1908, 14 décembre. Procès-verbal de la Commission. [Chaire.]
.
Procès-verbal de la Commission constituée en vue d’examiner l’état de la chaire de l’église Saint-Germain-des-Prés.
- Arch. de Paris, VM32-3713 nos 70 à 73
Avant de rendre compte de la visite de la Commission chargée de l’examen de la chaire de l’église Saint-Germain-des-Prés, il ne semble pas inutile de relater les faits antérieurs qui ont abouti à la nomination de cette Commission.
Il convient donc ici de rappeler en premier lieu une lettre à M. le préfet de la Seine, en date du 10 mai 1897, par laquelle M. le président du conseil de fabrique de cette paroisse faisait connaître que l’attention du Bureau des marguilliers avait été appelée sur le mauvais état de la chaire élevée dans cette église il y a 80 ans avec l’aide d’une subvention importante de la ville de Paris.
Ayant reconnu que la partie supérieure soutenant l’abat-voix présentait une déviation dangereuse, l’architecte de la fabrique, M. Charpentier, pensait qu’il était indispensable de recourir à une réédification complète ; aussi, en vue d’écarter toute possibilité d’accident, le Conseil de fabrique, disait cette lettre, avait fait étançonner de suite ladite chaire, mais, avant de rien entreprendre, on demandait que l’architecte municipal procède de son côté à un examen approfondi afin d’établir nettement la situation et les moyens d’y porter remède en limitant le plus possible la dépense.
Dans une première visite faite sur place immédiatement après, M. Duprez, architecte de la 5e section, a constaté que les précautions prises étaient suffisantes pour empêcher un accident immédiat. Rendant compte d’une seconde visite faite avec son confrère M. Charpentier, M. Duprez disait dans son rapport du 5 août 1897 :
« On a reconnu que les revêtements en marbre dans toute la partie inférieure se disjoignent, que le dossier de la chaire composé comme support de l’abat-voix de deux figures d’anges en bronze coupées par une gaine de marbre, présente une courbure prononcée dans son ensemble. L’intervalle entre les deux figures est rempli par un motif en draperie en plâtre peint en imitation marbre reparaissant aussi entre les encadrements en marbre sur la face postérieure où il forme une masse destinée à faire contrepoids à l’abat-voix. »
« L’abat-voix lui-même très lourd, au moins d’apparence, est aussi en plâtre peint. Rien n’indique précisément que le mouvement dans la construction de la chaire soit motivé par un affaissement du sol. Il semble que c’est simplement à la longue la charge de l’abat-voix qui a causé la flexion du dossier de la chaire, particulièrement au point de réunion des bronzes et des marbres et par suite les disjonctions dans les revêtements en marbre de la cuve et du soubassement. Quoi qu’il en soit, il est certainement utile de procéder à une réparation et un accident aurait probablement été à craindre sans la précaution prise par la fabrique d’étayer la partie supérieure de la chaire. »
« Le travail à faire maintenant devrait consister à redresser le dossier de la chaire, compléter si elle existe déjà, ou établir si elle n’existe pas, une solide armature de l’abat-voix qu’on dissimulerait à l’aide de tranchées faites dans les draperies en plâtre, de façon à le relier sérieusement à la partie inférieure de la chaire. »
« D’autre part il serait probablement possible d’alléger l’abat-voix d’une partie de la matière qui le compose et peut-être d’y remplacer même la portion antérieure par un moulage en staff. »
Depuis lors, M. Devienne, architecte actuel de la 5e section n’a constaté à ses différentes visites semestrielles aucune aggravation dans l’état de cette construction ; cependant, à la dernière inspection d’automne, il a appris par un employé de l’église que les portes qui donnent accès à la plate-forme de la tribune commençaient à se coincer et ne se fermaient plus avec la même facilité qu’auparavant. M. Devienne a cru devoir alors demander la nomination d’une commission chargée d’examiner de concert avec lui les mesures que la situation comportait, surtout en prévision des trépidations que va occasionner certainement le nouveau métropolitain établi près de l’église.
Cette commission, composée de MM. Daumet et Tropey-Bailly, membres du Conseil d’architecture, auxquels est adjoint M. Devienne, s’est rendue sur place le 7 de ce mois et a examiné avec une attention minutieuse les divers éléments qui constituent cette chaire.
Il a été reconnu tout d’abord que deux mouvements bien caractérisés entraînaient la chaire ; le dossier qui soutient l’abat-voix s’infléchit de 0,035 m en avant et la partie verticale de la face antérieure de la cuve s’incline également en avant de 0,02 m.
Bien qu’une certaine relation existe entre ces deux mouvements dont les effets s’ajoutent, il ne semble positivement pas cependant que leur origine soit la même ; en effet, tandis qu’il faut attribuer au poids de l’abat-voix le dévers du dossier, il paraît probable que la partie en avant de la cuve se déverse surtout par le fait que les fondations qui correspondent à cette partie ont dû céder. Il est même à remarquer que la partie postérieure de la chaire reste intacte à la hauteur correspondante, ce qui tendrait à faire croire que les fondations en avant seraient moins résistantes que celles de la partie en arrière situées au droit des piliers de l’église, reliés peut-être en fondations par un mur ou par un arc, ou simplement établis sur de forts empâtements de libages.
On a constaté que l’abat-voix n’avait pas fléchi depuis la pose des étais qui remonte à onze ans, car si le mouvement avait continué, la ceinture de fer qui relie le dossier aux deux étais aurait certainement occasionné un fléchissement de ces bois ; or, on ne constate aujourd’hui aucune courbure dans la verticalité de ces étais, il est donc à présumer que la déviation du dossier doit exister depuis fort longtemps et sûrement même remonter à une période antérieure à la pose des étais.
D’ailleurs, il n’existe aucune fissure ou dislocation dans le dossier et dans l’abat-voix ; cette constatation paraît rassurante en ce sens que le mouvement du haut de la chaire ne pourrait s’accentuer sans occasionner des déchirures qui se manifesteraient par des fissures dans le plâtre ou par des éclats de marbre.
La corniche horizontale du soubassement du devant de la chaire présente des affaissements à ses deux extrémités près des groupes de bronze, soit 0,005 m à gauche et 0,01 m à droite ; les marbres de cette façade se disjoignent assez fortement, et il est à présumer que la maçonnerie que ces marbres revêtent a dû s’affaisser avec les fondations établies sans doute sur un terrain de remblai : néanmoins il y a lieu de faire la part des dislocations qui ne cessent de se présenter habituellement à la longue dans les travaux de marbrerie composés pour la plupart de placages relativement peu épais.
Le hors d’aplomb de 0,02 m du devant de la chaire ne paraît pas assez accentué pour présenter un caractère de gravité ; cet état peut encore se prolonger sans crainte.
La Commission s’est rendu compte que la solution qui consisterait à laisser les étais en place ne peut avoir un caractère de durée définitive, c’est un état de choses qui ne peut se prolonger indéfiniment pour l’aspect intérieur de l’église. Par contre, le parti radical de l’enlèvement des étais laisserait subsister une certaine incertitude inquiétante pour l’équilibre de cette chaire. Il ne conviendrait pas davantage d’engager la dépense d’une réédification complète avant que la chose ne fût jugée absolument nécessaire.
De ces trois solutions, c’est encore le statu quo qui a prévalu pour le moment, car la Commission a été unanime à penser que la situation ne présentait pas de péril pour l’instant, l’idée d’un danger immédiat paraissant écartée.
Un avis avait été émis que l’on pourrait même sans crainte procéder dès maintenant à l’enlèvement des étais existants, mais cette manière de voir n’ayant pas été unanimement partagée par la Commission, il a été décidé d’un commun accord de continuer la mise en observation de cette construction au moyen de témoins placés judicieusement aux endroits disloqués qui pourraient donner les meilleures indications, et d’attendre l’année prochaine une nouvelle réunion de la Commission à laquelle on pourrait adjoindre deux nouveaux membres dont les opinions donneraient une garantie de plus à la décision à prendre, laquelle présente, on ne peut se le dissimuler, une certaine gravité.
Paris, le 14 décembre 1908,