Lettres d'aliances entre mon seigneur le daulphin et le duc de Bourgongne1
Charles filz etc.
, daulphin etc.
, et nousa Jehan, duc de Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois et de Bourgoingne, seigneur etc.
b,
a tous ceulx etc.
Comme, a l'occasion des grans divisions qui puis certain temps ença ont regné en cestui royaume, aucunes suspicions se sont engendrees es cueurs de nous et de pluseurs de noz officiers, serviteurs et vassaulx les ungs envers les autres, par quoy et pour pluseurs ymaginacions que a celle cause avons conceues avons esté empeschiez ou moins diligemment affectezc de concordamment vacquer et entendre aux grans faizd et besoingnes touchans mondit seigneur le roy et sondit royaume et de ensemble resister a la dampnable entreprinse de ses ennemis enciens et nostres, les Anglois, qui soubz umbre et par le moyen des devantdictes divisions se sont enhardiz de eulx ainsi avant bouter en cedit royaume, et de fait y ont conquesté et de present y occupent et usurpent une bien grant partie de la seigneurie, et pourroient encores plus faire se les choses estoient en telle ou semblable disposicion,
savoir faisons que
nous, considerans et attendans les tant grans et innumerables maulx et inconveniens qui par le fait desdictes divisions, se appaisees n'estoient, se pourroient encores plus ensuir, a la grante fole2 ou, par avanture, perdicionf totale de cestedicte seigneurie, qui nous redonderoit et a chascun de nous, ag qui la chose puet plus toucher aprés mondit seigneur que a nul autre, a tres grant charge et deshonneur, desirans de toute affection, ainsi que tant tenuz y sommes, y remedierh et pourveoir, et pour ce a ceste fin, aprés pluseurs traictemens sur ce euz ou pourparlez entre aucuns des nostres d'une part et d'autre, nous soyons puis nagueres assemblez et aujourd'uy dereschief convenuz et assemblezi ensemble,
avons d'un commun accord et assentement, pour honneur et reverence de Dieu principalment, aussi pour le bien de paix auquel un chascun bon catholique doit estre enclin, et pour relever le pouvre peuple des grans et si dures oppressions que a la cause dessusdicte a eue a ssoufrir, promis, juré et enconvenancé es mains de reverend pere en Dieu, Alain, evesque de Leon3, legat envoyé devers nous par nostre saint pere le pape pour le fait de ladicte union et paix de cedit royaume, sur la vraye croiz et les sains Evvangiles de Dieu pour ce manuelment touchez de noz mains, par la foy et serment de noz corps pour ce prestez l'un a l'autre sur nostre part de paradis, en parole de prince et autrement, le plus avant que faire se peut, les choses cy aprés declareesj :
Et premierement nous, Jehan, duc de Bourgoingne, quek, tant comme nous vivrons en ce monde, nous aprés la personne de mondit seigneur le roy [fol. 155v] honnorerons, servirons et de tout nostre cueur et pensee plus et devant que nul autre cherirons et aimerons la personne de mondit seigneur le daulphin et, comme a son estat appartient, lui obeïrons, ne ne ferons ne souffrerons estre fait a nostre povoir nulle chose qui soit a son prejudice ne contre son plaisir et voulentél, et de tout nostre povoir lui aiderons a garder et maintenir son estat et prerogatives en toutes manieres, et lui serons tousjours vray et loyal parent, son bien et honneur procurerons, son mal et dommaige escheverons par toutes voyes a nous possibles, et d'icellui l'advertirons ; et s'il advenoit que aucuns, de quelque estat qu'ilzm feussent, lui voulsissent faire ou porter guerre ou dommaigen, nous en ce cas le secourrons, aiderons et servirons de toute nostre puissance envers tous et contre tous, sans nulz exceptero, et en ce nous employerons comme pour nostre propre fait.
Et pareillement nous, Charles, daulphin devantdit, que, tant qu'il plaira a Dieu nous donner vie ou corps et a quelque estat, seigneurie ou puissance que puissons parvenir le temps a venir, toutes les choses passees mises en oubli, aymerons et de bonne et loyale affection cherirons nostre tres chier et tres amé cousin, le duc de Bourgoingne dessus nommé, et en tous ses fais et besoingnes le traicterons comme nostre prouchain et loyal parent, son bien, honneur et avancement vouldrons et pourchasserons, son malp escheverons, en ses estat et prerogatives le garderons et maintiendrons, et en tous ses affaires, s'aucun, de quelque estat qu'il soit, le vouloit en aucune maniere grever, le soustendrons et porterons et, si tost qu'il nous requerra, lui aiderons et deffendrons a toute puissance envers tous ceulx qui peuvent vivre et mourir ; et mesmement, s'aucun de nostre sang et lignaige ou autres quelzconques vouloient pour aucunesq desr choses avenues le temps passé en ce royaume ou autrement demander ou querellers aucune chose a nostredit cousin de Bourgoingne ou a ses païs et subgez, nous de toute nostre puissance lui aiderons et le deffendrons et soustiendrons contre tous les dessusdiz et autres quelzconques qui grever et dommaiger le vouldroient.
Item que nous, Charlest daulphin et Jehan, duc de Bourgoingne, entendrons et vaquerons desormais par bonne unité et aliance, et chascun selon son estat, a tous les grans faiz de cedit royaume, sans vouloir riens entreprendre, ne avoir aucune envieu ; et s'aucun rapport nous estoit fait par aucuns de noz officiers ou autre que feust a la charge de l'un ou de l'autre et pour engendrer aucune nouvelle division, nous en advertirons de bonne foy l'un l'autre, ne n'y adjousterons aucune foy et comme bons et loyaulx parens, si prouchains de mondit seigneur le roy et de la couronne de France, nous employerons principalment, d'une voulenté et sans fiction aucune, a la repulcion de sesdiz ennemis et nostres, a la reparacion de cestedicte seigneurie et au relievement des subgez d'icelle, ne ne prandrons [fol. 156] avecques lesdiz ennemis aucuns traictez ou aliances, se ce n'est par le bon conseil, plaisir et consentement l'un de l'autre et pour l'evidant bien de cedit royaume ; et s'aucuns traictez ou aliances avoient esté faiz par avant ces presentes avecques lesdizv anciens ennemis ou autre, prejudiciable a l'un ou a l'autre de nous, des maintenant y renonçons et les voulons estre nulz et de nul effect ;w et aussi ne prandrons aucuns traictiez ou aliances avecques roys, princes ou autres personnes quelzconques, soient de nostre sang et lignaige ou autres, qu'ilz soient ne puissent estre prejudiciables l'un a l'autre (w) ; et, qui plus est, en toutes aliances que ferons d'ores en avant comprandrons l'un l'autre de bonne foy. Et toutes ces choses avons promises et promettons comme dessus tenir fermes et entieres, sans jamais aler ne venir en aucune maniere a l'encontre ; et s'aucuns de nous, de sa voulenté ou autrement, rompoit ou enfraingnoit, que Dieu ne vueille, ledit traictié et ceste presente aliance, voulons et nous plaist, et a chascun de nous, que les gens, vassaulx, subgez et serviteurs, presens et a venir, de cellui qui enfraindra ladicte paix ne soient tenuz aprés ladicte infraction de le servir, mais serviront l'autre des parties et, en ce cas, seront assolz et quittez de tous seremens de feaulté et autres et de toute promesse et obligacion de service, et lesquelz, oudit cas, des maintenant pour lors nous en tenons quittez, asolz et delivrez, sans ce que pour le temps a venir il leur puisse estre imputé a charge ou reprouche et que aucune chose leur en puisse estre demandee.x Et en oultre, pour greigneur seurté des choses dessusdictes, voulons et consentons que les seigneurs du sang et lignaige de mondit seigneur jurent et promettent pareillement de tenir et garder ceste presente amictié, bienveillance, union et concorde ainsi par entre nous faicte, et semblablement, se mestier est, les gens d'Esglise, nobles et gens de bonnes villes de noz païs et seigneuries et de mondit seigneur le roy ; avecques ce nous soubmettons, et chascun de nous, pour l'observacion et acomplissement des choses dessusdictes a la cohercion et contraincte de nostre mere saincte Esglise, de nostre saint pere le pape et de ses commis et depputez, par lesquelz nous voulons et consentons estre contrains, et chascun de nous endroit soy, a observer et acomplir les choses dessusdictes et chascune d'icelles, par voye d'excommeniement, anathematizacion, agravacion, reagravacion, interdit en noz païs et terres et autrement par la sensure de l'Esglise, le plus avant que faire se pourrax. Et pour greigneur seurté et confirmacion et a ce que ne doyons avoir aucune ymaginacion sur les officiers et serviteurs l'un de l'autre, avons voulu et ordonné que noz plus principaulx officiers jurent, et de fait en nostre presence es mains dudit evesque [fol. 156v] de Leon ont juré tenir de leur part, et en tant que a eulx pourra toucher, les choses devantdictes et espicialment que de tout leur povoir ilz nous entretiendront en bonne et vraye amour l'un envers l'autre, ne ne feront ou procureront chose qui se doye empescher, mais, s'aucun empeschement y appartenoient, nous en advertiront et de ce et de toutes les choses devantdictes feront leur leal devoir et en bailleront leur seellé ; et mesmement ont ce juré et promis sur les sains Evvangiles de Dieu, de la part de nous, daulphin, noz amez et feaulx Telz
et Telz
y, et de la part de nous, duc de Bourgoingne, noz amez et feaulx N.
, M.
z. En tesmoing desquelles choses, nous et chascun de nous avons escript noz noms de noz propres mains a ces presentes et a icelles fait mettre et apposer noz seaulx.
Donné au lieu de nostre convencion et assemblee, sur le ponceau qui est a une lieue de Meleun, ou droit chemin de Paris, assez pres de Poilly le Fort4 , le mardia' XIe jour de juilletb' mil CCCC dix neuf.
[15.9.a] ¶ Advertez bien que, au commancement de ceste lettre, le greigneur, c'est assavoir mon seigneur le daulphin, est mis et intitulé avant l'autre ; mais, quant ce vient a la promesse faire, on met premierement que le moindre promet au greigneur.