Biographie d’Henri Delescluze > L’expérience du journalisme
La Révolution de 1848, avec l’avènement du gouvernement provisoire où sont présents de nombreux amis de Charles Delescluze, dont Ledru-Rollin, ministre de l’Intérieur, fait apercevoir à Henri Delescluze une possible ascension sociale, difficile sous le précédent régime où il ne disposait d’aucun protecteur. Il tente alors d’activer les réseaux des républicains arrivés au pouvoir pour obtenir plusieurs « places », dont un emploi dans l’administration des chemins de fer. Mais ses espoirs sont déçus, et il se retrouve démuni en juin 1848, ayant quitté son emploi au début de l’année. Son frère revenu à Paris (il avait été commissaire de la République pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais jusqu’en mai 1848) vient à son secours et l’emploie dans le journal qu’il crée en automne 1848. Le 7 novembre paraît le premier numéro de La Révolution démocratique et sociale, de tendance radicale et jacobine, mais qui se dit bienveillant aux « écoles socialistes ». Henri Delescluze est le secrétaire du journal, en charge par exemple des abonnements, des relations avec les journaux de province amis etc. Il est peut-être aussi employé par Charles à l’administration de la Solidarité républicaine, société politique à l’échelle nationale, d’abord créée pour soutenir la candidature de Ledru-Rollin à l’élection présidentielle. Les tâches d’Henri Delescluze le conduisent donc à approcher l’organisation du journal, mais aussi l’activité politique qui s’y rattache. C’est à cette époque également qu’il rencontre Alphonse Gent, futur principal accusé du complot de Lyon, avec lequel il se lie.
Cependant l’échec de la manifestation de la Montagne du 13 juin 1849 conduit Charles Delescluze et une grande partie du « parti républicain » dans l’exil ; La Révolution démocratique et sociale disparaît.
Ces mois passés auprès de son frère Charles sont décisifs dans
l’éveil politique d’Henri Delescluze. Mais celui-ci semble plus
attiré par l’écriture et il tente alors de vivre de sa plume. Il essaie
de se placer dans divers journaux pendant un an, mais ne décroche que
des engagements ponctuels. Trois ans plus tard, il note dans son carnet
de prison de Belle-Île : En janvier 1850. Solitude, misère, abandon,
la mansarde, le procès, dissensions intérieures, la faim, manque de
vêtemens ; déceptions continuelles ; l’espérance soutient
encore
(Carnet 2, page 17, 1er janvier 1853). Même si Charles fonde à
Londres un
nouveau journal, il ne peut y employer son frère, trop inexpérimenté ;
ce dernier semble vivre de maigres commissions sur des abonnements à
La Voix du proscrit. Sa situation financière est si
difficile qu’il doit adresser à son frère certaines notes de ses
créanciers.
En août 1850 il parvient à obtenir du Siècle un voyage financé pour suivre la tournée du président de la République. Du moins il le prétend, ou transforme une simple invitation en mission officielle (sa sœur en doute, et le directeur du Siècle niera avoir financé ce voyage lorsqu’il sera interrogé pendant l’instruction du complot de Lyon).
Ce possible mensonge fait à sa famille, et la nostalgie avec laquelle il
évoque ce voyage dans son carnet de prison de
Lyon sont autant
de témoignages de la passion du journalisme qui semble animer
Delescluze dans ces
années : Deux mois auparavant je courais sur la même ligne ; mais
quelle différence, grand Dieu. Cette fois-là, je partais en artiste,
en flâneur, en voyageur qui n’attend que des surprises agréables ou
tout au moins supportables. Chargé par un des principaux journaux de
Paris de
suivre le président dans son voyage, mes seules préoccupations
consistaient dans le soin de réunir tous les renseignements, tous
les documents relatifs à ce voyage et de les adresser à ce journal.
– Je laissais mon intérieur tranquille, Anastasie était remplie d’espoir,
moi-même j’avais accepté avec bonheur cette première mission,
persuadé qu’à mon retour je serais avantageusement occupé
.
Les compétences d’écrivain ou de journaliste d’Henri Delescluze ne semblent pas avoir été suffisantes pour lui permettre de « percer » à Paris, qui plus est dans un contexte difficile pour les journaux républicains (et Charles Delescluze ne pouvait laisser son frère écrire dans une feuille ennemie ou réactionnaire...). Alors qu’Henri Delescluze se propose de repartir pour une nouvelle tournée d’abonnements en France, le complot de Lyon éclate en octobre 1850.