Latin et langue vernaculaire dans les actes notariés corses XIe-XVe siècle
Professeur, Università degli studi di Pisa, Dipartimento di Medievistica, via Derna 1, I–56126 Pisa. s.scalfati@mediev.unipi.it
Dès le milieu du XIe siècle, à la suite de l’implantation de différents monastères ligures et toscans dans les parties septentrionales de la Corse, on commence à rédiger dans l’île les premiers documents, ayant trait pour la plupart à l’acquisition et à la gestion des patrimoines fonciers possédés par les églises, chapelles, pièves et cellae bénédictines insulaires. C’est surtout d’après les chartriers monastiques que la communication s’attache à reconstituer l’histoire du notariat et tout spécialement l’évolution de l’acte privé en Corse au long du Moyen Âge, et à mettre en évidence la spécificité d’une documentation assez variée, que l’emploi d’un latin mélangé à la langue vernaculaire caractérise d’une manière très particulière par rapport aux actes notariés rédigés à la même époque sur le continent.
Introduction
Après avoir subi l’invasion des Vandales, la Corse passa au cours du VIe siècle sous la domination byzantine et fut soumise à l’autorité de l’exarque d’Afrique. À partir du VIIIe siècle l’île apparaît, d’après les sources, comme étroitement liée à la Toscane. C’est justement sous la conduite du duc de Toscane que, à l’époque carolingienne, la Corse devint une des principales bases des forces navales qui s’organisèrent pour contrecarrer avec succès les attaques déclenchées par les Musulmans, sévissant en Méditerranée. Au XIe siècle, grâce à l’action conjointe des marines de guerre de Gênes et de Pise, la mer Tyrrhénienne fut libérée du « fléau sarrasin ». Mais pour la population corse, qui pouvait enfin revenir habiter le long des côtes restées longtemps désertes, s’annonçait une nouvelle période d’occupation et de domination, que les deux villes maritimes, d’abord Pise, puis Gênes, allaient imposer pendant des siècles.
La domination de la commune de Pise sur l’île, qui dura jusqu’à la fin du XIIIe siècle, fut préparée par l’œuvre des papes réformateurs, dans le cadre d’un vaste plan de conquête politique, militaire et religieuse, dont ils confièrent l’exécution à l’évêque pisan en tant que vicaire apostolique. Le prélat toscan pouvait, quant à lui, profiter de l’implantation des bénédictins ligures et toscans dans le nord de la Corse, où ils s’étaient assurés de la protection et de la faveur des familles seigneuriales. Déjà vers la fin du XIe siècle, ces religieux reçurent de nombreuses donations de biens fonciers et se chargèrent du développement du réseau paroissial insulaire. Ensuite, ils confièrent la desserte de nombre de leurs églises dépendantes à des prêtres indigènes, qui se distinguèrent dans l’œuvre de mise en valeur des propriétés et s’occupèrent souvent de la rédaction des actes de leur acquisition et gestion.
I. Les actes des fonds de la Gorgona
I.1. Les plus anciens actes
Parmi les nombreuses abbayes toscanes et ligures qui possédaient des biens en Corse au Moyen Âge, le monastère bénédictin de S. Maria et S. Gorgonio de l’îlot toscan de la Gorgona représente sans aucun doute l’établissement le plus richement possessionné ; de surcroît, son chartrier est le plus riche et le plus important parmi ceux qui nous sont parvenus, et, même pour les actes les plus anciens, leur crédibilité est heureusement incontestable. Sur deux mille documents environ, qui se rapportent directement à l’histoire de cette institution religieuse du XIe au XVe siècle, et qui viennent de ses fonds d’archives, presque un dixième a trait aux relations entre cette abbaye et la Corse. Mais, en ce qui concerne le problème du notariat corse, ce nombre se réduit à moins de la moitié, c’est-à-dire aux seuls actes sûrement rédigés dans l’île. Et encore, pour chacun de ces parchemins tous les notaires ne sont pas Corses, et tous les Corses qui ont rédigé des documents ne sont pas forcément des notaires professionnels.
Le premier document qui nous soit parvenu, concernant les propriétés que S. Gorgonio possédait en Corse, remonte à 1070-1080 environ : il s’agit d’un breve ayant trait à un plaid, présidé à Acquafredda par le marquis Alberto Rufo fils de feu Alberto, pour rendre justice à l’abbé de la Gorgona sur l’usurpation de certains biens que cette abbaye avait reçus en donation. Le document se termine par les mots : « Albertus nobilissimus marchio precepit scribere hunc brevem », et ne nous donne aucune information au sujet du rédacteur1. Deux autres documents de la fin du même siècle, concernant des donations en faveur de S. Gorgonio, ont été rédigés par un clerc, dépendant de l’abbé de la Gorgona : il s’agit de Rusticus, qui dans sa souscription du premier document est dit « clericus Lombardus », et dans l’autre « clericus atque gramaticus Rossellensis scriptor »2. Le dernier document du XIe siècle fut rédigé à Carco par un personnage inconnu, à la demande de l’évêque d’Aléria Landolfus3.
Pour le siècle suivant, on peut commencer par examiner une vingtaine de documents que la copie du « Libro G » de l’abbaye m’a permis de retrouver : concernant les propriétés que S. Gorgonio possédait en Balagne, ils remontent aux trois premières décennies du XIIe siècle. Il ne s’y trouve qu’un document rédigé par un notaire4, tandis que d’autres actes ont été écrits par des religieux qui dépendaient de la Gorgona et qui ne sont pourvus d’aucun titre notarial ; d’après les documents, nous en connaissons deux, le prêtre Ubertus et le moine et diacre Baldinus. Ce dernier était en 1095 frater dans la cella pisane de S. Vito in Borgo, dépendance de la Gorgona ; à partir de 1110 environ, il se trouvait en Balagne, en qualité de vice-abbé de la Gorgona, et l’évêque de Nebbio, Guilielmo, le nomma en 1124 recteur de l’église de S. Tommaso de Marinca, près de la piève de S. Maria de Canari. Il est le rédacteur de trois documents du « Libro G »5, tandis que le prêtre Ubertus compose un acte d’achat passé à Giustiniano en 11236.
Tous ces documents, rédigés en latin par des ecclésiastiques qui n’étaient pas « notarii », avaient évidemment pleine validité. Mais ils ne nous disent pas grand-chose sur l’origine de ces rédacteurs, et particulièrement sur celle d’Ubertus. On pourrait penser que Baldinus, qui se trouvait à Pise en 1095, et qui fut le premier vice-abbé pour les affaires corses, n’était pas Corse ; Rusticus venait d’Italie du nord, mais le prêtre Ubertus, que l’on rencontre souvent en compagnie de Baldinus, était peut-être Corse. On sait en effet que, à cette époque, les abbés, pour sauvegarder la solitude des moines que la vocation avait poussés dans la tranquillité des cloîtres et en même temps dans le but d’assurer le bon fonctionnement et le développement de leurs monastères, favorisaient le recrutement d’un clergé indigène dans les filiales insulaires, ce qui conjurait le danger de détacher trop de moines pour la desserte des églises. Ces clercs et chanoines, qui étaient placés sous la dépendance immédiate des abbayes exemptes, présentaient d’autres avantages, du moment qu’ils pouvaient – mieux que les religieux venant du continent – connaître la mentalité et répondre aux exigences de la population insulaire7.
Vers 1130, Baldinus fut remplacé en Balagne par le moine et prêtre Albizone, qui rédigea, semble-t-il, deux documents de cession de biens en faveur du monastère de la Gorgona8. Les documents épiscopaux rédigés en Corse au XIIe siècle en faveur de cette abbaye sont eux aussi, comme quelques‑uns des actes privés, dépourvus pour la plupart de la souscription du rédacteur. Et, de même que les actes privés fondaient leur validité sur l’enregistrement écrit de la volonté des parties contractantes, effectué par des représentants de l’auctoritas ecclésiastique faisant fonction de notaires, en présence de plusieurs témoins qui donnaient crédibilité au document9, pareillement la crédibilité des cartulae épiscopales était assurée par la roboratio des évêques et d’autres ecclésiastiques d’un certain rang, à une époque où les évêques corses ne disposaient pas encore d’une véritable chancellerie, mais seulement d’un ou de plusieurs rédacteurs dépendant de la curie diocésaine. En effet, si l’on lit soigneusement l’acte de donation par lequel l’évêque de Mariana, Ildebrandus, offrit en 1115 à S. Gorgonio l’église de S. Nicola de Tomino, on peut remarquer que la completio notariale a été simplement ajoutée à Pise, par le notaire pisan Rodulfus, [notarius] apostolice sedis, à la fin de sa copie de cet acte de donation ou, pour mieux dire, à la fin de sa mise par écrit de cette donation10.
Une autre donation épiscopale, à laquelle le notaire Rodulfus ajoute sa completio, est la cartula par laquelle en 1125 le successeur de Ildebrandus, l’évêque de Mariana Tedaldus, confirma à S. Gorgonio la donation de l’église de S. Maria della Chiappella11. Ces opérations de Rodulfus, effectuées dans le but d’augmenter la crédibilité des actes (dont la structure est d’ailleurs celle des chartae et non des privilèges), avaient été probablement autorisées non seulement par l’abbé de la Gorgona, mais aussi par le successeur de Tedaldus, l’évêque Petrus, pour lequel Rodulfus rédigea des documents vers le milieu du XIIe siècle12, à une époque où parfois, et depuis quelque temps déjà, les évêques corses utilisaient, pour leurs actes rédigés dans l’île, de véritables notaires de profession. Si en effet l’évêque de Nebbio, Guilielmus, confiait encore en 1124 à un personnage inconnu la tâche de rédiger l’acte de donation de l’église de S. Tommaso de Marinca13, en 1137 et en 1144 ses successeurs, Landolfus et Guilielmus, recoururent pour la rédaction de leurs documents à l’aide d’un notaire apostolice sedis, Wuilielmus, que l’on rencontre dans pas moins de cinq cartulae14. L’évolution pourtant ne fut pas univoque, et même dans la seconde moitié du XIIe siècle les évêques corses ont fait rédiger des actes par des scriptores dont nous ignorons et le nom et le titre : la fides de ces actes était toujours assurée par la corroboration de l’évêque et d’autres religieux15. Quoi qu’il en soit, ce n’est que vers la fin du XIIe siècle que nous trouvons, dans le chartrier de la Gorgona, un acte sûrement rédigé par un Corse : il s’agit d’une donation très importante, effectuée par Ranieri, seigneur de Bagnaia (ou Bagnara ou Bagnaria), en faveur de cette abbaye, et rédigée par le prêtre Petro de Bagnaria16.
I.2. Évolution du notariat et évolution de la langue (XIIIe siècle)
Les documents concernant les rapports entre l’abbaye de la Gorgona et la Corse, du XIe au début de XVe siècle (1070-1425 environ), montent presque au total de deux cents, dont quelque quatre-vingts ont été rédigés en Corse ; mais il faut préciser que sur une cinquantaine d’actes corses de la Gorgona, antérieurs au XIIIe siècle, il n’y en a qu’une dizaine qui ont été rédigés hors de Corse, tandis que sur cent cinquante documents environ de la période 1200-1425, moins d’un tiers (quarante environ) sont passés en Corse. Même si l’on considère qu’une bonne moitié des actes les plus anciens, ceux des XIe et XIIe siècles, ne nous sont parvenus que sous forme de copies contenues dans un seul volume (le « Libro G »), et que les lacunes documentaires sont très nombreuses, aussi bien pour le haut que pour le bas Moyen Âge, force est néanmoins de constater qu’il y a relativement plus de documents rédigés en Corse pour les temps les plus anciens que pour la période du XIIIe au XVe siècle.
Il faut remarquer à ce propos – sans laisser de côté la question du caractère fortuit de la tradition de nos textes – que les donations pieuses, dont les actes étaient pour la plupart rédigés en Corse, étaient devenues très rares après le XIIe siècle, et que à partir de cette époque les moines de la Gorgona prirent l’habitude de régler bien des affaires, concernant la gestion de leur riche patrimoine corse, sans quitter le couvent de leur îlot ou le cloître pisan de S. Vito in Borgo ; dans de tels cas, ils chargeaient des notaires pisans de la rédaction des documents correspondants (nominations et confirmations de prêtres et de procureurs, conventions, quittances, etc.). De plus, les documents relatifs à l’administration des propriétés des églises corses (tels que baux, réfutations, achats, échanges, etc.), rédigés dans l’île par des notaires ou par des ecclésiastiques, étaient conservés par les recteurs de ces églises, et ils ont malheureusement pour la plupart disparu. Quant aux parchemins concernant les transactions entre particuliers insulaires, qui étaient rédigés par des prêtres ou par des prêtres-notaires, ils sont très rares, et on ne peut pas établir si cela vient du fait que ces religieux, avec le temps, se limitaient à ne conserver soigneusement que les actes destinés aux dossiers de gestion des biens de leurs églises, ou du fait que les rédacteurs n’exécutaient que rarement des copies pour leurs archives.
Après avoir placé parmi les deperdita quatre actes de donation en faveur de S. Gorgonio, au sujet desquels nous n’avons qu’une rapide mention dans l’Istoria del Regno di Corsica de Cambiagi17, on peut enfin voir un peu plus clair dans l’histoire du notariat corse. En 1220 à Patrimonio, un acte de vente de biens entre particuliers est dû à un prêtre qui était en même temps notaire, et qui a utilisé la langue vernaculaire, à l’exception des formules d’invocation et de datation, de la liste des témoins et de la souscription, qui sont en latin18. C’est à partir de cette époque qu’on voit la langue vulgaire apparaître par degrés dans les chartes corses de la Gorgona, et supplanter peu à peu le latin, que même les rédacteurs corses d’actes privés utilisaient jusque-là. L’emploi de la langue vernaculaire, au début du XIIIe siècle19, représente l’un des caractères particuliers des parchemins rédigés par les notaires et par les scriptores corses, qui continuaient à se servir de la langue savante – par respect et par souci de la tradition – uniquement pour la rédaction de quelques formules plus ou moins fixes, telles que l’invocation, la datation et la completio. En revanche, l’exposé et le dispositif des documents gagnait à être écrit dans la langue parlée (un italien corsisé), que la rigueur et la rigidité du langage juridique n’arrivent pas à masquer, surtout dans les actes rédigés par ces religieux corses que leur mission pastorale avait peu à peu poussés dans ce domaine d’activité de service social.
Le passage du latin à la langue vernaculaire, ainsi que le passage du rédacteur religieux au prêtre-notaire, pourraient fort bien remonter à la seconde moitié ou aux dernières décennies du XIIe siècle, mais il ne nous reste que trois ou quatre documents rédigés en Corse pendant la seconde moitié du XIIe siècle, qui ne nous aident évidemment guère à éclairer cette période de transition. D’ailleurs, toujours à propos d’obscurité, il faut remarquer que même sur les origines du notariat corse nos documents nous obligent à rester dans le vague, en ce sens que nous n’avons plus accès aux plus anciennes chartes rédigées par des notaires insulaires, mais seulement aux premiers témoignages, parmi ceux que contient le cartulaire de la Gorgona, qui ont eu la chance de survivre jusqu’à nos jours. Il paraît toutefois que, entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, vu le courant général de diffusion du notariat, les prêtres corses, qui depuis longtemps faisaient fonction de notarii sous le couvert de l’auctoritas de l’Église (on pourrait penser à ce propos aux actes privés rédigés à l’époque lombarde)20, ont éprouvé le besoin de s’adapter à leur époque et d’ajouter à leur dignité religieuse le titre de notaire.
Cette évolution, et plus encore le passage à la phase suivante, celle du notariat laïque, se sont produits lentement et par degrés, d’autant plus que pour les affaires courantes, surtout dans les vallées et dans les petits villages, la présence de quelques prêtres (ou prêtres-notaires) pouvait bien suffire à la rédaction des différents contrats ayant trait à l’administration des biens des églises et aux transactions entre particuliers21. En effet, après avoir remarqué qu’il y avait en Corse, déjà au XIIIe siècle, des notaires laïques, qui rédigeaient leurs actes en latin22, il faut préciser que ce n’est qu’au cours du siècle suivant que le prêtre-notaire fut remplacé, dans les actes privés corses, par des notaires de profession, qui n’utilisaient le latin que dans quelques formules standard. Un bail de 1248 est rédigé par un prêtre qui n’était même pas notaire (comme aux XIe et XIIe siècles) ; les formules d’invocation et de datation, la liste des témoins et la souscription finale sont en latin, le reste de l’acte est en langue vulgaire23. En 1263 et 1268, le recteur de S. Reparata, Guilielmo, écrivait deux brevia relatifs à une donation et à un partage de biens entre particuliers. Les formules d’invocation et de datation au début, ainsi que la notitia testium à la fin des actes, sont en latin, tandis que le reste est en langue vulgaire24. En 1260, un bail entre particuliers, concernant des terrains sis près de S. Reparata, est passé devant Iacobus, prêtre et notaire. Les formules d’invocation et de datation, la souscription notariale et plusieurs mots et expressions sont en latin, tandis que le noyau du document est en italien (substrat toscan avec ajouts corses), de même que les actes susmentionnés de 1220 et de 1248, qui ont été soumis à une étude linguistique serrée25.
Un autre prêtre et notaire, le recteur de l’église de S. Cerbone, écrivait en 1280 l’acte par lequel il cédait à bail emphytéotique l’un des domaines appartenant à son église. L’année suivante, les procureurs des bénédictins de S. Gorgonio renouvelèrent à des particuliers corses un bail de différents terrains. L’acte a été rédigé en latin par Bernardo « de Place » (Piazze, près de S. Colombano de Balagne), « factor de cartam secundum morem et consuetudinem de Capo Corso ». Ce personnage n’avait pas le titre de notaire, tandis que son fils rédigea en 1311 en Balagne un acte en latin, qui se termine par sa souscription : « Ego Landus quondam Bernardi de Plateis, imperatorie dignitatis notarius » 26. En 1283, le prêtre Johannes, « apostolice sedis iuratus notarius », en présence entre autres du piévan de S. Reparata, Guilielmo, rédigeait un bail à la demande des moines et procureurs de S. Gorgonio27. Un autre recteur de S. Cerbone, Petrus, « presbiter et iuratus notarius », écrivait en 1284 l’acte par lequel il renouvelait, devant le procureur de la Gorgona, sa renonciation au rectorat de l’église28.
I.3. Les pratiques de la fin du Moyen Âge
À partir du XIVe siècle, on ne trouve plus que des actes privés rédigés par des notarii laïques, tandis que dans la chancellerie de l’évêque de Nebbio (la seule pour laquelle le chartrier de la Gorgona nous conserve quelques documents du XIVe siècle) les rédacteurs d’actes étaient des religieux qui avaient en même temps le titre de notaire. Nous savons toutefois qu’il y avait encore en Corse des prêtres-notaires : après l’acte cité de 1311, dû au notaire laïque Landus de Piazze29, un bail de 1331 nous apprend qu’un notaire impérial a rédigé le contrat à la demande d’un prêtre-notaire. Cet acte est en langue vulgaire, à l’exception de l’invocation, de la date et de la souscription finale. En 1336, Iacobinus de feu Pincollettus de Casanova, « imperiali auctoritate judex ordinarius atque notarius », intervenant sur la demande du « nobilis vir dominus Babilanus de Mari, potestas Capite Corso », rédigea au château de S. Colombano de Rogliano (Cap Corse) un instrument ayant trait aux droits des religieux de la Gorgona sur les dîmes du Cap. Les témoignages des Corses au sujet des dîmes sont en langue vernaculaire, tandis que tout le reste du document est en latin30. En ce qui concerne deux sentences, relatives aux dîmes revenant au recteur de S. Cerbone et prononcées par l’évêque de Nebbio en 1345 et 1346, il nous reste les documents, rédigés en latin l’un par un clerc, qui avait le titre de notaire impérial et de notaire de la curie diocésaine, l’autre par un prêtre qui était en même temps notaire impérial31.
Aux XIVe et XVe siècles, les actes corses, selon une tradition qui remontait aux siècles précédents, sont pour la plupart en langue vulgaire (les formules d’invocation, datation et souscription notariale restant en latin), et parfois même les notaires ligures, lombards et toscans, lorsqu’ils rédigeaient des documents dans l’île, s’en tenaient à ce modèle documentaire32. Vers 1332, une liste des propriétés de l’église de S. Lucia della Venzolasca est due à un notaire de Biguglia, et nous ne connaissons pas le nom de l’auctoritas qui lui avait conféré son titre notarial33. D’un notaire originaire de Patrimonio, Upizino, qui en 1369 rédigea à Calvi un acte de vente de terres entre particuliers, nous savons qu’il était « notarius imperiali auctoritate »34.
Le notariat corse était une institution solide, qui s’était imposée depuis longtemps : les notaires avaient à leur disposition des modèles documentaires riches et à jour, qui permettaient la rédaction de documents qui fussent à la fois irréprochables et précis d’un point de vue juridique, et facilement accessibles grace à l’emploi de la langue vulgaire et d’un style clair et concis. Les documents du notaire impérial Bostoracio de feu Domenico de Corbaria, rédigés en langue vulgaire entre 1371 et le début du XVe siècle, sont à cet égard une mine incomparable de renseignements, d’autant plus que nous avons la chance de connaître son activité d’après plusieurs de ses actes35. Après sa mort (survenue entre 1402 et 1416), son fils Pinzutum, lui aussi notaire impérial, le remplaça : le jour de la Saint-Étienne de 1416, à lo Poiarello de S. Reparata, il rédigea un acte par lequel le recteur de cette église donnait à bail un terrain à un certain Anfrione, et en 1419 il copia l’un des documents qu’avait rédigé son père en 139236. Guasparinus Farinola (ou Guasparus de Farinole) est un autre notaire dont le fils reprit la profession : Guasparinus rédigea une sentence arbitrale à S. Gavino en 142137, son fils Daniel était notaire à S. Florent en 146838. Le dernier notaire corse que nous présentent les actes de la Gorgona, Petrus de Iageto de feu Antonino, du Cap Corse, était notaire impérial en 1403, et continuait à exercer sa profession en 144239.
En 1425, la chartreuse pisane de Calci recueillit les biens de S. Gorgonio, y compris les églises et les autres propriétés sises en Corse. Et, puisque à partir de cette époque les actes corses conservés à Calci, Pise et Ajaccio concernent les rapports entre cette île et la maison de Calci, il faudrait préalablement examiner la nature de ces relations, et ensuite aborder la question des notaires corses (rapport entre notaires insulaires et notaires continentaux, entre actes rédigés en Corse et actes rédigés à Calci, etc.), mais tout cela s’éloigne évidemment de notre sujet.
II. Le fonds de S. Venerio del Tino
II.1. Les actes antérieurs au milieu du XVe siècle
Une autre abbaye italienne, qui possédait des biens en Corse au Moyen Âge et qui peut être étudiée d’après les actes de son chartrier, est celle de S. Venerio del Tino (près de La Spezia), qui était bénédictine et insulaire comme celle de la Gorgona, et pour laquelle le début de l’implantation dans le nord de la Corse remonte à peu près à l’époque où les religieux de la Gorgona commençaient à y acquérir des propriétés. La documentation de S. Venerio est assez riche et revêt un certain intérêt pour notre discours sur le notariat corse, d’autant plus que quelques-uns des actes qui nous sont parvenus de son fonds d’archives remontent aux XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire à une période de l’histoire corse qui est – comme chacun sait – pauvre de documents et peu étudiée.
À partir du début de la présence de ces moines en Corse (fin du XIe siècle) et jusqu’aux premières décennies du XVe siècle, les documents ayant trait aux relations entre le monastère et la Corse sont au total une cinquantaine40. En ce qui concerne les actes rédigés en Corse, qui ne dépassent pas la vingtaine, on peut aisément constater, pour ce qui regarde les rédacteurs et la langue des documents, qu’il y a quelques analogies, et beaucoup de différences, entre les actes des deux abbayes. Après un breve de la fin du XIe siècle, rédigé en latin par l’abbé de S. Venerio Aimiricus (acte n° 2 de l’édition), il y a pour le siècle suivant trois documents, en latin et en latin mêlé de langue vulgaire, écrits par deux prêtres de l’église de S. Gavino de Mala, qui dépendait de S. Venerio (n° 3, 4, 5). Pour trois autres documents en latin de la même époque (n° 6, 7, 8), on ne connaît ni le nom ni le titre des rédacteurs. Le seul document rédigé en Corse qui nous soit parvenu pour le XIIIe siècle (n° 21), écrit en latin par un notaire dont le nom est mutilé (« …lus »), lors de la visite de l’abbé de S. Venerio aux églises de S. Nicola et de S. Ambrogio de Spano, ne nous renseigne ni sur le nom ni sur le pays d’origine de ce personnage, même s’il résulte des documents que les abbés de S. Venerio, au cours du siècle suivant, avaient coutume de se rendre en Corse en compagnie de notaires du continent, qui composaient leurs actes en latin. C’est le cas du notaire Nicolaus Pelegrini de Portovenere, qui faisait partie de la suite de l’abbé Peregrinus, lors de son voyage à Spano, en 1316 (n° 31, 32) ; du juge et notaire Accorsinus de feu Simon Saracini de Pistoie, qui accompagnait à CaIvi l’abbé Gerardo, en 1366 (n° 35) ; du notaire Johannes de feu Bartholomeus Judex de Sarzana, qui en 1381 se trouvait en Balagne avec l’abbé Gabriele, pour rédiger – comme les autres notaires déjà mentionnés – « plura et diversa instrumenta » (cf. n° 36, 37) concernant l’administration des églises et des autres propriétés que l’abbaye de S. Venerio possédait en Corse.
De son côté, l’évêque de Sagone, que l’abbé Gabriele avait nommé en 1386 vicaire et procureur général de S. Venerio en Corse (n° 41, document rédigé à Gênes), exerçait ses fonctions à l’aide d’un notaire de Chiavari, Benedictus Anthonii de Vignolo, lequel en 1388 rédigeait à Calvi, dans l’habitation de l’évêque, un instrumentum de quittance, en latin, concernant la redevance de l’église de S. Gavino (n° 42). Un autre notaire d’origine ligure, Benedictus de Portovenere, qui était en même temps « potestas Balanie et scriba auctoritate sanctissimi Imperii », était au service de l’abbé Gabriele, qui en 1389 faisait sa visite d’inspection aux églises de S. Nicola et S. Ambrogio de Spano (n° 43). Le premier document du chartrier de S. Venerio rédigé par un notaire corse est de 1400 : pour cette année, mis à part un document en langue vernaculaire, rédigé à S. Nicola de Spano par un notaire inconnu (le texte dit seulement : « in presencia de mi notario », n° 45), nous trouvons dans le cartulaire de S. Venerio des témoignages, ayant trait aux propriétés de S. Nicola de Spano, rédigés par Bostoracius de Corbaria, « inperiali auctoritate notarius » ; la souscription du document est en latin, ainsi que la date (n° 46 ; dans l’acte n° 45, la formule d’invocation et une partie de celle de date sont également en latin). Bostoracius, que nous avons déjà rencontré dans les actes de la Gorgona, est aussi l’auteur de la copie authentique d’un acte rédigé en latin en l’an 1382, copie exécutée, d’après « uno cartolario S. Quirici », entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle (n° 38)41.
Un autre notaire corse imperiali auctoritate, Franciscus de feu Sanctucolus Bocacioli de Calvi, rédigea en 1412 à Calvi, dans le cimetière de l’église de S. François, l’acte par lequel l’abbé de S. Venerio nommait le recteur des églises de S. Nicola et S. Ambrogio de Spano (n° 48). L’acte est en latin, puisque dans la colonie génoise de Calvi les notaires corses suivaient la tradition du notariat génois. Mais nous trouvons aussi (on y reviendra à propos des actes de l’abbaye de Montecristo) un notaire originaire de Calvi, qui en 1402, à Biguglia (dans la plaine orientale), écrivait ses actes en langue vulgaire. De l’un de ces documents de cette année-là, il résulte en outre que même Franciscus Bocacioli avait rédigé un instrument en langue vulgaire. Le dernier document rédigé en Corse, et relatif à la période bénédictine de l’abbaye de S. Venerio, remonte à 1428 ; il est écrit en langue vulgaire (avec souscription en latin) et concerne une action juridique qui se déroule à Biguglia : Antonius dit Calzaligata, « scriba domini comitis », y notifie un arrêt par lequel le sieur Vincentello d’Istria, « Dei gratia comte et visorei de Corsicha », intimait à tous les débiteurs l’ordre de s’acquitter sans délai envers l’abbaye de S. Venerio (n° 51).
II.2. Les actes de la seconde moitié du XVe siècle
Tout compte fait, les actes corses de cette abbaye ne nous apprennent pas grand-chose sur le notariat insulaire durant la période précédant le bas Moyen Âge, tandis que pour la seconde moitié du XVe siècle ils nous font connaître une vingtaine de notaires corses, originaires de Balagne, du Cap et du Nebbio42. Les analogies et les différences entre les documents des deux chartriers de la Gorgona et de S. Venerio (qui nous sont parvenus incomplets) sautent aux yeux. On peut d’abord remarquer que nous avons déjà rencontré, dans les actes de la Gorgona, des religieux (prêtres, diacres, clercs, moines) en qualité de rédacteurs de documents. Le prêtre Albertino et le clerc « officiale » Alegritto, tous les deux liés à l’église de S. Gavino de Mala, dépendant de S. Venerio, étaient eux aussi – au début du XIIe siècle – des rédacteurs de documents en latin mêlé de langue vernaculaire ; il est probable qu’ils étaient Corses43. De toute façon, il ne s’agit pas encore de véritables notaires, et d’ailleurs, si l’on veut parler des origines du notariat corse sur la seule base des actes de S. Venerio, on doit attendre encore presque trois siècles et aboutir peut-être à la conclusion que le notariat corse est un phénomène tardif, importé de Gênes et dépourvu d’importance.
En 1978, Laura Balletto, en se fondant sur les actes corses de S. Venerio, écrivait que la Corse n’aurait pas eu de notaires autochtones avant la fin du XIVe siècle44. Les actes de la Gorgona nous montrent au contraire que les notaires corses n’ont pas attendu l’aube du XVe siècle pour faire leur apparition, et employer la langue vernaculaire. Mais je veux ajouter que même ces actes, qui ne sont pas très nombreux, ne jettent que de rares lueurs sur le notariat insulaire, et ils ne nous en offrent qu’une image partielle et tardive. Les documents qui nous sont parvenus, surtout ceux des XIe-XIIIe siècles, ne représentent qu’une petite quantité par rapport aux actes rédigés au cours du Moyen Âge, et de plus, ils ne reflètent que le point de vue monastique, ou, pour mieux dire, ils concernent pour la plupart – à l’exception de quelques munimina et de quelques contrats que les prêtres rédigeaient pour leurs paroissiens – les relations économiques et sociales entre des bénédictins et quelques Corses du Deçà-des-Monts (surtout du Nebbio, du Cap, de Casinca et de Balagne) ; c’est-à-dire que d’après ces documents nous ne sommes que peu et mal renseignés sur les contrats passés entre particuliers pour régler les différentes transactions et les passages de propriété – le « Libro G », d’ailleurs, pour ne citer ici qu’un seul exemple, nous apprend entre autres que bien des actes de la Gorgona, conservés par les recteurs des églises corses dépendant de cette abbaye, étaient déjà égarés au Moyen Âge.
D’autres questions se posent à ce propos, auxquelles on ne sera pas encore en mesure de donner une réponse documentée : à partir de quelle époque a-t-on commencé en Corse à écrire les contrats (achats, donations, etc.) passés oralement par les parties contractantes ? Et encore, où les rédacteurs de documents allaient-ils pour acquérir leur préparation juridique professionnelle et se familiariser avec les modèles documentaires qu’ils devaient ensuite appliquer aux réalités insulaires ? En principe, on pourrait avancer l’hypothèse que tout d’abord l’hégémonie lombarde, puis l’implantation des bénédictins et la domination pisane, peuvent avoir poussé les Corses à utiliser la forme écrite, ou peut-être simplement à développer l’habitude de se fonder sur les documents plutôt que sur la tradition orale, ce qui permettait à chacun de toujours pouvoir (même après la mort des témoins) prouver ses bonnes raisons contre les essais de contestation et d’usurpation. Les religieux, continentaux et indigènes, ainsi que quelques scriptores et notaires en service chez les évêques et quelques-unes des familles nobles, pourraient avoir appris aux insulaires les rudiments nécessaires à garantir par l’écriture la certitude du droit, ce qui n’exclut pas que dans certains cas cette formation technique puisse avoir eu lieu sur le continent (en Toscane ?). Mais, plus en général, il y a un problème d’une importance capitale, que nos sources ne nous permettent pas de résoudre : il faudrait savoir selon quelles règles les rapports économiques étaient organisés en Corse pendant les siècles troublés et obscurs du haut Moyen Âge, où l’on vivait en économie fermée, et il faudrait aussi connaître le genre et le degré d’organisation politique et juridique, au niveau des familles et des clans, de l’autorité religieuse, de la noblesse laïque et des “anciens gentilshommes”, afin de pouvoir identifier, entre autres, les responsables du contrôle et de l’approbatio des coutumes45.
III. Le fonds de S. Mamiliano de Montecristo
Dans une recherche fondée sur ce genre de sources, je ne peux guère manquer d’évoquer l’un des chartriers monastiques à la fois les plus célèbres et très douteux, celui du monastère de S. Mamiliano de l’île toscane de Montecristo. Ses moines, qui, comme beaucoup d’autres familles religieuses implantées dans les îlots de la mer Tyrrhénienne (Tino, Gallinaria, Giglio, la Gorgona, Capraia, etc. ), avaient débuté par la vie érémitique, dès avant l’époque de Grégoire le Grand, devinrent bénédictins à l’époque de la réforme grégorienne, poussés par le souci d’accroissement et de stabilisation des patrimoines ecclésiastiques qui animait les papes réformateurs ; ils commencèrent alors à acquérir des propriétés sur le continent et en Corse. Au début du XIIe siècle, à l’époque de Gélase II, ils étaient installés à l’île d’Elbe, en Sardaigne, à Pianosa et en Corse, où ils possédaient entre autres deux églises et deux monastères – les abbayes de S. Stefano de Venaco et de S. Maria de Canovaria, les églises de S. Pellegrino et de S. Paolo de Conca46.
Le chartrier de Montecristo ne nous étant pas parvenu, on devrait se fonder, pour accéder aux témoignages les plus anciens sur les propriétés corses de cette abbaye, sur des « copies » tardives d’une dizaine de donations échelonnées du Ve au XIIe siècle, et qui pourraient donc être une mine précieuse d’informations sur le notariat insulaire de cette époque peu documentée et peu étudiée. Mais, étant donné que, comme je l’ai déjà démontré ailleurs47, ces documents sont des faux fabriqués de toutes pièces vers le milieu du XIIIe siècle, force nous est de passer aux actes postérieurs, moins douteux et plus dignes de foi, qui nous offrent quelques renseignements sur le notariat corse du XIIIe au XVe siècle, et particulièrement sur l’activité d’une dizaine de notaires insulaires du XIVe siècle. Un acte de donation du début du XIIIe siècle, passé devant l’église de S. Pellegrino, confirme ce que nous avions déjà remarqué à propos des prêtres-notaires dans les actes de la Gorgona : Marcus Rogerii, qui rédigeait ce document en 1209, était un notaire laïque imperiali auctoritate, qui utilisait pour ses actes le latin. Deux autres documents, datés de 1242 et 1243, sont également écrits en latin ; ils sont dus au prêtre Marcus, recteur de l’église de S. Maria de Petracorbaia de Tavagna et en même temps iuratus publicus notarius48.
Les actes du XIVe siècle qui nous sont parvenus de Montecristo permettent d’établir une comparaison intéressante avec les documents de S. Gorgonio : le développement du notariat impérial est confirmé, tandis que le passage de la phase du prêtre-notaire à celle du notaire laïque de profession semble avoir eu lieu plus lentement par rapport aux impressions dégagées du chartrier de la Gorgona. Après un notaire impérial, Orsuccio de Orniano, qui rédigeait en 1304 un acte de donation à S. Giulia de Tavaria, et un autre notaire impérial, Fregolinus de Pero de la piève de Tavania, auteur en 1356 de la copie d’un acte de Montecristo daté de 98149, on rencontre des prêtres-notaires jusqu’aux dernières décennies du siècle. Iohanni de lo Mamucio, rédacteur d’un acte de 1358, était un prêtre-notaire, de même que Rolando, piévan de Valerustia et notaire « iurato » (1359). Un autre prêtre-notaire, Guilliardo, rédigeait en 1365, à S. Quirico de lo Marcorio, un acte en langue vulgaire (mais l’invocation et la datation sont en latin). Le dernier prêtre-notaire est Mactheo, piévan de Tavagna, qui en 1387 rédigeait un document qui ne nous est pas parvenu50.
Quant aux notaires laïques, nous savons qu’en 1364 Ugolinaccius de feu Iannelluccius de Ura, notaire imperiali auctoritate dans l’évêché d’Aléria, exécuta une copie (en langue vulgaire) de trois actes datés de 407, 600 et 719. Un autre notaire impérial, Guillelmo de feu Sozarello de Daparata, rédigea l’année suivante à Castellare di Casinca un acte de bail en langue vulgaire, à l’exception des formules de datation et d’invocation, comme pour l’autre document de la même année écrit par Guilliardo51. Deux documents, rédigés en 1375 et 1392 par deux notaires laïques, Georgiucio de Aldovranducio da lo Cillo de Oreza et Niccolò Ventorino de Sorbo, ne nous étant pas parvenus, nous ignorons le titre exact de ces professionnels, ainsi que la langue utilisée dans ces actes. Ces deux documents (comme l’autre de 1387, cité plus haut) sont mentionnés dans une sentence du vicaire général du gouverneur de la Corse, écrite en langue vulgaire et copiée en 1402 à Biguglia par le notaire imperiali auctoritate Stephanus fils d’Antonius de Calvi, d’après les actes du notaire Franciscus Santucoli52. Le même Stephanus rédigea dans la même année à Biguglia un acte de compromis : le texte est en langue vulgaire, tandis que l’invocation, la datation et la souscription notariale sont en latin. Un acte de bail de 1406, en langue vulgaire à l’exception des mêmes formules, fut rédigé en Casinca par un autre notaire imperiali auctoritate, Domenico de Castellare Ampugnani53.
Une dernière remarque concerne la question de l’évolution du latin à la langue vernaculaire. D’après les actes de Montecristo qui sont à notre disposition, il n’y a pas de documents en italien corsisé avant 1365, mais il faut bien préciser à ce propos que pour les actes de 1358 et 1359 nous ne disposons que de citations (contenues dans les actes de 1365 et 1402), ce qui ne nous permet pas de connaître la langue que les prêtres-notaires Iohanni de lo Mamucio et Rolando de Valerustia avaient employée dans ces instruments concernant deux baux en faveur de Corses. Je suis porté à croire qu’ils ont utilisé la langue vulgaire (vu la nature même des actes), mais la comparaison avec les actes de la Gorgona, de S. Venerio du Tino ou avec les actes de Montecristo après 1365, ne serait pas un argument probant ni décisif.
IV. Le cartulaire de Nebbio
IV.1. Les fragments conservés
Une autre source très importante dans le cadre d’une étude sur les actes notariés rédigés en Corse au cours du Moyen Âge, est représentée par le fragment d’un cartulaire du XIVe siècle ayant trait aux affaires et aux activités temporelles des évêques de Nebbio, en tant qu’administrateurs du patrimoine de leur diocèse, au cours du siècle précédent54. Ce manuscrit, qui est le plus ancien recueil survivant de documents d’évêques corses, offre des renseignements irremplaçables sur la vie d’un diocèse du nord de l’île, qui jusqu’à l’époque de la domination génoise a subi la perte de la plupart des documents qui avaient été rédigés et reçus, recueillis et gardés, sur l’ordre des évêques, par les notaires et par le personnel de la curie diocésaine (chanceliers, fonctionnaires, vicaires, procureurs, clercs, employés, scribes). Pour ces mêmes siècles (XIe-XIVe siècle), d’autres sources documentaires, relatives aux rapports entre les évêques corses et les responsables des filiales insulaires des monastères bénédictins ligures et toscans possessionnés dans l’île, ont pu échapper en partie à ce naufrage, car les vice-abbés, les procureurs et les religieux italiens, ainsi que les moines et les prêtres indigènes, desservants des églises qui dépendaient de ces abbayes, ont eu soin de faire exécuter ou de rédiger eux-mêmes des copies des documents et d’en remettre les originaux (ou en quelques cas, des copies, simples ou authentiques) dans les archives des maisons mères. Toujours est-il qu’aujourd’hui dans les archives diocésaines de la Corse il n’existe pas de documents médiévaux, et ce fragment de cartulaire, conservé aux Archives départementales, est la seule source directe que nous possédions sur l’activité des évêques corses au XIIIe siècle55.
Les évêques de Nebbio sont les auteurs juridiques d’à peu près un tiers de tous les actes, mais ils sont aussi les destinataires d’une dizaine de documents (restitutions et donations de biens fonciers et d’immeubles), tandis que les cinq textes qui restent sont des jugements qui concernent le même évêché. La plupart des documents ont été rédigés « in episcopatu », dans l’église de Sainte-Marie « a la civitate » ou dans d’autres églises des villages du diocèse, tandis que les sentences étaient normalement prononcées « in parlamento » ou « a la buda » (« veduta » ou lieu des assemblées) par les juges et par les représentants des institutions piévanes et communales56.
Tous les feuillets, provenant de deux manuscrits rédigés à peu près à la même époque dans le Nebbio, ont les mêmes dimensions et la même structure. Quant à leur contenu, dans le premier feuillet du premier fragment on trouve d’abord la souscription notariale d’un acte rédigé par le prêtre et notaire imperiali auctoritate Restorus de Plebe57 ; ensuite, un acte de 1345, par lequel l’évêque de Nebbio Raffaele Spinola ordonne à tous ceux qui détiennent des propriétés ou des droits sur les dîmes de son diocèse, de lui présenter les documents ayant trait à leurs droits et à leurs prétentions. Tout le texte de cet acte, rédigé par le notaire impérial Landus de Patrimonio, est en langue vulgaire (italien corsisé), tandis que la formule d’invocation et la souscription notariale sont en latin. Les deux documents suivants sont des copies de deux actes de 1259 et 1266, qui concernent la restitution de propriétés épiscopales. Le dernier document contenu dans ce même feuillet est le début d’un acte d’inféodation emphytéotique de la part du vicaire de l’évêque de Nebbio Percevalle58.
Quant à l’autre feuillet, il commence par la partie finale d’un acte de 1281, par lequel l’évêque de Nebbio Johannes Fieschi confirme à des particuliers l’accensement de dîmes de son diocèse. Dans le document suivant, rédigé en latin par Petrus, « diaconus de Oletta, iuratus notarius », le même prélat donne à bail à des particuliers un fief de son évêché, contre une redevance annuelle en argent et en échange de l’engagement d’être toujours « vassalli de episcopatu et de episcopis contra omnes personas »59. Le dernier texte qu’on trouve dans ce même feuillet est le début d’un document par lequel l’évêque de Nebbio Raffaele Spinola concède à bail à des particuliers un fief de l’évêché, moyennant une redevance annuelle et un serment de fidélité. L’invocation de l’acte est en latin, la partie dispositive est en langue vulgaire. Le rédacteur en est le même prêtre-notaire Restorus que nous avons déjà rencontré60. Dans ces deux feuillets il n’y a donc pour le XIIIe siècle que la partie finale d’un acte et un document tout entier, en plus de ceux qui ont été copiés dans l’autre fragment de cartulaire dont nous allons parler maintenant. Chacun des deux feuillets est écrit par une main différente, tandis que les autres (six au total), qui proviennent de l’autre manuscrit, sont dus à une troisième personne. D’après le type d’écriture employée, il s’agit probablement de trois notaires actifs vers la fin du XIVe siècle.
Le premier des six feuillets du second fragment contient la partie finale d’un document qui n’a pas de datation et deux actes datés de 1224, dont l’un fut rédigé par le prêtre-notaire corse Albertus de Barrettali sur l’ordre de l’évêque de Nebbio et ensuite transcrit dans le cartulaire d’après une copie authentique du siècle suivant, exécutée en 1335 par le notaire et juge impérial Orlandus fils de Georgius de Luri, lui aussi originaire du Cap61.
Ces actes, et surtout les documents figurant dans les autres feuillets du cartulaire épiscopal, nous confirment entre autres ce qu’il ressort d’une analyse détaillée de la forme et du contenu, ainsi que de la typologie et de l’évolution des sources documentaires ligures, toscanes et corses d’origine monastique : le passage de la phase du prêtre-notaire à celle du notaire laïque, et par la suite la diffusion considérable du titre de notaire impérial (parfois de notaire et juge impérial), a eu lieu dans la Corse du nord-est entre les dernières décennies du XIIIe et le milieu du XIVe siècle, époque à laquelle même les ecclésiastiques dépendant de la curie diocésaine de Nebbio étaient notaires imperiali auctoritate62. Les rédacteurs des actes sont pour la plupart des prêtres-notaires, dont le titre est toujours presbiter iuratus notarius, à l’exception d’un notaire génois, Obertus de Donato, et d’un certain Ansaldus de Tilia, dont la formule de souscription, qui n’est précédée d’aucun signum, est dépourvue de titre notarial. Au cours de la décennie 1260-1270, qui correspond à peu près à l’épiscopat d’Henricus de la Terchina et à laquelle remonte presque la totalité de ces documents, les prêtres-notaires qui rédigeaient des actes pour l’évêque de Nebbio étaient au moins quatre. Le seul notarius apostolice sedis, titre d’origine très probablement pisane, est le iuratus notarius Johannes fils de feu Ugolinus de Berto, qui dans un seul acte (sur neuf, tous pourvus de son seing) déclare sa qualité de prêtre, tandis que dans la souscription d’un autre il ne donne que son nom et son patronyme.
Les documents qui ont été copiés (dans quelques cas en abrégé, mais les formules finales de souscription me semblent toujours complètes) et insérés dans ce cartulaire-registre ne permettent pas d’avancer d’hypothèse au sujet de l’existence d’une véritable chancellerie des évêques de Nebbio au XIIIe siècle. Les souscriptions des rédacteurs de ces documents ne font jamais allusion à un ordre ou à une demande de mise par écrit de la part des évêques : elles se limitent à déclarer que le notaire « rogatus » a écrit l’acte63. La seule exception est représentée par un document déjà cité de 1224, qu’un prêtre-notaire rédigea sur l’ordre de l’évêque de Nebbio, « et ego presbiter Albertus de Baretali notarius ex precepto supradicti domini episcopi hanc cartam scripsi et complevi », ce qui ne saurait suffire toutefois pour en déduire qu’il appartenait à une chancellerie épiscopale, ni même, peut-être, à l’entourage de l’évêque. Pourtant, le seul diocèse corse pour lequel on pourrait postuler l’existence d’une chancellerie, dès la seconde moitié du XIIe siècle, est justement celui de Nebbio, au témoignage d’une « sententia vel concordia » prononcée et souscrite par les évêques de Sagone Andreas et de Nebbio Landolfus, en tant que juges délégués par le pontife romain au sujet d’un différend éclaté entre un piévan du Cap Corse et l’abbé d’un monastère pisan possessionné dans la région : le texte de cet acte important, rédigé en 1177 par un personnage inconnu « in ecclesia sancte Marie Nebulensis », se termine par les mots : « Et ut omnem optineat firmitatem, in ea subscripsimus et sigillis nostris eam sigillari mandavimus »64.
Quant au contenu des feuillets de ce fragment de cartulaire, il s’agit de quelques titres d’achat représentés par des offrandes pieuses (« offersiones pro remedio animae ») effectuées par des Corses, de divers actes de concession de propriétés et de droits de la part de l’évêché, en échange de redevances en espèces et en nature, et de nombreux documents (sentences, diffinitiones et restitutions de biens) rédigés à la conclusion de contestations et de litiges entre les évêques et des particuliers, concernant les droits sur les dîmes, les revenus et la propriété de biens fonciers et d’immeubles, que les prélats de Nebbio étaient contraints de se faire reconnaître et de récupérer après avoir eu recours à des procès et à des appels adressés aux juges et aux autorités des communes de leur diocèse (il y aussi une admonitio sur ces droits, présentée par l’évêque « a la buda »).
IV.2. Les contrats : langue et typologie
Les évêques possédaient à cette époque, comme d’ailleurs déjà au XIIe siècle, un patrimoine important dans la vallée du Nebbio et le long de la côte occidental du Cap, consistant en terrains, maisons, vignobles, droits sur les dîmes à l’intérieur des circuli des pièves, etc., surtout à Barbaggio, Barrettali, Casta, Farinole, Conchilio, Brumica, Patrimonio ; ils accordaient ces biens à des fideles contre des cens et des redevances en nature et en argent. Ils avaient également droit à des servicia et au serment de fidélité de la part des tenanciers et des vassalli qui recevaient leurs feuda et teneria. Mais l’administration de ces propriétés les obligeait à affronter souvent de graves difficultés : ils devaient non seulement lutter contre l’insolvabilité et les empiètements de la part des concessionnaires, mais aussi faire face aux injurie des hoberaux et aux visées autonomistes des prêtres de leur diocèse et des recteurs des églises qui dépendaient des monastères du continent65. En ce qui concerne la gestion des propriétés et, plus en général, l’habitude de régler les affaires non seulement devant témoins mais en ayant aussi recours à des notaires professionnels, dans l’évêché de Nebbio et dans tout le nord-est de l’île (En-Deçà-des-Monts) la situation était bien différente et plus évoluée que dans le sud et l’ouest (Au-Delà-des-Monts), où l’on sait (exemple cité plus haut) que en 1234 l’acte d’élection de l’évêque d’Ajaccio avait été rédigé par un simple diacre (revêtu pourtant de l’auctoritas Ecclesie), parce qu’il n’y avait point de notaires dans la région.
À la suite du partage de la Corse en deux zones d’influence, imposé par Innocent II en 1133 pour mettre fin aux hostilités entre les deux républiques rivales de Pise et de Gênes qui se disputaient l’hégémonie sur l’île, les évêques du diocèse de Nebbio, compris dans la partie la plus continentalisée de la Corse, dépendaient maintenant du nouvel archevêque génois, comme ceux de Mariana et du nouveau micro-diocèse d’Accia, tandis que les prélats d’Aleria, Ajaccio et Sagone continuaient à être suffragants de l’archevêque toscan. Même après la défaite pisane à la fameuse bataille navale de la Meloria, à la fin du XIIIe siècle, et encore au cours du siècle suivant, lorsque l’île toute entière fut tombée sous la domination génoise, les évêques des diocèses de Mariana et du Nebbio gardèrent toutefois des contacts avec la commune et les archevêques de Pise, ainsi qu’avec les bénédictins de S. Gorgonio de la Gorgona et de sa cella pisane de S. Vito in Borgo, qui depuis la seconde moitié du XIe siècle étaient maîtres de nombreuses propriétés (domaines, vignobles, terrains, immeubles, et une vingtaine d’églises) dans les vallées fertiles du nord et en Balagne, dans le Nebbio et au Cap, dans les plaines d’Aleria et de la Casinca.
L’époque à laquelle remontent les documents du cartulaire n’était déjà plus celle de la domination pisane sur toute la Corse (ou pour mieux dire, sur les terroirs côtiers de l’île, les régions de l’intérieur étant assez peu documentées). Toutefois, les structures administratives imposées par la commune de Pise s’étaient enracinées dans les zones du nord et les gens du comunale n’avaient pas cessé leur activité, ce qui pouvait assurer entre autres une coexistence plus ou moins pacifique entre le clergé séculier, les évêques suffragants de Pise et de Gênes, les moines et les prêtres des églises monastiques, les marchands, les livellarii autochtones et italiens et tous ceux qui se refusaient à payer les redevances dues et à reconnaître l’autorité des religieux du continent et de leurs procureurs.
Près de deux tiers des documents sont en latin, qui est la langue toujours employée par le prêtre et notaire apostolice sedis Johannes fils de feu Ugolinus de Berto et par les prêtres-notaires Petrus et Rodulfus. Quant au prêtre-notaire Albertus de S. Martino de Rapale, rédacteur de six documents, il utilise dans un cas le latin pour tout le document ; dans un autre, la langue vulgaire ne concerne que quelques mots à l’intérieur du texte, tandis que dans les autres sont en latin la formule d’invocation, la datation, le début du texte, la liste des témoins, l’actum et la souscription finale, de même que dans les actes en forme mixte rédigés par le prêtre-notaire Johannes de S. Martino de Barbaio, par le notaire génois Obertus de Donato et par Ansaldus de Tilia, qui ne faisaient que suivre une coutume typiquement corse, celle de la rédaction des actes privés en langue vernaculaire.
Du premier document, il ne nous reste que la section finale, à partir du côté dispositif ; un autre (n° 17) n’est que le début d’un acte ou pour mieux dire, une simple note, incomplète et sans date ; dans le dernier, il n’y a que l’invocation et les mots « Anno Domini millesimo », après lesquels le copiste s’est arrêté, en milieu la ligne, renonçant probablement à y transcrire le reste de la formule de datation, qui aurait pu trouver sa place au bas de la page, pour insérer tout le document dans le feuillet suivant, qui ne nous est pas parvenu. Quant aux autres documents, en plus du noyau dispositif, ils sont tous pourvus de formule d’invocation, de date de temps (sauf le n° 16) et de lieu, de liste des témoins (à l’exception de deux des cinq sentences : n° 2 et 8) et de souscription notariale, précédée dans la plupart des cas du signum de chaque notaire, qui a été reproduit avec soin par le rédacteur du cartulaire.
Les documents ont été rédigés pour la plupart dans la forme narrative qui caractérise l’instrumentum publicum et qui est introduite ici par « manifestus sum » (ou « manifesti sumus »), où la première personne désigne tantôt l’auteur juridique (comme dans l’ancienne charta) tantôt le notaire, ou par « manifestum sit omnibus », en forme narrative comme le texte qui suit. La forme subjective dans tout le document, c’est-à-dire celle qui était propre à la charta, où l’auteur de l’action juridique s’adresse directement au destinataire ou à l’autre partie du contrat, n’est employée que dans deux cas. Les actes sont toutefois presque toujours nommés charta (sans doute au sens générique de document écrit, avec allusion assez probable à sa valeur dispositive), le mot instrumentum ne figurant que dans deux actes.
Tous les documents reproduits dans le cartulaire sont des copies qui descendent très probablement directement des originaux correspondants, à l’exception d’un acte, qui a été recopié d’après un exemplar authentique exécuté en 1359 par un notaire impérial de Sarzana, sur ordre de l’évêque de Nebbio. Il s’agit du seul document qui avait été rédigé, plus d’un siècle avant, par un personnage n’ayant pas le titre de notaire, comme il résulte de sa formule de souscription (n° 3 : « Ansaldus de Tilia publicavit istud instrumentum »). On pourrait alors avancer l’hypothèse que, au milieu du XIVe siècle, l’évêque de Nebbio fit exécuter cette copie par un notaire professionnel dans le but de « régulariser » la forme et la foi d’un acte dépourvu de la souscription notariale, qui caractérisait à cette époque la plupart des actes privés, y compris les documents des évêques corses66.
Conclusion
En conclusion, les sources documentaires issues des institutions religieuses séculières et régulières corses – malgré les grosses lacunes et les lourds silences qui leurs sont propres – ont une importance et une utilité considérables. Dès la seconde moitié du XIe siècle, à la suite de l’installation de différents monastères bénédictins ligures et toscans dans les régions du nord de la Corse, on commença à rédiger dans l’île les premiers documents, ayant trait pour la plupart à l’achat et à l’administration des patrimoines fonciers possédés par les filiales monastiques et les églises insulaires.
D’après l’activité des prêtres-notaires, clercs et notaires de profession, que ces sources irremplaçables nous présentent au milieu d’une foule bariolée de laïques et de religieux engagés dans la défense de leurs droits et privilèges, nous avons pu dégager les grandes lignes et exposer les points principaux de l’évolution de l’acte privé en Corse au Moyen Âge, que l’emploi du latin mélangé à la langue vernaculaire caractérise d’une manière spécifique, bien différente par rapport aux actes notariés rédigés à la même époque sur le continent.