[p. 753] Chancellerie de la Valachie et de la Moldavie aux XIVème–XVIème siècles
La recherche sur l’évolution de la chancellerie princière en Valachie et en Moldavie est rendue difficile par les grandes pertes subies par le trésor documentaire du pays du fait des vicissitudes du temps. Le résultat des hostilités depuis toujours a été le manque d’information sur les documents émis au temps des voïvodats de Litovoi et de Séneslau, formations d’État roumaines dont on fait mention dans la bulle du roi de l’Hongrie en 12471, quoique le premier a utilisé aussi un emblème qui a été inclus aux armoiries européennes constituées à la fin du XIIIème siècle (où son possesseur été désigné comme étant « le roi de Blaqui » – Valachie)2.
Aucun document n’a été conservé depuis la période des premiers princes régnants de Valachie3 et de Moldavie4 qui, sans doute, en leur qualité de chefs d’états indépendants, ont dû émettre des documents, entretenir une correspondance. La première information sûre concernant un document émis par la chancellerie valaque remonte à 1352. Conservée sous forme d’une mention dans le document du 13 Novembre 1618, cette mention atteste que pendant l’espace de temps entre le 1er Septembre 1351 et le 31 août 1352 le voïvode Nicolae Alexandru a fait don du village Bǎdeşti à l’église de Cîmpulung5. Nous apprenons par les lettres du patriarche oecuménique de 1359 que le prince régnant de Valachie mentionné plus haut a envoyé aux représentants de la [p. 754] Grande Église de Constantinople plusieurs lettres sollicitant l’envoi d’un dignitaire religieux en Valachie6, mais nous ignorons complètement leur contenu et leur aspect.
En ce qui concerne le document de chancellerie le premier qu’on connaît de Valachie, c’est le privilège commercial octroyé en 1368 par Vladislav Ier (le Prince Vlaicu, 16 Novembre 1364–1377) aux commerçants de Braşov7. Le deuxième document interne de la chancellerie valaque conservé jusqu’à l’époque que nous traversons remonte à 1374 et est aussi un privilège, le prince régnant que nous avons mentionné faisant don des villages Jidovstita, Vodiţa Mare et Tarovǎţul à sa fondation, le monastère de Vodiţa8. Le premier document de la chancellerie de Moldavie conservé remonte au 1er Mai 1384 et concerne les dons faits par le Voïvode petru (Petru Muşat, 1375–1391) à l’église Saint Jean Baptiste de Tîrgu Siret, église édifiée au frais de sa mère Margareta, avec le revenu de la douane de ce bourg9.
Quoique les sources documentaires sont pauvres pour le XIVème siècle, celui-ci est l’intervalle de temps pendant lequel la chancellerie princière des deux pays roumains a été instituée.
Comme organisme de gouvernement, la chancellerie est une institution d’administration publique chargée de la rédaction, l’écriture et la validation des documents qui lui sont demandés par l’autorité qu’elle sert10. La chancellerie de la Valachie et de la Moldavie11, ayant comme base la conception féodale sur l’institution suprême, était destinée à assurer du point de vue administratif l’exécution des fonctions du pouvoir, déterminées par la forme de l’organisation [p. 755] d’État d’une époque à l’autre (fiscalité, justice, défense de l’État)12. Le fait qu’il s’agit dès le XIVème siècle d’une chancellerie qui fonctionnait avec toutes les attributions connues pour une telle institution est indiqué par la forme de ses différentes catégories de documents, par la manière de les grouper (d’après la nature juridique et diplomatique de chaque document) en éléments du discours diplomatique.
Nous considérons que l’apparition, au début du XVème siècle, de documents complexes du point de vue de la rédaction diplomatique (documents qui, probablement, ont été rédigés aussi au XIVème siècle, mais n’ont pas été conservés) est le résultat de l’évolution de la chancellerie du prince régnant dès le XIVème siècle et des accumulations qualitatives qui se sont lentement produites pendant l’époque antérieure.
Insistant succinctement sur les éléments du discours diplomatique, nous constatons dans le document de Vladislav, en 1374, l’existence des formules suivantes: Invocation symbolique et intitulation, narration, disposition, appel aux successeurs, clause injonctive, sanction spirituelle et souscription non-autographe. Le plus ancien document qu’on connaît de Moldavie renferme les formules diplomatiques suivantes: titre, narration, disposition, formule des témoins, date.
Nous constatons du contenu des actes et des documents émis à la fin du XIVème siècle et pendant les premières années du siècle suivant, que toutes les formules du discours diplomatique ont été utilisées dans les chancelleries des deux pays roumains13, l’intitulation obtenant une forme spéciale, l’arenga, qui peut être assimilée quelque fois à la création littéraire féodale, la narration et la disposition – formules dont le contenu renferme des toponymes14 et des formes grammaticales qui transmettent des données sur l’évolution de l’écriture et de la langue roumaines15. Les formes de validation ont pris une ampleur spéciale, où l’on distingue le sceau, la souscription non-autographe, les témoins, le nom du scribe, le nom du chancelier et, ultérieurement, la signature du prince régnant aussi16.
[p. 756] L’analyse de l’évolution de l’intitulation mérite une attention toute spéciale. Si avec le premier document valaque auquel nous nous sommes rapportés (1374) il s’agit d’une intitulation restreinte (Io, Vladislav Voïvode, bien fidèle au Christ mon Dieu, par la grâce de Dieu prince régnant de tout le pays de la Vlachie), peu à peu la formule devient complète. Les éléments de l’intitulation des princes régnants roumains provenant dans une grande mesure de la chancellerie byzantine et slave du sud ont trouvé une forme d’expression spécifique à la chancellerie roumaine. Pendant le règne de Mircea le Vieux, l’intitulation est directement impressionnante, exprimant l’autorité toute spéciale du prince régnant. Dans le document du 23 Novembre 140617, émis pour le monastère de Tismana, l’intitulation comporte l’attribut théocratique (Io), le nom (Mircea), le titre (Grand Voïvode, seul souverain) la formule de dévotion (par la grâce de Dieu prince régnant), la qualité (prince souverain et régnant sur tout le pays de la Vlachie et des régions au-delà des monts et encore des régions tartares et de l’Amlaş et de Fǎgǎraş, duc et prince régnant du Banat et du Severin, et des deux côtés et de toute la Podunavia, et encore jusqu’à la Grande Mer et régnant sur la cité Dârstor).
La souscription non-autographe, spécifique aux documents valaques, a été réalisée sous forme d’un monogramme. Renfermant l’invocation symbolique et le titre restreint du voïvode18, la souscription non-autographe a été écrite avec des caractères plus hauts que le reste du texte, en utilisant tous les systèmes d’abréviation connus (le sigle, la contraction, la ligature, la surécriture, le retranchement). Au début simplement représentée en une chromatique identique à l’écriture du texte, peu à peu, la souscription non-autographe, écrite à l’encre de Chine rouge19, couleur réservée aux chancelleries princières20, devient outre un élément de validation, un vrai ornement du document. Outre le soin pour la disposition symétrique des mots qui la composent (Io, Alexandru [p. 757] Voïvode, par la grâce de Dieu prince régnant)21, l’écriture élégante des lettres et leur arrangement en une forme ordonnée, la souscription non-autographe est représentée avec des fleurs, des ornements géométriques ou zoomorphes. Ce procédé est développé jusqu’à finir par, au XVIIème siècle, se présenter comme une vraie miniature (sous ce rapport, les documents émis par la chancellerie du prince régnant de Valachie, Matei Basarab, sont représentatifs)22.
La langue utilisée couramment dans la Chancellerie de la Valachie et de la Moldavie pendant les XIVème–XVème siècles a été la langue slave de rédaction roumaine. A cause des conditions de son utilisation, cette langue est fondamentalement différente des autres langues slaves des peuples des alentours et a été dénommée slavo-roumaine. A la suite de l’adoption de cette langue par l’église orthodoxe et des liens culturels avec Byzance et les pays au sud du Danube, l’alphabet cyrillique et la langue slavo-roumaine ont rempli la fonction d’alphabet et de langue officielle dans les deux pays roumains.
Pourtant, dans les chancelleries susmentionnées, pendant cet intervalle de temps des documents en langue latine ont été aussi écrits. Le fait est intéressant que, petit à petit, les informations attestant que pendant l’époque antérieure à l’introduction de la langue slavone dans les chancelleries roumaines on a utilisé la langue latine s’élargissent23. Pendant la seconde moitié du XVIème siècle, les documents commencent à être rédigés en langue roumaine (mais écrits avec l’alphabet cyrillique), leur pourcentage augmentant et arrivant à être prépondérant pendant le siècle suivant24.
Le fait que l’utilisation de la langue latine dans la chancellerie de Valachie et de Moldavie pendant le Moyen-Age a été un usage relativement courant est prouvé par le contenu de l’acte émis le 25 Novembre 1369 par Vladislav, le voïvode de la Valachie. Par cet acte le prince régnant s’adressait « aux citoyens et au peuple de n’importe quelle nationalité et langue, qui observent le rite et les usages de la sainte église roumaine et se trouvent en Valachie » leur demandant de recevoir avec honneur un évêque catholique25. Afin de faire face [p. 758] au besoin de connaître le latin26, le prince régnant de Moldavie, Jacob Eraclid Despot a fondé en 1563 une école latine à Cotnari27.
Malgré le fait qu’aucune sorte de données concernant l’organisation des chancelleries princières ou la manière dont les actes étaient conçus, finalisés et émis n’ont pas été conservées, nous pouvons détacher des informations intéressantes concernant ces aspects par l’investigation du contenu des documents qui se sont maintenus en bon état.
Le premier moment dans la genèse des actes c’est la pétition, la demande adressée par le bénéficiaire au prince régnant, le plus souvent, probablement, verbalement. Nous surprenons cette formule dans le document de Mircea le Vieux du 11 Mai 1409, où l’on mentionne qu’il a émis cet acte « à la sollicitation et demande de mes très honorables boyards, Baldovin, le chancelier et le seigneur Serban et le Radu de Stan »28.
Dans l’acte daté du 30 Juillet 1401, émis dans la chancellerie de Moldavie, l’intervention est mentionnée sous la forme suivante: « ce vrai Ohanes, évêque arménien, est arrivé chez nous, chez notre résidence de Moldavie et s’est présenté devant nous avec des documents en règle »29.
En recevant la pétition, le prince régnant appelait un haut dignitaire comme responsable pour effectuer les recherches et réaliser le document, dignitaire qui portera le nom de chancelier. La disposition du prince régnant pour la rédaction de l’acte a été exprimée dans la chancellerie de Valachie par le mot « ispravnic » intendant30 (correcteur) et en Moldavie par le terme de « pisati » (écrire) et « privisati » (mettre le sceau). Généralement, l’ordre pour la rédaction de l’acte est donné au chancelier, au chef de la chancellerie princière et, seulement pour des cas tout à fait spéciaux, à quelques scribes ou copistes. Pour des cas particuliers – à plusieurs boïards. La personne à laquelle on avait assigné la tâche de réaliser l’acte effectuait des vérifications, se rendait sur les lieux, en cas d’un procès de démarcation, étudiait les documents présentés par [p. 759] les parties adverses, soumettait les témoins à un interrogatoire, prenant des notes sur les faits qui pouvaient apporter une contribution à la solution du cas.
Quand le haut dignitaire respectif menait à bien tout ce qui est dû, le prince régnant rassemblait le conseil princier. En présence de ses membres, l’intendant rapportait le résultat de ses investigations. Les boïards délibéraient et ensuite le prince régnant prononçait l’arrêt.
Après quoi, le haut dignitaire – intendant de l’acte transmettait à la chancellerie princière l’ordre de réaliser le document. Quand le chancelier lui-même était le bénéficiaire du document, c’est un fait significatif que l’ordre pour la rédaction de cet acte était donné à un scribe ou copiste, justement pour le besoin d’observer les normes juridiques du temps. Ainsi, l’ordre de composer l’acte du 24 Février 1442, le chancelier étant l’une des parties intéressée, a été donné au scribe Paşco: « et pour une plus grande légalité de tout ce qui a été écrit plus haut j’ai donné l’ordre à notre serviteur Paşco d’écrire et de suspendre le sceau à ce document »31.
Dans le document du 10 Septembre 1428 de Dan le II-nd, l’ordre de réaliser l’acte par l’un des fonctionnaires de la chancellerie princière a été consigné par les mots: « et le chancelier m’a dit »32. Dans l’acte émis par la chancellerie de Moldavie le 15 Juillet 1445 on précisait, relativement à la réalisation du document, « et pour une plus grande force de tout ce qui a été écrit plus haut j’ai ordonné à notre très fidèle boïard le chancelier Mihail d’écrire et de suspendre notre sceau à ce document. Écrit par Şandru, le scribe »33. Le 31 Janvier 1500 on consignait en un acte émis « par l’ordre du prince régnant Radu Voïvode, ce document a été rédigé par le très misérable Teodor, et le très misérable Ban l’a écrit, corrigé et scellé »34.
Quelque fois le chancelier est aussi le scribe de l’acte.
L’écriture de l’acte comporte l’arrangement sur un support (parchemin, papier) de texte initialement préparé sous forme d’un brouillon, l’importance due étant accordée aux formes graphiques, à la représentation des lettres initiales, au système de validation.
Les données des documents prouvent que l’acte a été écrit quelque fois un certain temps après le prononcé de la décision princière dans le cas respectif. Ainsi, la formule de conclusion de l’acte émis dans la chancellerie de Vlad le [p. 760] Diable le 8 Septembre 143935 précise: « prononcé en Argeş mais écrit à Tîrgovişte », donc quelques jours après la prononciation de la décision princière.
Quand l’acte était finalisé, le chancelier le vérifiait du point de vue de la correction de l’écriture, de l’exactitude des données insérées et de la manière d’englober les formules diplomatiques, le tout ayant comme but d’éviter les vices de forme et de fond du document. Quand on constatait des fautes, et surtout des omissions, on ajoutait à l’encre de Chine rouge sur le bord du support ou au-dessus de la ligne écrite les mots ou les lettres destinés à permettre la correction du texte. C’est l’intendant qui devait effectuer cette action de réexamen du document et, quand il était absent, l’un des scribes avait aussi la mission de contrôle et de validation.
La dernière opération concernant la composition de l’acte était sa légalisation. Le plus important système de validation, l’application du sceau, était concrétisée en fonction du caractère du document. Pendant le XIVème et XVème siècles, les documents étaient authentifiés avec des sceaux en cire attachés par une ganse ou une bande de parchemin, ou avec des sceaux timbrés36. Quoique l’application du sceau était une part des attributions du chancelier, il est hors de doute que la préparation de cette opération était réalisée par un fonctionnaire de la chancellerie. Probablement, ils fixaient la ganse (c’est un fait connu que le noeud de fixation de la ganse doit rendre impossible toute intention de changer le sceau), confectionnaient la casse, de sorte que le chef de la chancellerie avait seulement la tâche d’appliquer la matrice du sceau sur la cire rouge. Nous considérons que l’opération pour l’application du sceau, surtout pour les documents d’une grande importance, constituait un moment solennel. De ce point de vue, les informations qui nous ont été transmises concernant l’inauguration de la matrice du grand sceau du prince régnant de Moldavie, Stefan le Grand, sont significatives. D’après les témoignages de ses contemporains, le document du 18 Février 1458, par lequel ce prince illustre faisait don du village de Baloteşti au monastère de Neamţ, a été scellé par le prince lui-même « quand Stefan Voïvode a fait son premier grand privilège et a mis son sceau grand et neuf »37.
Quand cette dernière opération était remplie, le document était prêt pour être remis au bénéficiaire. La remise du document impliquait le payement des [p. 761] taxes dues pour le travail des différents fonctionnaires de la chancellerie qui se sont occupés de la rédaction, l’écriture et la validation du document38.
Quoique nous avons peu de données relativement à ces aspects, nous savons qu’au XVIème siècle on donnait un boeuf pour l’écriture d’un document (30 Avril 1555).
Jusqu’à présent on a cumulé peu de données relativement à l’organisation interne de la chancellerie princière. En étudiant les documents émis par ces institutions qui avaient un rôle spécial dans la hiérarchie féodale, on peut quand même se rendre compte de quelques choses en relation avec ce problème.
Les chancelleries princières de Moldavie et de Valachie étaient dirigées par un haut dignitaire laïque, appelé grand chancelier (en Moldavie, jusqu’à la fin du XVIème siècle, celui-ci a été appelé seulement chancelier, l’adjectif de grand étant ajouté ultérieurement ici aussi).
La fonction de ce haut dignitaire princier est évidemment remarquée dans le documents dès la seconde moitié du XIVème siècle (par la formule « et pour la foi de ce qui a été écrit plus haut j’ai ordonné qu’on écrive et qu’on suspende le sceau à ce document ») mais le terme qui l’individualisera avec cette attribution (logofăt = chancelier) est apparu pour la première fois en 1391, le 27 décembre, en Valachie (Baldovin le chancelier y est mentionné)39 et le 28 Juin 1401, en Moldavie (Bratei le chancelier)40.
Nous mentionnons qu’en la chancellerie moldave, le chancelier était quelque fois appelé par le mot latin « canteler » et dans les actes écrites en latin il était désigné par le terme « cancelarius ».
Comptant parmi les plus remarquables dignitaires du pays (pendant le XIVème et XVème siècles le chancelier occupait la seconde place, après le vornic, et ensuite il passe à la première place de la hiérarchie des fonctionnaires princiers) le chef de la chancellerie princière avait des tâches multiples.
En qualité de membre du conseil du prince régnant, le logofăt (le chancelier) prenait part aux débats où l’on décidait les problèmes importants du pays, cherchait les informations nécessaires et exprimait son opinion concernant les diverses questions qui étaient soulevées et délibérées dans l’assemblée délibérante du prince régnant. En sa qualité de chef de la chancellerie, le grand chancelier était celui qui dirigeait le travail pour la rédaction des documents. [p. 762] Il recrutait et préparait le personnel, vérifiait les travaux des scribes et des copistes, en certain cas spéciaux écrivait lui-même le texte des documents. Étant le gardien de la matrice du grand sceau princier, le grand chancelier validait les documents41. Parmi les tâches de ce haut dignitaire se trouvaient aussi les expéditions de la correspondance du prince régnant.
Le développement sans cesse des activités sociales a déterminé l’augmentation des documents qui devaient être rédigés, le résultat étant une réorganisation des responsabilités du personnel dirigeant la chancellerie du prince.
Par conséquent, vers le milieu du XVème siècle apparaît le II-nd chancelier, et à la fin de ce siècle le IIIème chancelier aussi. Dans les conditions de l’approfondissement des fonctions de l’état féodal, le grand chancelier s’occupait spécialement des affaires générales du pays, le IInd chancelier des procès pour des propriétés foncières, et le IIIème chancelier avait le rôle de diriger l’activité de la chancellerie princière. Il était le gardien de la matrice du petit sceau du prince, qu’il appliquait sur les actes de moindre importance.
Certaines conditions étaient, sans doute, nécessaires pour occuper la fonction de chancelier, en premier lieu il devait avoir des connaissances spéciales juridiques et linguistiques, parler bien certaines langues étrangères, être habitué aux exigences de la rédaction et de l’écriture des documents, être familier des formules diplomatiques, dont l’utilisation correcte assure la complète légalité du document.
Les chanceliers, appartenant à la noblesse du pays, détenaient des propriétés foncières et étaient souvent l’objet de l’indulgence du prince régnant qui leur offrait en don des terres. La place importante de ce haut fonctionnaire princier est prouvé par les appréciations qu’on trouve insérées en certains documents relatifs aux différents chanceliers.
En ce sens nous remarquons les documents du 9 Octobre 1492, et du 2 Septembre 149342, où le prince régnant de Valachie nomme le seigneur Stanco chancelier « le premier conseiller de ma souveraineté ». En l’acte daté le 16 Mars 1494, le grand chancelier était désigné par le nom « vlastelin » (le plus grand)43. En certains cas, comme celui du dignitaire susmentionné, Stanco (Stancu), le grand chancelier arrive à devenir parent du voïvode du pays.
Quoiqu’en conformité avec les anciens usages du pays les hautes fonctions étaient réparties parle prince régnant pour une année (on sait qu’à la fin de chaque année les fonctionnaires du prince, qui avaient comme marque caractéristique un bâton, venaient à la cour princière, laissaient les bâtons et, au début [p. 763] de la nouvelle année, le prince régnant les distribuait aux dignitaires qu’il considérait dignes pour l’une ou l’autre des hautes fonctions) les chanceliers maintenaient d’habitude leur fonction pour un intervalle de temps plus long. Les connaissances spéciales exigées par cette fonction et le rôle de l’expérience pour mener à bien les tâches qui lui incombent ont déterminé une plus grande stabilité de cette haute fonction. On connaît des chanceliers qui ont servi sous plusieurs princes régnants. Beaucoup de documents on été conservés par lesquels les chanceliers étaient récompensés pour leur service. Par le contenu du document du 17 Juillet 143644, les voïvodes de Moldavie Ilie et Stefan remettaient plusieurs propriétés au grand chancelier attestant que « notre sincère serviteur et fidèle boïard seigneur Oancea, le chancelier, a servi auparavant notre saint défunt père sincèrement et fidèlement et aujourd’hui il est aussi à notre service ».
Le contenu de certains documents indique la division du travail entre les fonctionnaires dirigeants de la chancellerie princière, marquant la précision du titre du chancelier. Ainsi, le 10 Septembre 1428, dans le document de Dan, on mentionne comme témoin « le premier chancelier » Coica45, tandis que dans le contenu de l’acte du 5 Juin 1494 on mentionne « Zlate, petit chancelier »46.
Quand il était révoqué de sa fonction, le chancelier continuait à conserver ce titre, mais en lui ajoutant le particule biv (ex).
En ce qui concerne le personnel exécutant utilisé dans les chancelleries princières, on n’a pu déterminer que très rarement leur nombre47 et l’on n’a pas pu se rendre compte de la hiérarchie qui a existé sans doute. Dans les documents ce personnel est désigné par les termes de copistes, scribes, secrétaires, enregistreurs. Ces fonctionnaires exécutants avaient des connaissances de langage et d’écriture et faisaient partie de la catégorie des boïards, et quelque fois étaient remarqués pour le service rendu par le prince régnant qui leur faisait don des terres. Le 19 Février 1412, Alexandre le Bon, prince régnant de Moldavie, fait don à Roman, le scribe, fils de Stanislav de Neamţ « parce qu’il a servi auparavant nos saints précurseurs défunts d’un service sincère et fidèle, et aujourd’hui il nous sert d’un service sincère et fidèle »48.
[p. 764] Par un acte émis approximativement entre 1438 et 1442, la chancellerie de Moldavie concédait plusieurs villages au scribe Mihail Oţăl pour son service sincère et fidèle49.
Des cas ont existé où les scribes et les copistes ont reçu la tâche de s’occuper de la rédaction des actes, étant donc des « intendants » surtout quand le chancelier était le bénéficiaire de l’acte.
Ainsi, dans le document de Alexandu voïvode du 20 Juin 145350 donné au « très fidèle et sincère seigneur Mihail, le chancelier, notre fonctionnaire », l’ordre pour la réalisation du document est précisé dans la formule « j’ai donné l’ordre à notre scribe Tador d’écrire et de suspendre notre sceau à notre document ». Quelque fois les chanceliers étaient recrutés du rang des scribes: on connaît le fait que Stefan le Grand a élevé en 1475 le scribe Ioan Tăutu au rang de chancelier51.
Des situations ont existé où les copistes ont fait partie de l’assemblée princière. Ainsi, le 8 Mai 1438, le « copiste Bogdan » comptait parmi les membres du conseil princier de Moldavie52, et le 6 Mars 1443, nous rencontrons sur la liste des témoins parmi les grands dignitaires du plays le scribe, seigneur Sendrică, aussi »53.
Le fait qu’une certaine hiérarchisation existait parmi les fonctionnaires exécutants de la chancellerie princière peut être prouvé par l’existence d’un « secrétaire de la femme du prince régnant », attesté par le document du 29 Juillet 1428 émis par le prince régnant de Moldavie54.
Le 4 Janvier 1432 le texte du document a été écrit par « Paşco, le copiste de Cupcici » (chancelier)55.
Le fait qu’il existait des règles précises en ce qui concerne la rédaction des documents est prouvé par les explications introduites dans leur contenu lors d’une situation spéciale. Ainsi, en 1609, pour un acte dont l’intendant était le grand chancelier Stroici, on a introduit la précision suivante: « en l’absence de Stroici, le grand chancelier, le chancelier Ivaşco a signé ».
Ce sont quelques aspects seulement concernant le développement des chancelleries princières des pays roumains. L’importance toute spéciale de ces institutions [p. 765] comme émetteurs de documents et organes de gouvernement, leur rôle pour la diffusion de la culture, imposent l’exécution d’investigations plus profondes permettant la connaissance des diverses étapes de l’évolution, la collections des informations nécessaires pour interpréter certaines expressions des documents, lta facteurs qui attestent l’interférence des aires de culture et des contributions originales concernant les éléments du discours diplomatique.