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Testaments de guerre de Poilus parisiens (1914-1918) : une édition critique

Introduction > Origine et nature du projet par Christine Nougaret 

Lisant les Études notariales de Jean-Paul Poisson, j’avais été frappée par son appel à une enquête sur les testaments de la Grande Guerre, négligés par les historiens contemporanéistes. L’auteur, historien du notariat et clerc de notaire, avait pu constater la présence de ce type d’actes à l’office Dufour (étude XLVIII aux Archives nationales, Minutier central des notaires de Paris) où il travaillait, et il en signalait le grand intérêt pour l’histoire des sentiments religieux et patriotiques ; néanmoins une législation restrictive de l’accès et la faible densité de ces actes dans un océan de minutes constituaient autant d’obstacles à une telle recherche. Le raccourcissement des délais de communication de 100 à 75 ans, suite à la nouvelle législation de 2008, et la collecte de minutes qui en a résulté aux Archives nationales permettent aujourd’hui l’ouverture de ces sources.

La présente édition numérique, qui s’inscrit dans le programme sur l’écrit parisien du Centre Jean-Mabillon et dans une recherche sur les écrits du for privé, s’attache aux testaments des Poilus parisiens décédés lors du conflit ou de ses suites. Les résultats présentés sont la première étape d’une enquête plus vaste dans les fonds du Minutier central des notaires de Paris. Trois offices notariaux, qui ont versé leurs archives en 2013, ont été retenus : étude XXXIII (Me Delafon, 6 boulevard de Strasbourg), étude LIX (Me Bossy, 9 rue des Pyramides) et étude LXXXIX (Me Ploix, 25 boulevard Beaumarchais). Leurs minutes ont été systématiquement dépouillées pour la période d’août 1914 à juillet 1922 ; ces huit années couvrent la guerre et l’immédiat après-guerre, qui voit le règlement de la succession de nombreux Poilus décédés de leurs blessures, de maladies contractées au service ou dont la disparition a été reconnue par jugement. En l’absence de répertoires, ceux-ci n’ayant pas été versés, 320 cartons ont été compulsés et 708 testaments masculins repérés. Les mentions portées sur les minutes, croisées avec les données de la base de données des morts pour la France de la Première Guerre mondiale (au sein du portail « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense), ont permis d’identifier 167 testaments olographes de Poilus (23 %), dont 155 sont morts pour la France.

Statistiques (août 1914-juillet 1922)
Nombre de testateurs identifiés Dont : Poilus Dont : morts pour la France
Étude XXXIII 276 30 26
Étude LIX 210 28 28
Étude LXXXIX 703 109 101
Total 1197 167 155

134 de ces testaments, soit 80 %, ont été écrits pendant la durée de la guerre, avec un pic remarquable entre le 1er et le 5 août 1914 (40 % des testaments). À titre de comparaison, seules 5 femmes ont testé pendant la même période. On pourrait donc parler de testaments de l’entrée en guerre. Des dépouillements ultérieurs dans d’autres études parisiennes confirmeront ou infirmeront ce constat.

Date de rédaction des testaments de guerre
Date de rédaction des testaments de guerre
Testaments de poilus écrits entre le 31 juillet et le 5 août 1914
Testaments de poilus écrits entre le 31 juillet et le 5 août
                        1914

Pour l’édition critique, il a été décidé de ne retenir que les testaments de guerre des Poilus morts pour la France, c’est-à-dire ceux écrits entre le 31 juillet 1914 (veille de la mobilisation générale) et le 11 novembre 1918 (jour de l’armistice), soit 134 testaments écrits par 128 testateurs.

En revanche, les études ci-après, sur la procédure de régularisation des testaments de Poilus, sur les spécificités formelles de ces testaments ainsi que l’aperçu sur le Poilu et la mort s’appuient sur l’ensemble du corpus des testaments de Poilus.