1807. Transfert des cendres de Santeuil. Article à communiquer au Journal de Paris
- Arch. de Paris, AP 4AZ-5 (dr 290 bis et 291) nos 7 à 9
Plusieurs journaux ont annoncé que les cendres de Descartes, de Boileau, de Mabillon et de Montfaucon, qui avaient été déposées depuis quelques années aux Petits-Augustins, ne seraient pas réunies au cimetière du Père Lachaise, où déjà celles de Molière et de La Fontaine ont été transportées et qu’elles seraient, ainsi que les sarcophages qui les renferment, placées dans les églises les plus proches du lieu où provisoirement elles avaient été mises.
Cette sage disposition du premier magistrat du département de la Seine ne peut être que généralement accueillie surtout à l’égard des deux savants religieux qui reposaient obscurément, non pas comme on l’a avancé dans l’église de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, actuellement devenue paroissiale, mais dans une chapelle située dans l’enceinte de cet ancien monastère construite par Pierre de Montereau, célèbre architecte et qui lui-même y était inhumé ; le même architecte avait aussi bâti le réfectoire de l’abbaye. Ces deux monuments qui rappelaient celui de la Sainte-Chapelle du Palais, ont entièrement disparu et l’on a élevé des maisons sur leur emplacement.
C’est à cause de la démolition de cette chapelle qui eut lieu en l’an VIII que l’on jugea convenable d’en retirer les cendres de Mabillon et de Montfaucon qui avaient rendu tant de services aux Sciences et aux Lettres, afin de les préserver d’une entière destruction ; on ne put alors les réunir dans l’église de l’abbaye, comme on l’aurait désiré, ce temple, transformé en un atelier de salpêtre, ne présentait à cette époque dans son intérieur que des débris et des ruines ; plusieurs monuments antiques de notre histoire que l’on y voyait avaient déjà été transportés aux Petits-Augustins et l’on résolut en conséquence d’y donner un asile aux vénérables restes de ces savants bénédictins, ne pouvant faire mieux en ces moments difficiles ; des procès-verbaux déposés chez M. Potier, notaire, attestent tous ces faits et les mesures que l’on prit alors pour en assurer la conservation.
On ne verra donc qu’avec une pieuse satisfaction dans l’église paroissiale de Saint-Germain-des-Prés les tombeaux de Mabillon et de Montfaucon, ainsi que ceux de Descartes et de Boileau leurs illustres contemporains.
C’est ici l’occasion de rappeler aussi à la mémoire un homme non moins illustre, c’est le fameux poète Santeuil. Ses poésies latines lui ont dès longtemps assigné un rang parmi les grands hommes qui ont illustré le siècle de Louis XIV et doivent lui mériter aussi le même honneur, mais on ignore sans doute que ses restes ont aussi été troublés dans leur repos et que, par un étrange oubli même des convenances, ces restes vénérables ont été portés, on ne sait pourquoi, au collège royal de Charlemagne, ancienne maison professe des Jésuites et enfermés dans un passage obscur près la loge du portier de ce collège où depuis ils sont restés complètement oubliés.
Voici quelles furent les circonstances qui ont donné lieu à cette mesure qui doit paraître extraordinaire. On sait que ce célèbre chanoine de l’abbaye Saint-Victor mourut à Dijon le 5 août 1697 et fut transporté à Paris et inhumé dans le cloître de cette antique abbaye. La main dévastatrice qui exerçait encore ses fureurs, n’épargna pas non plus ce monastère qui était remarquable, surtout par son église construite sous le règne de François Ier, à l’exception du portail qui avait été bâti sous Louis VI dit le Gros, son fondateur. Cependant, lors de cette déplorable destruction, on se ressouvint de Santeuil, on leva l’épitaphe latine composée par le célèbre abbé Rollin qui couvrait sa tombe et l’on recueillit ses cendres enfermées dans un cercueil de plomb qui fut transporté dans le lieu dont on a parlé, qui en réfléchissant était digne de lui sans doute, mais auquel on aurait pu choisir dans ce collège un endroit plus décent. Son épitaphe a été transportée aux Petits-Augustins pour y être conservée.
Il semble juste que les dispositions prises pour assurer un asile certain et sûr aux cendres des grands hommes qui avaient été déposées aux Petits-Augustins, peuvent s’appliquer à celles du célèbre Santeuil et qu’elles doivent être placées dans l’église Saint-Louis-Saint-Paul en rétablissant sur le monument qui lui sera élevé l’épitaphe dont l’auteur et celui qui en est l’objet ont laissé de si grands souvenirs.