenans nosd. courtz de parlement, bailliz, seneschaulx, prevostz ou leurs lieutenans et à tous noz autres justiciers et officiers, et à chacun d’eulx si comme à luy appartiendra, que noz presens ordonnance, vouloir et intention ilz entretiennent, gardent et observent, facent lire, publier et enregistrer, entretenir, garder et observer inviolablement et sans enfraindre, et à ce faire et souffrir contraingnent et facent contraindre tous ceulx qu’il appartiendra et qui pour ce feront à contraindre et proceder contre les transgresseurs par les susd. peines ; et nous avertissantl advertissent E lesd. bailliz, seneschaulx, prevostz et autres noz officiers, dedans ung moys aprés la publication de cesd. presentes, du devoir qu’ilz auront faict en l’execution et observation d’icelles. Car tel est nostre plaisir. Nonobstant quelzconques edictz, ordonnances, mandemens ou defenses à ce contraires, ausquelz nous avons, pour le regard du contenu en cesd. presentes et sans y prejudicier en autres choses, derogé et derogeons. En tesmoing de ce nous avons faict mectre nostre seel à cesd. presentes.

Donné à Sainct-Germain en Laye le dix septiesme jour de janvier, l’an de grace mil cinq cens soixante ung et de nostre regne le deuxiesme.

Ainsi signé sur le reply : Par le roy estant en son Conseil, BOURDIN. Et scellé sur double queue de cire jaunem B Omis .

Lecta, publicata et registrata, audito procuratore generali regis, respectu habito litteris patentibus regis prime diei hujus mensis5, urgenti necessitati temporis, et obtemperando voluntati dicti domini regis, absque tamen approbatione nove Religionis, et id totum per modum provisionis, et donec aliter per dictum dominum regem fuerit ordinatum. Parisiis in Parlamento, sexta die martii, anno Domini millesimo quingentesimo sexagesimo primo. Sic signatum  : DUTILLET.

Collation est faicte à l’original, DUTILLET.


a tres honorée E. b directe B. c bien meurement B. d  E Omis. e qui se feront E. f magistrats et officiers E. g Enjoignant E. h aucune personne B. i luy B. j retirer E. k  E Omis. l advertissent E. m  B Omis.

1 Édit donné à Saint-Germain-en-Laye en juillet 1561, enregistré au Parlement le 31 juillet.
2 Voisent : aillent
3 L’ordonnance d’Orléans de janvier 1561 prescrit la résidence aux baillis et sénéchaux (art. 48) et aux greffiers des parlements et cours souveraines (art . 77).
4 Article 3.
5 Secondes lettres de jussion pour l’enregistrement de l’édit de Janvier, données à Saint-Germain-en-Laye le 1er mars 1562.