Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut1. Chacun a veu et cogneu comme il a pleu à Nostre Seigneur, depuis quelzques années en ça, permectre que cestuy nostre royaume ait esté affligé et travaillé de beaucoup de troubles, seditions et tumultes entre noz subjectz, elevez et suscitez de la diversité des opinions pour le faict de la religion et scrupule de leurs consciences. Pour à quoy pourveoir, et empescher que ce feu ne s’allumast davantage, ont esté cy devant faictes plusieurs assemblées et convocations des plus grandz et noapps personnages de nostre royaume, et par leur bon conseil et advis faict plusieurs edictz et ordonnances selon le besoing et la necessité qui s’offroit, estimant par là prevenir le mal et aller au devant de l’inconvenient qui y pendoit. Toutesfois la malice du temps a voulu, et Nostre Seigneur a aussi par son jugement incogneu (provocqué, comme il fault croire, de noz faultes et pechez), lascher la bride ausd. tumultes, de façon que l’on est venu à mectre les mains aux armes si avant qu’ilz en sont sortiz infiniz meurdres, vengeances, pilleries, forcemens et saccagemens de villes, ruynes de temples et eglises, batailles données et tant d’autres maulx, calamitez et desolations commises et exercées en divers endroictz, que continuant ce mal, et voiant tant d’estrangers desja en nostred. royaume, sachant aussi les preparatifz faictz pour en introduire davantage, la ruynea la ruyne evidente E d’icelluy estre ineviapp, joinct la grande et irreparable perte que à nostre tres grand regret nous avons faicte depuis ces tumultes commancez de tant de princes, seigneurs, chevaliers de nostre ordre, grandz capitaines et gens de guerre, qui est soubz la main de Dieu le vray soustien, appuy, defense et protection de ceste nostre couronne, et ung argument à noz voisins qui auroient mauvaise volunté de nous entamer et invahir, comme nous en avons esté et sommes menassez ; ce que par nous consideré, cherchans tous remedes possibles (encores que graces à Dieu noz forces soient grandes et que en apparence celles des hommes ne nous defaillent), voiant neantmoins que tout le mal et inconvenient qui sort de ceste guerre tourne à la diminution et dommage de nostre royaume, et aiant experimenté avec nostre grande perte tel remede n’y estre propre ny convenable, estant la maladie cachée dedans les entrailles et espritz de nostre peuple, avons estimé que le meilleur et plus utile que y pouvionsb pouvons B applicquer estoit, comme prince tres chrestien dont nous portons le nom, avoir recours à l’infinie grace et bonté de Nostre Seigneur et, avecques son bon ayde, trouver moien de pacifier par nostre doulceur l’aigreur de ceste maladie, en rappellant et reconciliant les voluntez de nosd. subjectz à une union et à la recognoissance qu’ilz doivent tous à nostre obeïssance, à l’honneur de Dieu, bien, salut et conservation de cestuy nostre royaume, en pourvoiant de moien qui puisse retenir et contenter nosd. subjectz ; esperant que le temps, le fruict d’ung bon, sainct, libre et general ou national concile et la vertu de nostre majorité prochaine2, conduicte et dirigée par la main et grace de Nostre Seigneur (qui par sa bonté a eu tousjours soing et garde de ceste couronne), y apporteront cy aprés le seur et vray establissement à son honneur et gloire, repos et tranquilité de nosd. peuples et subjectz. Sur quoy avons bien voulu prendre le bon et prudent conseil de la royne nostre tres chere et tres honnorée dame et mere, de noz tres chers et tres amez cousins les cardinal de Bourbon, prince de Condé, duc de Montpensier et prince de La Roche sur Yon, princes de nostre sang, aussi de noz tres chers et tres amez cousins les cardinal de Guyse, duc d’Aumalle, duc de Montmorency connesapp, pairs de France, duc d’Estampes, mareschaulx de Brissac et de Bourdillon, srs d’Andelot, de Sanssac, de Sipierre et autres bons et grandz personnages de nostre Conseil privé, qui tous ont esté d’advis et trouvé raisonnable, pour le bien publicq de cestuy notre royaume, faire et ordonner ce qui s’ensuyt.
Savoir faisons que nous, suivant icelluy leur bon conseil et pour les causes, raisons et considerations dessusd. et autres bonnes et grandes à ce nous mouvans, avons dict, declairé, statué et ordonné, disons, declarons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaist :
Que doresnavant tous gentilzhommes qui sont barons, chastellains, haultz justiciers et seigneurs tenans plain fief de haubert et chacun d’eulx puissent vivre en leurs maisons, esquelles ilz habiteront, en liberté de leurs consciences et exercice de la Religion qu’ilz disent reformée avec leurs familles et subjectz, qui librement et sans aucune contraincte s’y vouldront trouver, et les autres gentilzhommes aians fief aussi en leurs maisons, pour eulx et leurs familles tant seulement, moiennant qu’ilz ne soient demeurans es villes, bourgs et villages des seigneurs haultz justiciers autres que nous, ouquel cas ilz ne pourront esd. lieux faire exercice de lad. Religion, si n’est par permission et congé de leursd. seigneurs haultz justiciers et non autrement.
Que en chacun bailliage, seneschaulcée et gouvernement tenant lieu de bailliage, comme Peronne, Montdidier et Roye, La Rochelle et autres de semblable nature ressortissans neuement et sans moien en noz courtz de parlement, nous ordonnerons, à la requeste desd. de la Religion, une ville aux faulxbourgs de laquelle l’exercice de lad. Religion se pourra faire de tous ceulx du ressort qui y vouldront aller et non autrement ny ailleurs. Et neantmoins chacun pourra vivre et demourer partout en sa maison librement, sans estre recherché ne molesté, forcé ne contrainct pour le faict de sa conscience.
Que en toutes les villes esquelles lad. Religion estoit jusques au septiesme de ce present moys de mars exercée3, oultre les autres villes qui seront, ainsi que dict est, particulierement specifiées desd. bailliages et seneschaulcées, le mesme exercice sera continué en ung ou deux lieux dedans lad. ville, tel ou telz que par nous sera ordonné, sans que ceulx de lad. Religion puissent s’ayder, prendre ne retenir aucun temple ne eglise des gens ecclesiastiques ; lesquelz nous entendons estre dès maintenant remis en leurs eglises, maisons, biens et possessions et revenuz pour en jouir et user tout ainsi qu’ilz faisoient auparavant ces tumultes, faire et continuer le service divin et accoustumé par eulx en leursd. eglises sans moleste ny empeschement quelconque, ne aussi qu’ilz puissent pretendre aucune chose des demolitions qui y ont esté faictes.
Entendons aussi que la ville et ressort de la prevosté et viconté de Paris soient et demourent exemptz de tout exercice de lad. Religion, et que neantmoins ceulx qui ont leurs maisons et revenuz dedans lad. ville et ressort puissent retourner en leursd. maisons et jouir de leursd. biens paisiblement sans estre forcez ne contrainctz, recherchez ne molestez du passé ne pour l’advenir pour le faict de leurs consciences. Toutes villes seront remises en leur premier estat et libre commerce et tous estrangers mis et renvoyez hors cestuy nostre royaume le plus tost que faire se pourra.
Et pour rendre les voluntez de nosd. subjectz plus contentes et satisfaictes, ordonnons, voulons aussi et nous plaist que chacun d’eulx retourne et soit conservé, maintenu et gardé soubz nostre protection en tous ses biens, honneurs, estatz, charges et offices, de quelque qualité qu’ilz soientz, nonobstant tous decretz, saisies, procedures, jugemens, sentences et arrestz contre eulx donnez depuis le trespas du feu roy Henry nostre tres honoré seigneur et pere, de louable memoire, et execution d’iceulx, tant pour le faict de la religion, voyages faictz dedans et dehors ce royaume par commandement de nostred. cousin le prince de Condé, que pour les armes prises à ceste occasion et ce qui s’en est ensuivy, lesquelz nous avons declarez et declarons nulz et de nul effect et valeurc E Omis , sans ce que pour raison d’iceulx eulx ne leurs enfans, heritiers et ayans cause soient aucunement empeschez en la jouissance de leursd. biens et honneurs, ne qu’ilz soient tenuz en prendre ne obtenir de nous autre provision que ces presentes, par lesquelles nous mectons leurs personnes et biens en plaine liberté.
Et afin qu’il ne soit doubté de la sincerité et droicte intention de nostred. cousin le prince de Condé, avons dict et declaré, disons et declarons que nous reputons icelluy nostred. cousin pour nostre bon parent, fidelle subject et serviteur, comme aussi nous tenons tous les seigneurs, chevaliers, gentilzhommes et autres habitans des villes, communaultez et bourgades et autres lieux de noz royaume et pays de nostre obeïssance qui l’ont suivy, secouru, aydé et accompaigné en ceste presente guerre et durant cesd. tumultes, en quelque part et lieu que soit de nostred. royaume, pour noz bons et loyaulx subjectz et serviteurs, croyant et estimant que ce qui a esté faict cy devant par nosd. subjectz, tant pour le faict des armes que establissement de la justice mise entre eulx, jugemens et execution d’icelle, a esté faict à bonne fin et intention et pour nostre service.
Ordonnons aussi, voulons et nous plaist que nostred. cousin le prince de Condé demoure quicte, et par ces presentes signées de nostre main le quictons, de tous les deniers qui ont esté par luy et par son commandement et ordonnance pris et levez en noz receptes et de noz finances, à quelque somme qu’ilz se puissent monter, et semblablement qu’il demoure deschargé de ceulx qui ont esté, ainsi que dict est, par luy et son ordonnance aussi pris et levez des communaultez, villes, argenteries, rentes et revenuz des eglises, et autres de par luy employez pour l’occasion de la presente guerre, sans ce que luy, les siens ny ceulx qui ont esté par luy commis à la levée desd. deniers (lesquelz, et semblablement ceulx qui les ont fourniz et baillez, en demoureront quictes et deschargez) en puissent estre aucunement recherchez pour le present ny pour l’advenir, ne aussi de la fabrication de la monnoye, fonte d’artillerie, confection de pouldres et salpestres, fortifications de villes, demolitions faictes pour lesd. fortifications par le commandement d’icelluy nostred. cousin le prince de Condé en toutes villes de cestuy nostre royaume et pays de nostred. obeïssance, dont les corps et habitans d’icelles villes demoureront aussi deschargez, et iceulx en deschargeons par cesd. presentes.
Que tous prisonniers, soit de guerre ou pour le faict de la religion, seront respectivement mis en liberté de leurs personnes et biens sans payer aucune rançon, en ce non comprins les volleurs, brigans, larrons et meurdriers, lesquelz ne sont comprins en cesd. presentes.
Et pour autant que nous desirons singulierement que toutes les occasions de ces troubles, tumultes et seditions cessent, reconcilier et unir les intentions et voluntez de nosd. subjectz les ungs envers les autres, et de ceste union maintenir plus facilement l’obeïssance que les ungs et les autres nous doivent, avons ordonné et ordonnons, entendons, voulons et nous plaist que toutes injures et offenses que l’iniquité du temps et les occasions qui en sont survenues ont peu faire naistre entre nosd. subjectz, et toutes autres choses passées et causées de ces presens tumultes, demoureront estainctes, comme mortes, ensevelies et non advenues ; defendant tres estroictement sur peine de la vie à tous nosd. subjectz, de quelque estat et qualité qu’ilz soient, qu’ilz n’ayent à s’attacher, injurier ne provocquer l’ung l’autre par reproche de ce qui est passé, disputer, quereller ne contester ensemble du faict de la religion, offenser ne oultrager de faict ne de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme freres, amys et concitoiens, sur peine à ceulx quid qui y E contreviendront et qui seront cause et motif de l’injure et offense qui adviendroit d’estre sur le champ et sans autre forme de procés puny selon la rigueur de nostre presente ordonnance.
En consideration aussi de laquelle et du contenu cy dessus, et pour faire cesser tout scrupule et doubte, nosd. subjectz se departiront et desisteront de toutes associations qu’ilz ont dedans et dehors ce royaume, et ne feront doresnavant aucunes levées de deniers, enrollement d’hommes, congregations ne assemblées autres que dessus, et sans armes, ce que nous leur prohibons et defendons aussi sur peine d’estre puniz rigoreusement, et comme contempteurs et infracteurs de noz edictze commandemens E et ordonnances.
Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à noz amez et feaulx les gens tenans noz courtz de parlement, chambres de noz comptes, courtz des aydes, bailliz, seneschaulx et autres noz justiciers et officiers qu’il appartiendra ou à leurs lieuxtenans que ceste nostre presente declaration et ordonnance ilz facent lire, publier et enregistrer en leurs courtz et jurisdictions ; et icelle entretenir et faire entretenir, garder et observer inviolablement de poinct en poinct, et du contenu jouir et user plainement et paisiblement ceulx qu’il appartiendra, cessant et faisant cesser tous troubles et empeschemens au contraire. Car tel est nostre plaisir. En tesmoing de quoy nous avons faict mectre nostre seel à cesd. presentes.
Donné à Amboise le dix neufviesme jour de mars, l’an de grace mil cinq cens soixante deux et de nostre regne le troisiesmef B Omis 4.
Ainsi signé : CHARLES, et contresigné : Par le roy en son Conseil, ROBERTET, et seellé du grand seel en cire jaulne sur queue double, et sur le reply :
Lecta, publicata et registrata, audito procuratore generali regis, in presentia superillustrium principum ac dominorum cardinalis a Bourbonio et ducis Montispenserii ad hoc specialiter a domino nostro rege christianissimo missorum. Parisiis in Parlamento, vigesima septima die mensis martii, anno Domini millesimo quingentesimo sexagesimo secundo ante Pascha. Sic signatum : DUTILLET.
Collation est faicte à l’original rendu à monsr le gouverneur de ceste ville et Isle-de-France5, DUTILLET.