Le formulaire dans sa tradition
L'examen de la demie douzaine de formulaires d'actes royaux conservés du XIVe siècle montre bien à quel point, par son génie propre, par la contrainte (nécessité de doter la chancellerie de Bourges
de la mémoire qui lui manquait), par les conséquences naturelles de l'évolution (accroissement exponentiel de la matière, part sans cesse amoindrie du travail en commun…), le recueil de Morchesne marque un véritable tournant. Son succès ne s'est pas démenti au long du XVe siècle, jusqu'à ce que, au début du siècle suivant, une bonne part de ses formules soit reprise, notablement reclassées, dans le Grand stille désormais officiel de la chancellerie royale : sur une quinzaine environ de formulaires connus pour le XVe, la majorité dérive du recueil de Morchesne ou s'appuie au moins sur sa structure et son fond de modèles, plus ou moins remanié, pour y ajouter de nouvelles formules dans des proportions et avec une habileté des plus variables.
L'examen de ces manuscrits amène à concevoir quelque doute sur la nature exacte du manuscrit fr. 5024 de la Bibliothèque nationale de France, base de la présente édition, et implicitement considéré par nos devanciers comme un manuscrit d'auteur. Les bourdes qu'il commet sont parfois étonnantes et, eux-mêmes non exempts de bourdes, d'autres manuscrits dérivés du travail de Morchesne (à commencer par les deux plus proches, ms fr. 6022 de la Bibliothèque nationale de France et ms 163 de la Bibliothèque municipale du Mans) permettent souvent de les corriger. Il n'en reste pas moins que, sur bien des points, le ms fr. 5024 apparaît comme plus proche de ce qu'a dû être le travail primitif de Morchesne, sans en être le reflet immédiat. C'est donc lui que nous avons choisi comme base de l'édition, sans hésiter à corriger son texte quand cela était nécessaire.