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Historique des dégradations

  • Arch. de Paris, AP 4AZ-5 (dr 290 bis et 291) nos 1 à 6

Le but que je me suis proposé dans ces mémoires a été de rappeler le moins possible le souvenir des institutions monastiques heureusement disparues par l’effet d’une révolution sans exemple ; mais quelques-unes de ces institutions doivent être exceptées, particulièrement celles de Saint-Benoît. On ne se rappellera pas sans reconnaissance les services nombreux rendus aux sciences par les membres de cet ordre fameux du sein duquel sont sortis tant d’hommes recommandables que la postérité a déjà inscrits dans ses fastes. Ce goût des sciences comme inné dans l’ordre de Saint-Benoît et dans la congrégation de Saint-Maur, avait fait former dans presque toutes les maisons de ces savants religieux des bibliothèques considérables ; celle de Saint-Germain-des-Prés était surtout remarquable par le choix des livres et ses richesses en manuscrits ; un incendie causé par un atelier de salpêtre que l’on avait établi en dessous de cette bibliothèque, la consuma entièrement en l’année 1794. On parvint cependant à sauver un grand nombre de manuscrits que l’on transporta à la Bibliothèque nationale ainsi que les livres imprimés qui réchappèrent de ce désastre.

L’emplacement de la célèbre abbaye Saint-Germain-des-Prés a depuis la Révolution entièrement changé de [ ?] ; plusieurs rues ont été percées sur le terrain qu’occupait le grand jardin 1 ; le palais abbatial se trouve entièrement découvert et ressemble actuellement à un assez bel hôtel du 15e siècle ; l’ancien cellier de la maison se trouve employé à l’utile établissement de la poste aux chevaux et sur ces différents terrains des maisons sont construites en ce moment avec assez de goût pour rendre ce quartier très agréable.

L’ancienne prison 2 se voit encore au coin de la rue Sainte-Marguerite.

Ce reste antique de monument de la servitude féodale sert actuellement de maison d’arrêt militaire ; on a isolé cette prison en démolissant différentes maisons qui en obstruaient les approches, ce qui forme actuellement une espèce de carrefour très commode pour le débouché des voitures ; on a aussi pratiqué un chemin de ronde et on a élevé une espèce de portique dont la structure indique assez à quel usage est destiné le monument qu’il semble décorer.

Ce fut dans cette prison que commencèrent les massacres des 2 et 3 septembre 1792. Les auteurs de cet horrible attentat avaient eu soin d’y réunir quelques jours auparavant un grand nombre de victimes désignées pour être immolées dans ces deux fatales journées. On se rappelle toujours avec attendrissement d’un écrit publié dans le temps par M. Saint-Méard, détenu comme bien d’autres dans cette prison, et qui échappa comme par miracle à une mort inévitable 3 ; cet écrit dans lequel il trace de manière si terrible et en même temps si touchante les angoisses qu’il a éprouvées pendant 48 heures par l’attente de la mort la plus effrayante causa la plus douloureuse sensation et ne servit pas peu à faire ouvrir les yeux sur les motifs secrets de ceux qui avait ordonné ces épouvantables exécutions.

Le réfectoire, ouvrage aussi de Pierre de Montereau 4 avait servi dans ce temps malheureux au même usage que la prison ; on y avait renfermé un grand nombre de citoyens qui périrent pour la plupart.

L’église, une des plus anciennes de la capitale, a souffert des dégradations les plus honteuses ; magnifiquement décorée, elle présentait malgré l’extrême médiocrité de ses structures un aspect assez majestueux, il ne reste plus aucun vestige d’un maître-autel élevé à grand frais par les soins du cardinal d’Estrées qui en posa la première pierre le 23 août 1704 ; les six colonnes d’ordre composite de marbre cipolin qui décoraient ce maître-autel ont été conservées et se voient maintenant au Musée central des arts.

L’ignorance n’a pas non plus épargné le porche  de cette église. Seul reste des édifices qu’avaient fait élever [?] le roi Childebert ; les figures que l’on remarquait sous le vestibule, quoique d’un grand barbare comme tous les ouvrages de ces temps reculés, représentaient quelques rois de la première race dont les costumes avaient attiré l’attention des amateurs de l’Antiquité ; celle de Clovis surtout offrait aux savants les symboles 5 de Patrie ou des Consuls qu’Anastase, empereur d’Orient, avait envoyé à ce prince pour honorer son courage. Les autres statues présentaient d’autres costumes non moins curieux 6.

Les fouilles continuelles qui avaient lieu dans l’église de Saint-Germain-des-Prés, relativement au salpêtre qu’on y fabriquait, firent découvrir un grand nombre de sépultures sur lesquelles on s’arrêta peu, soit par insouciance, soit plutôt par la cupidité ordinaire des ouvriers qui s’emparent toujours des précieux objets qu’ils remontent et qui se gardent bien de divulguer la découverte. Mais cet objet ayant attiré l’attention en l’an VII du ministre de l’Intérieur, on fit par son ordre des recherches particulières sur cet antique terrain pour s’assurer de l’état de ces anciennes sépultures. Avant de faire connaître ces « monuments », nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur les changements opérés dans cette église depuis la Révolution.

En 1791, lors de lapromulgation de la Constitution civile du clergé, on érigea cet antique temple en paroisse, on y exécuta différents travaux pour la commodité des paroissiens ; on fit disparaître les anciens tombeaux ou cénotaphes de Childéric, de Frédégonde, de Clotaire II et de Bertrade qui se voyaient posés sur des magnifiques grilles que le même cardinal d’Estrées avait aussi fait faire à ses dépens et qui sont aussi devenues la proie des dévastateurs, on rétrécit le chœur pour donner à la nef une plus grande étendue de sorte que le tombeau de l’abbé Guillaume qui était dans le chœur se trouve actuellement dans la nef. Une brochure intéressante 7publiée dans le temps sur les paroisses de Paris et sur leur circonscription renferme quelques détails sur l’ouverture du tombeau de l’abbé Guillaume dont le corps, depuis près de 4 siècles, avait été préservé de la corruption ; cette brochure s’explique ainsi sur la découverte et sur le phénomène qu’il renfermait. En démolissant les marches de la nef au sanctuaire, on découvrit un petit caveau (p. 104 de la brochure).

Après le démantèlement total de cette église, on y a établi, comme nous l’avons déjà dit, un atelier de salpêtre et ce ne fut qu’en vertu du Concordat qu’elle fut remise à sa première destination ; si les réparations que l’on y fait aujourd’hui sont loin de rappeler son ancienne magnificence, elles n’en font pas moins l’éloge des administrateurs qui n’épargnent rien pour la rendre au moins digne du service divin, on regrette seulement que l’on n’ait pas placé le maître-autel au même lieu où il était autrefois, l’espère d’enfoncement dans lequel ils l’ont situé, outre qu’il fait un assez mauvais effet, ôte aux paroissiens la faculté de voir les cérémonies augustes de la Religion.

Au rond-point, on a construit une chapelle de la Vierge dans laquelle on voit une statue de Notre-Dame-la-blanche provenant de l’abbaye de Saint-Denis. Cette figure gothique convient assez au style de l’édifice.

Le 2 mars 1805, le souverain pontife Pie VII, en visitant cette église, posa la première pierre de l’autel de cette chapelle sur laquelle on mit l’inscription suivante : Pius VII Summus Pontifex.

Cette chapelle est décorée avec assez de goût par la libéralité des paroissiens.

Les fouilles ordonnées par le Ministre pour la recherche des anciennes sépultures ont donné des résultats assez curieux ; on s’attacha particulièrement à faire des recherches à l’emplacement de l’ancien maître-autel ; le premier que l’on découvrit d’abord fit faire des remarques particulières, le célèbre Montfaucon en ayant parlé dans ses Antiquités de la Monarchie française.

Saint-Germain-des-Prés. Inscription posée sur la première pierre de la chapelle de la Vierge, posée par le Pape Pie VII, le 2 mars 1805 à Saint-Germain-des-Prés.

Pius VII Summus Pontifex

Sacelli Sub inventione Beatae Mariae

Virginis, edificandi primum lapidem

Posuit consecravitque

Die III. Martii MDCCCV (1805)

Anno I Napoleonis augusti

Summum Pontifex excipebant

Joannes Ludov. Levis. Varochus

Henricus Guenon

Augustus Baptista de Faucompré

Petrus Josepolmus de Colonia

Joannes Bartholomeus Pouchard

Antonius Moullan

Ecclesiae adminsitratores

Urbis Parisiensis architectus ecclesiae erat

D. Molinos


1 Voyez Dom Bouillart le plan de l’abbaye (N)23
2 Tout le monde sait que les moines ainsi que les chapitres avaient des prisons pour y enfermer leurs serfs, privilège qui ne s’accordait guère avec l’esprit de leur constitution primitive
3 C’est une brochure intitulée Mon agonie de 48 heures, elle paraît fort rare aujourd’hui
4 Il a aussi été entièrement consumé lors de l’incendie de la bibliothèque, il n’en reste aujourd’hui aucune trace.
5 Le bâton hypatique ou consulaire.
6 Voyez Piganiol de La Force, t. VIII, p. VII et suivantes.
7 Remarques historiques et critiques sur les 33 paroisses de Paris, imprimée en 1791, in 8°