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Anthroponymie et diplomatique

Professeur, Universität Graz, Heinrichstrasse 26/III, A–8010 Graz. reinhard.haertel@uni-graz.at

La communication mêle considérations théoriques et exemples concrets, empruntés à un champ de recherche particulier, une région où se compénètrent trois domaines linguistiques, germanique, roman et slave.

Les considérations théoriques concernent l’anthroponymie aux siècles centraux du Moyen Âge, et en premier lieu l’influence de la catégorie documentaire utilisée sur l’emploi et sur les variations (et les combinaisons) des noms personnels, des surnoms, etc. L’opposition la plus forte se constate moins entre les divers types de sources diplomatiques qu’entre ces dernières dans leur ensemble et les autres textes. Les principales questions abordées sont les suivantes : Sur quels aspects la catégorie documentaire a-t-elle une influence ? Quelles situations de la vie humaine (avec une traduction diplomatique ou non) peuvent conduire à des formes pour ainsi dire standardisées de l’anthroponymie ? Quelles sont les tendances spécifiques des différentes catégories documentaires ? – ce dernier problème sans pertinence, si ces catégories sont elles-mêmes conditionnées par certaines situations de la vie humaine.

On considère en particulier des questions telles que le changement de nom (personnel ou surnom), le choix du nom personnel et/ou d’un surnom, l’emploi d’un nombre ordinal etc., l’usage des abréviations, l’adaptation linguistique et les traductions, et en considérant aussi les rapports avec les désignations non verbales (telles que le signum notarii, etc.). On étudie en outre les différences entre les textes prosaïquement juridiques et ceux qui concernent aussi l’au-delà, les différences entre actions plus intimes et plus publiques, entre les dénominations exprimées par les intéressés ou celles qui sont déclinées par des tiers. En fin de compte, il s’agit du rôle de l’espace disponible, du lieu immobile ou mobile du document écrit, de la structure du texte (rôle du contexte), et encore de la liberté d’action des auteurs (des textes diplomatiques comme non diplomatiques). Ce champ de recherche est assez proche des enquêtes menées sur la suscription des actes (Intitulatio) ; il vaut pourtant la peine d’étudier non seulement certains groupes de documents royaux, et ainsi de suite, mais aussi d’élargir la recherche en considérant les documents diplomatiques comme un canton du champ de l’anthroponymie.

Introduction

Les considérations qui suivent portent sur l’époque où les personnes commencent à porter plus qu’un seul nom, autrement dit la période qui s’ouvre, très grossièrement, au XIe siècle1. Avant cette époque, l’influence supposée des différentes situations de vie sur l’usage des noms était déjà considérable, que l’on observe une alternance entre forme complète et formes abrégées du nom, que l’on rencontre des noms doubles (« XY qui et YZ », etc.) dont il ne sera plus question par la suite, ou encore que l’on voit fleurir des dénominations conventionnelles, comme celles des lettrés de l’entourage de Charlemagne qui, en communiquant entre eux, s’appelaient par d’autres noms que dans la vie quotidienne. Ce dernier cas est un aspect particulier du cas plus général où une certaine collectivité et une certaine situation de communication exercent leur influence sur la désignation des personnes.

De telles situations se laissent approcher de façon systématique et regrouper en types – comme le fait la linguistique pour les situations contemporaines de communication. Là où la communication ne se limite pas à l’oral, ces types de situations correspondent souvent à des styles d’écriture caractéristiques, c’est-à-dire à ce que l’historien appelle des catégories documentaires – ce qui vaut soit pour les documents diplomatiques à l’intérieur des textes écrits en général, soit pour certains types de productions précis à l’intérieur de la catégorie diplomatique.

Même si l’usage des noms varie beaucoup au Moyen Âge, c’est toujours le nom personnel (notre actuel « prénom »), ou nomen proprium, qui est le moins influencé par cette alternance. En quelques cas, il est vrai, la non-reconnaissance et l’abaissement de l’adversaire ont pu s’exprimer par un tel jeu comme, par exemple, lorsque ses ennemis affectaient de ne pas désigner le pape de son nom pontifical, mais de son nom personnel, antérieur (Grégoire VII /« Hildebrand », ou Alexandre III /« Roland »). Ce sont des cas particuliers et non des situations « standardisées », ni typiques d’une catégorie documentaire donnée. Mais une pratique plus générale, encore que non systématique, voulut à partir du XIVe siècle que la plupart des papes missent en guise de signature au bas des suppliques qu’ils approuvaient l’initiale de leur nom personnel, et non leur nom pontifical, un O. par exemple pour le pape Martin V (Odo Colonna) ou un E. pour le pape Pie II (Enea Silvio Piccolomini). Et dans des types d’actes bien définis, et bien des siècles plus tard, certains des papes ont signé regulièrement de leur nom de baptême.

À l’époque où les personnes portaient deux noms, on remarque, contrairement au haut Moyen Âge (jusqu’à l’an mil, très grossièrement), que la catégorie documentaire peut jouer notablement sur la désignation d’une personne : les possibilités de variation sont alors, en effet, beaucoup plus importantes, sans qu’il soit nécessaire de modifier le nomen proprium d’une personne, ce qui rend du coup l’étude beaucoup plus riche2.

Pour la même raison, cette étude ne doit pas se limiter aux seuls noms, mais prendre aussi en compte les différents appellatifs qui servent à désigner des personnes, comme le fait aussi la philologie3. Cet examen des désignations appellatives est nécessaire, car l’alternance de désignations de personnes (qu’elle soit influencée par la catégorie documentaire ou non) consiste souvent à remplacer des noms par des appellatifs ou à remplacer une combinaison de noms et d’appellatifs par de simples appellatifs, etc. Du reste, les médiévaux – et surtout eux – ont naïvement usé et abusé de l’alternance du nom et d’un appellatif pour désigner la même personne (par exemple Henricus/rex, Ludovicus/Bavarus, « servus Dei » dans une vie de saint). Ils l’ont fait plus fréquemment que la philologie moderne ne le pense – bien que la différence entre un nomen proprium et un mot spécifique fasse partie des fondamentaux du langage ; mais cette opposition est jugée de moindre importance depuis que les linguistes la considèrent comme une différence graduelle, à bornes variables.

Si je parle, à plusieurs reprises, de phénomènes qui, à mon avis, seraient caractéristiques de telle ou telle catégorie documentaire, je parle toujours de tendances, et non de règles fixes, qui n’ont à l’évidence pas existé. Comme nous le savons, le même scribe, dans les documents qu’il va écrire lui-même, peut fort bien se désigner dans un document d’une certaine façon, puis dans un autre document user d’une autre désignation, et enfin dans un troisième renoncer à donner son nom ; le même rédacteur peut composer, le même jour, des documents dans lesquels il « décrit » les mêmes témoins de plusieurs façons différentes. Pour la noblesse romaine de la seconde moitié du XIIIe et du début du XIVe siècle, on a ainsi noté que, dans les actes notariés, les surnoms étaient omis4.

Je ne veux pas donner une grande quantité d’exemples, ce qui serait lassant sans être jamais vraiment représentatif. Mais il ne me paraît pas juste non plus de ne présenter que des théories. J’ai donc tenté de systématiser les notations relevées au cours d’études menées sur différentes sources. Je le fais, bien sûr, sans prétendre annoncer de grandes nouveautés, ce pour quoi les renvois bibliographiques seront rares. Ce qui peut être nouveau, c’est l’essai d’intégrer dans un contexte général un certain nombre d’observations sur le sujet.

Une telle tentative est nécessaire, et je voudrais en donner une illustration, même triviale. Supposons que ma voiture, plus toute neuve, soit tombée en panne sur l’autoroute. À quelque temps de là, je vais recevoir du service de dépannage une facture déclarant que le véhicule G 32485 a été remorqué sur tant de kilomètres (catégorie documentaire : correspondance commerciale). De mon côté, j’aurai envoyé à des amis un courriel annonçant que Hannibal a rendu l’âme (catégorie documentaire : message privé). Les désignations et les contextes étant fort différents, on comprend tout de même immédiatement de quoi il est question. Personne n’aura l’idée d’interpréter la chronologie du courriel et de la facture comme une évolution du nom au numéro d’immatriculation. En bonne connaissance du contexte, nous ne risquons pas de faire ce genre de fautes. Mais nous devons faire très attention à ne pas commettre cette faute face aux sources médiévales, où nous croyons parfois reconnaître une évolution anthroponymique, alors que joue l’influence d’une autre catégorie documentaire.

Cela posé, j’ai choisi de traiter successivement des aspects suivants :

  • I. Sous quelles formes les influences de différentes catégories documentaires peuvent-elles se refléter ?
  • II. Quelles situations de vie avaient la chance de trouver dans certaines catégories documentaires une forme d’expression écrite standardisée pour les désignations des personnes ?
  • III. Quelles sont les tendances inhérentes aux différentes catégories documentaires si l’on ne s’occupe pas de savoir si ces catégories sont elles-mêmes liées, ou non, à une certaine situation de vie ?

Bien sûr, cette approche systématique, comme les propositions subordonnées qui vont suivre, n’est qu’un outil pour envisager le problème, et il existe certainement bien d’autres possibilités d’ordonner et d’analyser les données.

I. Les changements induits par la catégorie documentaire.

Les changements de désignation induits par la catégorie documentaire sont très variés et peuvent être répartis selon cinq critères : changement du nom, sélection des composantes, abréviation, adaptation linguistique, recours à des éléments non-verbaux.

I.1. Le changement du nom.

L’abandon d’un nomen proprium au profit d’une autre désignation (mais non d’un surnom ou d’une désignation analogue) me paraît être une caractéristique forte des œuvres littéraires, et en particulier de romans à clé comme le Weißkunig ou de satires comme Reinhart Fuchs. Dans ce dernier cas, comme on le sait, des personnages historiques sont représentés par des animaux qui sont désignés d’une part par leur nom d’animal et d’autre part par des nomina propria d’animaux, ou par un mélange des deux. Le besoin de variation, recourant à des formes alternatives, est bien sûr particulièrement net dans les œuvres littéraires où un seul et même personnage est mentionné très fréquemment. Il serait intéressant d’examiner à quel point le Moyen Âge connaissait de telles alternatives, semblable au célèbre couple de désignations Achille = Pélé chez Homère. Ce n’est pas un hasard si, dans tous ces cas, il s’agit de désignations imaginées par autrui et non par les intéressés eux-mêmes.

I.2. La sélection des composantes du nom.

La question du choix des différents éléments servant à désigner une personne est bien plus importante : le nomen proprium peut être utilisé tout seul ou être accompagné d’indications supplémentaires ou d’un « vrai » deuxième nom. Un second élément peut se trouver aussi sans nomen proprium. C’est à ce contexte qu’il faut aussi rapporter l’usage ou la suppression de certains surnoms. Ceux-ci ne dépendent pas seulement d’une certaine situation ou d’un point de vue donné (comme par exemple quand on parle de Louis « le Bavarois »), mais aussi de la catégorie documentaire : dans la littérature généalogique, on parle de Frédéric le Batailleur (« der Streitbare »), mais pas dans les sources diplomatiques et encore moins dans les suscriptions d’actes. Peu nombreux sont ceux qui, en rédigeant des diplômes, se disent Magnus dans leurs suscriptions, mais cet épithète peut fort bien leur être attribué par quelqu’un d’autre.

Le jeu des différents modes de description des personnes dépend du contexte inhérent aux catégories documentaires. La hiérarchie sociale des surnoms potentiels dans les sources diplomatiques paraît beaucoup ainsi plus différenciée que dans les documents nécrologiques, pour lesquels très souvent la distinction entre clerici et laici suffit ; et que les couches sociales les plus basses soient mieux représentées dans les nécrologes que dans les sources diplomatiques ne peut être une explication suffisante à une telle observation.

C’est également dans ce contexte qu’il faut examiner l’usage et le non-usage des nombres ordinaux. Ce phénomène est étroitement lié aux catégories documentaires, surtout dans le cadre des documents pontificaux : on trouve moins de régularité dans l’usage des nombres ordinaux par les puissants laïcs5.

I.3. Les abréviations.

L’écriture du nom sous une forme abrégée touche surtout le nomen proprium. Elle s’observe soit sous forme de contraction (traditionnellement typique des nomina sacra) soit sous forme de suspension, jusqu’à donner la seule lettre initiale.

Les abréviations semblent surtout typiques des lettres, mais on en trouve aussi dans des textes proprement diplomatiques – et bien naturellement dans des mandements. Dans des cas particuliers, l’auteur d’un texte diplomatique peut être désigné au début uniquement par l’initiale de son nomen proprium (et ce même dans un acte public), la suite de l’acte pouvant nous révéler le nom entier.

Si de telles constatations paraissent simples, il est difficile d’y trouver une explication générale satisfaisante. Le fait que les correspondances du Moyen Âge nous aient été surtout transmises sous forme de copies n’y change pas grand-chose, car il est peu probable qu’autant de copistes aient allégé leur travail en abrégeant juste les noms propres. En outre, le procédé se voit dans un nombre suffisant d’originaux. Le camouflage est un motif rare, car un prince ecclésiastique qui se nomme, dans un texte diplomatique, uniquement par la lettre initiale de son nom n’a aucune raison de se cacher, ce qu’il ne fait pas vu les descriptions de sa dignité qui suivent dans le texte. Et l’observation vaut même pour les fréquentes abréviations qui se trouvent dans les lettres politiques les plus délicates : autour de l’an 1160, si une lettre désignait E. archiepiscopus Salisburgensis ou H. dux Austrie comme expéditeur ou destinataire, tout le monde savait de qui il s’agissait. Par contre, les noms de simples ecclésiastiques étaient toujours écrits en entier6.

Tout cela ne s’explique pas mieux par une économie d’écriture, comme on a pu le prétendre parfois. Une réelle volonté d’économie se serait bien mieux portée sur les éléments les moins convenables, les moins hauts du texte. Pourquoi abrègerait-on juste les noms, qui sont d’une grande valeur d’information et dont l’abréviation n’apporte qu’un minimum d’économie ? Quelques exceptions renforcent la remarque : il arrive en effet, dans de très longues listes de noms (par exemple les procès-verbaux de serments de bourgeois d’une ville), que les noms propres les plus courants, immédiatement reconnaissables, donc, soient réduits à l’initiale, par exemple D ou I pour Dominicus et Iohannes qui, à cette époque-là et dans la région concernée, étaient très fréquents7.

La thèse des « traditions de chancelleries » ne donne pas non plus d’explication suffisante pour les phenomènes d’abréviation ; elle ne fait que déplacer le problème, car chaque tradition a ses origines et avait un certain sens au moment de sa genèse.

I.4. L’adaptation linguistique.

L’adaptation linguistique du nom, qui peut aller jusqu’à la traduction, peut être spécifique d’une catégorie documentaire, au sens où l’usage d’une certaine langue est caractéristique de cette catégorie. Les actes d’un concile sont normalement rédigés en latin, les épopées courtoises en général dans la langue vernaculaire. En outre, la catégorie documentaire peut donner un certain entourage textuel qui invite à l’adaptation linguistique. Dans un nécrologe, où le texte consiste surtout en noms et en désignations de fonctions abrégées (m.n.c. pour monachus nostre congregationis, etc.), on est certainement moins tenté de faire d’un Hermann un Hermannus que dans un texte diplomatique dans lequel cet Hermann est entouré d’un texte en latin. On peut faire un petit test : la « latinisation » de noms non-latins8 se trouve en fait plus fréquemment dans des sources diplomatiques que dans des nécrologes, autant que j’aie pu le constater.

Mais la pratique de l’adaptation est aussi influencée par le rang des personnes concernées : plus le rang d’une personne est élevé, plus il est fréquent que son nomen proprium soit accompagné de titres (par exemple en latin), ce qui pourrait avoir eu un effet positif sur la « latinisation » des noms. Et, bien sûr, les sources diplomatiques livrent un taux plus important de personnes d’un rang élevé que les documents nécrologiques.

I.5. Les éléments non-verbaux.

D’une catégorie documentaire à l’autre, des éléments non-verbaux peuvent accompagner ou compléter plus ou moins fréquemment les désignations des personnes ; à la limite, ils peuvent même représenter l’élément principal de la désignation. Ces éléments non-verbaux peuvent être des images ou des symboles (il en sera question plus loin), ou consister en l’usage d’écriture ou d’encre particulières ou aussi dans le positionnement du symbole à un certain endroit du texte en question. Si l’empereur byzantin a mis son legimus au bas d’un privilège on sait, même sans indication du nom ou du titre, celui qui vient de « lire » ou, plutôt, celui qui vient d’écrire.

II. Situations de vie et catégories documentaires.

La deuxième question principale est celle des situations de vie qui peuvent influencer le caractère d’une désignation de personne et qui avaient l’occasion de trouver dans une catégorie documentaire donnée une expression pour ainsi dire standardisée9. Plusieurs oppositions traversent ce champ : le clivage entre ici-bas et au-delà, la tension entre cercle intime et grand public (éventuellement la question de la qualité de ce public), l’antagonisme entre témoignage propre et témoignage d’autrui.

II.1. L’ici-bas et l’au-delà.

Commençons par la comparaison du rapport avec l’ici-bas et avec l’au-delà. Des témoignages sur le mépris du « nom » (il s’agit toujours d’un nom célèbre…) se trouvent encore aujourd’hui10, et naturellement aussi (et encore plus) au Moyen Âge, surtout du côté du clergé – et inversement, on trouve des preuves de son appréciation de la part de la noblesse laïque. Mais, comme c’est très souvent le cas, la pratique courante montre exactement le contraire de ce que les explications des « théoriciens » laissent attendre : le nomen proprium est indispensable surtout là où se noue un rapport spécial avec l’éternité, comme dans les documents nécrologiques ; dans un contexte séculier, au contraire, on peut y renoncer plus facilement. Le chrétien est inscrit au Livre de vie par son nomen proprium et Dieu reconnaît les siens sans la particule nobiliaire ou d’autres signes diacritiques. Sur l’inscription tombale s’ajoute en particulier autre chose : face à l’éternité, les détails et vanités terrestres peuvent perdre de leur importance ; de fiers évêques se transforment, du moins à ce moment-là (s’ils ne l’ont pas fait avant) en de simples ministri.

Dans les documents nécrologiques, on trouve aussi moins de sobriquets, à tout le moins aux premiers temps de la diffusion des surnoms et en certaines régions. Les textes se référant à Dieu et à l’éternité se distinguent aussi de ceux qui se réfèrent à l’ici-bas quand ils donnent des indications sur le rang et le titre ainsi que sur les rapports entre les personnes. D’après les échantillons examinés jusqu’ici, il semble que la hiérarchie corporative ou tout autre type de hiérarchie terrestre soit, dans les premiers, représenté moins distinctement. Souvent, on s’y contente de l’opposition clericus–laicus, une distinction qui normalement n’est pas suffisante pour l’ici-bas.

Dans le contexte séculier par contre, et de façon d’autant plus frappante dans les sources administratives où l’on s’attendrait à trouver les efforts les plus nets d’une identification exacte des personnes, le nomen proprium se voit souvent supprimé, et ce pour plusieurs raisons. pour un seigneur, il est moins important de savoir quel serf lui doit le cens que de savoir de quelle tenure il va le recevoir11. Pour le responsable de la caisse de voyage d’un grand, il est essentiel de savoir si une certaine somme a été dépensée chez un maréchal-ferrant, pour l’hébergement ou pro pane. Il est naturel que le bénéficiaire soit le fèvre, l’aubergiste ou le boulanger local et il n’est pas exclu que cette information soit donnée, mais elle est inutile. Et si quelqu’un reçoit un courrier, il est plus important de noter qui a envoyé le messager que le nom de ce dernier.

Dans une œuvre historique composée par un petit noble, pour un public également noble, il suffisait de parler de « Monsieur de Tel lieu », souvent même avec l’article défini (!) : « le Tel lieu » ; le public savait très bien de qui il était question12. Même Tell, le héros national suisse, a dû attendre un certain temps jusqu’à ce que l’on prît garde à son « anonymat », en ajoutant le nomen proprium Guillaume à son surnom, seul attesté dans le Livre blanc de Sarnen. Le Stoupacher lui aussi a dû attendre pour son nom Werner : à l’origine, le surnom de ce lignage de campagnards était considéré comme suffisant ; d’autres protagonistes restent totalement anonymes. Ce qui vaut pour les bons habitants des Alpes vaut pour les méchants baillis : Hermann Geßler a reçu son nom personnel plus tard et le Landenberger aussi est quasiment anonyme dans le Livre blanc. Les contes populaires en général se contentent de peu de noms, ce que l’on voit par exemple dans les contes de Grimm13.

II.2. L’intimité et la publicité.

Il est évident que la dimension du public auquel on s’adresse influence l’exactitude et le caractère de la désignation de la personne choisie. Dans des messages privés, les désignations de personnes peuvent être plus économiques que dans des sources diplomatiques. Parfois, dans un groupe intime, le nomen proprium lui-même des destinataires potentiels peut être concerné, comme on l’a déjà rappelé, par exemple, pour les noms des lettrés de l’entourage de Charlemagne, pour leur communication interne, ou comme on le voit souvent à l’intérieur des monastères. En général, il est de règle que les institutions bureaucratiques et toute leur production ont tendance à donner des indications supplémentaires pour éviter toute confusion.

II.3. Les témoignages propres et les témoignages d’autrui.

Les catégories de l’énonciation sur soi-même et de l’énonciation par quelqu’un d’autre correspondent dans une certaine mesure à différentes catégories documentaires. Comme énonciations sur l’écrivain même, on trouve surtout ses remarques (à la fin d’un manuscrit) et sa souscription autographe (corroborant un texte diplomatique), mais ces dernières sont en fait lourdement tributaires de nécessités juridiques. Sous certaines réserves, on peut y ajouter les suscriptions dans les sources diplomatiques et éventuellement dans des épigraphes, et finalement les autobiographies, peu nombreuses au Moyen Âge. Il est évident que des différences matérielles dans la désignation des personnes peuvent, voire doivent correspondre, du moins en partie, à ces différentes catégories documentaires.

Cela vaut surtout dans le domaine des formules de dévotion et des expressions de modestie : ce que quelqu’un peut s’autoriser n’est pas forcément permis aux autres. Quel prélat se qualifiant lui-même régulièrement d’indignus aurait accepté un tel « titre » de la part de ses subordonnés ? Qu’auraient dit Grégoire VII, Innocent III ou Boniface VIII si le premier venu les avait appelés « évêque » ou « dernier des serfs » au lieu de « Saint Père » ? Il va de soi que de telles formules étaient réservées à un contexte (celui de la suscription) où le rang de la personne en question était par ailleurs entièrement garanti.

Un exemple me semble très révélateur des différences dans les désignations de personnes induites par les différents genres de (sous-)catégorie : c’est la désignation des chapelains-notaires, normalement qualifiés de notarius dans la souscription subjective et d’autre part de capellanus dans la liste des témoins objective ; leur désignation décrit la fonction dominante à chaque moment donné. D’ailleurs, les témoignages d’autrui sont multiples et pas du tout liés à telle ou telle catégorie documentaire. Ils n’ont suscité de catégorie spéciale que dans des cas très particuliers, celui par exemple de la supplique, qui se caractérise, pour des raisons aisées à comprendre, par un effort particulier pour désigner très respectueusement une personne.

Il y a enfin d’intéressantes zones de flou entre les témoignages propres et les témoignages d’autrui, selon les différentes catégories documentaires. Naturellement, un défunt ne peut plus exercer d’influence sur le mode d’expression de l’enregistrement le concernant dans un nécrologe, mais il a dû probablement arriver à plusieurs reprises qu’un serf ait dicté son nom au compilateur d’un censier, et qu’un témoin ait dicté son nom au rédacteur d’un acte14. Si on trouve dans les censiers un degré de « latinisation » moins élevé que dans d’autres sources, cela peut s’expliquer en partie au moins par le fait que les intéressés ont dicté leur nom : les paysans non-romanophones s’expriment plus rarement en latin que les témoins ecclésiastiques des sources diplomatiques. Exceptionnellement, on dispose de témoignages explicites sur les procédures de l’énonciation des noms devant le scribe. Comment expliquer que l’on trouve souvent, dans la même liste de témoins, un Hermann à coté d’un Hermannus, un Ulrich à côté d’un Ulricus, sinon par une énonciation différente par les intéressés eux-mêmes ?

La notitia testium vénitienne (et pas seulement vénitienne), avec ses souscriptions autographes des témoins, limitées aux nomina propria, et avec les explications allographes (comprenant nomen proprium et surnom) données par le notaire représente un exemple extrême de l’influence des formules diplomatiques sur l’anthroponymie.

III. Tendances immanentes aux différentes catégories documentaires.

Une troisième approche permet de scruter les tendances immanentes aux différentes catégories documentaires, qui ne peuvent être attribuées nécessairement à une certaine situation de vie. C’est dans ce contexte que je vois les problèmes des différents genres d’abréviation des anthroponymes par rapport aux désignations complètes des personnes, phénomène qui peut être rapporté à une pluralité de causes : la place disponible selon les différents types de texte, le lieu fixe ou flexible de l’énonciation, la structure interne des textes, les aides non-verbales à l’identification, la liberté d’expression du rédacteur.

III.1. La place disponible.

Quant à la place disponible, il est évident qu’on trouve plus de noms abrégés sur une pièce de monnaie que sur une pierre tombale. Mais il faut ajouter tout de suite qu’un nom abrégé sur une pièce de monnaie ne sert pas forcément en premier lieu à la désignation d’une personne ; il peut aussi servir dès le début à différencier les différentes émissions. Mais on a déjà rappelé qu’une abréviation peut aussi survenir quand l’espace disponible aurait été suffisant pour le nom entier.

III.2. Le lieu fixe.

Le lieu fixe, ou du moins le lieu avec une intention de fixité, est susceptible de donner une impression de redondance et de superflu aux rapports locaux et éventuellement institutionnels dans le contexte d’une désignation de personne. Cela est valable sans doute pour beaucoup d’épigraphes, par exemple pour l’épigraphe sur la pierre tombale d’un évêque dans sa cathédrale. On trouve aussi des épigraphes abrégées concernant des puissants laïques, à condition que le contexte garantisse qu’il ne peut s’agir sans aucun doute que du duc d’un duché donné. Mais les épigraphes justement montrent très clairement qu’il n’y a pas de règle fixe en la matière15.

La même argumentation vaut pour des manuscrits destinés à un lieu fixe, comme par exemple un liber traditionum ou un nécrologe. Par conséquent il suffit dans un nécrologe de parler de monachus nostre (!) congregationis au lieu de décliner le nom du monastère comme cela serait nécessaire pour une liste de témoins dans un acte. On trouve des cas similaires dans des libri traditionum où l’identité du destinataire peut être indiquée par des formules comme huius loci, si encore une telle formule n’est pas supprimée.

III.3. La structure du texte.

Venons-en à la structure du texte. Ici, il est question de savoir si pour l’identification d’une personne on peut avoir recours à un contexte plus large ou non. Cette possibilité existe surtout là où l’on parle d’une seule et même personne à plusieurs reprises dans un texte donné. Et même dans une notice de tradition, le donateur d’un petit domaine, tout en ayant un nom très courant, peut être suffisamment identifié par le domaine dont il fait don – au moins pour les voisins et contemporains. Et qui d’autre pourrait accorder une supplique adressée au pape que celui-ci en personne ?

Les possibilités de recours diffèrent d’un genre de texte à l’autre. Dans certains cas, on peut facilement prouver que porter un nom unique pour un témoin, dans des sources diplomatiques du haut Moyen Âge, n’est qu’une apparence, car tant d’informations sur le contexte ont été mentionnées par l’auteur, le destinataire et même par l’acte juridique lui-même que toute information supplémentaire aurait semblé redondante aux contemporains. Si la même personne qui ne semble porter qu’un seul nom apparaît en tant qu’auteur, donnant maintenant elle-même le point de référence, un deuxième nom peut très bien lui être octroyé. Néanmoins les sources diplomatiques doivent mentionner pour tous les témoins la provenance de ceux-ci plus explicitement qu’un censier, où les personnes sont déjà regroupées selon leur région. On croit avoir observé que les paysans se sont contentés plus longtemps de porter un nom unique, sans deuxième élément de désignation. Il est possible que cela ne corresponde pas strictement à la réalité mais puisse s’expliquer par les caractéristiques propres des types de sources dans lesquelles on trouve la majorité des noms de paysans16.

Les possibilités de recours au contexte sont nombreuses dans les œuvres plus longues et de nature narrative, surtout dans les généalogies. D'où le paradoxe que justement là où le rapport avec la maison se révèle très fort, le nom de famille peut être omis – et de fait il est omis.

III.4. Aides non-verbales à l’identification.

Les aides non-verbales à l’identification représentent un cas particulier parmi les possibilités de recours au contexte. Il peut s’agir de symboles graphiques pour la souscription, ou d’armoiries17 ou autres signes picturaux. L’intérêt primordial de l’énonciation peut être soit dans le texte (comme c’est le cas pour la souscription d’un notaire), soit dans l’élément non-verbal (par exemple dans le cas de la légende d’une image)18.

C’est ici qu’il faut se poser la question fondamentale : à quel point les attributs graphiques ou picturaux peuvent-ils remplacer des désignations verbales ? Je crois que ce n’est pas le cas pour les souscriptions : le seing du notaire par exemple ne remplace jamais la désignation verbale explicite de notarius ou de tabellio, et le monogramme royal lui-même se trouve expliqué. Mais l’existence d’un seing de notaire à côté de la formule de signature notariale peut très bien être responsable du fait (ou peut être un motif parmi d’autres) que le deuxième nom des notaires professionnels est employé assez tardivement dans le cadre de leur souscription – de toute façon plus tard que l’utilisation du deuxième nom par ces mêmes notaires quand l’acte est rédigé par un tiers. Suivant le même principe, dans un contexte où la parenté d’un membre de la maison de l’empereur est exprimée de façon picturale, le simple nomen proprium peut suffire pour identifier clairement même le fils d’un empereur. Les légendes des sceaux sont également définies à un haut degré par tout ce qui les accompagne19.

III.5. Liberté de composition.

Enfin, il faut toujours tenir compte de la liberté de composition qu’avaient les rédacteurs dans le cadre d’une catégorie documentaire donnée. Les poètes étaient plus libres que les rédacteurs d’une supplique. À mon avis, la liberté poétique favorise les désignations fondée sur un seul nom, alors que la gestion implique de prendre garde à ne pas confondre dix personnes réelles portant le nom de Jean. Un poète par contre est libre en ce qui concerne les noms des personnes de son roman. Dans des œuvres comme Iwein ou Parzifal, on ne s’attend pas à croiser beaucoup d’autres Iwein et Parzifal que les héros de ce nom. Dans une certaine mesure, le poète peut se créer lui-même les conditions qui lui permettent de renoncer au deuxième élément pour la désignation d’une personne20.

Remarques finales.

Je suis loin de croire avoir réussi à intégrer tous les phénomènes observés dans une explication d’ensemble. L’essai ici tenté ne peut être que provisoire, d’autant que j’ai sciemment renoncé à la dimension temporelle. Si nous pensons à un type de textes qui n’est certainement pas suspect de changements capricieux, les privilèges des empereurs byzantins, nous y trouvons même la transition d’une souscription anonyme (lego ou legimus) à la signature par un nom et de nouveau à la souscription accompagnée de la date.

Il reste donc à entreprendre une approche systématique des sources de l’anthroponymie, et pas seulement des sources diplomatiques.


1 . La présente contribution est une version adaptée de mon article « Namen und Personenbezeichnungen in differenten Textsorten », Nomen et gens. Zur historischen Aussagekraft frühmittelalterlicher Personennamen, éd. Dieter Geuenich, Wolfgang Haubrichs et Jörg Jarnut, Berlin, New York, 1997 (Ergänzungsbände zum Reallexikon der Germanischen Altertumskunde, 16), p. 226-241, paru aussi sous le titre « Mittelalterliche Textsorten und Anthroponymie », Durch aubenteuer muess man wagen vil. Festschrift für Anton Schwob zum 60. Geburtstag, éd. Wernfried Hofmeister et Bernd Steinbauer, Innsbruck 1997 (Innsbrucker Beiträge zur Kulturwissenschaft. Germanistische Reihe, 57), p. 119-131.
2 . Certains éléments qu’on retrouve toujours dans la même catégorie documentaire (ainsi des éléments de formulaire dans un document diplomatique) sont à traiter, dans le cadre de mon analyse, comme des catégories à part entière, parce qu’ils représentent ou créent un certain contexte pour la désignation d’une personne.
3 . Et si, pour cette raison, on croit nécessaire de choisir une approche tenant compte du contexte pour faire des conclusions sur l’usage des désignations de personnes, c’est une invitation de la part des linguistes à examiner également les désignations appellatives lors de recherches sur l’usage des noms dans les différents genres de texte : Hartwig Kalverkämper, Textlinguistik der Eigennamen, Stuttgart, 1978, p. 121-124 et passim, spéc. p. 385 et suiv.
4 . Sandro Carocci, « Cognomi e tipologia delle fonti. Note sulla nobiltà romana », Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 110 (1998), p. 173-181.
5 . Il n’y a que les empereurs autrichiens des temps modernes qui furent tous « premiers », en l’attente d’un grand nombre de successeurs, qui ont d’ailleurs fait défaut.
6 . Les litterae pontificales taisent systématiquement les nomina propria d’évêques ; quant aux destinataires qui étaient situés plus bas dans la hiérarchie ecclésiastique, on trouve au moins la lettre initiale de leur nom. Cette différentiation correspond, dans ses tendances, aux usages suivis en général dans le commerce épistolaire, mais elle est encore plus radicale. Il y a des documents pontificaux dans lesquels même le pape qui les rédigeait n’est désigné que par une initiale. Dans ces cas-là, on peut également exclure le camouflage comme motif.
7 . La grande fréquence d’abréviations dans les lettres pourrait également être considérée comme un signe de plus haute intimité, et entre les partenaires du courrier et à l’égard des connaissances communes dont il est question dans les lettres. Mais l’exemple que je viens de donner, de personnes ayant prêté serment et appelées Dominique ou Jean, serait une première contradiction à ce principe, et si on pense aux noms abrégés dans les suscriptions de textes diplomatiques s’adressant au moins en théorie à la chrétienté toute entière, ce principe ne peut absolument pas s’appliquer.
8 . Si l’on veut considérer comme tel l’ajout du suffixe –us, ce qui est une pratique un peu simplifiée et pas tout à fait correcte de latinisation.
9 . Dans ce contexte, il faut renoncer aux différenciations sociales inhérentes à certaines types de situation et à certaines catégories documentaires. Dans ces cas-là, ce n’est pas la catégorie documentaire qui influence la forme de la désignation de la personne, c’est la réalité historique qui s’y cache. On y décèle plusieurs critères et antagonismes, mais pour lesquels on ne peut se contenter d’une simple énumération, comme c’était le cas pour les types de changements causés par les catégories documentaires ; les critères en question ne s’excluent pas entre eux, mais ils peuvent se superposer de plusieurs façons.
10 . Ceux qui se sont intéressés au dernier chemin de l’impératrice Zita, veuve du dernier empereur autrichien, à la crypte des Capucins à Vienne ont pu observer la porte d’entrée lui était restée fermée au début. À la question « Qui veut entrer ? », Zita a été présentée par son nom complet avec tous ses titres, mais ce nom était inconnu au portier et il n’a pas laissé entrer Zita. Ce n’est qu’après sa présentation comme pauvre pécheresse, sans indication de nom, qu’elle a pu entrer.
11 . Dans ce cas, on peut renoncer à indiquer le nomen proprium du tributaire s’il n’y a qu’une seule tenure dans un lieu donné, ou si le tributaire est identifié clairement comme « fils de XY ».
12 . Dans son Frauendienst, Ulrich von Liechtenstein a décrit un tournois. Peu importe si celui-ci est fictif ou non ; ce qui est décisif c’est que l’auteur a dû se tromper plusieurs fois dans les noms des personnes concernées. On en a donc conclu (et ce n’était pas dans le contexte de la science des noms) que le poète s’est servi de listes de participants qui ignoraient les noms personnels. Alors que dans d’autres situations le nomen proprium pouvait suffire à la désignation d’une personne, c’était le cas pour les titres dans le milieu de la noblesse ainsi que dans leurs formes d’expression littéraire. Alors que, pour un nomen proprium simple cité dans une liste de témoins, l’historien d’aujourd’hui est souvent contraint de chercher le titre, dans la littérature et dans les sources assimilées, c’est plutôt le contraire.
13 . Sauf si le nom est essentiel au récit, comme c’est le cas pour Rumpelstilzchen. Quant au reste, ce n’est pas un hasard si Hansel et Gretel sont des noms très courants et qui ne font jouer aucune idée préconçue sur le caractère des individus.
14 . Le fait évident que les personnes inscrites dans un nécrologe sont nées en moyenne plus tôt que les personnes figurant dans des sources diplomatiques et dans des censiers de la même époque peut aussi entraîner un décalage quant à l’évolution de certaines pratiques anthroponymiques, comme la préférence pour certains nomina propria.
15 . Cf. Monique Bourin, « Eine vergleichende Betrachtung der Personenbenennung in Urkunden und Inschriften am Beispiel des Languedoc », Personennamen und Identität. Namengebung und Namengebrauch als Anzeiger individueller Bestimmung und gruppenbezogener Zuordnung. Akten der Akademie Friesach „Stadt und Kultur im Mittelalter, Friesach (Kärnten), 25. bis 29. September 1995“, éd. Reinhard Härtel, Graz 1997 (Grazer Grundwissenschaftliche Forschungen, 3, = Schriftenreihe der Akademie Friesach, 2), p. 237-252, spéc. p. 247-248. Dans cette étude, M. Bourin a présenté ses recherches sur les épigraphes dans le sud de la France ; on n’y trouve en aucun cas ce genre de réductions, comme cela serait bien possible en raison de la stabilitas loci des monuments en pierre ou comme on pourrait peut-être même s’y attendre après les arguments que je viens de développer, et comme on peut le prouver ailleurs. Cela souligne que les conséquences indiquées doivent absolument être interprétées comme de simples tendances, sans aucune exclusive.
16 . Naturellement, il ne s’agit pas ici d’une explication qui puisse rendre compte à la fois de tous ces phénomènes. Dans une seule et même liste de cens on peut trouver pour un village exclusivement des désignations de personnes à nom unique tandis que, pour un deuxième village, pas forcément moins à l’écart, la désignation par deux éléments est déjà la règle. Certains éléments de la désignation des personnes sont superflus dans un censier, car la structure géographique d’un censier offre déjà en elle-même une donnée importante de la désignation. L’applicabilité de ces réflexions aux libri vitae du haut Moyen Âge suscite un problème, parce que ce principe ne « fonctionne » pas aussi bien pour les nécrologes du Moyen Âge classique, qui suivent le calendrier.
17 . Michel Pastoureau, « Du nom à l’armoirie, héraldique et anthroponymie médiévales », Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, IV, Discours sur le nom, normes, usages, imaginaire (VIe-XVIe siècles), éd. Patrice Beck, Tours, 1997, p. 83-105.
18 . Les rapports entre textes et images ont été souvent étudiés ces dernières années. Voir par exemple Beweglichkeit der Bilder. Text und Imagination in den illustrierten Handschriften des « Welschen Gastes » von Thomasin von Zerclaere, éd. Horst Wenzel et Christina Lechtermann, Cologne, Weimar, Vienne, 2002 (Pictura et poesis, 15).
19 . Sur les sceaux de l’empereur Justinien, la citation du seul nom (en latin et en grec, sur chacune des deux faces) suffisait, sans aucune autre désignation verbale. Mais on y voyait aussi l’image de la tête du basileus, couronnée d’un diadème, et le tout devait être fixé à un document impérial. Mais en général les légendes des sceaux étaient beaucoup plus explicites, et leur légende en rapport étroit avec la suscription des actes.
20 . Il ne le peut pas s’il parle de personnes et d’événements réels ; et c’est surtout dans de tels cas que le prédicat joue un rôle proportionnellement plus grand par rapport au nomen proprium.