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Testaments de guerre de Poilus parisiens (1914-1918) : une édition critique

Première page (Espace de 2 lignes environ laissé blanc)
Ceci est mon testament
(Espace d’une ligne laissé blanc)

L’attaque des lignes allemandes est imminente ; le jour
exact n’en est pas encore fixé, mais il n’est pas loin : l’artillerie,
qui commence aujourd’hui ses tirs de réglage, doit ouvrir
la brèche dans laquelle nous nous précipiterons pour
rompre enfin la ligne ennemie. Sur les pentes de la cote
191 et plus loin sur celles de 185 - dit la chenille - pas
mal des nôtres resteront : je puis en être.

C’est pourquoi il m’a paru convenable de prendre
auparavant quelques petites dispositions - elles seront
courtes - et de dire adieu à ma mère, mon père et à
tous ceux de ma famille que j’aime et chéris.
Ce que je possède – et qui n’est pas grand’chose - objets
laissés 60 rue des Tournelles, ma cantine et un panier
qui sont avec moi aux armées, les quelques sous déposés
à la Société générale et dont le compte est détaillé
par la lettre ci-jointe du 26 Avril 1915 de la Société
générale s’élevant à 3600 f. d’obligations de la Défense
nationale, plus un solde de 226 f. 19, je le laisse à mon
père et à ma mère pour tout emploi qu’ils jugeront
utile.

Je demande simplement que l’on fasse parvenir à
Melle Andrée Le Bihan demeurant 55, rue
Meslay à Paris, le paquet qui est à son adresse dans Deuxième page ma cantine ; cette jeune fille, qui est mon amie, m’aimait, et je
ne crois pas qu’il soit possible de montrer un attachement
aussi grand et sans la moindre arrière-pensée ; elle mérite
tous les égards et l’affection de tous. Personne ne la
préviendra s’il m’arrive le dernier accident ; c’est pourquoi
j’en charge mes parents.

M’étant ainsi, si je puis dire, conformé aux usages du monde
en réglant les derniers petits détails de la vie lorsque la
mort paraît proche, j’envoie un ultime adieu à mes
parents en les priant de n’avoir pas trop de chagrin en
apprenant que j’ai été tué, puisque ç’aura été, comme
on est coutumier de le dire, pour la patrie. Je
quitterai le monde sans trop de regrets car sa monotonie
est trop grande et les moments agréables y sont trop rares.
J’ai terminé.

Jean Ravignon

Troisième page
(Mentions hors teneur postérieures au testament, non éditées) Quatrième page
(Page blanche, non numérisée)