Belle-Île, 15 décembre 1851.
Je t’écris une lettre bien courte, parce que je l’insère dans celle que j’adresse à mère .
Je suis à Belle-Île depuis le 30 novembre 1851. Je t’avoue que je m’étais fait une idée très inexacte de Belle-Île. Nous n’avons eu à souffrir que pendant les 42 heures de voiture cellulaire. Arrêtés par la neige dans les montagnes de Tarare 1 , nous avons eu fort peu d’agrément.
Il y a eu de tristes événements à Paris et ailleurs. Un journal disait que vous étiez à Paris, et j’ai eu à ce sujet une inquiétude terrible. Enfin, mère m’a parlé de toi, de manière à me rassurer. M. Bonaparte n’y a pas été de main morte. Voilà un homme qui entend la dictature. Je ne pense pas malgré cela qu’il suffise à la situation qu’il s’est faite. La question financière le tuera, s’il n’entre pas dans une voie large et il ne le peut pas car son armée est son principal budgétivore et il n’y peut toucher.
Mère te dira la rencontre heureuse que j’ai faite à la prison de Belle-Île. Le directeur actuel a fonctionné dans le Nord pendant ton commissariat, et il a eu la loyauté de me le dire et de m’exprimer son désir de m’être agréable à cause de toi. Ce monsieur dirigeait la prison de Loos.
Ah, mon cher ami, quelle cacophonie que la colonie de Belle-Île. Il y a là un certain nombre de gaillards qui ont eu maille à partir avec la justice. Je comprends maintenant les articles de l’Assemblée nationale 2 , la moitié des détenus de Belle-Île justifient les accusations qui nous révoltaient.
On y est convenablement nourri, chaudement vêtu avec des effets neufs ; on y est pas mal. Prochainement je t’écrirai plus longuement sur la vie de Belle-Île.
Je travaille et je travaillerai mieux si j’obtiens une cellule au [...]