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Édition critique des carnets de prison et de la correspondance privée d’Henri Delescluze à Belle-Île (1851-1853)

L’écriture en prison > Historiographie

Les écrits d’Henri Delescluze ne sont pas les premiers dont on dispose sur la prison de Belle-Île. Outre quelques lettres de Blanqui et de Barbès, on peut citer les textes suivants : les Mémoires et souvenirs de Sébastien Commissaire 1 , le Journal d’un transporté de Charles Delescluze 2 (qui s’attarde peu sur les années passées en prison), les Souvenirs d’un prisonnier d’État sous le Second Empire de Jean-Baptiste Boichot 3 , Dans les bagnes de Napoléon III de Charles-Ferdinand Gambon 4 , et les plus brefs Souvenirs de souffrance... d’Ernest Préveraud 5 . Parmi ces cinq derniers détenus, seuls Commissaire et Gambon étaient à Belle-Île en même temps qu’Henri Delescluze.

Sans constituer un genre littéraire à part entière, les écrits de prison connaissent pourtant un certain succès au XIXe siècle, et au moins un best-seller 6 européen avec Mes prisons de Silvio Pellico. Après 1848 cependant, la perspective change : l’écriture intime du prisonnier romantique laisse la place à un discours plus militant. Le prisonnier politique n’écrit jamais pour lui-même ; son récit doit avant tout être « utile ». Si vous tenez à connaître quelques pages émouvantes, quelques drames de prison, adressez-vous à Silvio [Pellico], à Andryane, à Martin-Bernard et à tous ceux qui ont écrit avec leurs larmes  ! 7 , écrit Boichot. Les écrits de Préveraud, édités récemment, sont à destination de sa famille ; cependant on y trouve une volonté de montrer une sorte d’attitude exemplaire face à la détention, que l’on retrouve pour Commissaire, qui s’adresse plus généralement aux ouvriers. Boichot écrit pour contribuer à la cause révolutionnaire, Charles Delescluze pour se placer en relais des sans-voix... Leur raison même d’écrire est de souligner l’appartenance à leur parti, entre sacrifice et martyre, mais sans revendiquer ni l’un ni l’autre. Ces auteurs ne cherchent pas à offrir leur intimité à leurs lecteurs, mais proposent avant tout une littérature de combat.

Ces détenus-écrivains ont bien forgé la mémoire de Belle-Île, du moins ceux qui ont publié de leur vivant (Commissaire, Boichot, Charles Delescluze dans une moindre mesure, sans oublier le Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse, auquel ont collaboré d’anciens détenus de Belle-Île et qui consacre à la prison une importante notice). Ils ont contribué à définir la figure du prisonnier politique de la fin de la IIe République et du Second Empire.

Notes

1. Commissaire (Sébastien). Mémoires et souvenirs. Lyon : Meton, 1888. 2 vol.

2. Delescluze (Charles). De Paris à Cayenne : journal d’un transporté. Paris : A. Lechevalier, 1872

3. Boichot (Jean-Baptiste). Souvenirs d’un prisonnier d’État sous le Second Empire. Leipzig : A. Muquardt, 1867

4. Gambon (Charles-Ferdinand ). Dans les bagnes de Napoléon III : mémoires de Charles-Ferdinand Gambon. Paris : Presses universitaires de France, 1983

5. Preveraud (Jean Marie Ernest). Condamné à mort en 1852 pour la République : Souvenirs de souffrance du bagne de Toulon et dans les prisons de Belle-Île-en-Mer et du Mont-Saint-Michel, à la suite de l’opposition au coup d’État du 2 décembre 1851. Paris : Monttessuy, 2007

6. Vimont (Jean-Claude). Un ‘‘best-seller” de l’édification, Mes prisons de Silvio Pellico, dans Trames : revue d’histoire et de géographie de l’IUFM de l’Académie de Rouen. Mont-Saint-Aignan : Monttessuy, 1997. № 2, pp. 137-149

7. Boichot (Jean-Baptiste). Souvenirs d’un prisonnier d’État sous le Second Empire. Leipzig : A. Muquardt, 1867 , p. 133