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Édition critique des carnets de prison et de la correspondance privée d’Henri Delescluze à Belle-Île (1851-1853)

Biographie d’Henri Delescluze > Le procès du complot de Lyon, la prison et l’exil

La police intercepte plusieurs lettres secrètes à un dénommé « Marc » à Lyon, qui n’est autre qu’Alphonse Gent, ancien député et membre de la Solidarité républicaine, qui avait entrepris de fondre en une seule organisation la plupart des sociétés secrètes républicaines du quart sud-est de la France. Il n’est pas certain que cette organisation, la Nouvelle Montagne, ait vraiment eu le but insurrectionnel que l’accusation lui donna. Qui plus est, entre autres fragilités, l’un des témoignages les plus importants de l’accusation était à l’évidence celui d’un « mouchard », un personnage louche, ancien déserteur qui s’était fait enrôler dans une des sections de la société. Cependant, après une longue instruction et environ un mois de procès (soit plus d’un an de détention provisoire pour la plupart des accusés), le verdict du conseil de guerre de Lyon, juridiction que le pouvoir avait jugé, à raison, la plus sévère, condamne les trois principaux accusés à la déportation, et une trentaine d’autres à des peines de prison. Henri Delescluze est condamné à 10 ans de détention pour complot contre la sûreté de l’État et affiliation à une société secrète. À la lecture des pièces de l’accusation, il ne semble pas qu’il ait vraiment été mêlé au « complot ». Il est plus vraisemblable qu’il ait voulu profiter du réseau mis en place par Alphonse Gent pour trouver des abonnés aux journaux qu’il vendait, même s’il a pu faire le lien entre Gent et son frère Charles à Londres ; le condamner était davantage un moyen de compromettre encore les proscrits de Londres.

Plus d’un an après son arrestation, Henri Delescluze arrive à la prison de Belle-Île le 30 novembre 1851. Moins déterminé à se sacrifier pour ses idées qu’à retrouver sa liberté, il entreprend rapidement des démarches pour obtenir une grâce ou une commutation de peine, au grand dam de sa famille (sauf sa femme, qui connaît elle aussi une situation de misère). Sa peine est finalement commuée en un bannissement d’égale durée, il est libéré en avril 1853 et part pour l’Angleterre. Il travaille alors dans la fabrique de graisse et de savon qu’avait fondée son frère, mais la situation difficile de l’entreprise et ses mauvaises relations avec Charles Delescluze le poussent à partir peu après pour les États-Unis, où il vécut jusqu’en 1879, le plus souvent à New York. Il s’installa comme professeur et créa en 1854 une école, le Fairmount Atheneum, à West Morrisania (dans l’actuel quartier du Bronx à New York), avant d’être nommé professeur de français et de dessin à l’université de Norwich à Northfield (Vermont) en 1864. Il fut parallèlement l’un des principaux militants de l’Union des républicains de langue française et de plusieurs sections de l’Internationale. On trouve sa signature dans plusieurs journaux francophones aux États-Unis, et au Canada. Il dirigea un journal bi-hebdomadaire, L’Écho français, vers 1858-1860, à New York, auquel s’opposa Le Libertaire de Déjacque. Défenseur de la mémoire de la Commune et de son frère, il publia en 1871 les deux premières livraisons d’un livre : La Commune de Paris (New York, Imprimerie Sociale : 1871). Henri Delescluze ne put revenir à Paris qu’en 1879. Il mourut peu après, le 28 avril 1879 à l’hôpital Saint-Louis.