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L’établissement

Historique

Morienval, au cœur historique du Valois, dans la vallée de l’Automne, est attesté depuis au moins 570. Son étymologie fait l’objet de nombreuses hypothèses. Quant au monastère, la plus ancienne attestation figure dans le diplôme de Charles le Simple pour l’abbaye en 920, sous la forme Maurianae Vallis. Ce diplôme est repris dans le cartulaire (éd. Lauer, Recueil des actes de Charles le Simple, no 105).

On place souvent la fondation de l’abbaye en 920, date du diplôme précité, mais on peut sans doute la faire remonter plus haut, entre 842, date du couronnement de Charles le Chauve, et 869, date du décès de la reine Ermentrude. Charles le Chauve en effet, à la demande de la reine, fit une donation à l’abbaye, ne figurant pas au cartulaire (l’acte est perdu), mais confirmée en 920. Elle était adressée aux frères et moniales de Morienval : le monastère était alors double. Vers la fin du XIIe siècle au plus tard, on constate dans les actes la disparition du monastère d’hommes, par exemple dans la bulle d’Alexandre III de 1176 confirmant les biens de l’abbaye (éd. Lohrmann, Papsturkunden in Frankreich, N.F., t. VII, no 186).

On peut légitimement penser que le monastère était de fondation royale (Charles de France, apanagé du Valois, en avait la garde et Louis XIV invoquait cette fondation royale), assise sur un fisc royal. La très longue tradition, depuis les historiens du Xe siècle, affirmant que la fondation de l’abbaye remontait au roi Dagobert Ier, n’est donc peut-être pas sans fondement, mais reste une conjecture. Le cartulaire de Morienval en effet ne contient aucun acte ou diplôme sur les débuts de l’abbaye.

Sur l’abbaye du IXe siècle, nous ne savons donc que très peu de choses. En 895, elle aurait été incendiée par les Normands, ce que tendent à confirmer différentes fouilles archéologiques. Celles-ci ont permis de retrouver les fondations d’une église datée de la fin du IXe ou du début du Xe siècle – époque où l’abbaye avait un abbé laïque.

C’est dans le dernier quart du XIe siècle que commence la première campagne de construction de l’église romane si célèbre de nos jours. Vers 1130 débute sans doute la seconde campagne. En 1840, l’église est classée Monument historique (pour plus de détails, se reporter à la base Architecture-Mérimée du ministère de la Culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ ).

L’abbaye était devenu un important lieu de pèlerinage grâce à l’arrivée, depuis Fontenelle (Saint-Wandrille), entre 1075 et 1103, des reliques de Saint Annobert, neuvième évêque de Sées au VIe siècle. La renommée de l’abbaye s’étendit alors, les pèlerins et les donations affluèrent, assurant ainsi la prospérité de l’établissement. Le cartulaire permet en effet de constater au XIIIe siècle de nombreux achats ou donations, en dîmes ou en terres. Quant au nombre des moniales, il augmenta rapidement et il fallut le limiter à soixante.

Par ailleurs, on sait que en 1161 les sœurs sont soumises à l’ordre de saint Benoît et ne relèvent que du pape en vertu du privilège d’exemption, mais on ignore quand la communauté devint pleinement bénédictine. Malgré tout les moniales, souvent nobles, respectaient rarement la clôture et le vœu de pauvreté.

Jusqu’au début du XVIe siècle, les renseignements se font rares. Après 1516, avec le Concordat, les abbesses sont nommées par le roi. Au début du XVIIe siècle, on agrandit les bâtiments du couvent et on reconstruit partiellement l’église. Vers 1640, une abbesse réforme la communauté, alors fort déréglée.

Le déclin de l’abbaye s’amorce pourtant dès la fin du XVIIe siècle, où se fait jour une série de conflits entre l’abbaye et le clergé de la paroisse, qui dureront de 1684 à 1739 : conflits financiers sur les dîmes, conflits d’autorité pour la nomination aux cures dont les abbesses ont le droit de patronage, conflits sur les titres (l’abbaye se disait « Dame de Morienval », ce que certains lui contestaient)… Mais ce sont l’indiscipline des moniales et la disette de 1742 qui vont provoquer la chute de l’abbaye : cette année-là, après certaines maladresses de l’abbaye, les pauvres en font le siège et les religieuses, effrayées, envoient un placet au roi pour demander plus de sûreté. Le 16 octobre 1743, Louis XV refuse la nomination d’une nouvelle abbesse, interdit la nomination de novices, et ordonne aux quarante-cinq religieuses de quitter Morienval. Ces dernières résisteront deux ans avant de se disperser au Parc-aux-Dames, à Royal-Lieu et à Saint-Rémy de Villers-Cotterêts. Finalement, c’est en 1748 que Monseigneur de Fitz-James, évêque de Soissons, rend le décret d’extinction de l’abbaye : ses biens sont alors réunis à ceux de l’abbaye bénédictine de Royal-Lieu. Par suite d’erreurs de procédure, il faut attendre vingt et un ans pour que l’extinction soit définitive. Le nouveau décret de 1768 de Monseigneur Bourdeilles n’est homologué par le Parlement que le 3 juillet 1769 (date à laquelle les terres et dîmes de l’abbaye sont donc définitivement attribuées à Royal-Lieu). L’église abbatiale devient alors église paroissiale. Quand arriva la Révolution, ce qui restait du couvent (on avait en effet déjà détruit le cloître après l’extinction) fut vendu comme bien national et servit de carrière. L’église abbatiale, elle, de par son statut d’église paroissiale, échappa à la destruction.

Localisation du patrimoine à grands traits

Les possessions de l’abbaye s’étendent dans un rayon de 100 km autour de Morienval, la plupart des biens se concentrant à proximité du monastère. Le diplôme de Charles le Simple de 920 récapitule l’ensemble des biens attribués par Charles le Chauve, Carloman II et un certain Abbon : l’abbaye possède alors 184 manses, plus de 7 moulins et 6 brasseries, répartis dans le Senlisois (Béthancourt, Rouvres, Plailly, Fresnoye, Feigneux, Pontdron, Vattier-Voisin, Bellival, etc),  l’Amiénois (Parvilliers), le Vermandois (Fonches), l’Artois (Douchy), et quelques localités plus éloignées comme Allemant et Thorigny-sur-Marne.

Au cours des XIIe et XIIIe siècles, les possessions de l’abbaye s’enrichissent grâce à des achats et des donations de biens situés à proximité de Morienval (à Bethancourt, Vattier-Voisin, Bray etc.), dans le Soissonnais (Jaulzy, Saint-Pierre-Aigle) ou encore au nord, autour de Saint-Quentin (Ugny, Cabaret). Le cartulaire s’arrêtant au début du XIVe siècle et les archives de l’abbaye ayant disparu, il est difficile de suivre la progression des acquisitions. Un registre des fermes de Morienval établi à la fin du XVIIIo siècle (Arch. dép. Oise, H 7769) signale des possessions supplémentaires à la Grange-au-Mont et à L’Essart-l’Abbesse.

Localisation des possessions de l'abbaye de Morienval

Carte 1

Carte 2

Légende :

Réseau de bienfaiteurs

En tant qu'abbaye royale, Morienval bénéficiait de privilèges accordés par les rois de France (Philippe Auguste, Louis VIII, Saint-Louis, Philippe le Bel et Philippe le Long d'après le cartulaire), en particulier de droits d’usage et de pâturage dans les forêts royales. Pour le reste, le cartulaire fait état de nombreuses donations de la part de seigneurs locaux, comme Simon de Magny (1142-1188) ou la famille de Pierrefonds, mais aucun ne paraît avoir une importance plus grande que les autres : le cartulaire, qui est assurément lacunaire, ne contient pas plus de deux chartes concernant les dons d'une même personne. Florent du Hangest, sire de Viry, sans doute parent de l'abbesse Agnès de Viry (deuxième moitié du XIIe siècle) fut inhumé dans l'église alors qu'il était laïc ; il devait donc être un généreux donateur, même s'il ne reste aucune trace écrite des dons qu'il fit à l'abbaye.

L'abbaye recevait également des offrandes faites par les pèlerins des reliques de Saint-Annobert, mais celles-ci ne sont pas signalées dans le cartulaire.