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L’établissement

Historique

La figure emblématique d’un Saint Louis généreux fondateur et protecteur a longtemps éclipsé les véritables origines de l’Hôtel-Dieu de Pontoise.

L’hospice de Pontoise était au départ un prieuré, et portait le nom de Saint-Nicolas comme la majorité des établissements à vocation charitable qui se sont considérablement multipliés dans la seconde moitié du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle. Il était situé sur la place du Martroy, auprès de l’église Saint-Maclou. Cet établissement primitif est connu par quelques actes de donation de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, et par une mention portée au dos des pièces d’un procès de 1466. Il dépendait de l’archevêque de Rouen.

Saint Louis, qui a fait recenser avec minutie et précision l’ensemble des établissements de charité, a considérablement changé la situation de l’Hôtel-Dieu, si bien qu’il a été longtemps considéré comme son vrai fondateur. L’ancien bâtiment est abandonné en 1256 ; on occupe l’une des larges parcelles de pré qui existaient encore à l’intérieur de la ville pour édifier les nouveaux bâtiments en 1258, avec une partie de l’amende infligée à Enguerrand de Coucy. Désormais, l’établissement est situé au bord de l’Oise, en contrebas du château, et un quartier se développe alentour. Louis IX lui accorde des privilèges et de généreuses donations, la principale étant le domaine de Champagne, qui apportait de substantiels revenus et qui fut par la suite revendu fort cher au XIIe siècle. Des religieuses suivant la règle de saint Augustin et dirigées par une prieure y sont instituées par le roi aux côtés de religieux, prêtres, clercs et laïcs. Le principe de cette direction par les religieuses demeure jusqu’à la Révolution.

Par la suite, les rois ne firent qu’amplifier les possessions et les privilèges de l’Hôtel-Dieu, qui gagna dès lors en importance. Dès 1297, l’établissement est placé sous la juridiction et la garde immédiate de la couronne, le lieutenant du bailli à Pontoise étant le garant de ses droits. En 1358, le futur Charles V, alors régent, l’exempte de toutes tailles et impositions. La situation géographique de l’Hôtel-Dieu n’est toutefois pas idéale. Comme on peut le lire dans une supplique adressée à Louis XI, l’Hôtel-Dieu clôture la ville près du pont, ce qui explique qu’il est en position de faiblesse lors des sièges et doit essuyer les coups de canon. Les inondations dues aux débordements de l’Oise sont fréquentes et ont à plusieurs reprises détérioré les archives de l’établissement, placées aux côtés de la cuisine.

L’Hôtel-Dieu, même s’il était de loin le plus important, n’était pas le seul des hospices médiévaux de la ville, où l’on connaît aussi l’hôpital Saint-Jacques, à l’origine destiné aux pèlerins de Compostelle, et l’hôpital Saint-Antoine, sur la route de Beauvais. À l’époque moderne, d’autres établissements charitables y furent réunis à l’Hôtel-Dieu : la maladrerie de Cormeilles-en-Vexin avec tous ses biens, maisons et terres en 1582, la maladrerie d’Ivry et le quart des revenus de la maladrerie de Pontoise en 1696, une partie des biens du prieuré de Sainte-Anne de Magny en 1745, et enfin, sous la République, l’Hôpital Général des Pauvres enfermés de Pontoise, fondé en 1653.

L’Hôtel-Dieu fut reconstruit en 1823 par l’architecte Pierre Fontaine, mais le pont ainsi que l’établissement furent détruits en juin 1940, en même temps que les archives. À son emplacement se trouve aujourd’hui la piscine municipale.

Localisation du patrimoine à grands traits

L’édition de Joseph Depoin, qui couvre la période allant de 1190 jusqu’en 1328, montre que davantage que des rentes, l’Hôtel-Dieu a fait beaucoup d’acquisitions immobilières. Ces possessions étaient à la fois urbaines, à Pontoise et Paris, et rurales.

Très vite l’Hôtel-Dieu a fait de nombreuses acquisitions à Pontoise, principalement des maisons sur lesquelles il percevait un cens (éd. Depoin, n° XLI, XLIV, LXXXVIII, CXI, CXV, CXXX, CXLIV, A. XI), mais aussi des masures (n° LIV, CXXXI), une saulaie et une oseraie près du fossé (n° XCI) et même un moulin et un étal de marché (n° CLVII), dont il tirait des revenus. Cette implantation assez forte au cœur de la ville explique par ailleurs les conflits de juridiction qui ont pu par la suite émailler les relations entre l’établissement et la commune, mais aussi avec les autres établissements religieux (n° CXLIV : arbitrage entre l’Hôtel-Dieu et le prieuré de Conflans-Sainte-Honorine en 1306).

L’établissement percevait également des cens ou l’usufruit sur quelques maisons à Paris (n° CVIII, CXVI, CXXXV et CXXXVIII), dont certaines dans le quartier juif (n° CXIII, CXVIII et CXIX), acquises entre 1289 et 1303.

L’Hôtel-Dieu avait de nombreux droits et possessions en dehors du monde urbain. L’essentiel des propriétés rurales se trouvait concentré autour de Pontoise, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres (carte de localisation). Les revenus étaient assurés par la possession de vignes à Bessancourt, Conflans, Champagne et près d’Auvers (n° I, XV, XXIV, LXXIX, CXLIX), des champarts (n° XXIX, LV, etc.), des dîmes et des rentes en grain à Génicourt, Gérocourt, Us et surtout Ennery (n° V, VII, IX, LXXXIII, CXXXVII, CXLIII). Les principales possessions immobilières se trouvaient à Champagne près de Beaumont-sur-Oise, domaine donné par Louis IX (n° V), et sans doute lieu de concentration le plus important des droits et biens de l’Hôtel-Dieu, qui y exerçait même la basse justice (n° VIII, XVI, LXII, XCIII, XCIX, C-CIV, CXLV, CLIV, CLXIV), à Mézières, fief vendu par Geoffroy de La Chapelle, un proche du roi (n° XXIX, LV, LX, LXXII, LXXXIV, XC, CLI, CLIX), et dans une moindre mesure à Saint-Leu et Taverny (terres, cens et maisons : n° II, LXVII, LXXI, LXXIV, CXL), et à Épiais (n° CL).

Réseaux de bienfaiteurs

Tout au long du recueil, on remarque une intervention assez marquée des rois, en toute logique Louis IX, mais aussi Philippe le Bel. Dans son diplôme daté d’entre novembre 1198 et avril 1199, Philippe Auguste avait déjà reconnu la donation faite à l’Hôtel-Dieu d’un moulin. Louis IX s’illustre surtout par le don de Champagne, un amortissement général des biens de l’Hôtel-Dieu et une exemption des péages. Philippe le Bel se montre particulièrement généreux en accordant un amortissement général, la confirmation de tous les biens, des charretées de bois dans la forêt de Halatte, le droit de récupérer le fourrage royal qui n’est pas utilisé après le départ de la cour…

De grands lignages implantés autour de Pontoise, par ailleurs proches de la royauté, sont eux aussi très présents dans le cartulaire : les comtes de Beaumont-sur-Oise, les Montmorency. On rencontre d’autres proches du roi, comme Geoffroy de La Chapelle et Hugues Tirel, sire de Poix sous Louis IX, ou encore Jean de Chavançon, échanson de Philippe le Bel.

Quelques ecclésiastiques apparaissent : les abbés de Saint-Denis et de Saint-Martin de Pontoise, l’archevêque de Rouen, dont dépendait directement l’établissement, l’abbé de Joyenval.

On note sans surprise l’intervention de petites familles proches de Pontoise (ainsi la dame de Génicourt ou des chevaliers de Champagne), des écuyers et des damoiseaux le plus souvent insérés dans les fidélités envers les grands seigneurs, comme le comte de Beaumont. Enfin, les habitants et la commune de Pontoise font eux aussi des apparitions régulières, que ce soient de simples particuliers souhaitant faire des aumônes à l’Hôtel-Dieu ou conclure des échanges de propriétés, ou les maires et pairs de la commune qui par leurs arbitrages ont contribué eux aussi à la stabilisation du patrimoine de l’Hôtel-Dieu.