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Passage a subgez pour poursuir la delivrance a prisonniers

Charles, filz du roy de France, regent le royaume, daulphin de Viennois, duc de Berry, de Touraine et conte de Poictou, a tous etc. Comme pour la delivrance de nostre tres chier et amé cousin le conte d'Angoulesme1 et d'autres chevaliers et escuiers de ce royaume, qui des long temps a ont esté et sont en ostage avecques lui ou païs d'Engleterre es mains du duc de Clarance2 et d'autres seigneurs dudit païs ou de leurs gens, soit neccessité d'aler et venir, envoyer et escrire par devers le roy d'Engleterre3, ledit duc de Clarance et autres estans a present en ce royaume et par avanture d'aler ou envoyer oudit païs d'Engleterre, et il soit ainsi que par noz tres chiers et tres amez frere et cousins le duc d'Orleans et le conte de Vertus4, freres de nostredit cousin d'Angolesme, ou par les gens de leur conseil ait esté advisié que noz bien amez Jehan Sac5 et Telz et Telz, marchans et les aucuns bourgois de Paris, seroient moult propices pour conduire et demener le fait de la delivrance de nostredit cousin d'Angolesme et des autres hostages estans avecques lui oudit païs d'Engleterre, se de ce faire nous plaisoit donner congié et licence ausdiz marchans, sans lesquelz noz congié et licence iceulx marchans ne se vouldroient ne oseroient jamais entremettre dudit fait, savoir faisons que nous, desirans comme raison est la delivrance de nostredit cousin d'Angoulesme, a iceulx Telz et Telz et a chascun d'eulx avons donné et octroyé, donnons et octroyons par la teneur de ces presentes congié, licence et puissance que, jusques au terme de quatre mois prouchain venans a compter du jour de la date de ces presentes6, ilz puissent aler et eulx transporter par devers lesdiz roy d'Engleterre, duc de Clarance et autres dudit païs d'Engleterre et de envoyer par devers eulx et leur escrire une foiz ou pluseurs, et par tant de foiz durant ledit temps que besoing sera pour le bien de la besoingne, quelque part que soient yceulx roy d'Angleterre, duc de Clarance et autres aa qui il convendra et sera necessité de besoigner pour ceste cause, soit en ce royaume, en Angleterre ou ailleurs quelque part que ce soit, pour traictier, appointier et besoingner avecques les dessusdiz Angloiz et autres que mestier sera, tant en cedit royaume [fol. 81] comme ou païs d'Engleterre et ailleurs, sur le fait de la delivrance de nostredit cousin d'Angoulesme et des autres hostages dessusdiz ; voulans, octroyans et consentans que les dessusdiz Telz et Telz, les trois, les deux ou l'un d'eulx, leurs gens, serviteurs ou messages puissent aler et venir, acompaignez honnorablement selon leur estat, toutes et quantes foiz que bon leur semblera durant le temps dessusdit par devers les Angloiz, ou leur escrire pour ledit fait, franchement et quittement, sans aucun destourbier ou empeschement et sanz ce que pour occasion de ce aucun blasme, reprouche ou faulte leur puissent estre imputez ne imposez ores ne pour le temps a venir, en quelque maniere que ce soit. Et avecques ce pour l'execucion et acomplissement de ladicte delivrance de nostredit cousin d'Angoulesme et des autres hostages dessusdiz avons voulu et octroyé et par la teneur de ces presentes voulons, consentons, octroyons et nous plaist que les marchans dessusdiz et chascun d'eulx, leurs gens, serviteurs ou autres de par eulx puissent porter ou faire porter et rapporter, se mestier est, tant par eaue comme par terre, par devers lesdiz Anglois durant ledit temps toute la finance d'or et d'argent, joyaulx et autres choses licites quelzconques, en quelque façon ou espece qu'elles soient ou puissent estre, lettres obligatoires ou cedules de change et autres choses neccessaires touchans le fait de la delivrance de nostredit cousin d'Angoulesme et des autres hostages de sa compaignie, franchement, seurement et quittement, et sans pour ce paier aucuns peages, travers, acquitz, coustumes ou autres reddevances a nous ne a autres subgez de mon seigneur et de nous en quelque maniere que ce soit. Car ainsi nous plaist il et le voulons estre fait. Et pour contemplacion de nosdiz frere et cousins l'avons octroyé et octroyons de grace especial par ces presentes. Donné etc.


a a omis ms, rétabli d'après P.
1 Jean comte d'Angoulême, dit Jean le Bon, vécut entre 1399 et 1467. Il était le fils cadet de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti. À l'âge de treize ans, il fut donné par Charles VI en otage au duc de Clarence lors des négociations au sujet du départ des Anglais venus en 1412 soutenir les Armagnacs contre le duc de Bourgogne. Jean resta prisonnier en Angleterre jusqu'en 1445, sans détenir, une fois rentré en France, un rôle d'envergure. Sa personnalité lui valut une enquête de canonisation poursuivie en 1518-1519 mais restée sans suite (D.B.F., t. II, p. 1219-1221).
2 Thomas de Lancastre, duc de Clarence, était le plus âgé des trois frères du roi d'Angleterre Henri V. Il remporta plusieurs victoires dans les campagnes qu'il mena. À la suite d'une imprudence, il fut surpris et massacré à la bataille de Baugé, en mars 1421 (Du Fresne, t. I-II, passim ).
3 Henri V.
4 Charles duc d'Orléans (1394-1465) était le fils et principal héritier de Louis d'Orléans ; Philippe comte de Vertus (1396-1420) était son frère puîné. Charles fut fait prisonnier à Azincourt (1415) ; il essaya à plusieurs reprises de réunir l'argent exigé par le duc de Clarence pour sa rançon.
5 Un Jean Sac, bourgeois de Paris, marchand et changeur d'origine génoise, apparaît dans plusieurs documents jusqu'en 1422. Il est mentionné avec ses deux frères, Barthélemy et Jacques, dans le testament du génois Nicolas Pigasse rédigé le 13 mars 1407 (Tuetey, Testaments enregistrés, p. 202-210). En septembre 1418, Jean Sac reçut de la part de Jean sans Peur la somme de 50 livres pour aller avec trois autres personnes à Melun rencontrer le dauphin afin de conclure le traité de paix pourparlé et mis en termes à La Tombe et à Saint-Maur-des-Fossés (Barthélemy-A. Pocquet du Haut-Jussé, La France gouvernée par Jean sans Peur : les dépenses du receveur général du royaume, Paris, 1959 [Mémoires et documents publiés par la Société de l'École des chartes, 13], n° 380 et 955). En 1418-1419, Jean Sac, Galvano Trenta et Barthélemy Rust prêtèrent 10 000 livres au roi (Henri Moranvillé, Extraits de journaux du Trésor [1345-1419], dans B.É.C., t. 49, 1888, p. 368-452, à la p. 432, n° 541). En février 1419, il fit partie d'une ambassade envoyée par Charles VI pour négocier avec Tanguy du Chastel, représentant le dauphin, l'arrêt des hostilités (Journal de Clément de Fauquembergue, t. I, p. 264). Il figure également parmi les ambassadeurs bourguignons envoyés en décembre 1419 auprès du roi d'Angleterre pour négocier la conclusion d'une trêve. Il est qualifié de conseiller de Charles VI dans les lettres de don des biens confisqués à ses débiteurs, Pierre de l'Esclat et Alexandre Le Boursier, en date du 26 octobre 1422 ; en février 1424, il fut consulté au sujet de la valeur de plusieurs joyaux de l'abbaye de Saint-Denis (Journal de Clément de Fauquembergue, t. I, p. 264, n. 2, et t. II, p. 116-118).
6 Les pourparlers menés au sujet de la rançon du comte d'Angoulême ont été étudiés par Gustave Dupont-Ferrier, La captivité de Jean d'Orléans, comte d'Angoulême (1412-1445), dans R.H., t. 62, 1896, p. 42-74. Les pièces mises en valeur par cette étude ne font ressortir aucune tentative de négociation de la rançon entre le début de la régence du dauphin Charles, en décembre 1418, et septembre 1420, date de la mort de Philippe, comte de Vertus, terminus ad quem de notre document. Il s'agirait donc d'une tentative ignorée de G. Dupont-Ferrier, qui signale seulement pour cette période des négociations tenues en 1417 et 1422. Or l'on sait que, au début du mois d'octobre 1419, une ambassade formée de Jean Sac et de deux autres bourgeois d'origine italienne fut envoyée au roi d'Angleterre pour négocier probablement les conditions d'une trêve (Paul Bonenfant, Du meurtre de Montereau au traité de Troyes, Bruxelles, 1958, p. 39-40).