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Latin et langue vernaculaire dans les actes notariés corses XIe-XVe siècle

Professeur, Università degli studi di Pisa, Dipartimento di Medievistica, via Derna 1, I–56126 Pisa. s.scalfati@mediev.unipi.it

Dès le milieu du XIe siècle, à la suite de l’implantation de différents monastères ligures et toscans dans les parties septentrionales de la Corse, on commence à rédiger dans l’île les premiers documents, ayant trait pour la plupart à l’acquisition et à la gestion des patrimoines fonciers possédés par les églises, chapelles, pièves et cellae bénédictines insulaires. C’est surtout d’après les chartriers monastiques que la communication s’attache à reconstituer l’histoire du notariat et tout spécialement l’évolution de l’acte privé en Corse au long du Moyen Âge, et à mettre en évidence la spécificité d’une documentation assez variée, que l’emploi d’un latin mélangé à la langue vernaculaire caractérise d’une manière très particulière par rapport aux actes notariés rédigés à la même époque sur le continent.

Introduction

Après avoir subi l’invasion des Vandales, la Corse passa au cours du VIe siècle sous la domination byzantine et fut soumise à l’autorité de l’exarque d’Afrique. À partir du VIIIe siècle l’île apparaît, d’après les sources, comme étroitement liée à la Toscane. C’est justement sous la conduite du duc de Toscane que, à l’époque carolingienne, la Corse devint une des principales bases des forces navales qui s’organisèrent pour contrecarrer avec succès les attaques déclenchées par les Musulmans, sévissant en Méditerranée. Au XIe siècle, grâce à l’action conjointe des marines de guerre de Gênes et de Pise, la mer Tyrrhénienne fut libérée du « fléau sarrasin ». Mais pour la population corse, qui pouvait enfin revenir habiter le long des côtes restées longtemps désertes, s’annonçait une nouvelle période d’occupation et de domination, que les deux villes maritimes, d’abord Pise, puis Gênes, allaient imposer pendant des siècles.

La domination de la commune de Pise sur l’île, qui dura jusqu’à la fin du XIIIe siècle, fut préparée par l’œuvre des papes réformateurs, dans le cadre d’un vaste plan de conquête politique, militaire et religieuse, dont ils confièrent l’exécution à l’évêque pisan en tant que vicaire apostolique. Le prélat toscan pouvait, quant à lui, profiter de l’implantation des bénédictins ligures et toscans dans le nord de la Corse, où ils s’étaient assurés de la protection et de la faveur des familles seigneuriales. Déjà vers la fin du XIe siècle, ces religieux reçurent de nombreuses donations de biens fonciers et se chargèrent du développement du réseau paroissial insulaire. Ensuite, ils confièrent la desserte de nombre de leurs églises dépendantes à des prêtres indigènes, qui se distinguèrent dans l’œuvre de mise en valeur des propriétés et s’occupèrent souvent de la rédaction des actes de leur acquisition et gestion.

I. Les actes des fonds de la Gorgona

I.1. Les plus anciens actes

Parmi les nombreuses abbayes toscanes et ligures qui possédaient des biens en Corse au Moyen Âge, le monastère bénédictin de S. Maria et S. Gorgonio de l’îlot toscan de la Gorgona représente sans aucun doute l’établissement le plus richement possessionné ; de surcroît, son chartrier est le plus riche et le plus important parmi ceux qui nous sont parvenus, et, même pour les actes les plus anciens, leur crédibilité est heureusement incontestable. Sur deux mille documents environ, qui se rapportent directement à l’histoire de cette institution religieuse du XIe au XVe siècle, et qui viennent de ses fonds d’archives, presque un dixième a trait aux relations entre cette abbaye et la Corse. Mais, en ce qui concerne le problème du notariat corse, ce nombre se réduit à moins de la moitié, c’est-à-dire aux seuls actes sûrement rédigés dans l’île. Et encore, pour chacun de ces parchemins tous les notaires ne sont pas Corses, et tous les Corses qui ont rédigé des documents ne sont pas forcément des notaires professionnels.

Le premier document qui nous soit parvenu, concernant les propriétés que S. Gorgonio possédait en Corse, remonte à 1070-1080 environ : il s’agit d’un breve ayant trait à un plaid, présidé à Acquafredda par le marquis Alberto Rufo fils de feu Alberto, pour rendre justice à l’abbé de la Gorgona sur l’usurpation de certains biens que cette abbaye avait reçus en donation. Le document se termine par les mots : « Albertus nobilissimus marchio precepit scribere hunc brevem », et ne nous donne aucune information au sujet du rédacteur1. Deux autres documents de la fin du même siècle, concernant des donations en faveur de S. Gorgonio, ont été rédigés par un clerc, dépendant de l’abbé de la Gorgona : il s’agit de Rusticus, qui dans sa souscription du premier document est dit « clericus Lombardus », et dans l’autre « clericus atque gramaticus Rossellensis scriptor »2. Le dernier document du XIe siècle fut rédigé à Carco par un personnage inconnu, à la demande de l’évêque d’Aléria Landolfus3.

Pour le siècle suivant, on peut commencer par examiner une vingtaine de documents que la copie du « Libro G » de l’abbaye m’a permis de retrouver : concernant les propriétés que S. Gorgonio possédait en Balagne, ils remontent aux trois premières décennies du XIIe siècle. Il ne s’y trouve qu’un document rédigé par un notaire4, tandis que d’autres actes ont été écrits par des religieux qui dépendaient de la Gorgona et qui ne sont pourvus d’aucun titre notarial ; d’après les documents, nous en connaissons deux, le prêtre Ubertus et le moine et diacre Baldinus. Ce dernier était en 1095 frater dans la cella pisane de S. Vito in Borgo, dépendance de la Gorgona ; à partir de 1110 environ, il se trouvait en Balagne, en qualité de vice-abbé de la Gorgona, et l’évêque de Nebbio, Guilielmo, le nomma en 1124 recteur de l’église de S. Tommaso de Marinca, près de la piève de S. Maria de Canari. Il est le rédacteur de trois documents du « Libro G »5, tandis que le prêtre Ubertus compose un acte d’achat passé à Giustiniano en 11236.

Tous ces documents, rédigés en latin par des ecclésiastiques qui n’étaient pas « notarii », avaient évidemment pleine validité. Mais ils ne nous disent pas grand-chose sur l’origine de ces rédacteurs, et particulièrement sur celle d’Ubertus. On pourrait penser que Baldinus, qui se trouvait à Pise en 1095, et qui fut le premier vice-abbé pour les affaires corses, n’était pas Corse ; Rusticus venait d’Italie du nord, mais le prêtre Ubertus, que l’on rencontre souvent en compagnie de Baldinus, était peut-être Corse. On sait en effet que, à cette époque, les abbés, pour sauvegarder la solitude des moines que la vocation avait poussés dans la tranquillité des cloîtres et en même temps dans le but d’assurer le bon fonctionnement et le développement de leurs monastères, favorisaient le recrutement d’un clergé indigène dans les filiales insulaires, ce qui conjurait le danger de détacher trop de moines pour la desserte des églises. Ces clercs et chanoines, qui étaient placés sous la dépendance immédiate des abbayes exemptes, présentaient d’autres avantages, du moment qu’ils pouvaient – mieux que les religieux venant du continent – connaître la mentalité et répondre aux exigences de la population insulaire7.

Vers 1130, Baldinus fut remplacé en Balagne par le moine et prêtre Albizone, qui rédigea, semble-t-il, deux documents de cession de biens en faveur du monastère de la Gorgona8. Les documents épiscopaux rédigés en Corse au XIIe siècle en faveur de cette abbaye sont eux aussi, comme quelques‑uns des actes privés, dépourvus pour la plupart de la souscription du rédacteur. Et, de même que les actes privés fondaient leur validité sur l’enregistrement écrit de la volonté des parties contractantes, effectué par des représentants de l’auctoritas ecclésiastique faisant fonction de notaires, en présence de plusieurs témoins qui donnaient crédibilité au document9, pareillement la crédibilité des cartulae épiscopales était assurée par la roboratio des évêques et d’autres ecclésiastiques d’un certain rang, à une époque où les évêques corses ne disposaient pas encore d’une véritable chancellerie, mais seulement d’un ou de plusieurs rédacteurs dépendant de la curie diocésaine. En effet, si l’on lit soigneusement l’acte de donation par lequel l’évêque de Mariana, Ildebrandus, offrit en 1115 à S. Gorgonio l’église de S. Nicola de Tomino, on peut remarquer que la completio notariale a été simplement ajoutée à Pise, par le notaire pisan Rodulfus, [notarius] apostolice sedis, à la fin de sa copie de cet acte de donation ou, pour mieux dire, à la fin de sa mise par écrit de cette donation10.

Une autre donation épiscopale, à laquelle le notaire Rodulfus ajoute sa completio, est la cartula par laquelle en 1125 le successeur de Ildebrandus, l’évêque de Mariana Tedaldus, confirma à S. Gorgonio la donation de l’église de S. Maria della Chiappella11. Ces opérations de Rodulfus, effectuées dans le but d’augmenter la crédibilité des actes (dont la structure est d’ailleurs celle des chartae et non des privilèges), avaient été probablement autorisées non seulement par l’abbé de la Gorgona, mais aussi par le successeur de Tedaldus, l’évêque Petrus, pour lequel Rodulfus rédigea des documents vers le milieu du XIIe siècle12, à une époque où parfois, et depuis quelque temps déjà, les évêques corses utilisaient, pour leurs actes rédigés dans l’île, de véritables notaires de profession. Si en effet l’évêque de Nebbio, Guilielmus, confiait encore en 1124 à un personnage inconnu la tâche de rédiger l’acte de donation de l’église de S. Tommaso de Marinca13, en 1137 et en 1144 ses successeurs, Landolfus et Guilielmus, recoururent pour la rédaction de leurs documents à l’aide d’un notaire apostolice sedis, Wuilielmus, que l’on rencontre dans pas moins de cinq cartulae14. L’évolution pourtant ne fut pas univoque, et même dans la seconde moitié du XIIe siècle les évêques corses ont fait rédiger des actes par des scriptores dont nous ignorons et le nom et le titre : la fides de ces actes était toujours assurée par la corroboration de l’évêque et d’autres religieux15. Quoi qu’il en soit, ce n’est que vers la fin du XIIe siècle que nous trouvons, dans le chartrier de la Gorgona, un acte sûrement rédigé par un Corse : il s’agit d’une donation très importante, effectuée par Ranieri, seigneur de Bagnaia (ou Bagnara ou Bagnaria), en faveur de cette abbaye, et rédigée par le prêtre Petro de Bagnaria16.

I.2. Évolution du notariat et évolution de la langue (XIIIe siècle)

Les documents concernant les rapports entre l’abbaye de la Gorgona et la Corse, du XIe au début de XVe siècle (1070-1425 environ), montent presque au total de deux cents, dont quelque quatre-vingts ont été rédigés en Corse ; mais il faut préciser que sur une cinquantaine d’actes corses de la Gorgona, antérieurs au XIIIe siècle, il n’y en a qu’une dizaine qui ont été rédigés hors de Corse, tandis que sur cent cinquante documents environ de la période 1200-1425, moins d’un tiers (quarante environ) sont passés en Corse. Même si l’on considère qu’une bonne moitié des actes les plus anciens, ceux des XIe et XIIe siècles, ne nous sont parvenus que sous forme de copies contenues dans un seul volume (le « Libro G »), et que les lacunes documentaires sont très nombreuses, aussi bien pour le haut que pour le bas Moyen Âge, force est néanmoins de constater qu’il y a relativement plus de documents rédigés en Corse pour les temps les plus anciens que pour la période du XIIIe au XVe siècle.

Il faut remarquer à ce propos – sans laisser de côté la question du caractère fortuit de la tradition de nos textes – que les donations pieuses, dont les actes étaient pour la plupart rédigés en Corse, étaient devenues très rares après le XIIe siècle, et que à partir de cette époque les moines de la Gorgona prirent l’habitude de régler bien des affaires, concernant la gestion de leur riche patrimoine corse, sans quitter le couvent de leur îlot ou le cloître pisan de S. Vito in Borgo ; dans de tels cas, ils chargeaient des notaires pisans de la rédaction des documents correspondants (nominations et confirmations de prêtres et de procureurs, conventions, quittances, etc.). De plus, les documents relatifs à l’administration des propriétés des églises corses (tels que baux, réfutations, achats, échanges, etc.), rédigés dans l’île par des notaires ou par des ecclésiastiques, étaient conservés par les recteurs de ces églises, et ils ont malheureusement pour la plupart disparu. Quant aux parchemins concernant les transactions entre particuliers insulaires, qui étaient rédigés par des prêtres ou par des prêtres-notaires, ils sont très rares, et on ne peut pas établir si cela vient du fait que ces religieux, avec le temps, se limitaient à ne conserver soigneusement que les actes destinés aux dossiers de gestion des biens de leurs églises, ou du fait que les rédacteurs n’exécutaient que rarement des copies pour leurs archives.

Après avoir placé parmi les deperdita quatre actes de donation en faveur de S. Gorgonio, au sujet desquels nous n’avons qu’une rapide mention dans l’Istoria del Regno di Corsica de Cambiagi17, on peut enfin voir un peu plus clair dans l’histoire du notariat corse. En 1220 à Patrimonio, un acte de vente de biens entre particuliers est dû à un prêtre qui était en même temps notaire, et qui a utilisé la langue vernaculaire, à l’exception des formules d’invocation et de datation, de la liste des témoins et de la souscription, qui sont en latin18. C’est à partir de cette époque qu’on voit la langue vulgaire apparaître par degrés dans les chartes corses de la Gorgona, et supplanter peu à peu le latin, que même les rédacteurs corses d’actes privés utilisaient jusque-là. L’emploi de la langue vernaculaire, au début du XIIIe siècle19, représente l’un des caractères particuliers des parchemins rédigés par les notaires et par les scriptores corses, qui continuaient à se servir de la langue savante – par respect et par souci de la tradition – uniquement pour la rédaction de quelques formules plus ou moins fixes, telles que l’invocation, la datation et la completio. En revanche, l’exposé et le dispositif des documents gagnait à être écrit dans la langue parlée (un italien corsisé), que la rigueur et la rigidité du langage juridique n’arrivent pas à masquer, surtout dans les actes rédigés par ces religieux corses que leur mission pastorale avait peu à peu poussés dans ce domaine d’activité de service social.

Le passage du latin à la langue vernaculaire, ainsi que le passage du rédacteur religieux au prêtre-notaire, pourraient fort bien remonter à la seconde moitié ou aux dernières décennies du XIIe siècle, mais il ne nous reste que trois ou quatre documents rédigés en Corse pendant la seconde moitié du XIIe siècle, qui ne nous aident évidemment guère à éclairer cette période de transition. D’ailleurs, toujours à propos d’obscurité, il faut remarquer que même sur les origines du notariat corse nos documents nous obligent à rester dans le vague, en ce sens que nous n’avons plus accès aux plus anciennes chartes rédigées par des notaires insulaires, mais seulement aux premiers témoignages, parmi ceux que contient le cartulaire de la Gorgona, qui ont eu la chance de survivre jusqu’à nos jours. Il paraît toutefois que, entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, vu le courant général de diffusion du notariat, les prêtres corses, qui depuis longtemps faisaient fonction de notarii sous le couvert de l’auctoritas de l’Église (on pourrait penser à ce propos aux actes privés rédigés à l’époque lombarde)20, ont éprouvé le besoin de s’adapter à leur époque et d’ajouter à leur dignité religieuse le titre de notaire.

Cette évolution, et plus encore le passage à la phase suivante, celle du notariat laïque, se sont produits lentement et par degrés, d’autant plus que pour les affaires courantes, surtout dans les vallées et dans les petits villages, la présence de quelques prêtres (ou prêtres-notaires) pouvait bien suffire à la rédaction des différents contrats ayant trait à l’administration des biens des églises et aux transactions entre particuliers21. En effet, après avoir remarqué qu’il y avait en Corse, déjà au XIIIe siècle, des notaires laïques, qui rédigeaient leurs actes en latin22, il faut préciser que ce n’est qu’au cours du siècle suivant que le prêtre-notaire fut remplacé, dans les actes privés corses, par des notaires de profession, qui n’utilisaient le latin que dans quelques formules standard. Un bail de 1248 est rédigé par un prêtre qui n’était même pas notaire (comme aux XIe et XIIe siècles) ; les formules d’invocation et de datation, la liste des témoins et la souscription finale sont en latin, le reste de l’acte est en langue vulgaire23. En 1263 et 1268, le recteur de S. Reparata, Guilielmo, écrivait deux brevia relatifs à une donation et à un partage de biens entre particuliers. Les formules d’invocation et de datation au début, ainsi que la notitia testium à la fin des actes, sont en latin, tandis que le reste est en langue vulgaire24. En 1260, un bail entre particuliers, concernant des terrains sis près de S. Reparata, est passé devant Iacobus, prêtre et notaire. Les formules d’invocation et de datation, la souscription notariale et plusieurs mots et expressions sont en latin, tandis que le noyau du document est en italien (substrat toscan avec ajouts corses), de même que les actes susmentionnés de 1220 et de 1248, qui ont été soumis à une étude linguistique serrée25.

Un autre prêtre et notaire, le recteur de l’église de S. Cerbone, écrivait en 1280 l’acte par lequel il cédait à bail emphytéotique l’un des domaines appartenant à son église. L’année suivante, les procureurs des bénédictins de S. Gorgonio renouvelèrent à des particuliers corses un bail de différents terrains. L’acte a été rédigé en latin par Bernardo « de Place » (Piazze, près de S. Colombano de Balagne), « factor de cartam secundum morem et consuetudinem de Capo Corso ». Ce personnage n’avait pas le titre de notaire, tandis que son fils rédigea en 1311 en Balagne un acte en latin, qui se termine par sa souscription : « Ego Landus quondam Bernardi de Plateis, imperatorie dignitatis notarius » 26. En 1283, le prêtre Johannes, « apostolice sedis iuratus notarius », en présence entre autres du piévan de S. Reparata, Guilielmo, rédigeait un bail à la demande des moines et procureurs de S. Gorgonio27. Un autre recteur de S. Cerbone, Petrus, « presbiter et iuratus notarius », écrivait en 1284 l’acte par lequel il renouvelait, devant le procureur de la Gorgona, sa renonciation au rectorat de l’église28.

I.3. Les pratiques de la fin du Moyen Âge

À partir du XIVe siècle, on ne trouve plus que des actes privés rédigés par des notarii laïques, tandis que dans la chancellerie de l’évêque de Nebbio (la seule pour laquelle le chartrier de la Gorgona nous conserve quelques documents du XIVe siècle) les rédacteurs d’actes étaient des religieux qui avaient en même temps le titre de notaire. Nous savons toutefois qu’il y avait encore en Corse des prêtres-notaires : après l’acte cité de 1311, dû au notaire laïque Landus de Piazze29, un bail de 1331 nous apprend qu’un notaire impérial a rédigé le contrat à la demande d’un prêtre-notaire. Cet acte est en langue vulgaire, à l’exception de l’invocation, de la date et de la souscription finale. En 1336, Iacobinus de feu Pincollettus de Casanova, « imperiali auctoritate judex ordinarius atque notarius », intervenant sur la demande du « nobilis vir dominus Babilanus de Mari, potestas Capite Corso », rédigea au château de S. Colombano de Rogliano (Cap Corse) un instrument ayant trait aux droits des religieux de la Gorgona sur les dîmes du Cap. Les témoignages des Corses au sujet des dîmes sont en langue vernaculaire, tandis que tout le reste du document est en latin30. En ce qui concerne deux sentences, relatives aux dîmes revenant au recteur de S. Cerbone et prononcées par l’évêque de Nebbio en 1345 et 1346, il nous reste les documents, rédigés en latin l’un par un clerc, qui avait le titre de notaire impérial et de notaire de la curie diocésaine, l’autre par un prêtre qui était en même temps notaire impérial31.

Aux XIVe et XVe siècles, les actes corses, selon une tradition qui remontait aux siècles précédents, sont pour la plupart en langue vulgaire (les formules d’invocation, datation et souscription notariale restant en latin), et parfois même les notaires ligures, lombards et toscans, lorsqu’ils rédigeaient des documents dans l’île, s’en tenaient à ce modèle documentaire32. Vers 1332, une liste des propriétés de l’église de S. Lucia della Venzolasca est due à un notaire de Biguglia, et nous ne connaissons pas le nom de l’auctoritas qui lui avait conféré son titre notarial33. D’un notaire originaire de Patrimonio, Upizino, qui en 1369 rédigea à Calvi un acte de vente de terres entre particuliers, nous savons qu’il était « notarius imperiali auctoritate »34.

Le notariat corse était une institution solide, qui s’était imposée depuis longtemps : les notaires avaient à leur disposition des modèles documentaires riches et à jour, qui permettaient la rédaction de documents qui fussent à la fois irréprochables et précis d’un point de vue juridique, et facilement accessibles grace à l’emploi de la langue vulgaire et d’un style clair et concis. Les documents du notaire impérial Bostoracio de feu Domenico de Corbaria, rédigés en langue vulgaire entre 1371 et le début du XVe siècle, sont à cet égard une mine incomparable de renseignements, d’autant plus que nous avons la chance de connaître son activité d’après plusieurs de ses actes35. Après sa mort (survenue entre 1402 et 1416), son fils Pinzutum, lui aussi notaire impérial, le remplaça : le jour de la Saint-Étienne de 1416, à lo Poiarello de S. Reparata, il rédigea un acte par lequel le recteur de cette église donnait à bail un terrain à un certain Anfrione, et en 1419 il copia l’un des documents qu’avait rédigé son père en 139236. Guasparinus Farinola (ou Guasparus de Farinole) est un autre notaire dont le fils reprit la profession : Guasparinus rédigea une sentence arbitrale à S. Gavino en 142137, son fils Daniel était notaire à S. Florent en 146838. Le dernier notaire corse que nous présentent les actes de la Gorgona, Petrus de Iageto de feu Antonino, du Cap Corse, était notaire impérial en 1403, et continuait à exercer sa profession en 144239.

En 1425, la chartreuse pisane de Calci recueillit les biens de S. Gorgonio, y compris les églises et les autres propriétés sises en Corse. Et, puisque à partir de cette époque les actes corses conservés à Calci, Pise et Ajaccio concernent les rapports entre cette île et la maison de Calci, il faudrait préalablement examiner la nature de ces relations, et ensuite aborder la question des notaires corses (rapport entre notaires insulaires et notaires continentaux, entre actes rédigés en Corse et actes rédigés à Calci, etc.), mais tout cela s’éloigne évidemment de notre sujet.

II. Le fonds de S. Venerio del Tino

II.1. Les actes antérieurs au milieu du XVe siècle

Une autre abbaye italienne, qui possédait des biens en Corse au Moyen Âge et qui peut être étudiée d’après les actes de son chartrier, est celle de S. Venerio del Tino (près de La Spezia), qui était bénédictine et insulaire comme celle de la Gorgona, et pour laquelle le début de l’implantation dans le nord de la Corse remonte à peu près à l’époque où les religieux de la Gorgona commençaient à y acquérir des propriétés. La documentation de S. Venerio est assez riche et revêt un certain intérêt pour notre discours sur le notariat corse, d’autant plus que quelques-uns des actes qui nous sont parvenus de son fonds d’archives remontent aux XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire à une période de l’histoire corse qui est – comme chacun sait – pauvre de documents et peu étudiée.

À partir du début de la présence de ces moines en Corse (fin du XIe siècle) et jusqu’aux premières décennies du XVe siècle, les documents ayant trait aux relations entre le monastère et la Corse sont au total une cinquantaine40. En ce qui concerne les actes rédigés en Corse, qui ne dépassent pas la vingtaine, on peut aisément constater, pour ce qui regarde les rédacteurs et la langue des documents, qu’il y a quelques analogies, et beaucoup de différences, entre les actes des deux abbayes. Après un breve de la fin du XIe siècle, rédigé en latin par l’abbé de S. Venerio Aimiricus (acte n° 2 de l’édition), il y a pour le siècle suivant trois documents, en latin et en latin mêlé de langue vulgaire, écrits par deux prêtres de l’église de S. Gavino de Mala, qui dépendait de S. Venerio (n° 3, 4, 5). Pour trois autres documents en latin de la même époque (n° 6, 7, 8), on ne connaît ni le nom ni le titre des rédacteurs. Le seul document rédigé en Corse qui nous soit parvenu pour le XIIIe siècle (n° 21), écrit en latin par un notaire dont le nom est mutilé (« …lus »), lors de la visite de l’abbé de S. Venerio aux églises de S. Nicola et de S. Ambrogio de Spano, ne nous renseigne ni sur le nom ni sur le pays d’origine de ce personnage, même s’il résulte des documents que les abbés de S. Venerio, au cours du siècle suivant, avaient coutume de se rendre en Corse en compagnie de notaires du continent, qui composaient leurs actes en latin. C’est le cas du notaire Nicolaus Pelegrini de Portovenere, qui faisait partie de la suite de l’abbé Peregrinus, lors de son voyage à Spano, en 1316 (n° 31, 32) ; du juge et notaire Accorsinus de feu Simon Saracini de Pistoie, qui accompagnait à CaIvi l’abbé Gerardo, en 1366 (n° 35) ; du notaire Johannes de feu Bartholomeus Judex de Sarzana, qui en 1381 se trouvait en Balagne avec l’abbé Gabriele, pour rédiger – comme les autres notaires déjà mentionnés – « plura et diversa instrumenta » (cf. n° 36, 37) concernant l’administration des églises et des autres propriétés que l’abbaye de S. Venerio possédait en Corse.

De son côté, l’évêque de Sagone, que l’abbé Gabriele avait nommé en 1386 vicaire et procureur général de S. Venerio en Corse (n° 41, document rédigé à Gênes), exerçait ses fonctions à l’aide d’un notaire de Chiavari, Benedictus Anthonii de Vignolo, lequel en 1388 rédigeait à Calvi, dans l’habitation de l’évêque, un instrumentum de quittance, en latin, concernant la redevance de l’église de S. Gavino (n° 42). Un autre notaire d’origine ligure, Benedictus de Portovenere, qui était en même temps « potestas Balanie et scriba auctoritate sanctissimi Imperii », était au service de l’abbé Gabriele, qui en 1389 faisait sa visite d’inspection aux églises de S. Nicola et S. Ambrogio de Spano (n° 43). Le premier document du chartrier de S. Venerio rédigé par un notaire corse est de 1400 : pour cette année, mis à part un document en langue vernaculaire, rédigé à S. Nicola de Spano par un notaire inconnu (le texte dit seulement : « in presencia de mi notario », n° 45), nous trouvons dans le cartulaire de S. Venerio des témoignages, ayant trait aux propriétés de S. Nicola de Spano, rédigés par Bostoracius de Corbaria, « inperiali auctoritate notarius » ; la souscription du document est en latin, ainsi que la date (n° 46 ; dans l’acte n° 45, la formule d’invocation et une partie de celle de date sont également en latin). Bostoracius, que nous avons déjà rencontré dans les actes de la Gorgona, est aussi l’auteur de la copie authentique d’un acte rédigé en latin en l’an 1382, copie exécutée, d’après « uno cartolario S. Quirici », entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle (n° 38)41.

Un autre notaire corse imperiali auctoritate, Franciscus de feu Sanctucolus Bocacioli de Calvi, rédigea en 1412 à Calvi, dans le cimetière de l’église de S. François, l’acte par lequel l’abbé de S. Venerio nommait le recteur des églises de S. Nicola et S. Ambrogio de Spano (n° 48). L’acte est en latin, puisque dans la colonie génoise de Calvi les notaires corses suivaient la tradition du notariat génois. Mais nous trouvons aussi (on y reviendra à propos des actes de l’abbaye de Montecristo) un notaire originaire de Calvi, qui en 1402, à Biguglia (dans la plaine orientale), écrivait ses actes en langue vulgaire. De l’un de ces documents de cette année-là, il résulte en outre que même Franciscus Bocacioli avait rédigé un instrument en langue vulgaire. Le dernier document rédigé en Corse, et relatif à la période bénédictine de l’abbaye de S. Venerio, remonte à 1428 ; il est écrit en langue vulgaire (avec souscription en latin) et concerne une action juridique qui se déroule à Biguglia : Antonius dit Calzaligata, « scriba domini comitis », y notifie un arrêt par lequel le sieur Vincentello d’Istria, « Dei gratia comte et visorei de Corsicha », intimait à tous les débiteurs l’ordre de s’acquitter sans délai envers l’abbaye de S. Venerio (n° 51).

II.2. Les actes de la seconde moitié du XVe siècle

Tout compte fait, les actes corses de cette abbaye ne nous apprennent pas grand-chose sur le notariat insulaire durant la période précédant le bas Moyen Âge, tandis que pour la seconde moitié du XVe siècle ils nous font connaître une vingtaine de notaires corses, originaires de Balagne, du Cap et du Nebbio42. Les analogies et les différences entre les documents des deux chartriers de la Gorgona et de S. Venerio (qui nous sont parvenus incomplets) sautent aux yeux. On peut d’abord remarquer que nous avons déjà rencontré, dans les actes de la Gorgona, des religieux (prêtres, diacres, clercs, moines) en qualité de rédacteurs de documents. Le prêtre Albertino et le clerc « officiale » Alegritto, tous les deux liés à l’église de S. Gavino de Mala, dépendant de S. Venerio, étaient eux aussi – au début du XIIe siècle – des rédacteurs de documents en latin mêlé de langue vernaculaire ; il est probable qu’ils étaient Corses43. De toute façon, il ne s’agit pas encore de véritables notaires, et d’ailleurs, si l’on veut parler des origines du notariat corse sur la seule base des actes de S. Venerio, on doit attendre encore presque trois siècles et aboutir peut-être à la conclusion que le notariat corse est un phénomène tardif, importé de Gênes et dépourvu d’importance.

En 1978, Laura Balletto, en se fondant sur les actes corses de S. Venerio, écrivait que la Corse n’aurait pas eu de notaires autochtones avant la fin du XIVe siècle44. Les actes de la Gorgona nous montrent au contraire que les notaires corses n’ont pas attendu l’aube du XVe siècle pour faire leur apparition, et employer la langue vernaculaire. Mais je veux ajouter que même ces actes, qui ne sont pas très nombreux, ne jettent que de rares lueurs sur le notariat insulaire, et ils ne nous en offrent qu’une image partielle et tardive. Les documents qui nous sont parvenus, surtout ceux des XIe-XIIIe siècles, ne représentent qu’une petite quantité par rapport aux actes rédigés au cours du Moyen Âge, et de plus, ils ne reflètent que le point de vue monastique, ou, pour mieux dire, ils concernent pour la plupart – à l’exception de quelques munimina et de quelques contrats que les prêtres rédigeaient pour leurs paroissiens – les relations économiques et sociales entre des bénédictins et quelques Corses du Deçà-des-Monts (surtout du Nebbio, du Cap, de Casinca et de Balagne) ; c’est-à-dire que d’après ces documents nous ne sommes que peu et mal renseignés sur les contrats passés entre particuliers pour régler les différentes transactions et les passages de propriété – le « Libro G », d’ailleurs, pour ne citer ici qu’un seul exemple, nous apprend entre autres que bien des actes de la Gorgona, conservés par les recteurs des églises corses dépendant de cette abbaye, étaient déjà égarés au Moyen Âge.

D’autres questions se posent à ce propos, auxquelles on ne sera pas encore en mesure de donner une réponse documentée : à partir de quelle époque a-t-on commencé en Corse à écrire les contrats (achats, donations, etc.) passés oralement par les parties contractantes ? Et encore, où les rédacteurs de documents allaient-ils pour acquérir leur préparation juridique professionnelle et se familiariser avec les modèles documentaires qu’ils devaient ensuite appliquer aux réalités insulaires ? En principe, on pourrait avancer l’hypothèse que tout d’abord l’hégémonie lombarde, puis l’implantation des bénédictins et la domination pisane, peuvent avoir poussé les Corses à utiliser la forme écrite, ou peut-être simplement à développer l’habitude de se fonder sur les documents plutôt que sur la tradition orale, ce qui permettait à chacun de toujours pouvoir (même après la mort des témoins) prouver ses bonnes raisons contre les essais de contestation et d’usurpation. Les religieux, continentaux et indigènes, ainsi que quelques scriptores et notaires en service chez les évêques et quelques-unes des familles nobles, pourraient avoir appris aux insulaires les rudiments nécessaires à garantir par l’écriture la certitude du droit, ce qui n’exclut pas que dans certains cas cette formation technique puisse avoir eu lieu sur le continent (en Toscane ?). Mais, plus en général, il y a un problème d’une importance capitale, que nos sources ne nous permettent pas de résoudre : il faudrait savoir selon quelles règles les rapports économiques étaient organisés en Corse pendant les siècles troublés et obscurs du haut Moyen Âge, où l’on vivait en économie fermée, et il faudrait aussi connaître le genre et le degré d’organisation politique et juridique, au niveau des familles et des clans, de l’autorité religieuse, de la noblesse laïque et des “anciens gentilshommes”, afin de pouvoir identifier, entre autres, les responsables du contrôle et de l’approbatio des coutumes45.

III. Le fonds de S. Mamiliano de Montecristo

Dans une recherche fondée sur ce genre de sources, je ne peux guère manquer d’évoquer l’un des chartriers monastiques à la fois les plus célèbres et très douteux, celui du monastère de S. Mamiliano de l’île toscane de Montecristo. Ses moines, qui, comme beaucoup d’autres familles religieuses implantées dans les îlots de la mer Tyrrhénienne (Tino, Gallinaria, Giglio, la Gorgona, Capraia, etc. ), avaient débuté par la vie érémitique, dès avant l’époque de Grégoire le Grand, devinrent bénédictins à l’époque de la réforme grégorienne, poussés par le souci d’accroissement et de stabilisation des patrimoines ecclésiastiques qui animait les papes réformateurs ; ils commencèrent alors à acquérir des propriétés sur le continent et en Corse. Au début du XIIe siècle, à l’époque de Gélase II, ils étaient installés à l’île d’Elbe, en Sardaigne, à Pianosa et en Corse, où ils possédaient entre autres deux églises et deux monastères – les abbayes de S. Stefano de Venaco et de S. Maria de Canovaria, les églises de S. Pellegrino et de S. Paolo de Conca46.

Le chartrier de Montecristo ne nous étant pas parvenu, on devrait se fonder, pour accéder aux témoignages les plus anciens sur les propriétés corses de cette abbaye, sur des « copies » tardives d’une dizaine de donations échelonnées du Ve au XIIe siècle, et qui pourraient donc être une mine précieuse d’informations sur le notariat insulaire de cette époque peu documentée et peu étudiée. Mais, étant donné que, comme je l’ai déjà démontré ailleurs47, ces documents sont des faux fabriqués de toutes pièces vers le milieu du XIIIe siècle, force nous est de passer aux actes postérieurs, moins douteux et plus dignes de foi, qui nous offrent quelques renseignements sur le notariat corse du XIIIe au XVe siècle, et particulièrement sur l’activité d’une dizaine de notaires insulaires du XIVe siècle. Un acte de donation du début du XIIIe siècle, passé devant l’église de S. Pellegrino, confirme ce que nous avions déjà remarqué à propos des prêtres-notaires dans les actes de la Gorgona : Marcus Rogerii, qui rédigeait ce document en 1209, était un notaire laïque imperiali auctoritate, qui utilisait pour ses actes le latin. Deux autres documents, datés de 1242 et 1243, sont également écrits en latin ; ils sont dus au prêtre Marcus, recteur de l’église de S. Maria de Petracorbaia de Tavagna et en même temps iuratus publicus notarius48.

Les actes du XIVe siècle qui nous sont parvenus de Montecristo permettent d’établir une comparaison intéressante avec les documents de S. Gorgonio : le développement du notariat impérial est confirmé, tandis que le passage de la phase du prêtre-notaire à celle du notaire laïque de profession semble avoir eu lieu plus lentement par rapport aux impressions dégagées du chartrier de la Gorgona. Après un notaire impérial, Orsuccio de Orniano, qui rédigeait en 1304 un acte de donation à S. Giulia de Tavaria, et un autre notaire impérial, Fregolinus de Pero de la piève de Tavania, auteur en 1356 de la copie d’un acte de Montecristo daté de 98149, on rencontre des prêtres-notaires jusqu’aux dernières décennies du siècle. Iohanni de lo Mamucio, rédacteur d’un acte de 1358, était un prêtre-notaire, de même que Rolando, piévan de Valerustia et notaire « iurato » (1359). Un autre prêtre-notaire, Guilliardo, rédigeait en 1365, à S. Quirico de lo Marcorio, un acte en langue vulgaire (mais l’invocation et la datation sont en latin). Le dernier prêtre-notaire est Mactheo, piévan de Tavagna, qui en 1387 rédigeait un document qui ne nous est pas parvenu50.

Quant aux notaires laïques, nous savons qu’en 1364 Ugolinaccius de feu Iannelluccius de Ura, notaire imperiali auctoritate dans l’évêché d’Aléria, exécuta une copie (en langue vulgaire) de trois actes datés de 407, 600 et 719. Un autre notaire impérial, Guillelmo de feu Sozarello de Daparata, rédigea l’année suivante à Castellare di Casinca un acte de bail en langue vulgaire, à l’exception des formules de datation et d’invocation, comme pour l’autre document de la même année écrit par Guilliardo51. Deux documents, rédigés en 1375 et 1392 par deux notaires laïques, Georgiucio de Aldovranducio da lo Cillo de Oreza et Niccolò Ventorino de Sorbo, ne nous étant pas parvenus, nous ignorons le titre exact de ces professionnels, ainsi que la langue utilisée dans ces actes. Ces deux documents (comme l’autre de 1387, cité plus haut) sont mentionnés dans une sentence du vicaire général du gouverneur de la Corse, écrite en langue vulgaire et copiée en 1402 à Biguglia par le notaire imperiali auctoritate Stephanus fils d’Antonius de Calvi, d’après les actes du notaire Franciscus Santucoli52. Le même Stephanus rédigea dans la même année à Biguglia un acte de compromis : le texte est en langue vulgaire, tandis que l’invocation, la datation et la souscription notariale sont en latin. Un acte de bail de 1406, en langue vulgaire à l’exception des mêmes formules, fut rédigé en Casinca par un autre notaire imperiali auctoritate, Domenico de Castellare Ampugnani53.

Une dernière remarque concerne la question de l’évolution du latin à la langue vernaculaire. D’après les actes de Montecristo qui sont à notre disposition, il n’y a pas de documents en italien corsisé avant 1365, mais il faut bien préciser à ce propos que pour les actes de 1358 et 1359 nous ne disposons que de citations (contenues dans les actes de 1365 et 1402), ce qui ne nous permet pas de connaître la langue que les prêtres-notaires Iohanni de lo Mamucio et Rolando de Valerustia avaient employée dans ces instruments concernant deux baux en faveur de Corses. Je suis porté à croire qu’ils ont utilisé la langue vulgaire (vu la nature même des actes), mais la comparaison avec les actes de la Gorgona, de S. Venerio du Tino ou avec les actes de Montecristo après 1365, ne serait pas un argument probant ni décisif.

IV. Le cartulaire de Nebbio

IV.1. Les fragments conservés

Une autre source très importante dans le cadre d’une étude sur les actes notariés rédigés en Corse au cours du Moyen Âge, est représentée par le fragment d’un cartulaire du XIVe siècle ayant trait aux affaires et aux activités temporelles des évêques de Nebbio, en tant qu’administrateurs du patrimoine de leur diocèse, au cours du siècle précédent54. Ce manuscrit, qui est le plus ancien recueil survivant de documents d’évêques corses, offre des renseignements irremplaçables sur la vie d’un diocèse du nord de l’île, qui jusqu’à l’époque de la domination génoise a subi la perte de la plupart des documents qui avaient été rédigés et reçus, recueillis et gardés, sur l’ordre des évêques, par les notaires et par le personnel de la curie diocésaine (chanceliers, fonctionnaires, vicaires, procureurs, clercs, employés, scribes). Pour ces mêmes siècles (XIe-XIVe siècle), d’autres sources documentaires, relatives aux rapports entre les évêques corses et les responsables des filiales insulaires des monastères bénédictins ligures et toscans possessionnés dans l’île, ont pu échapper en partie à ce naufrage, car les vice-abbés, les procureurs et les religieux italiens, ainsi que les moines et les prêtres indigènes, desservants des églises qui dépendaient de ces abbayes, ont eu soin de faire exécuter ou de rédiger eux-mêmes des copies des documents et d’en remettre les originaux (ou en quelques cas, des copies, simples ou authentiques) dans les archives des maisons mères. Toujours est-il qu’aujourd’hui dans les archives diocésaines de la Corse il n’existe pas de documents médiévaux, et ce fragment de cartulaire, conservé aux Archives départementales, est la seule source directe que nous possédions sur l’activité des évêques corses au XIIIe siècle55.

Les évêques de Nebbio sont les auteurs juridiques d’à peu près un tiers de tous les actes, mais ils sont aussi les destinataires d’une dizaine de documents (restitutions et donations de biens fonciers et d’immeubles), tandis que les cinq textes qui restent sont des jugements qui concernent le même évêché. La plupart des documents ont été rédigés « in episcopatu », dans l’église de Sainte-Marie « a la civitate » ou dans d’autres églises des villages du diocèse, tandis que les sentences étaient normalement prononcées « in parlamento » ou « a la buda » (« veduta » ou lieu des assemblées) par les juges et par les représentants des institutions piévanes et communales56.

Tous les feuillets, provenant de deux manuscrits rédigés à peu près à la même époque dans le Nebbio, ont les mêmes dimensions et la même structure. Quant à leur contenu, dans le premier feuillet du premier fragment on trouve d’abord la souscription notariale d’un acte rédigé par le prêtre et notaire imperiali auctoritate Restorus de Plebe57 ; ensuite, un acte de 1345, par lequel l’évêque de Nebbio Raffaele Spinola ordonne à tous ceux qui détiennent des propriétés ou des droits sur les dîmes de son diocèse, de lui présenter les documents ayant trait à leurs droits et à leurs prétentions. Tout le texte de cet acte, rédigé par le notaire impérial Landus de Patrimonio, est en langue vulgaire (italien corsisé), tandis que la formule d’invocation et la souscription notariale sont en latin. Les deux documents suivants sont des copies de deux actes de 1259 et 1266, qui concernent la restitution de propriétés épiscopales. Le dernier document contenu dans ce même feuillet est le début d’un acte d’inféodation emphytéotique de la part du vicaire de l’évêque de Nebbio Percevalle58.

Quant à l’autre feuillet, il commence par la partie finale d’un acte de 1281, par lequel l’évêque de Nebbio Johannes Fieschi confirme à des particuliers l’accensement de dîmes de son diocèse. Dans le document suivant, rédigé en latin par Petrus, « diaconus de Oletta, iuratus notarius », le même prélat donne à bail à des particuliers un fief de son évêché, contre une redevance annuelle en argent et en échange de l’engagement d’être toujours « vassalli de episcopatu et de episcopis contra omnes personas »59. Le dernier texte qu’on trouve dans ce même feuillet est le début d’un document par lequel l’évêque de Nebbio Raffaele Spinola concède à bail à des particuliers un fief de l’évêché, moyennant une redevance annuelle et un serment de fidélité. L’invocation de l’acte est en latin, la partie dispositive est en langue vulgaire. Le rédacteur en est le même prêtre-notaire Restorus que nous avons déjà rencontré60. Dans ces deux feuillets il n’y a donc pour le XIIIe siècle que la partie finale d’un acte et un document tout entier, en plus de ceux qui ont été copiés dans l’autre fragment de cartulaire dont nous allons parler maintenant. Chacun des deux feuillets est écrit par une main différente, tandis que les autres (six au total), qui proviennent de l’autre manuscrit, sont dus à une troisième personne. D’après le type d’écriture employée, il s’agit probablement de trois notaires actifs vers la fin du XIVe siècle.

Le premier des six feuillets du second fragment contient la partie finale d’un document qui n’a pas de datation et deux actes datés de 1224, dont l’un fut rédigé par le prêtre-notaire corse Albertus de Barrettali sur l’ordre de l’évêque de Nebbio et ensuite transcrit dans le cartulaire d’après une copie authentique du siècle suivant, exécutée en 1335 par le notaire et juge impérial Orlandus fils de Georgius de Luri, lui aussi originaire du Cap61.

Ces actes, et surtout les documents figurant dans les autres feuillets du cartulaire épiscopal, nous confirment entre autres ce qu’il ressort d’une analyse détaillée de la forme et du contenu, ainsi que de la typologie et de l’évolution des sources documentaires ligures, toscanes et corses d’origine monastique : le passage de la phase du prêtre-notaire à celle du notaire laïque, et par la suite la diffusion considérable du titre de notaire impérial (parfois de notaire et juge impérial), a eu lieu dans la Corse du nord-est entre les dernières décennies du XIIIe et le milieu du XIVe siècle, époque à laquelle même les ecclésiastiques dépendant de la curie diocésaine de Nebbio étaient notaires imperiali auctoritate62. Les rédacteurs des actes sont pour la plupart des prêtres-notaires, dont le titre est toujours presbiter iuratus notarius, à l’exception d’un notaire génois, Obertus de Donato, et d’un certain Ansaldus de Tilia, dont la formule de souscription, qui n’est précédée d’aucun signum, est dépourvue de titre notarial. Au cours de la décennie 1260-1270, qui correspond à peu près à l’épiscopat d’Henricus de la Terchina et à laquelle remonte presque la totalité de ces documents, les prêtres-notaires qui rédigeaient des actes pour l’évêque de Nebbio étaient au moins quatre. Le seul notarius apostolice sedis, titre d’origine très probablement pisane, est le iuratus notarius Johannes fils de feu Ugolinus de Berto, qui dans un seul acte (sur neuf, tous pourvus de son seing) déclare sa qualité de prêtre, tandis que dans la souscription d’un autre il ne donne que son nom et son patronyme.

Les documents qui ont été copiés (dans quelques cas en abrégé, mais les formules finales de souscription me semblent toujours complètes) et insérés dans ce cartulaire-registre ne permettent pas d’avancer d’hypothèse au sujet de l’existence d’une véritable chancellerie des évêques de Nebbio au XIIIe siècle. Les souscriptions des rédacteurs de ces documents ne font jamais allusion à un ordre ou à une demande de mise par écrit de la part des évêques : elles se limitent à déclarer que le notaire « rogatus » a écrit l’acte63. La seule exception est représentée par un document déjà cité de 1224, qu’un prêtre-notaire rédigea sur l’ordre de l’évêque de Nebbio, « et ego presbiter Albertus de Baretali notarius ex precepto supradicti domini episcopi hanc cartam scripsi et complevi », ce qui ne saurait suffire toutefois pour en déduire qu’il appartenait à une chancellerie épiscopale, ni même, peut-être, à l’entourage de l’évêque. Pourtant, le seul diocèse corse pour lequel on pourrait postuler l’existence d’une chancellerie, dès la seconde moitié du XIIe siècle, est justement celui de Nebbio, au témoignage d’une « sententia vel concordia » prononcée et souscrite par les évêques de Sagone Andreas et de Nebbio Landolfus, en tant que juges délégués par le pontife romain au sujet d’un différend éclaté entre un piévan du Cap Corse et l’abbé d’un monastère pisan possessionné dans la région : le texte de cet acte important, rédigé en 1177 par un personnage inconnu « in ecclesia sancte Marie Nebulensis », se termine par les mots : « Et ut omnem optineat firmitatem, in ea subscripsimus et sigillis nostris eam sigillari mandavimus »64.

Quant au contenu des feuillets de ce fragment de cartulaire, il s’agit de quelques titres d’achat représentés par des offrandes pieuses (« offersiones pro remedio animae ») effectuées par des Corses, de divers actes de concession de propriétés et de droits de la part de l’évêché, en échange de redevances en espèces et en nature, et de nombreux documents (sentences, diffinitiones et restitutions de biens) rédigés à la conclusion de contestations et de litiges entre les évêques et des particuliers, concernant les droits sur les dîmes, les revenus et la propriété de biens fonciers et d’immeubles, que les prélats de Nebbio étaient contraints de se faire reconnaître et de récupérer après avoir eu recours à des procès et à des appels adressés aux juges et aux autorités des communes de leur diocèse (il y aussi une admonitio sur ces droits, présentée par l’évêque « a la buda »).

IV.2. Les contrats : langue et typologie

Les évêques possédaient à cette époque, comme d’ailleurs déjà au XIIe siècle, un patrimoine important dans la vallée du Nebbio et le long de la côte occidental du Cap, consistant en terrains, maisons, vignobles, droits sur les dîmes à l’intérieur des circuli des pièves, etc., surtout à Barbaggio, Barrettali, Casta, Farinole, Conchilio, Brumica, Patrimonio ; ils accordaient ces biens à des fideles contre des cens et des redevances en nature et en argent. Ils avaient également droit à des servicia et au serment de fidélité de la part des tenanciers et des vassalli qui recevaient leurs feuda et teneria. Mais l’administration de ces propriétés les obligeait à affronter souvent de graves difficultés : ils devaient non seulement lutter contre l’insolvabilité et les empiètements de la part des concessionnaires, mais aussi faire face aux injurie des hoberaux et aux visées autonomistes des prêtres de leur diocèse et des recteurs des églises qui dépendaient des monastères du continent65. En ce qui concerne la gestion des propriétés et, plus en général, l’habitude de régler les affaires non seulement devant témoins mais en ayant aussi recours à des notaires professionnels, dans l’évêché de Nebbio et dans tout le nord-est de l’île (En-Deçà-des-Monts) la situation était bien différente et plus évoluée que dans le sud et l’ouest (Au-Delà-des-Monts), où l’on sait (exemple cité plus haut) que en 1234 l’acte d’élection de l’évêque d’Ajaccio avait été rédigé par un simple diacre (revêtu pourtant de l’auctoritas Ecclesie), parce qu’il n’y avait point de notaires dans la région.

À la suite du partage de la Corse en deux zones d’influence, imposé par Innocent II en 1133 pour mettre fin aux hostilités entre les deux républiques rivales de Pise et de Gênes qui se disputaient l’hégémonie sur l’île, les évêques du diocèse de Nebbio, compris dans la partie la plus continentalisée de la Corse, dépendaient maintenant du nouvel archevêque génois, comme ceux de Mariana et du nouveau micro-diocèse d’Accia, tandis que les prélats d’Aleria, Ajaccio et Sagone continuaient à être suffragants de l’archevêque toscan. Même après la défaite pisane à la fameuse bataille navale de la Meloria, à la fin du XIIIe siècle, et encore au cours du siècle suivant, lorsque l’île toute entière fut tombée sous la domination génoise, les évêques des diocèses de Mariana et du Nebbio gardèrent toutefois des contacts avec la commune et les archevêques de Pise, ainsi qu’avec les bénédictins de S. Gorgonio de la Gorgona et de sa cella pisane de S. Vito in Borgo, qui depuis la seconde moitié du XIe siècle étaient maîtres de nombreuses propriétés (domaines, vignobles, terrains, immeubles, et une vingtaine d’églises) dans les vallées fertiles du nord et en Balagne, dans le Nebbio et au Cap, dans les plaines d’Aleria et de la Casinca.

L’époque à laquelle remontent les documents du cartulaire n’était déjà plus celle de la domination pisane sur toute la Corse (ou pour mieux dire, sur les terroirs côtiers de l’île, les régions de l’intérieur étant assez peu documentées). Toutefois, les structures administratives imposées par la commune de Pise s’étaient enracinées dans les zones du nord et les gens du comunale n’avaient pas cessé leur activité, ce qui pouvait assurer entre autres une coexistence plus ou moins pacifique entre le clergé séculier, les évêques suffragants de Pise et de Gênes, les moines et les prêtres des églises monastiques, les marchands, les livellarii autochtones et italiens et tous ceux qui se refusaient à payer les redevances dues et à reconnaître l’autorité des religieux du continent et de leurs procureurs.

Près de deux tiers des documents sont en latin, qui est la langue toujours employée par le prêtre et notaire apostolice sedis Johannes fils de feu Ugolinus de Berto et par les prêtres-notaires Petrus et Rodulfus. Quant au prêtre-notaire Albertus de S. Martino de Rapale, rédacteur de six documents, il utilise dans un cas le latin pour tout le document ; dans un autre, la langue vulgaire ne concerne que quelques mots à l’intérieur du texte, tandis que dans les autres sont en latin la formule d’invocation, la datation, le début du texte, la liste des témoins, l’actum et la souscription finale, de même que dans les actes en forme mixte rédigés par le prêtre-notaire Johannes de S. Martino de Barbaio, par le notaire génois Obertus de Donato et par Ansaldus de Tilia, qui ne faisaient que suivre une coutume typiquement corse, celle de la rédaction des actes privés en langue vernaculaire.

Du premier document, il ne nous reste que la section finale, à partir du côté dispositif ; un autre (n° 17) n’est que le début d’un acte ou pour mieux dire, une simple note, incomplète et sans date ; dans le dernier, il n’y a que l’invocation et les mots « Anno Domini millesimo », après lesquels le copiste s’est arrêté, en milieu la ligne, renonçant probablement à y transcrire le reste de la formule de datation, qui aurait pu trouver sa place au bas de la page, pour insérer tout le document dans le feuillet suivant, qui ne nous est pas parvenu. Quant aux autres documents, en plus du noyau dispositif, ils sont tous pourvus de formule d’invocation, de date de temps (sauf le n° 16) et de lieu, de liste des témoins (à l’exception de deux des cinq sentences : n° 2 et 8) et de souscription notariale, précédée dans la plupart des cas du signum de chaque notaire, qui a été reproduit avec soin par le rédacteur du cartulaire.

Les documents ont été rédigés pour la plupart dans la forme narrative qui caractérise l’instrumentum publicum et qui est introduite ici par « manifestus sum » (ou « manifesti sumus »), où la première personne désigne tantôt l’auteur juridique (comme dans l’ancienne charta) tantôt le notaire, ou par « manifestum sit omnibus », en forme narrative comme le texte qui suit. La forme subjective dans tout le document, c’est-à-dire celle qui était propre à la charta, où l’auteur de l’action juridique s’adresse directement au destinataire ou à l’autre partie du contrat, n’est employée que dans deux cas. Les actes sont toutefois presque toujours nommés charta (sans doute au sens générique de document écrit, avec allusion assez probable à sa valeur dispositive), le mot instrumentum ne figurant que dans deux actes.

Tous les documents reproduits dans le cartulaire sont des copies qui descendent très probablement directement des originaux correspondants, à l’exception d’un acte, qui a été recopié d’après un exemplar authentique exécuté en 1359 par un notaire impérial de Sarzana, sur ordre de l’évêque de Nebbio. Il s’agit du seul document qui avait été rédigé, plus d’un siècle avant, par un personnage n’ayant pas le titre de notaire, comme il résulte de sa formule de souscription (n° 3 : « Ansaldus de Tilia publicavit istud instrumentum »). On pourrait alors avancer l’hypothèse que, au milieu du XIVe siècle, l’évêque de Nebbio fit exécuter cette copie par un notaire professionnel dans le but de « régulariser » la forme et la foi d’un acte dépourvu de la souscription notariale, qui caractérisait à cette époque la plupart des actes privés, y compris les documents des évêques corses66.

Conclusion

En conclusion, les sources documentaires issues des institutions religieuses séculières et régulières corses – malgré les grosses lacunes et les lourds silences qui leurs sont propres – ont une importance et une utilité considérables. Dès la seconde moitié du XIe siècle, à la suite de l’installation de différents monastères bénédictins ligures et toscans dans les régions du nord de la Corse, on commença à rédiger dans l’île les premiers documents, ayant trait pour la plupart à l’achat et à l’administration des patrimoines fonciers possédés par les filiales monastiques et les églises insulaires.

D’après l’activité des prêtres-notaires, clercs et notaires de profession, que ces sources irremplaçables nous présentent au milieu d’une foule bariolée de laïques et de religieux engagés dans la défense de leurs droits et privilèges, nous avons pu dégager les grandes lignes et exposer les points principaux de l’évolution de l’acte privé en Corse au Moyen Âge, que l’emploi du latin mélangé à la langue vernaculaire caractérise d’une manière spécifique, bien différente par rapport aux actes notariés rédigés à la même époque sur le continent.


1 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci, t. I, 999-1099, éd. Silio P.P. Scalfati, Rome, 1977 (Thesaurus ecclesiarum Italiae, VII, 17), n° 99, avec bibliographie. Dans cet acte (p. 242, ligne 10 s.) on fait allusion à une donation que les seigneurs de Pino avaient effectuée en faveur de S. Gorgonio « per cartulam offersionis ». Cette charte, qui doit remonter à la décennie 1060-1070 environ et qui a disparu, est le plus ancien document corse de l’abbaye de la Gorgona, et il est bien dommage que nous ne connaissions pas le nom de son rédacteur. Il est intéressant de remarquer que les sieurs de Pino étaient présents au plaid d’Acquafredda et que « testificati sunt, simul cum judicibus Curado et Anselmo, ut ita tradiderunt suprascriptas res in predicto monasterio de Gorgona ».
2 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. I, n° 127 et 135, passés « in curte da la Croce » et « in curte de Carco » en 1092 (?) et en 1095 (?).
3 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. I, n° 144 : il s’agit de la version épiscopale de la donation de l’église de S. Reparata (version bénédictine de cette offersio, rédigée par Rusticus, ibid., n° 135). On peut remarquer, déjà d’après ce document (n° 144), que les actes épiscopaux ont une forme diplomatique particulière ; après la liste des témoins et l’actum, le document se termine par les mots : « Et ego Landolfus episcopus cum clericis meis, videlicet cum presbitero Landolfus et cum Vivenzo diaconus et cum Iohanne presbitero, fìrmavi hanc cartulam ». La souscription de l’évêque, avec celle de ses clercs, remplace la souscription du rédacteur qu’on trouve en général dans les cartule. Voir plus loin sur cette question.
4 Silio P.P. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G di Gorgona’ concernant la Corse (XIe-XIIe siècles) », paru dans Mélanges de l’École française de Rome, 88 (1976), et repr. dans id., La Corse médiévale, Ajaccio, 1994 (2e éd. 1996), chap. 4, doc. n° 12 : donation effectuée en 1116 par les marquis de Corse en faveur de S. Gorgonio. La completio notariale manque, mais dans le texte on dit que « hanc cartulam offersionis Ugo notarius domini imperatoris scribere rogavimus [sc. nos Ugo marchio et Guilielmo] ».
5 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. I, n° 138 ; S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », n° 9, 10, 15 ; Carte dell’Archivio della Certosa di Calci, t. II, éd. S. Scalfati, Rome, 1972 (Thesaurus ecclesiarum Italiae, VII, 18), n° 52. Baldinus est aussi l’auteur d’un breve possessionum de [1124 ?] concernant les biens de la Gorgona en Balagne (ibid., n° 108, avec plusieurs mots en langue vulgaire), et, peut-être, d’un breve recordationis, rédigé à S. Reparata en 1126, concernant une réfutation et une donation de biens en faveur de S. Gorgonio : cf. ibid., n° 54.
6 S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », n° 14. Mais, comme je l’ai déjà fait remarquer ailleurs (ibid., § 4), il est fort probable que d’autres documents, où l’on ne mentionne pas le nom des rédacteurs, ont été également écrits par Baldinus, par Ubertus ou par d’autres religieux de la Gorgona : cf. S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », n° 16-18 et n° 21-25.
7 Ursmer Berlière, « L’exercice du ministère paroissial par les moines dans le haut Moyen Âge », Revue Bénédictine, 39 (1927), p. 227-250 ; Geo Pistarino, « Corsica medioevale : le terre di S. Venerio », Miscellanea di storia ligure in onore di G. Falco, Milano, 1962, § IV. Sur les recteurs corses au XIVe siècle, Mauricette Mattioli, « Paroisses de Corse et desservants insulaires au XIVe siècle », Études corses, 5 (1975), p. 5-13.
8 Cf. Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 65 et 66, sans souscriptions des rédacteurs. Albizone était probablement pisan, mais on ne sait pas s’il appartenait à la famille pisane des Albizonidi, patrons de l’abbaye de S. Matteo : Cinzio Violante, « Nobiltà e chiese in Pisa durante i secoli XI e XII : il monastero di S. Matteo (prime ricerche) », Adel und Kirche, Festschrift für G. Tellenbach, Freiburg/Brsg., 1968, p. 259-280.
9 À ce propos, il ne faut pas oublier qu’en Italie, comme l’écrit un excellent spécialiste de l’histoire du notariat italien, Giorgio Costamagna, l’acte notarié au Xe siècle « non ha ancora trovato in se stesso la capacità di dar prova della propria credibilità » (Mario Amelotti-Giorgio Costamagna, Alle origini del notariato italiano, Rome, 1975, p. 198 s.) ; voir aussi Oswald Redlich, Die Privaturkunden des Mittelalters, Munich-Berlin, 1911, p. 125 et suiv., et S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », § 4.
10 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 30 : dans le document l’évéque dit « hanc cartulam in ipso conventu [à Mariana] scribere precepimus », sans ajouter le nom du rédacteur et sans oublier d’apposer sa propre souscription, qui précède celles d’autres religieux de premier rang et du marquis de Corse. Voir aussi ibid., n° 29, où le même Landolfus, se trouvant à Pise, mentionne clairement : « in tali ordine hanc cartulam Falconem judicem et notarium sacri palatii scribere rogavi ».
11 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 53 : Tedaldus dit simplement « et sic scribere rogavimus », sans mentionner le rédacteur. Voir aussi l’acte de donation de cette église, rédigé à Pise en 1112-1113, dans lequel il n’y a pas de completio : ibid., n° 22. Dans l’acte de 1125, tous les personnages « augtoritatem prebentibus » à la donation sont des ecclésiastiques, comme dans l’acte de 1124 (donation de S. Tommaso de Marinca, effectuée par Guilielmo, évêque de Nebbio : Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 52). Ce n’est pas un hasard, à mon avis, si dans ces actes il n’y a plus trace des marquis de Corse parmi les souscripteurs : en 1118 l’autorité des évêques corses avait été soulignée par le légat pontifical Petrus, dans un acte, passé à Mariana, où ne se voient que les souscriptions autographes d’une dizaine de religieux, y compris les évêques d’Aléria, Landolfus, de Mariana, Tedaldus, et de Nebbio, Guilielmus (ibid., n° 33).
12 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 106 et 107. Il faut souligner que dans les documents cités (Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 30 et 53) la formule de souscription finale de Rodulfus est celle de la completio, qui n’a rien à voir avec celle qu’un rédacteur de copie ajoute habituellement à la fin de l’acte copié, p. ex. ibid., n° 70 : « Ego Rodulfus notarius apostolice sedis fideliter exemplavi » ; dans la copie d’un autre document, dont l’original est dépourvu du signum du rédacteur avant la formule d’invocation, Rodulfus a ajouté son propre seing : cf. Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. I, n° 129.
13 Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 52 ; également inconnu, le rédacteur de la cartula confirmationis écrite à Mariana en 1118 à la demande de Petrus, « cardinalis presbiter sancte Susanne et legatus sancte Romane Ecclesie » (ibid., n° 33).
14 Cf. Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 68, 90, 91, 92, 93. Comme pour le prêtre Ubertus, je me demande si Wuilielmus, qui en 1137 et en 1144 était au service des évêques de Nebbio, n’était pas Corse ; mais les documents ne nous aident pas à donner une réponse à cette question, qui pourrait se poser aussi pour le notaire impérial Ugo (S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », n° 12).
15 Archives départementales Corse (fonds actuellement à Bastia), I H 1, 19 ([1150-1160]), cartula concessionis et confirmationis de Petrus, évêque de Mariana. Archivio della Certosa di Calci, 248 ([1150-1160]), cartula confirmationis de Landolfus, évêque de Nebbio. Archives départementales Corse, I H 1, 21 (27 février 1177), concordia ou différend tranché par les évêques de Sagone et de Nebbio ; à la fin de cet acte, avant les souscriptions des ecclésiastiques, on lit : « ut omnen optineat firmitatem in ea [sc. sententia vel concordia] subscripsimus ». Cf. Silio P.P. Scalfati, « Les propriétés du monastère de la Gorgona en Corse (XIe et XIIe siècles) », paru dans Études corses, 8 (1977), repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 5.
16 Archives départementales Corse, I H 13, 4  (26 octobre 1188, Mariana) : « Et ego presbiter Petro de Bagnaria post traditam scripsi, complevi et dedi et in manu mea rogata fuit ». Petro dans cette formule de souscription, où l’auctoritas de l’église de Rome continue à remplacer celle du notariat, joint les mots de la completio des chartes (« X notarius post traditam complevi et dedi ») à quelques éléments des souscriptions d’actes privés rédigés en Corse par les ecclésiastiques, comme « in cujus manus hanc cartulam rogata fuit scribere » (S. Scalfati, « Les documents du ‘Libro Maestro G’… », n° 14 et 15, rédigés par Baldinus et par Ubertus ; voir aussi ibid., n° 9 et 10 pour « scripsi » dans la souscription, et Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica, 1080-1500, éd. Geo Pistarino, Turin, 1944, n° 3-5). Dans l’acte de donation de 1188, rédigé en latin, plusieurs mots concernant la description des terres sont en langue vernaculaire, mais il est à remarquer que ne nous disposons que d’une copie simple du XVIIe siècle, que j’ai eu la chance de trouver aux Archives départementales Corse parmi quelques « pièces de procès » de 1590-1606, quelques années après avoir écrit que « le document relatif [à la donation] manque » (S. Scalfati, « Les propriétés du monastère de la Gorgona… », p. 148, n. 113, sous la date de 1189, d’après les citations de Gioacchino Cambiagi, Istoria del Regno di Corsica, t. I, Florence, 1770, p. 86, d’après les mss Canari, et de Pierre-Paul R. Colonna De Cesari Rocca, Recherches sur la Corse au Moyen Âge, origine de la rivalité des Pisans et des Génois en Corse, 1014-1174, Gênes, 1901, p. 65 et 75).
17 G. Cambiagi, Istoria del Regno…, t. I, p. 86 s., documents de 1209-1210 environ : il s’agit entre autres de donations effectuées par le comte Agnaldo, par un évêque de Nebbio et par le marquis Corrado. Cambiagi ne mentionne pas les rédacteurs de ces actes. Cf. Silio P.P. Scalfati, « Les relations entre la Gorgona et la Corse du XIIIe au XVe siècle », paru dans Cahiers Corsica, 84-85 (1980), repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 6.
18 Archivio della Certosa di Calci, 557, 1193 (11 novembre 1220) ; Francis Molard, Inventaire des titres concernant la Corse, qui se trouvent à la chartreuse de Calci, Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XVIII, XXXVI. La formule de souscription est : « Ego presbiter Johannes de sancto Martino di Patrimonio, notario, istam cartam scripsit et ibi fuit testis ». Voir aussi Alfredo Stussi, « Corsica, 11 novembre 1220 », Omaggio a G. Folena, Padoue, 1993, aux p. 235 et suiv.
19 Mais il y avait déjà des éléments de langue vernaculaire dans quelques actes du XIIe siècle : Carte dell’Archivio della Certosa di Calci…, t. II, n° 108 ([1124 ?]) ; Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 4 et 5 (début du XIIe siècle). Il y a aussi des actes, rédigés par des notaires corses aux XIIIe et XIVe siècles, qui sont entièrement en latin : ils sont signalés, dans les notes suivantes, par l’indication « (lat.) » portée après leur date.
20 Sur les rapports entre la Tuscia lombarde et la Corse, Fedor Schneider, Die Reichsverwaltung in Toscana von der Gründung des Langobardenreiches bis zum Ausgang der Staufer, 568-1268, t. I, Roma, 1914, p. 78 et suiv. ; Arrigo Solmi, « La Corsica, studio storico », Archivio storico di Corsica, 1 (1925), p. 15-20 ; Scalfati, « Les propriétés du monastère de la Gorgona… », p. 133 et n. 59. Sur la Corse et les Lombards, [Jean-Charles Grégori], Coup d’œil sur l’ancienne législation de Corse, Paris, 1844 [traduction française de l’introduction à J.-C. Grégori, Statuti civili e criminali di Corsica, pubblicati con addizioni inedite e con una introduzione, Lyon, 1843], p. 50-80 (partic. 72-79), 87-89.
21 Dans l’état actuel de nos connaissances, toutefois, l’évolution du notariat semble avoir eu lieu plus rapidement dans le nord que dans le sud de la Corse, moins « continentalisé » : dans un document du 29 octobre 1238, rédigé dans la colonie génoise de Bonifacio par le notaire Tealdo de Sestri Levante, le prêtre Albergus atteste que, le 5 octobre 1234 (et non 1238, comme le voudraient Vito Vitale, « Un ignorato vescovo di Ajaccio nel secolo XIII », Archivio storico di Corsica, 11 [1935], p. 437, et Laura Balletto, « Sulle fonti notarili per la storia della Corsica, secoli XIII-XV », Archivio storico italiano, 495-496 (1978), p. 93 : en 1238, le 5 octobre ne tombait pas un jeudi), l’acte d’élection de l’évêque d’Ajaccio avait été rédigé par un diacre, « quia non sunt ibi notarii » [i.e. dans l’évêché d’Ajaccio, cité peu avant dans l’acte] ; Albergus ajoute que « instrumenta et cartas in illis partibus » sont rédigés par « omnes qui sciunt scribere », et que les gens utilisent ces documents pour « consequi jus suum et racionem optinere ». Je ne doute point de la crédibilité de ce témoignage, mais je tiens d’abord à souligner que l’acte d’éléction cité avait été rédigé par un diacre (qui n’était pas une personne quelconque), et ensuite que cette situation, qui permettait à « omnes qui sciunt scribere » de rédiger des actes valides, ne concernait, au XIIIe siècle, que les alentours d’Ajaccio ou, tout au plus, le sud de la Corse, et non l’île toute entière, comme l’ont cru G. Pistarino, « Corsica medioevale… », p. 21, n. 1, et L. Balletto, op. cit., p. 110. L’acte du 29 octobre 1238 a été publié par V. Vitale, op. cit., et « Documenti sul castello di Bonifacio nel secolo XIII », Atti Deputazione di storia patria della Liguria, 65-1 (1936), n° 6, p. 4-5 ; voir aussi « Nuovi documenti sul castello di Bonifacio nel secolo XIII », éd. V. Vitale, Atti Deputazione di storia patria della Liguria, 68 (1940), p. VIII, et id., « La vita economica del Castello di Bonifacio nel XIII secolo », Studi in onore di G. Luzzatto, t. I, Milano, 1950, p. 129-151. Sur les notaires dans les colonies génoises de Bonifacio et de Calvi, Giovanna Petti Balbi, Genova e Corsica nel Trecento, Roma, 1976, p. 137 s.
22 Archives départementales Corse, I H I, 24 (25 mars 1224-24 mars 1225, Piazze, lat.), acte de donation en faveur de S. Gorgonio : « Johanni rogatus notarii anc cartam scripsit per ammonitionis supradictis testibus ». Archivio della Certosa di Calci, 1007 (12 février 1251, Biguglia, lat.), acte rédigé par le notaire impérial Vitalis de feu Junta (ind. Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XLIV et XI ; Archivio di Stato Pisa, Carte C. Lupi, Fonti, Parte 1, Certosa di Calci, 1414-1416). Archives départementales Corse, I H 15, 1 (9 juin 1284, S. Cerbone de Valaneto, lat.) : « Ego Pandulfus filius domini Ugonis de Terchina juratus notarius rogatus hiis omnibus interfui et hanc inde cartam scripsi et firmavi ». Cf. Louis-Alphonse Letteron, « Inventaire des titres, registres, papiers et documents extraits des archives du couvent de la Chartreuse de Calci… fait par le receveur des domaines à Pise, ensuite des ordres contenus dans la lettre de M. le directeur des domaines de la Méditerranée du 22 septembre 1809 », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 9 (1889), n° 24, 36.
23 Archivio della Certosa di Calci, 685 (1248 [?], Avortica) : « Ego presbiter Vivenzo di lo Munticello ac cartam scrisis » (ind. Archivio di Stato Pisa, Carte C. Lupi, Fonti, Parte 1, Certosa di Calci, 1397 ; Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XLII, XIX). La date est incertaine car le chiffre de l’indiction ne s’accorde pas avec le millésime. Il s’agit d’un breve concernant des terres données à bail à des particuliers par le prêtre Guido, recteur de S. Reparata de Balagne. Dans le document, on fait allusion à une carta rédigée par le prêtre Martino de Avortica. Voir Alfredo Stussi, « Un testo del 1248 in volgare proveniente dalla Corsica », Studi linguistici italiani, 16 (1990), aux p. 145 et suiv. ; Geneviève Moracchini Mazel et al., « Le castello d’Ortica à Monticello », Bastia, 2002 (Cahier Corsica, 202), p. 129 et suiv.
24 Archivio della Certosa di Calci, 771 (1263, S. Reparata, et 1268, S. Reparata ; ind. Archivio di Stato Pisa, Carte C. Lupi, Fonti, Parte 1, Certosa di Calci, 1257 ; Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XXII, XXIII, LVIII, LIX) : « per judicio de presbitero Guilielmo de sancta Reparata in mano sua fui rogata ». Un seul parchemin contient les deux documents. Je ne sais si ce prêtre Guilielmo est le recteur homonyme de S. Reparata qui figure parmi les témoins d’un bail de 1283, rédigé par le prêtre et notaire Johannes (v. ci-dessous, note 27).
25 Archivio della Certosa di Calci, 746 (1260, S. Reparata ; ind. Archivio di Stato Pisa, Carte C. Lupi, Fonti, Parte 1, Certosa di Calci, 1506 ; BMA, Ms. 359, n° XXI, LIV). Après « Ego presbiter Jacobus notarius », le reste de la souscription est illisible. Voir Alfredo Stussi, « Corsica 1260 », Studi mediolatini e volgari, 36 (1990), aux p. 57 et suiv.
26 Archives départementales Corse, I H 16, 2 (24 novembre 1280, S. Cerbone, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 35) : « Ego presbiter Johannes notarius mea manu istam cartam scripsi et complevi ». Sur l’acte de 1281, Silio P.P. Scalfati, « Un cartulario di istrumenti antichi relativo al patrimonio dei Benedettini pisani in Corsica », paru dans Archivi per la storia, 3-2 (1990) et dans Studi in memoria di A. Lombardo, Florence, 1996, § 4, repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 13.
27 Archives départementales Corse, I H 7, 1 (1er et 18 avril 12[8]3, Rosulo et S. Reparata, lat.) : « Presbiter Johannes, apostolice sedis iuratus notarius, rogatus parabola mandato suprascriptorum monacorum hiis omnibus interfui et hanc cartam scripsi et complevi ». De cet acte, on conserve une copie authentique de la fin du XIVe siècle, due à Bostoracio de Corbaria (L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 33 ; voir plus loin, notes 35 et 41), ce qui ne nous permet pas de savoir si l’on peut identifier, par la main, ce Johannes avec le rédacteur de l’acte cité à la note précédente.
28 Archives départementales Corse, I H 15, 2 (20 août 1284, S. Cerbone, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 37) : « Ego presbiter Petrus juratus notarius hiis omnibus ibi interfui, hanc inde cartam scripsi ». La précédente rénonciation de Petrus, faite en présence de ses paroissiens le 9 juin de la même année, avait été rédigée par le notaire déjà cité Pandulfus fils d’Ugo de Terchina.
29 Archives départementales Corse, I H 3, 1 (12 mars 1311, S. Colombano, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 45) : « Ego Landus quondam Bernardi de Plateis, imperatorie dignitatis notarius, predictis omnibus interfuit et hanc indem carta rogatus iscripsi et firmavi ».
30 Archives départementales Corse, I H 16, 3 (8 septembre 1331, Furiani ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 48) : « Ego Ansalducius quondam Fererii de Pino, sacri imperii notarius, hanc cartam scripsi sicud mihi commisit in mano presbitero Boristorio de Furiano notarius ». On pourrait penser que le prêtre-notaire Boristorio préférait recourir à l’aide d’un notaire de profession, qui était par surcroît un notaire impérial, mais l’insuffisance de la documentation ne permet pas de verifier dûment cette hypothèse. On peut toutefois constater que, par la suite, les rédacteurs corses d’actes privés ne sont que des notaires, et que ce n’est que lentement que le notariat impérial s’impose par rapport au titre de notaire tout court : même les ecclésiastiques de la curie diocésaine du Nebbio sont qualifiés de notaires « imperiali auctoritate » vers le milieu du XIVe siècle (voir note suivante). Sur l’instrument de 1336, S. Scalfati, « Un cartulario di istrumenti antichi… », § 4.
31 Archives départementales Corse, I H 16, 5 (28 février 1345, S. Cerbone, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 51) ; Archives départementales Corse, I H 16, 6 (3 août 1346, Patrimonio, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 52). Les deux rédacteurs sont Nicolaus Vivolo, « clericus, auctoritate imperiali et curie Nebyensis notarius », et le prêtre Restorus, fils d’Upicinucius dit Mancippio de Plebe, « inperiali auctoritate notarius ». Pour un autre document, rédigé le 20 août 1368 sur la demande du vicaire général de l’évêque de Nebbio, v. ci-dessous, note 33. Voir aussi le document que le notaire impérial Benedictus Anthonii de Vignolo, de Chiavari, rédigea à Calvi en 1388, à la demande de Gualterius, évêque de Sagone et procureur de l’abbaye de S. Venerio del Tino (ci-dessous, § II.1, et Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 42). Sur le prêtre et notaire Restorus, voir aussi plus loin, § IV, où il est question des notaires de l’évêque du Nebbio.
32 Archives départementales Corse, I H 16, 4 (4 octobre 1342, S. Colombano ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 49), bail rédigé par Luchetus Paonensis de Corbaria « de Riperia Janue, sacri palacii notarius ». Archives départementales Corse, I H 13, 3 (30 janvier et 2 février 1413, Bastia et Porto Cardo ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 70), transaction rédigée par Enrichus de feu Bartolomeus de Pirovano, « civis Mediolani, notarius imperiali auctoritate publicus ». Il semble toutefois que les notaires continentaux préféraient employer le latin pour la rédaction de tout le document : voir ainsi Archives départementales Corse, I H 13, 1 (22 août 1359, Furiani, lat.), bail rédigé par le notaire et juge impérial Ildebrandus de feu Johannes Ildebrandi, de Pise ; Archivio di Stato Pisa, Corporazioni religiose soppresse, 221 (Acta Fanucci notarii filii Iacobi quondam Fanucci, civis Pisani, de omnibus cartis et factis monasterii SS. Marie et Gorgonii de insula Gorgona Pisane diocesis, ordinis S. Benedicti et ordinis Cartusiensis, aa. l383-1400), fol. 126v-127v (31 octobre 1387, Biguglia, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 53), promesse rédigée par Batista Garancius de Gênes, notaire impérial ; Archives départementales Corse, I H 13, 2 (7 octobre 1390, Biguglia, lat. ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 62), bail rédigé par le notaire impérial Leonardus Iohannis de Grota de Chiavari.
33 Archivio della Certosa di Calci, 1015 (décembre 1332 [?], S. Lucia de la Venzolasca ; ind. Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XCV, XXIV) : « Bertuccinus quondam Pasqualini de Biguglia notario scripsi » (v. S. Scalfati, « Les relations entre la Gorgona… », p. 184 n. 47). Dans la plupart des documents de la Gorgona postérieurs à cette date, on remarque que les Corses ajoutent « imperiali auctoritate » à leur titre de notaires, dans la souscription de leurs actes. Pour un autre document, ayant trait à un différend relatif aux dîmes des églises corses de la Gorgona, on n’a plus que les regestes de Giovanni Battista Coletti, Memoria istorico-cronologica riguardante l’origine del monastero di S. Maria e S. Gorgone dell’isola Gorgona (Archivio di Stato Pisa, Corporazioni religiose soppresse, ms 347bis, n° 144) et de Caraffa (L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 55) ; j’ai cherché sans résultat, à l’Archivio della Certosa di Calci et aux Archives départementales Corse, cet acte, rédigé dans le Nebbio le 20 août 1368, par un notaire de Oletta, Uberto Samberucii ; Coletti ne précise pas s’il se disait « notarius » tout court ou notaire impérial. On trouve encore au XVe siècle de simples « notarii » : en 1413 Silvestro de Bostoruculo de Belgodere (mention dans l’acte Archives départementales Corse, I H 13, 3 ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 56), en 1425 Andria del Larciacone, responsable de la copie d’un acte qu’avait rédigé en 1371 le notaire Bostoracio de Corbaria (Archives départementales Corse, I H 7, 3 ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 70). Voir aussi, plus loin, note 37, le cas de Guasparinus Farinola.
34 Archivio della Certosa di Calci, 1322 (29 mars 1369, lat. ; ind. Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° CVII). Il est intéressant de rencontrer à cette époque, dans la colonie génoise de Calvi, un notaire de Patrimonio. Voir, dans Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 48, un acte rédigé en 1412 à Calvi par le notaire impérial Franciscus de feu Sanctucolus Bocacioli de Calvi ; pour le XIVe siècle, on rencontre à Calvi un notaire et juge de Pistoie et un notaire de Chiavari (Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 35, 42) ; voir aussi G. Petti Balbi, Genova e Corsica…, p. 84-101.
35 Archives départementales Corse, I H 7, 3 (14 avril 1371, S. Reparata ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 56) ; Archives départementales Corse, I H 7, 4-6 (4 mars 1392, S. Reparata ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 63) ; Archives départementales Corse, I H 7, 8 (29 mars 1401, S. Reparata ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 67) ; Archives départementales Corse, I H 7, 7 (19 septembre 1402 ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 69). Tous ces actes concernent l’abbaye de la Gorgona ; v. aussi plus bas, où il sera question des documents corses de S. Venerio. Ce que je viens de dire à propos de la langue vulgaire, qui était plus facilement accessible que le latin, est valable non seulement pour les Corses et – plus en général – pour les laïques et les gens plus ou moins illettrés ou cultivés, mais aussi pour les membres de certains chapitres monastiques : nous savons par exemple que, en 1329, un vicaire de l’antipape Nicolas V se présenta aux moines de S. Vito et S. Gorgonio pour recevoir leur prestation d’obédience ; il était muni de deux bulles, rédigées en latin par la chancellerie pontificale, mais il les « vulgariter explanavit » en présence d’un juge et notaire impérial : Archivio della Certosa di Calci, sans numéro (26-30 janvier 1329 ; ind. Bibliothèque municipale Auxerre, ms 359, n° XVI, XCII, XCIII).
36 Archives départementales Corse, I H 7, 9 (26 décembre 1416, S. Reparata ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 63) : « Ego Pinzutum quondam Bostoracus de Corbaria, autoritate inperiale notarius, predictis onibus interfui rogatus, scripssi et signumque meum apposui consuetum ». Archives départementales Corse, I H 7, 4 (4 mars 1392, S. Reparata, copie faite par Pinzutum le 24 avril 1419 ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 71). Les deux documents sont rédigés en langue vulgaire, sauf l’invocation et la souscription notariale. La formule d’authentification est en langue vulgaire.
37 Archives départementales Corse, I H 16, 7 (25 octobre 1421, S. Gavino, langue vernaculaire ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 72) : « Ego Guasparinus Farinola publicus notarius hanc sententiam sicut homines pronuntiaverunt fideliter scripsi et inde carta extrassi ».
38 Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 155 (11 mai 1468, S. Florent, langue vernaculaire) : « Ego Daniel, filius condam Guaspari de Farinole, publicus inperiali hautoritate notarius, de mandato de lo antedicto domino locumtenente scripssi ».
39 Archives départementales Corse, I H 19, 6 (2 mars 1403 [?], li Civelli ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 68) ; Archives départementales Corse, I H 19, 7 (1er novembre 1442, S. Nicola de Tomino ; ind. L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… », n° 76) ; Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 86 (18 janvier 1442, Botticella). Tous ces documents sont rédigés en langue vulgaire.
40 Il s’agit de cinquante et un documents, de la période 1080-1428 : cf. Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, p. 1-96. Tous les actes de l’abbaye de S. Venerio, de 1050 jusqu’à 1300, avaient été déjà publiés en deux volumes par Giorgio Falco : Le carte del monastero di S. Venerio del Tino, t. I, 1050-1200, et t. II, 1200-1300, Turin, 1920-1933 (Biblioteca della Società storica subalpina, 91) ; les actes spécialement relatifs à la Corse ont été republiés par G. Pistarino, Carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica… Sur les propriétés corses de S. Venerio, G. Pistarino, « Corsica medioevale… » ; sur les églises et les biens fonciers que possédaient en Corse les abbayes ligures et toscanes, Geneviève Moracchini Mazel, Les églises romanes de Corse, Paris, 1967, t. II, p. 411 et suiv. Tandis que au XIIe siècle le patrimoine corse de la Gorgona comprenait entre autres une vingtaine d’églises (S. Scalfati, « Les propriétés du monastère de la Gorgona… », § IV et tabl. VIII), il résulte des Carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica… que l’abbaye de S. Venerio du Tino possédait dans l’île six églises : S. Nicola et S. Ambrogio de Spano (près de Lumio en Balagne, piève d’Aregno, diocèse d’Aléria), S. Gavino de Mala, S. Marcello de Chiesana et S. Tommaso de Lioco (près de Belgodère de Balagne, piève de Toani, diocèse de Mariana), S. Quirico de Bisinchi (piève de Rostino, diocèse d’Accia).
41 Quant à la période de l’activité de Bostoracio, on a déjà vu que le plus ancien document remonte à 1371 et concerne un échange rédigé à S. Reparata, tandis que le plus récent, passé également à S. Reparata, est de 1402. Dans Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, p. 71, G. Pistarino attribue à Bostoracio deux actes plus récents (de 1409 et 1416) sur la foi de L.-A. Letteron, « Inventaire des titres… » (n° 69, 71), mais dans le premier document on lit clairement la date « M.CCCC.I », tandis que l’acte de 1416 déjà cité est dû à Pinzutum, notaire impérial, lequel dans sa souscription est dit fils de feu Bostoracus de Corbaria.
42 Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, passim ; cf. aussi L. Balletto, « Sulle fonti notarili… », p. 94 et suiv. Pour d’autres abbayes ligures possessionnées en Corse au Moyen Âge, la documentation est encore plus pauvre et ne peut pas servir à grand-chose pour notre recherche sur le notariat corse : c’est le cas des bénédictins de S. Benigno de Capo Faro, de Gênes, qui au XIIIe siècle possédaient quelques églises et abbadie, sises pour la plupart dans le diocèse d’Ajaccio ; du monastère de S. Bartolomeo de Fossato de Vallombreuse (diocèse de Gênes), propriétaire, au siècle suivant, de deux églises dans le diocèse de Sagone (S. Giovanni de Calvi et S. Quirico d’Arca), ainsi que de l’église de S. Pietro de Lumio (diocèse d’Aléria). De deux actes du milieu du XIVe siècle, rédigés en latin dans la demeure de l’évêque de Sagone et relatifs aux églises corses de S. Bartolomeo, il résulte que résidaient alors à Calvi un certain Stephanus Savius de Petrabiscario, « sacri Imperii notarius », et Georgius de feu Thomas de Campo Auri, « auctoritate apostolica et imperiali notarius » (Antonio F. Mattei, Ecclesiae Pisanae Historia, t. II, Lucques, 1772, App., p. 56 et suiv., n. 1, p. 69 et suiv.). Sur les propriétés corses des deux abbayes de S. Benigno de Capo Faro et de S. Bartolomeo de Fossato, voir aussi Francis Molard, « Rapport sur les archives provinciales de Pise », Archives des missions scientifiques et littéraires, 11 (1875), p. 254-255 ; P.-P. Colonna De Cesari Rocca, Recherches sur la Corse au Moyen Âge…, p. 77-78 ; G. Moracchini Mazel, Les églises romanes de Corse…, t. II, p. 432-436.
43 Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, n° 3, 4, 5. Les documents ne nous renseignent pas sur l’origine de ces religieux, mais rien n’empêche de renouveler à ce propos l’hypothèse déjà avancée pour la Gorgona.
44 Pour L. Balletto, « Sulle fonti notarili… », p. 92, 94, Bostoracio de Corbaria serait le premier ou l’un des premiers notaires corses. Déjà G. Pistarino, dans l’Introduction à son édition des actes corses de S. Venerio, écrivait en 1944 que « a partire dal 1400 si inizia la serie delle carte in volgare e degli atti rogati dagli incolti notai isolani » (Le carte del monastero di S. Venerio del Tino relative alla Corsica…, p. XII) ; en 1962 il répétait, parlant des documents relatifs à l’histoire du Moyen Âge corse, que « i primi notai indigeni si incontrano soltanto alla fine del secolo XIV » (« Corsica medioevale… », p. 21 n. 1). Comme le dit à juste raison Francis Pomponi (Histoire de la Corse, Paris, 1979, p. 45), cette conception « tend à conforter dans ses positions une interprétation imprégnée du sentiment de la supériorité des civilisations dominantes, seules dignes d’intérêt et capables d’insuffler une dynamique ».
45 Sur l’importance des coutumes dans le droit, Francesco Calasso, Medioevo del diritto, t. I, Milan, 1954, p. 181 et suiv. ; Mario G. Losano, I grandi sistemi giuridici, Turin, 1978, p. 125 et suiv. ; A. Solmi, « La Corsica… », p. 18, 32 : en Corse, à l’époque lombarde, il y avait « diritti che si configurano nelle forme degli usi civici continentali », et, à l’époque de la domination pisane, « le istituzioni civili si fissano nella consuetudine, approvata nelle assemblee della pieve, con forme abbastanza rispondenti al diritto pisano e alle consuetudini locali della Toscana rurale ». Il faut en tout cas souligner l’importance des communautés rurales corses et l’utilité de consacrer à ce phénomène des études spécifiques et des travaux d’ensemble, concernant l’évolution des structures économiques et sociales, ainsi que l’histoire des coutumes au Moyen Âge. Comme le remarque F. Pomponi, Histoire de la Corse…, p. 45 s., à propos des « travaux pionniers de A. Casanova sur la seigneurie banale en Corse », il faut « mettre en lumière cette dynamique interne qu’il est absurde de nier pour la seule raison qu’on a plus de difficulté à la saisir ».
46 Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, sans n° (1er octobre 1118 ; ind. Paul F. Kehr, Regesta Pontificum Romanorum, Italia Pontificia, t. III, Etruria, Berlin, 1908, n° 2 p. 277). Sur les archives et les documents de Montecristo, v. aussi Paul F. Kehr, « Papsturkunden in Pisa, Lucca und Ravenna », Nachrichten von der Kgl. Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, 1897, p. 175-177 ; id., « Papsturkunden im westlichen Toscana », ibid., 1903, p. 598-600 ; Bruno Casini, « Il Diplomatico dell’Archivio di Stato di Pisa », La Rassegna di Pisa, 5‑12 (1958), p. 12-14 ; Archivio di Stato Pisa, Inventario II, 12 (Archivio Pia Casa di Carità di Pisa), n° 458-461.
47 Silio P.P. Scalfati, « Le notariat corse au Moyen Âge d’après les chartriers monastiques », Bastia, 1980 (Cahiers Corsica, 84-85), repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 15.
48 Lodovico A. Muratori, Antiquitates italicae Medii Ævi, t. II, Milan, 1739, col. 1065-1078 ; Giovanni B. Mittarelli et Antonio Costadoni, Annales Camaldulenses, ordinis s. Benedicti, t. IV, Venise, 1760, App., n° CLXXVI, CCCLVII, CCCLVIII ; Louis A. Letteron, « Donations faites en Corse à l’abbaye de S. Mamiliano de Montecristo », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 7 (1887), aux p. 212 et suiv.
49 La date de cette donation n’est pas certaine, vu que l’année 1304 correspond à l’indiction 2e et non 8e. Il ne nous reste de ce document qu’une brève analyse en italien : L. Letteron, « Donations faites en Corse… », p. 188, donation n° 11 du ms Grégori. L’acte rapportait que le 26 juin 1304 le seigneur Alberto de Cinarca offrit à l’abbé Pavolo de Montecristo l’église de S. Giulia de Tavaria (diocèse d’Ajaccio, commune de Viggianello), où ce document fut rédigé par le notaire Orsuccio. Sur Fregolinus de Pero, v. L. Letteron, op. cit., p. 206.
50 L’acte de 1358 est cité dans Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, sans n° (5 octobre 1402, copie du 7 novembre ; L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 7, p. 222) ; pour le document de 1359, ibid., n° 15 (sous la date du 28 février 1365), p. 218. L’acte du 23 août 1365 est dans Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, 5 octobre 1402 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 16, p. 219-221. Le document de 1387 est cité ibid. (L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 7, p. 223).
51 Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, copie du 8 janvier 1364 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse », p. 217). V. aussi Pär Larson, « Note su un dossier di falsi documenti corsi copiati nel 1364 », Atti del VI congresso degli Italianisti scandinavi (Lund, 16-18.VIII.2001), éd. V. Egerland et E. Wiberg, Lund, 2003, aux p. 325 et suiv. Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, 28 février 1365 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 15, p. 217-219).
52 Les actes de 1375 et 1392 sont cités dans Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, 5 octobre 1402 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 7, p. 222-224, sentence).
53 Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, 5 octobre 1402 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 7, p. 224-225, compromis). Archivio di Stato Pisa, S. Michele in Borgo, 3 octobre 1406 (ind. L. Letteron, « Donations faites en Corse… », n° 8, p. 226-227).
54 Silio P.P. Scalfati, « Le fragment d’un cartulaire médiéval de l’évêché corse de Nebbio », paru dans Mélanges de l’École française de Rome, Moyen Âge, 105-2 (1993), repr. dans id., La Corse médiévale, chap. 17.
55 Les auteurs juridiques de ces actes sont, outre les évêques de Nebbio, des particuliers qui étaient en relation avec l’évêché et les juges de la région, qui prononcent des sentences sur des différends éclatés entre l’évêché et des gens du diocèse. Tous les documents recueillis dans le fragment de ce cartulaire ont été rédigés (sauf deux) par des prêtres dits « jurati notarii », qui travaillaient en même temps pour les évêques, pour les juges et la « raxone [tribunal] de Nebio », ainsi que pour des particuliers et pour les religieux des abbayes ligures et toscanes installés dans l’île.
56 Au début d’un document de 1345, rédigé par le notaire impérial Landus de Patrimonio (v. ci-après, alinéa suivant) et « actum in lo loco ove se dice a la buda de la diocese de Nebio », on précise que à la buda « secundo la usança e la consuetudine de la dicta contrata, erano convocati et congregati a parlamento Uppecinucio Corthincho de Petralarata, podestae de Nebio, et la maior parte de li clerici et de li nobili et de li populari de Nebio », ce qui est confirmé par les actes du XIIIe siècle copiés dans le fragment de cartulaire des évêques du même diocèse.
57 L’acte peut être daté du milieu du XIVe siècle : v. ci-après, note 60, acte du 12 décembre 1345, et S. Scalfati, « Le notariat corse… », § 2 et n. 31, pour un acte de 1346 rédigé par le même prêtre Restorus, fils de Upicinucius dit Mancippio de Plebe, « inperiali auctoritate notarius ».
58 Le document peut être daté entre les années 1312 et 1331, qui correspondent à la période de l’épiscopat de Percevalle : François-Joseph Casta, Le diocèse d’Ajaccio, Paris, 1974, p. 270. La partie finale de l’acte, contenant entre autres la date et la souscription notariale, se trouvait au fol. 33, aujourd’hui perdu.
59 L’année ne s’accordant pas avec l’indiction, on peut dater l’acte entre 1281 et 1283. Le signum précédant la souscription notariale est le même que celui du « presbiter Petrus juratus notarius » d’un document contenu dans l’autre fragment de cartulaire (fol. 4 v) ; cet acte, qui ne porte pas de date, devrait remonter aux années 1268-1269, car tous les textes de ce fragment ont été copiés par ordre chronologique. Le même Petrus qui était prêtre en 1268 ou 1269, serait donc devenu diacre à Oletta quelques années plus tard, si l’on se fonde sur l’identité du seing.
60 Voir ci-dessus, note 57. Dans cet acte, dont manque la partie finale, où se trouvaient entre autres la date et la souscription notariale, Restorus cite une carta rédigée par lui-même le 12 décembre 1345, ce qui nous permet de lui attribuer la paternité de ce document, qui devrait être postérieur à la date indiquée. L’épiscopat de Raffaele Spinola va de 1332 à 1357 : F.-J. Casta, Le diocèse d’Ajaccio…, p. 270.
61 La formule d’authentification de cet acte, de lecture presque impossible même à la lampe de Wood, est la suivante : « (S) Ego Orlandus filius Georgii de villa Luri imperiali auctoritate judex ordinarius atque notarius predictum instrumentum transscripsi et in publicam formam redegi ab autentico in pergameno scripto manu supradicti notarii dicto anno et die, signato (…) signo, nichil inde addito diminuto nisi forte littera, sillaba aut (…) dimissa in aliquo non mutata quod mutet sensum vel variet intellectum, de mandato domini Galeocti condam domini Ansaldi de Mari civis Januensis, dominus et potestas Capitis Corsice, ad hoc ut de ipso fides habeatur per universas partes mundi. Actum in Capo Corso, in castro sancti Columbani, presentibus domino Bartholomeo filio dicti domini Galeocti, Bertuluccio condam Nocchi de Ascia de villa Origliani, domino Martino de Marino Januensis civitatis et Bartholome filio domini Rommani de Corniglia et aliis pluribus testibus ad hoc vocatis et rogatis [et vocatis répété par erreur]. Anno dominice Nativitatis millesimo CCCXXXV, indictione III, die VIII mensis januarii, circa hora tercia ».
62 S. Scalfati, « Le notariat corse… », et « L’evoluzione del notariato nella Corsica medioevale (secoli XI- XIV) », paru dans dans Notariado público y documento privado, de los orígenes al siglo XIV, actas del VII congreso internacional de diplomática (Valencia, octobre 1986), Valencia, 1989, repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 16.
63 « Scripsi » est suivi de « et complevi » dans trois des actes dûs au prêtre et notaire « apostolice sedis » Johannes fils de feu Ugolinus de Berto. Mais il n’y a ici qu’un pâle souvenir de l’ancien formulaire (« post traditam complevi et dedi »), de même que « rogatus » n’implique et ne suppose pas d’opposition ou de distinction nette entre rogatio et jussio, mais signifie tout simplement « chargé de rédiger un document » : v. par exemple le n° 21, où le même notaire déclare avoir rédigé un jugement « rogatus » (par l’évêque, qui était évidemment intéressé à garder un exemplaire de l’acte, par les juges ou bien par l’un et par les autres : le document ne le précise pas).
64 Silio P.P. Scalfati, « Ego episcopus firmavi hanc cartulam, ein Beitrag zum Kanzlei- und Urkundenwesen der korsischen Bischöfe im frühen Mittelalter », Die Diplomatik der Bischofsurkunde vor 1250 (Innsbruck, sept.-oct. 1993), Innsbruck, 1995, p. 331-347, et Les actes des évêques de Corse au Moyen Âge, Bastia, 1994 (Cahier Corsica 162), repr. dans id., La Corse médiévale…, chap. 18
65 S. Scalfati, « Les propriétés du monastère de la Gorgona… », et « Les relations entre la Gorgona… ».
66 Il ne s’agit, bien entendu, que d’une hypothèse, car les raisons pour lesquelles on faisait rédiger des copies authentiques par les notaires sont toujours assez nombreuses (p. ex. la nécessité de produire des actes en justice). Quant au document de 1224 (?) déjà cité (ci-dessus, note 61), il fut copié en 1335 par un notaire et juge impérial (dans le premier des 6 feuillets de ce fragment de cartulaire) sur l’ordre d’un personnage déjà cité, le « dominus et potestas » du Cap Corse Galeottus de Mari, membre d’une puissante famille de seigneurs (de Mari ou da Mare), qui avaient débuté au siècle précédent comme vassaux et tenanciers des évêques de Nebbio. Parmi les actes de la Gorgona, se trouve un acte notarié de 1336, rédigé sur l’ordre du « nobilis vir dominus Babilanus de Mari, potestas Capite Corso » (ci-dessus, note 30). Babilanus était fils de Galeottus, qui était fils d’Ansaldus (S. Scalfati, « « Un cartulario di istrumenti antichi… »).