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1939
1942
23 février 1940
La séance est ouverte à 9 h 30, au Palais de Chaillot, sous la présidence de M. Huisman, directeur général des Beaux-arts. Membres présents : MM. Marcel Aubert, Bonnier, Brunet, Julien Cain, Chabaud, Collin, Debidour, Deschamps, Deshoulières, Gabriel Faure, Grand, Hautecoeur, Honnorat, Jaujard, Camille Lefèvre, Paul Léon, de Lestang, Maringer, Morizet, Müller, Paquet, Pinardon, Roussel, Ruprich-Robert, Verdier et Verrier.
Assistaient également à la séance : MM. Formigé, Gélis, Herpe, Huignard, Mlle Laurent, M. Trouvelot.
Excusés : MM. P. Cartault et Pontremoli.
Absents : MM. Bonnet, Charléty, Haraucourt.
[Accueil de nouveaux membres]

M. le directeur général souhaite la bienvenue à MM. Julien Cain et J. Jaujard, nouveaux membres de la Commission des Monuments historiques .

[Protection des oeuvres contre les bombardements]

Il souligne ensuite l'oeuvre considérable de protection contre les bombardements qui a été effectuée et dont le programme, longuement et minutieusement préparé, a été réalisé point par point par le service des Monuments historiques avec une rapidité qui témoigne de l'effort fourni. M. Huisman rappelle qu'un service spécial, constitué par MM. Prieur et Herpe, architectes en chef, et Planchenault, inspecteur des Monuments historiques, est 80/15/029/326 chargé d'assurer la protection des monuments de la zone des Armées. Cet organisme vient notamment de montrer son utilité lors de l'incendie du château de Reichshoffen où il est intervenu immédiatement pour effectuer une couverture provisoire.

M. le directeur général ajoute que le problème de la réparation des vitraux déposés s'annonce particulièrement grave : une somme de 20 millions sera nécessaire et il faudra 3 ans pour les remettre en place.

Rapport général sur la protection des monuments et l'évacuation des oeuvres d'art

Mademoiselle Laurent donne lecture du Rapport général qu'elle a établi sur la protection des monuments et la sauvegarde des oeuvres d'art contre les risques de guerre. Elle fait ressortir que, si l'administration des Beaux-arts a pu réaliser assez vite et dans des conditions de sécurité satisfaisantes la mission qui lui incombait, c'est qu'elle s'était souciée depuis longtemps des obligations que lui imposerait la guerre. Un programme minutieux avait été arrêté. Mademoiselle Laurent expose ce programme dans ses grandes lignes. Elle témoigne du zèle dont les services d'architecture des Beaux-arts ont fait preuve depuis la fin du mois d'août, malgré les difficultés exceptionnelles qu'ils ont rencontrées.

Pour mieux faire revivre l'activité des services 80/15/029/327 d'Architecture, Mademoiselle Laurent donne connaissance du journal des opérations entreprises dans divers édifices du 25 août au 2 septembre. Elle expose ensuite les différents procédés de protection qui ont été employés, relatifs à la protection sur place des monuments et à la dépose des vitraux ; celle-ci, grâce à des études préparatoires très poussées, a pu être effectuée dans un délai considérablement réduit. C'est ainsi que pour déposer les vitraux de la cathédrale de Chartres, il n'a pas fallu plus de 8 jours ; pour les cathédrales de Reims, de Bourges et pour la Sainte-Chapelle, 4 jours ont suffi.

Il est ensuite question de l'organisation du service de protection dans la zone des armées. Le programme de protection, arrêté par le Comité des Monuments historiques, est aujourd'hui presque entièrement réalisé :

18 000 m2 de vitraux ont été déposés dans 214 monuments et ont pris place dans 7 000 caisses environ, aux dimensions appropriées, préparées à l'avance.

236 édifices ont été protégés dans leurs parties les plus importantes par près de 2 millions de sacs à terre.

Les oeuvres d'art des églises et des musées ont été d'autre part évacuées dans des lieux de repliement situés en divers points du territoire. Le nombre de ces dépôts actuellement constitués est d'environ 240 ; une quinzaine de châteaux et d'abbayes ont été réservés pour servir d'abri en particulier à des collections de pays 80/15/029/328 limitrophes de la France et plus de 100 autres monuments sont proposés parmi lesquels certains pourraient encore être occupés si la nécessité s'en imposait. L'ensemble des opérations réalisées depuis 1938 a entraîné une dépense de 31 millions dont 15 millions pour les vitraux et 16 millions pour les autres travaux de protection (blindages, frais de transport des collections évacuées).

M. le président Maringer est heureux de constater l'intérêt que présente un rapport aussi documenté ; à ses félicitations s'associe

M. le directeur général qui rend hommage au travail considérable fourni par Mademoiselle Laurent, chargée des questions de la Défense passive depuis le commencement des hostilités.

Publications, films et photographies sur les travaux de protection effectués dans nos monuments.

La Commission insiste vivement pour que soit connu du public, aussi bien en France qu'à l'étranger, l'effort accompli depuis la mobilisation par les services d'Architecture de l'administration des Beaux-arts.

Divers membres émettent des suggestions intéressantes :

M. le sénateur Morizet croit qu'il faudrait dès maintenant publier des articles et des photographies destinées à mettre en valeur cet effort.

M. Paul Léon est d'avis de faire une publication importante, assez luxueuse, dont la présentation serait à 80/15/029/329 déterminer et qu'il serait aisé de faire publier par souscriptions.

M. Verrier rappelle qu'il a lui-même déjà publié un article sur les travaux de protection réalisés dans nos monuments, dans la Revue des questions de Défense Nationale, dirigée par le général Bineau, et que le prochain numéro du Bulletin des Monuments historiques doit être consacré uniquement à ce sujet.

M. Julien Cain voudrait qu'une large diffusion fût donnée à ce numéro qui pourrait être traduit en langues étrangères.

La Commission adopte cette dernière suggestion réalisable dans un court délai et qui permettrait d'attendre une publication plus importante et plus luxueuse qui pourrait paraître à la fin des hostilités.

M. Deschamps rappelle que des films ont été pris à Strasbourg, Chartres, Reims et au Louvre au moment de la dépose des vitraux et de l'exécution des ouvrages de protection.

M. le directeur général estime qu'il y aurait lieu de faire procéder par M. Maurice Cloche à un montage de ces différents sujets auxquels on pourrait ajouter Versailles, Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, afin de réaliser un film d'ensemble dont l'intérêt servirait utilement la propagande française.

M. le sénateur Muller ayant émis l'idée de 80/15/029/330 profiter de l'absence des vitraux pour photographier les monuments sous leur nouvel aspect,

M. Verrier lui répond que le service photographique y travaille en ce moment avec une activité toute particulière. Une somme est prévue, d'autre part, pour permettre de photographier intégralement tous les vitraux déposés.

Exposition de la protection des monuments.

Plusieurs membres de la Commission estiment que le projet de cette exposition, abandonné faute de crédits, pourrait être repris et présenté à nouveau au Commissariat général de l'Information.

Musée des Monuments Français (développement ; rattachement au service des Monuments historiques)

M. Paquet appelle l'attention de la Commission sur l'intérêt qu'il y aurait pour la conservation du patrimoine national, à rattacher de nouveau le Musée des Monuments Français, avec des attributions plus étendues, au service des Monuments historiques.

Dans son rapport, il expose que la tâche incombant à ce service est chaque jour plus grande et plus difficile ; il paraît dès lors indispensable de créer un organisme nouveau, sorte de conservatoire de nos monuments, où seraient déposés, non seulement les moulages, mais aussi les textes, les études, les publications, les dessins, les photographies, en résumé tous les documents intéressant les édifices classés : 80/15/029/331

1 Sculpture :

la raison qui, en premier lieu, motive cette proposition, c'est le problème angoissant de la conservation de la sculpture. Afin de parer à la disparition de la sculpture décorative de nos monuments, il y aurait lieu de procéder dans le plus grand nombre d'édifices au moulage de toutes les parties sculptées malades ou particulièrement exposées aux intempéries. Ces documents seraient nombreux et réunis dans un même lieu.

2 Musée de la technique et des matériaux :

ce musée est déjà en voie de création mais il est nécessaire de lui donner rapidement son plein développement.

3 Centre de documentation :

il semblerait indispensable de trouver rassemblés en un seul lieu les dessins et relevés des architectes, des photographies, une bibliothèque d'histoire de l'art, etc…

M. Paquet conclut en affirmant que l'organisme demandé est aujourd'hui indispensable pour le service des Monuments historiques.

M. Le directeur général fait ressortir l'importance et la valeur de ce rapport dont le programme est à réaliser dans le moindre délai. Il ajoute que, sans soustraire le Musée des Monuments français à la Réunion des Musées nationaux, il est possible d'y établir cet organisme dont la gestion administrative et scientifique serait confiée à un comité spécial. 80/15/029/332

M. le sénateur Muller exprime sa satisfaction des mesures envisagées pour la reproduction de la sculpture de nos églises.

M. Paul Léon rappelle que, s'il a fait rattacher autrefois le Musée de sculpture comparée aux Musées nationaux, c'était dans le but d'augmenter les crédits de ce musée. Il n'y aurait donc pas d'inconvénients à ce que le musée dépendît des Musées nationaux pour la gestion administrative et des Monuments historiques au point de vue scientifique.

M. Paul Léon insiste sur la question très angoissante de la dilapidation des archives. Il pense que, dans l'avenir, les locaux du Palais de Chaillot ne suffiront même pas à la réalisation du programme entrevu aujourd'hui. Dans des temps futurs peut-être faudra-t-il constituer une «maison historique» qui sera le siège scientifique des Monuments historiques.

M. Paquet fait remarquer que, pour l'instant, il s'agit de donner le point de départ à ce programme de l'avenir. Le directeur général prie les Inspecteurs généraux de veiller dès maintenant à la conservation des archives des architectes des Monuments historiques.

M. Verdier rappelle à ce propos que la famille de l'architecte Véran conserve, en Arles, des documents de 80/15/029/333 premier ordre qu'il faudrait absolument acquérir.

Protection de la clôture du choeur contre les bombardements de la cathédrale de Chartres (Eure-et-Loir)

M. l'Inspecteur général Paquet signale qu'à cette protection qui n'a pu encore être réalisée, faute de crédits suffisants, sera affectée la somme de 500 000 Francs attribuée à l'administration des Beaux-arts par le service de la Défense passive de la Présidence du Conseil.

La Commission émet un avis favorable à l'exécution de ces travaux.

[Avis favorable au classement]

La Commission adopte les projets de classement parmi les Monuments historiques des édifices suivants :

Château de Reichshoffen (Bas-Rhin)

Ce château a été incendié dans la nuit du 1er janvier dernier. Le propriétaire M. le comte de Leusse, désirerait que la restauration fût entreprise par le service des Monuments historiques et qu'à cet effet sa propriété, déjà inscrite sur l'Inventaire supplémentaire, fût classée.

M. Paquet rappelle que les travaux relevant des Dommages de guerre seront payés sur des crédits spéciaux et ne pourront grever le budget ordinaire. 80/15/029/334

Clocher de la chapelle du collège de garçons à Dinan (Côtes-du-Nord)

Il est à noter que la réfection de la couverture qui est en mauvais état entraînerait une dépense de 40 000 Francs environ.

Maison de bois sise à l'angle des rues du Gouvernement et Gambetta à Bourg-en-Bresse (Ain)
Église à Saint-Martin-Sainte-Catherine (Creuse)

Le choeur de cette église présente un exemple presque unique, dans la Creuse, des décorations peintes de la fin du XVe siècle. M. Verrier estime qu'il faut comprendre l'église entière sur les listes des monuments classés.

Église de Carsac-de-Villefranche (Dordogne)
Église d'Aygueperse à Fontenilles-d'Aigueparse (Dordogne)

Il faudrait prévoir une somme de 25 000 Francs pour les réparations de cette église, élevée aux XIIe et XIVe siècles.

Clocher de l'église Saint-Laurent de Beaulieu-lès-Loches (Indre-et-Loire)

Le clocher sera classé parmi les Monuments historiques, les façades et les toitures seront inscrites sur l'Inventaire Supplémentaire. 80/15/029/335

Façade sur le boulevard Morland de la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris (Seine)
Abbaye de Saint-Wandrille (Seine-Inférieure)

M. Trouvelot propose d'étendre le classement en y ajoutant le bâtiment de la porterie.

Église de Beauficel (Eure)

M. Trouvelot propose de classer parmi les Monuments historiques le porche du XIIIe siècle et d'inscrire le reste de l'église sur l'Inventaire supplémentaire.

Classement de la Maison dite des 3 Visages, sise 1 rue Bossuet et 54-56 rue de la Liberté à Dijon (Côte-d'Or).

Afin de parer à la menace de transformations désastreuses que le propriétaire avait décidé d'exécuter dans cet immeuble, inscrit à l'Inventaire supplémentaire, l'administration avait ouvert une instance de classement en mai 1939.

Il est entendu que M. Haubold, architecte en chef des Monuments historiques, devra surveiller l'exécution des travaux autorisés, conformément à un projet qui prévoit la conservation du pan de bois et l'aménagement d'une boutique au rez-de-chaussée. Il n'y a donc plus lieu de poursuivre ce projet de classement. 80/15/029/336

A la fin de la séance, M. Bonnier se plaint de la mauvaise acoustique de la salle et regrette qu'un appareil de projection ne présente pas aux yeux des membres de la Commission les photographies qui, circulant de main en main, seraient ainsi vues par tout le monde.

M. Chabaud fait remarquer que la guerre a empêché la réalisation de l'achat d'un appareil de projection qui était décidé.

M. le directeur général assure M. Bonnier que l'on essaiera de remédier aux inconvénients qu'il a signalés.