Le gouvernement provisoire nommé par acclamation avait rudement à faire. Sa base était peu solide, sa puissance chaque jour contestée et son action constamment paralysée. Déjà des germes de division existaient dans son sein, composé d’hommes parfaitement antipathiques que les polémiques antérieures avaient aigri les uns contre les autres.
Le gouvernement provisoire pouvait peu pour la France . Chaque jour il lui fallait accueillir des bavards qui venaient le déranger de ses occupations multiples. Le journalisme légitimiste, orléaniste, bonapartiste l’attaquait sans cesse ; les clubs socialistes le déchiquetaient à belles dents : le 28 février 1848 M. Blanqui disait dans son club de la rue Bergère 1 que la révolution était à recommencer ! Le gouvernement avait contre lui produit de la révolution, les intérêts matériels lésés par la révolution. Comment pouvait-il agir ? Comment pouvait-il vivre ? Il ne fit rien et mourut !
Première expression d’un peuple ébloui par la victoire, les membres du gouvernement provisoire devaient s’attendre à cela ; il fallait que d’entre eux il s’éleva un homme qui prit hardiment en main les rênes de la révolution et la mena à bien. Un seul le pouvait ; il ne le fit point : c’est la seule faute peut-être de M. Ledru-Rollin . Rempli d’excellentes intentions, animé d’un désintéressement sans bornes, M. Ledru-Rollin fut, comme beaucoup d’autres, étourdi de l’arrivée de la république tant désirée mais si peu prévue. Il prit au sérieux la souveraineté populaire, lui donna la plus grande expansion connue, la respecta dans ses écarts, dans ses brutalités, dans ses calomnies [...]