École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Chartres et remissions et autres lettres en laz de soye » Admortissement
[fol. 178]

Admortissement1

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons a tous presens et a venir nous avoir reçeu l'umble supplicacion de noz bien amez les chanoines, chappellains et chappitre de l'eglise collegial de Nostre Dame du Matoret de Riona en Auvergne, contenant que depuis XL ans ença ont esté lessees et leguees a ladicte eglise par feux Durant Villain, bourgois, et Jehan Molin, marchant de ladicte ville de Riom, deux hostelz ou maisons et depuis en ont lesdiz supplians acheté et acquis un autre joingnant d'iceulx deux, qui sont situez et assiz en icelle ville ou quartier d'Aiguesperse, pres de tele rue etc. b, lesquelz trois hostelz qui sont joingnans et entretenans les ungs aux autres sont tenuz en censive de nous a une mine et demy boisseau de froment et trois deniers tournois ; d'autre part ont iceulx supplians acquis ou au moins entencion d'acquerir tant par achat que par laiz, transport ou donnacion faiz pour la dotacion et fondacion d'aucunes vicairies en ladicte eglise aucuns heritages, cens, rentes, revenues et redevances jusques a seize muys de grains et dix livres tournois en deniers, a prendre et avoir chascun an sur aucuns heritages et possessions situez partie en nostre justice et appartenances [fol. 178v] en ladicte ville de Rion et partie es jurisdicions et terres voisines appartenans a aucuns de noz vassaulx et subgetz ; lesquelz hostelz, maisons, cens, rentes, revenues et redevances, qui ne sont point tenuz en fief et si n'y a aucune justice et peuent valoir communs ans quarante livres tournois de rente ou environ, ne sont point admortiz par nous ne noz predecesseurs et par ce convendroit ausdiz supplians les mettre hors de leurs mains, se nostre grace ne leur estoit sur ce impartie, si comme ilz dient, en nous humblement suppliant que, attendu que icelles choses ainsi a eulx delaissees et acquises sont une grant partie de leur revenue et dont ils doivent vivre et que par le moyen desdictes choses ilz sont tenuz et obligiez a certaines messes, prieres et autres charges et que, obstant leur povreté et la petite fondacion et dotacion de leur eglise, ilz ne pourroient paier la finance deue pour ledit admortissement, nous leur vueillons sur ce impartir nostredicte grace. Pour quoy nous adecertes, les choses dessusdictes considerees et afin que de plus en plus soions participans es prieres et autres biensfaiz de ladicte eglise et aussi pour la singuliere devocion que nous avons a icelle eglise, qui est fondee de la glorieuse Vierge Marie, les trois hostelz ou maisons, les seize muys de grains et les dix livres tournois de rente dessusdictes avons admorti et admortissons par ces presentes de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, pourveu qu'ilz ne soient aucunement tenuz en fief et qu'il n'y ait aucune justice, comme dit est, voulens que lesdiz supplians et leurs successeurs les tiengnent et possident comme admortiz et a Dieu dediez sanz ce qu'ilz soient tenus de les mettre hors de leurs mains ne d'en paier a nous ne a noz successeurs pour l'admortissement aucune finance ; laquelle finance nous avons donnee et quittee, donnons et quittons ausdiz supplians de plus ample grace par cesdictes presentes ; parmy ce toutesvoies que ilz seront tenuz de bailler bien a plain par declaracion en nostre chambre des comptes lesdiz seize muis de grains et lesdizc dix livres de rente dessusdictes et que, pour et ou lieu de ladicte finance, eulx et leurs successeurs seront tenuz et diront ou feront dire et celebrer a tousjours perpetuelment chascun an une messe a note le premier jour de chascun mois, qui seront [fol. 179] par an douze messes, c'est assavoir six pour le salut et remede des ames de feu nostre tres chier seigneur et pere, cui Dieu pardoint, et de noz autres predecesseurs et six pour la santé et prosperité de nostre personne et de nostre tres chiere et tres amee compaigne la royne et de noz autresd successeurs et aussi pour la paix et transquillité de nostre royaume et de noz subgetz, et lesquelles messes seront sonnees ou coppetees2 a la plus grosse cloche de ladicte eglise et chanteee, l'une de requiem pour lesdiz trespassez et l'autre pour les autres causes dessusdictes, consequemment les unes aprés les autres, dont ilz bailleront presentement leurs lettres en forme deue pour estre mises ou tresor de noz lettres. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes a noz amez et feaulx conseillers les gens de noz comptes et les generaulx conseillers ou commissaires ordonnez ou a ordonner sur le fait et gouvernement des finances, a nostre tresorier general, auf senechal d'Auvergne et a tous noz autres justiciers et officiers ou a leurs lieuxtenans, presens et a venir, et a chascun d'eulx, si comme a lui appartendra, que lesdiz supplians et leursdiz successeurs facent, seuffrent et laissent joïr et user paisiblement et plainement de noz presente grace, admortissement, don et quittance par la maniere et en la condicion que dit est, sanz leur faire ou donner ne souffrir estre fait ou donné aucun arrest, destourbier ou empeschement en quelque maniere que ce soit. Car ainsi nous plaist il estre fait. Non obstans quelzconques ordonnances, mandemens ou defenses a ce contraires. Et afin que ce soit chose ferme et estable a tousjours, nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné etc.


a sic ms, les graphies Rion et Riom alternant tout au long de la formule.
b B donne prez de la rue par laquelle l'en va de ladicte eglise a l'ostel de feu Robert Guitart, prebstre, du costé devers bise, d'une part, et d'autre part a la rue appellee la rue de la Planchette, de devers soleil levant.
c les B, omis P.
d autres est omis dans B et semble de fait superflu ; P ne permet pas de trancher, qui réduit considérablement la formule.
e chantees B P.
f aux ms, corrigé avec B ; P donne aux generaulx.
1 Le prévôt et le chapitre de l'église Notre-Dame du Marthuret à Riom ont bien adressé au roi un acte du 15 novembre 1424, constatant l'obligation qui leur est ici faite ; l'original en est toujours conservé (Arch. nat., J 467, n° 95). Il a le grand mérite d'insérer une copie de l'acte royal, source de la présente formule (on indique dans l'apparat ses principales variantes, sous le sigle B), et plus encore de donner sa date (Bourges, mars 1423 n.st.) et de signaler que le notaire-secrétaire responsable de son expédition avait été Morchesne lui-même (sic scriptas in margine : “ Par le roy, vous, maistre Jehan Cadart, Macé Heron et autres presens. O. Morchesne ”).
2 Copet : petit coup [de cloche] (Godefroy, t. II, p. 291), à rapprocher de Du Cange (t. V, p. 415), qui enregistre l'expression missa copetata et la rapproche du verbe français copter, coppeter, faire sonner la grosse cloche par long traict.