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Édition critique des carnets de prison et de la correspondance privée d’Henri Delescluze à Belle-Île (1851-1853)

Archives nationales, 494AP/1, dossier 4 : carnet 1, page 76 : cliquer pour consulter l’image avec la visionneuse des Archives nationales
Archives nationales, 494AP/1, dossier 4 : carnet 1, page 76

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Hier j’ai assisté à un singulier spectacle : un de nos co-détenus, un jeune homme de 22 ans nommé Montlouvier est atteint d’une curieuse maladie qui doit être considérée plutôt comme une névrose que comme une affection cataleptique ou épileptique.

D’abord, il est pris d’un assoupissement, d’un affaissement tels qu’il est obligé de se coucher. Dans les premières minutes, ses yeux se ferment ; peu à peu ses membres se raidissent, ses lèvres s’avancent en se rejoignant ; ses mains se ferment. Alors, des crises nerveuses s’emparent de lui. Il se tord sur son lit et on le surveille pour qu’il n’en tombe point brusquement. Au bout d’un quart d’heure, il se met sur son séant ; son attaque nerveuse est passée, le mal gît dans le cerveau.

Il regarde de tous côtés ; une certaine anxiété se peint dans ses mouvements ; ses yeux et ses mains sont toujours fermés. Il se lève tout à fait ; son premier soin est d’examiner le dessous de son lit ; puis il commence une inspection dans toute la chambre.

Hier, ses mouvements désordonnés pendant l’attaque de nerfs avaient rabattu son bonnet de coton sur les yeux ; nous étions donc persuadés qu’il ne voyait aucunement.

Un fait curieux s’est passé  :

Dans un jour ordinaire qu’il jouissait complètement de sa santé, il se trouvait seul avec moi : il tenait la hache à fendre le bois et il souriait. Je lui en demandais la cause. Il me répondit : Devinez. Le regardant fixement, je lui dis en riant : Vous pensez qu’il vous serait facile de vous débarrasser de moi, si vous aviez quelque motif de haine contre ma personne ? [...]