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Édition critique des carnets de prison et de la correspondance privée d’Henri Delescluze à Belle-Île (1851-1853)

Archives nationales, 494AP/1, dossier 3 : lettre 7, page 1 : cliquer pour consulter l’image avec la visionneuse des Archives nationales
Archives nationales, 494AP/1, dossier 3 : lettre 7, page 1

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Écrit le 24 novembre 1852

Mon cher ami ,

Notre correspondance est rare ; de ma part, cela peut s’excuser ; notre vie ici est tellement uniforme qu’elle ne peut rien présenter d’intéressant à se communiquer. J’apprends de temps en temps par Mère toutes les peines que tu éprouves pour mettre en train votre affaire : des procès continuels vous sont intentés et dans le sein même de votre administration, des fautes graves ont été commises, j’ai su tout cela ; et j’ai pris une bien vive part à tous les ennuis, tous les chagrins que tu as dû en éprouver. Mais depuis deux mois bientôt, j’ignore où tu en es, si tu as surmonté les difficultés de toute nature qui vous empêchaient d’arriver.

Je suis bien tourmenté de notre pauvre Mère  : cela me rend la prison plus dure que jamais. À son âge, être réduite à de telles extrémités, c’est épouvantable. Si tu pouvais réussir, au moins, elle serait à l’abri de la gêne ; tu dois bien souffrir aussi de les savoir dans de si cruels embarras ; écris-moi à la prochaine occasion et donne-moi de tes nouvelles avec le plus de détails qu’il te sera possible.

Nous ne sommes pas trop mal et, sauf la nourriture assez fade et peu variée, on est ici aussi bien que possible. Moi, personnellement, je ne puis que me louer des procédés que l’on a ; on se préoccupe ici beaucoup de l’amnistie ; on l’espère au moins partiellement. Nous verrons.

Je travaille avec assez de zèle ; beaucoup de choses malheureusement me manquent. Si tes affaires tournent bien, dans quelques mois, je te les demanderai.

J’écris à Mère en même temps qu’à toi ; je la console le plus qu’il m’est possible ; du reste, je lui dis ce que je pense, lorsque je lui exprime toute la confiance que j’ai en toi, en ton activité et en ta persévérance.

Au revoir,  frère, ma lettre est courte, mais tu connais bien, j’espère, toute mon affection pour toi, ainsi des paroles inutiles ne l’augmenteraient point.

Crois donc à ma sincère amitié, je t’embrasse de cœur. Tout à toi
Henri Delescluze

(P.S. : ) J’ai appris avec infiniment de peine la mort de ce pauvre Cournet . Comment les témoins ont-ils pu autoriser un duel entre proscrits ? On les blâme beaucoup.