Les archives en Afrique de l'Ouest : un patrimoine en mutation
Mardi 24 février 2004
Madame la Directrice, vous m’avez demandé de partager avec vous mes réflexions à haute voix sur « les Archives de l’Afrique de l’ouest : un patrimoine en mutation ». Voilà quelque trente années que j’ai passé un pacte d’amour avec les Archives du Sénégal. Voilà quelque vingt-sept années que je mène un long voyage à travers mon cabinet de Directeur des Archives du Sénégal. Or, en parlant des archives de l’Afrique de l’ouest, je serai forcément amené à m’appesantir sur les Archives du Sénégal qui en constituent l’épicentre, voire « La Holy Mecca » comme disait mon regretté collègue J. Enwere du Nigéria. C’est pourquoi, j’ai quelques inquiétudes. Peut-on, en effet, parler de soi sans en déformer l’image ? Puis-je présenter les Archives du Sénégal que je connais de l’intérieur sans en oublier quelques aspects ? S’il y avait des lacunes, des oublis ou des non-dits, Mesdames, Messieurs, vous voudriez bien m’en excuser.
Commençons d’abord par camper le territoire. Il s’agit de l’Afrique de l’ouest, de ces huit, voire neuf territoires qui ont vécu sous la souveraineté de la France jusqu’aux indépendances, en 1960. Il faut y ajouter les pays qui ont été sous obédience portugaise et ceux qui ont relevé de la domination anglaise pour autant que nous ayons des informations récentes les concernant.
Cette partie de l’Afrique est unie par la géographie et par l’histoire. Elle essaie aujourd’hui, de lier son destin à travers des organisations de caractère politique et économique comme l’Union économique et monétaire de l’ouest africain (UEMOA, 8 pays) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO, 9 pays francophones, 2 lusophones et 4 anglophones).
Quant aux archives, il s’agit du patrimoine produit et reçu par les administrations publiques coloniales et celles de l’indépendance et leurs démembrements, auquel il faut ajouter les archives privées, les copies d’archives faites à partir des services d’archives des anciennes puissances coloniales, les archives orales collectées et conservées d’une manière ou d’une autre et enfin les manuscrits en arabe ou en ajami (caractères arabes pour transcrire des langues africaines : peul, soninké, haoussa…).
I- Les archives du Sénégal
Tout a commencé en 1816, lorsque venant prendre possession du Sénégal sur les Anglais après le Traité de Paris (1815), le Gouverneur Schmaltz fait naufrage au banc d’Arguin. L’épisode du naufrage de la Méduse, immortalisé par Géricault, est trop connu pour que j’aie à y revenir.
En 1816, la France inaugure un nouveau type de colonisation. Le Gouvernement gère lui-même les colonies à la place des compagnies à Charte de l’Ancien Régime. Les archives, désormais, restent sur place et sont confiées à la garde du Contrôleur colonial. Le Secrétaire-archiviste du Gouvernement en assure la gestion. Des répertoires sont élaborés.
Cependant des archives se perdent. Un député, Louis Puech, se targue en 1907 à l’Assemblée nationale d’avoir en sa possession des originaux. Le Ministre des colonies Millies-Lacroix, ainsi interpellé et n’ayant aucune réponse satisfaisante à donner, envoie en décembre 1907 une circulaire aux Gouverneurs pour leur demander d’observer et de faire observer une surveillance plus stricte sur les archives. Martial Merlin, le Gouverneur général de l’AOF, réagit favorablement. C’est ainsi que Claude Faure, archiviste paléographe est recruté en 1911. Le 1er juillet 1913, il fait prendre deux arrêtés par le Gouverneur général. L’un crée le dépôt des Archives de l’AOF à Dakar, l’autre crée, au chef-lieu de chacune des colonies du groupe, un dépôt d’archives. C’était l’acte de naissance des archives en Afrique de l’ouest francophone.
Claude Faure fait un énorme travail de collecte et de sauvetage des archives. En 1920, il quitte Dakar où il est remplacé par un archiviste paléographe Prosper Alquier (1921-1922). À leur suite, André Villard, (1936-1942), Marguerite Verdat (1945-1948) puis Jacques Charpy (1952-1958) et enfin Jean-François Maurel (1958-1976), tous archivistes paléographes, sont placés à la tête des Archives de l’AOF.
C’est l’occasion de rendre hommage à cette maison-mère, l’École nationale des chartes, qui a su donner à l’Afrique un personnel d’une très grande qualité qui avec « effort, conscience et probité » a su protéger et sauver cette « mémoire partagée » entre la France et l’Afrique qu’est le fonds des Archives de l’AOF.
Mais surtout, Jean-François Maurel aura réussi, en 1959, à convaincre les autorités françaises, de ne pas rapatrier en France les archives de l’AOF. Ainsi le fonds de l’AOF constitue une exception, que nous nous plaisons aujourd’hui au Sénégal à ranger parmi « les exceptions sénégalaises ». Contrairement, en effet, aux archives de l’Indochine, de Madagascar, de l’AEF, ou de l’Algérie qui, au nom du principe de souveraineté, se retrouvent aujourd’hui au Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM) à Aix-en-Provence, les archives de l’AOF sont restées à Dakar. Depuis 1961, les archives sont microfilmées. Il se retrouve aux Archives nationales, à Paris et à Aix. L’opération de microfilmage qui connaît actuellement un essoufflement que l’on espère passager va certainement reprendre incessamment ; c’est la volonté exprimée par le Sénégal et par la France, et le souhait de tous les chercheurs.
Il est constant que la dévolution juridique du fonds de l’AOF pose problème. Il est arrivé en effet que des hommes politiques, peu au fait de la chose archivistique, réclament la restitution des archives de leur pays alors qu’en fait il s’agit d’archives relatives à l’histoire de leur pays et conservées dans le fonds AOF.
Les questions de contentieux archivistiques ont été évoquées aux Conférences internationales de la table ronde des Archives (Cagliari, 1977 et Thessaloniki, 1994). À la suite des recommandations de ces conférences, on peut considérer que le fonds de l’AOF constitue un « patrimoine commun » ; cela signifie que « physiquement le fonds est conservé intact dans l’un des pays concernés, où il est intégré dans le patrimoine archivistique national, avec toutes les responsabilités en matière de sécurité et de traitement que cela implique pour l’État qui agit en propriétaire de ce patrimoine ».
Aujourd’hui, plusieurs pays ont fait l’effort de faire faire le microfilm de tout ou partie des archives relatives à l’histoire de leur pays conservées dans le fonds AOF. Il s’agit de la Guinée, de la Mauritanie et plus récemment du Niger.
Mais en fait, pour bien faire, il aurait fallu que l’intégralité du fonds fît l’objet d’une numérisation et qu’ainsi chacune des parties pût y accéder librement. La France et les anciens pays de l’AOF y songent. La Francophonie, notamment l’INTIF (Institut francophone des nouvelles technologies de l’information et de la formation) peut aider à cela.
Les Archives du Sénégal comprennent en leur sein les Archives de l’AOF . Les deux fonds recèlent des archives coloniales. C’est aussi le cas dans les pays de l’Afrique francophone.
Les archives coloniales portent la marque de la colonisation. Elles sont, en effet, filles des institutions coloniales quand bien même elles constituent incontestablement des sources de l’histoire africaine. Bien sûr, elles avaient été regroupées pour illustrer la geste coloniale. La conquête militaire (articles de Claude Faure), la mise en valeur du Sénégal (Georges Hardy, 1921) l’apport de la civilisation française à l’Afrique (l’enseignement présenté comme une conquête morale) et même l’Histoire du Sénégal (1943) d’André Villard en sont des témoins.
Mais elles ont servi à plus. Les Africains et les spécialistes de l’histoire africaine les ont en effet décryptées comme de véritables sources de l’histoire africaine. Elles ont en effet été produites et reçues sur le sol africain (principe de territorialité). Elles concernent les Africains dans leur écrasante majorité (principe de pertinence). Il ne restait qu’à en faire la critique. C’est désormais chose faite. Ainsi, elles appartiennent au patrimoine de l’Afrique et les Africains les considèrent comme tel. Ils ont bien raison.
II- Les archives de l’Indépendance
Au moment des indépendances, des efforts ont été consentis par les gouvernements pour doter les pays de services d’archives. L’enjeu est le développement de la nation et les archives sont regardées et entretenues comme un outil au service du développement. D’ailleurs, la plupart des services d’archives sont rattachés, soit à la Présidence de la République (Burkina Faso), soit à la Primature (Sénégal), soit au ministère de l’intérieur (Côte d’Ivoire). On veut présenter les archives comme un service interministériel capable de fournir des informations rétrospectives dont a besoin toute administration dynamique.
Pour atteindre cet objectif, du personnel est formé, des locaux sont aménagés, une législation est prise.
La formation du personnel se fait à l’EBAD ( École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar) qui a pris, depuis 1970, le relais du CRFB (Centre régional de formation des bibliothécaires) créé par l’UNESCO à Dakar, en 1966. L’EBAD forme des archivistes de l’Afrique francophone et également ceux de l’Afrique lusophone (Guinée-Bissau et Cap Vert). Au Ghana, une école similaire est ouverte pour les pays anglophones. Elle aura moins de succès que l’EBAD qui continue, elle, à élargir son champ et à diversifier son action. En 1982, un second cycle est ouvert tandis qu’on réfléchit aujourd’hui sur une filière doctorale. Depuis quelque quatre ans, elle a entrepris, avec succès, la formation à distance.
Si des locaux ont été aménagés ça et là pour abriter les archives, la crise pétrolière des années 70 et l’irruption du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale dans l’économie de nos pays avec leurs programmes d’ajustement structurel ont quelque peu freiné l’enthousiasme des années 60. Il faut attendre les années 1990-2000 pour qu’une politique de construction de bâtiments reprenne. C’est le cas au Bénin, au Mali, au Niger et au Ghana, où des bâtiments autonomes sont construits pour les archives. La Guinée et le Cap-Vert ont réhabilité de vieux bâtiments.
Curieusement, le Sénégal qui avait un projet de construction depuis 1972, reste cloué sur la ligne de départ. Et pourtant, le projet avait connu un début de réalisation, mais l’alternance politique survenue le 19 mars 2000 y a mis fin sans que de nouvelles perspectives ne se dessinent.
En ce qui concerne la législation, elle repose essentiellement sur des décrets d’organisation et de fonctionnement. Seuls quelques pays, comme le Sénégal, disposent d’une loi d’archives. Le délai trentenaire mobile est adopté pour l’accès aux documents. Tenant compte de l’évolution de la démocratie et des exigences de la nouvelle citoyenneté qui demande plus de transparence dans les actes du gouvernement et davantage d’accès à l’information administrative, le gouvernement du Sénégal d’avant l’alternance a créé en 2000 une commission nationale sur l’accès à l’information administrative et sur la protection des renseignements personnels. Un projet de loi et un projet décret ont été élaborés et soumis à l’appréciation du gouvernement entre novembre 2002 et aujourd’hui. C’est encore l’occasion de rendre hommage au premier chartiste sénégalais, au grand-frère, confrère et néanmoins ami, Seydou Madani Sy qui, avec compétence, dévouement et engagement, a assuré la présidence de cette commission. Il faut souhaiter que ces textes seront adoptés dans un avenir proche car, sans nul doute, l’expérience sénégalaise va alors déteindre sur la région et sur l’Afrique entière.
Enfin, il faut signaler que si les archives sont au service du développement, c’est parce qu’elles sont également au service de la recherche en sciences humaines, sociales, juridiques et économiques. Elles sont un véritable laboratoire où se préparent des thèses, des mémoires, des ouvrages, des articles. À Dakar, les chercheurs viennent du Sénégal, de l’Afrique, de la France mais également des États-Unis, du Canada, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne et des Pays-Bas. Les chercheurs, quelle qu’en soit la nationalité, reçoivent le même traitement et bénéficient des mêmes conditions d’accueil que les nationaux sénégalais.
III-Les archives aujourd’hui et demain
Des nouveautés viennent investir le champ de l’archivistique contemporaine en Afrique. Il s’agit de l’oralité, des manuscrits en arabe et des nouvelles technologies de l’information de la communication.
1) Les archives orales
L’Afrique n’as pas le monopole de l’oralité. L’exemple de pays européens, comme la Finlande (geste de Kalevala) prouve à l’envi que même des pays dotés d’écriture pratiquent l’oralité. Mais en Afrique, elle prend une dimension exceptionnelle du fait même de la rareté et de la présence tardive de l’écrit. Le griot, en effet, y est le responsable de l’information, de sa vie, de son intégrité et de son authenticité. Cependant, il est arrivé que les traditions détenues par les griots aient été consolidées par écrit, soit par des lettrés musulmans (Siré Abbas Sow), soit par d’anciens élèves de l’école française (Rawane Boye, Yoro Diao, Amadou Wade), soucieux qu’ils sont tous de préserver les chroniques de leurs pays.
Cependant, l’écriture n’a pas tué l’oralité qui demeure l’une des sources principales de l’histoire africaine. À ce sujet, il faut faire une distinction entre la tradition orale et l’histoire orale ; la tradition orale porte en effet sur les souvenirs du passé, transmis oralement et qui sont le produit de la dynamique d’une culture. Elle est différente de l’histoire orale qui porte sur la collecte de témoignages oraux sur une période récente de l’histoire et qui vient compléter des sources écrites existantes. À l’histoire orale et à la tradition orale, il faut ajouter les archives sonores et audiovisuelles des radios et télévisions.
L’UNESCO a bien compris l’importance de l’oralité, qui dès 1967, a créé, d’une part en Afrique de l’ouest, à Niamey, le Centre d’étude linguistique et historique par la tradition orale (CELTHO), et d’autre part en Afrique centrale, à Yaoundé, le Centre régional de recherche et de documentation sur les traditions orales et pour le développement des langues africaines (CERDOTOLA). Ces deux institutions travaillent à la collecte et à la conservation de la tradition orale. Plus près de nous, l’oralité constitue une source de préoccupation pour les décideurs qui sont conscients du rôle qu’elle peut jouer pour « le rétablissement des droits des peuples déniés aux autochtones et pour la reconstitution de leur identité ».
C’est ainsi qu’en marge de la XXXVIIe CITRA, réunie à Cape Town, un groupe de dix ministres de l’Afrique orientale et australe, responsables du patrimoine archivistique de leur pays, a publié le 21 octobre une « Déclaration sur les archives en Afrique ». Ils déclarent en effet que « le patrimoine archivistique de l’Afrique tant écrit qu’oral ou électronique constitue une ressource précieuse qui doit être correctement gérée, conservée avec soin et rendue accessible à tous aussi bien pour la génération actuelle que les générations futures ».
À la suite de cette Déclaration qui fera certainement date, les participants à la XXXVIIe CITRA ont invité dans leurs recommandations les gouvernements africains à organiser en liaison avec le Conseil international des archives (CIA), « une conférence panafricaine sur la gestion et la conservation de la tradition orale dans une perspective interdisciplinaire ».
2) Les manuscrits
Mais si l’Afrique revendique l’oralité, elle semble également avoir aménagé au sein du patrimoine africain une place pour les manuscrits écrits en arabe et en ajami (caractères arabes pour transcrire des langues africaines : peul, soninké, haoussa…).
L’islamisation progressive de l’Afrique noire a donné naissance à l’émergence d’une élite locale qui sait lire, écrire et comprendre l’arabe. C’est ainsi que certains d’entre eux ont contribué à l’expansion des Belles lettres, en consolidant des traditions orales existantes. C’est le cas de Es Saadi (1596-1655) auteur du Tarikh Es sudan, traduit par Houdas (1898-1899), de Mahmoud Kati auteur, du Tarikh El Fattah, traduit par Maurice Delafosse en 1913. Plus près de nous, Cheikh Moussa Kamara (1864-1945) a rédigé entre autres, L’histoire du Fouta, traduite par Jean Schmitz avec le concours du CNRS en 1998.
Mais notons bien que le manuscrit arabe, c’est aussi bien l’ouvrage volumineux que la simple pièce de quelques lignes où est fixée une reconnaissance de dettes, ou la lettre rédigée sous la dictée du prince adressée à tel ou tel autre souverain. Ces manuscrits, quels qu’en soit le volume ou la teneur, ont droit à notre considération et ont leur place dans les dépôts d’archives.
Mais si certains manuscrits écrits en arabe ou en ajami ont pu être connus et traduits, il n’en demeure pas moins que bon nombre d’entre eux sont conservés soit dans des chartriers familiaux, soit dans des institutions. Parmi les institutions, on peut citer, en Mauritanie, l’Institut mauritanien de recherches scientifiques (IMRS), au Mali, le Centre Ahmed Baba (1556-1621) devenu l’Institut des hautes études et de recherches islamiques, au Sénégal, l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) qui dispose de quatre fonds (Vieillard, Brevié, Figaret et Kamara), au Niger, l’Institut de recherches en sciences humaines (IRSH) et le fonds Boubou Hama. On trouve également de nombreux manuscrits au Ghana et au Nigéria.
À ces manuscrits conservés sur le sol africain, il faut ajouter les manuscrits capturés pendant l’époque coloniale. On peut citer à titre d’exemple, la Bibliothèque d’Elhadj Omar Tall (1796-1864) prise par Archinard en 1890 et conservée actuellement à la Bibliothèque nationale de France et le fonds Gironcourt (223 manuscrits), conservé à la Bibliothèque de l’Institut en France.
Les manuscrits font partie du patrimoine archivistique de l’Afrique de l’ouest et de tout le continent. C’est pourquoi un projet de collaboration a été établi entre les Républiques du Mali et de l’Afrique du Sud pour la sauvegarde des manuscrits du centre Ahmed Baba.
3) Les nouvelles technologies
Les institutions d’archives de l’Afrique de l’ouest, à l’instar de celles des autres pays du monde, sont confrontées à l’irruption des archives nouvelles dans le champ archivistique. Si certains pays commencent timidement à mettre en place des programmes d’informatisation, d’autres sont déjà présents sur la toile et mettent à la disposition des utilisateurs des copies d’archives numérisées. C’est le cas du Bénin, du Cap Vert, du Ghana et du Sénégal qui sont partenaires dans le projet de numérisation des archives de la traite des esclaves. Ce projet, financé par le Fonds norvégien d’aide au développement (NORAD) et géré par l’UNESCO, a pour objectif la constitution et la mise en ligne d’une base de données sur les sources d’archives relatives à la traite des esclaves.
Enfin le dernier Sommet mondial de la société de l’information tenu à Genève du 10 au 12 décembre 2003 a fortement recommandé que tout soit mis en œuvre pour mettre fin à la fracture numérique entre l’Afrique et le monde développé, en proposant notamment la création du fonds de solidarité numérique.
4) La coopération ou le partenariat au développement
Le monde bouge. De nouvelles solidarités se créent. Il apparaît clairement aujourd’hui que l’aide des pays développés n’a pas permis d’atteindre les objectifs d’une politique de gestion globale des archives. C’est pourquoi, il faut d’une part, certes réactiver la coopération internationale, mais d’autre part, et surtout, s’appuyer sur ses propres ressources.
En ce qui concerne la coopération internationale, les pays francophones continuent à attendre des gestes significatifs de la coopération française. Ils sont également demandeurs auprès de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie et particulièrement auprès de l’INTIF (Institut francophone des nouvelles technologies de l’information et de la formation) dont on espère un appui et une assistance, notamment pour la numérisation de nos fonds et partant pour un large partage des ressources documentaires de l’Afrique de l’ouest.
Mais l’Afrique compte aussi sur elle-même. Elle a mis en place le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) qui entend utiliser des sources de financement privé. Ce programme, initié par les Présidents Abdoulaye Wade (Sénégal), Thabo Mbéki (Afrique du Sud), Olesegun Obasanjo (Nigéria), Abdel Aziz Bouteflika (Algérie) et Hosni Moubarak (Égypte), a fait option d’un développement de l’Afrique à partir de régions et non plus à partir d’États. Ainsi l’Afrique est divisée en cinq régions : Afrique du nord, Afrique de l’ouest, Afrique centrale, Afrique de l’est et Océan indien, Afrique australe.
Parmi les programmes prioritaires figurent la maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de communication. C’est pourquoi il faut se réjouir qu’en marge de la XXXVIIe CITRA, les ministres responsables du patrimoine archivistique des dix États de l’Afrique orientale et australe aient souhaité que les programmes de développement des archives soient coordonnés dans le cadre de l’Union africaine et du NEPAD, « afin d’avoir une administration plus ouverte et responsable et une bonne gouvernance pour que le continent puisse se développer dans les meilleures conditions ».
Conclusion
Les archives sont devenues un enjeu de la bonne gouvernance et de la démocratie. Le patrimoine archivistique en Afrique s’est élargi à l’oralité, aux manuscrits et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les Africains ont décidé de se prendre en charge. Il s’agit là de perspectives heureuses dont on ne peut que se réjouir.