Belle-Île, 19 février 1853 1 .
Je ne reçois pas de tes nouvelles ; tu es donc bien fâché contre moi ; il n’y a pourtant pas de motifs sérieux, en définitive. Vois-tu, lorsque l’on vit comme nous, on n’a pas toujours le cœur content et alors le moindre choc aigrit, si choc il y a. Depuis trois mois, j’étais souffrant de l’estomac, j’étais ennuyé, j’étais pauvre, je n’avais guère d’espoir de voir finir ma gène et dans ces conditions on n’est guère bon, on est défiant, injuste, enfin on ne vaut pas le Diable ! D’ailleurs, tu ne peux pas douter de ma vive affection pour toi, pas plus que je ne puis douter de la tienne. Ainsi je pense bien qu’à l’heure qu’il est tu n’es plus en colère contre moi.
Ta situation est loin d’être gaie, je le crois, mais la prison, mais les prisonniers, c’est encore bien pis. Il n’y a plus ici que des pauvres et des riches ; aux premiers l’isolement, l’ennui, aux autres les agréments que peut comporter la localité. C’est quelque fois pénible. Tu ne peux donc pas te figurer la vie qu’on mène ici.
Mère me dit que tu donnes beaucoup de [...]