École des chartes » ELEC » Le formulaire d'Odart de Morchesne » Lettres de finance » Commission pour imposer un aide
[fol. 145 v]

Commission pour imposer un aide1

Charles etc., a noz amez et feaulx conseillers le prieur de La Selle2, maistre Guillaume Le Tur3, Guillaume Charrier4, le seneschal d'Auvergne5, le sire de Croy6 et Aguiot Coustave7, Gonin Rolant8 et Pierre de Nesson9, esleuz ou païs d'Auvergne sur le fait des aides, salut et dilection. Comme par nostre ordonnance pluseurs prelas, barons et gens de bonnes villes de nostre obeïssance de Languedoïl soient presentement venuz en grant nombre en nostre ville de Poictiers, faisans et representans les gens des trois estas de nostredicte obeïssance de Languedoïl, ausquelz en presence de nostre tres chier et tres amee mere la royne de Secile, de nos tres chiers et tres amez cousins le conte de Clermont, le connestable, les contes de Foix, d'Estampes, dea Vendosme, de Harecourt, le sire de Lebret, le conte de Comminge10 et pluseurs autres de nostre sang et lignage pour ce assemblez, nous ayons bien au long fait dire, exposer et remonstrer les tres grans affaires que avons a supporter par necessité tant pour resister a noz anciens adversaires et ennemis les Anglois comme pour la prosecucion de la paix et reunion et reconsiliacion d'aucuns de nostre sang et autres noz subgez envers nous, a quoy avons ferme esperance de parvenir, Dieux aidant, par le moyen de nostre tres chier et tres amé frere le duc de Bretaigne11, [fol. 146] avecques lequel avons nagaires convenu etc., esperans aussi par ce et a l'aide de noz autres parens etc. de debouter nosdiz ennemis et recouvrer etc., ce que ne povons faire sanz grans finances etc., en requerans a nosdiz parens presens et ausdiz gens des trois estaz representans etc. la somme de tant pour la conduite de ces choses etc., lesquelz aprés la deliberacion eue sur ce entr'eulx, saichans veritablement les affaires et neccessitez dessusdictes estre telz que dit est, voulans ainsi que tousjours ont fait aidier etc. en demonstrant leur bonne et vraie voulenté etc., nous ont bien et liberalment octroyé ladicte somme de tant estre levee et cueillie sur eulx par toutes voyes et manieres possibles, dont avons esté d'eulx tres contens, pour lesquelles voyes adviser ont esté assemblez lesdictes gens des trois estaz etc. et sur ce aient esté pluseurs oppinions et voyes pourparlees et a nous rapportees pour en ordonner a nostre plaisir, savoir vous faisons que, eue sur ce grant et meure deliberacion avecques nosdiz parens et pluseurs de nostre grant conseil et autres notables personnes des gens d'Eglise, nous de nostre auctorité royal et plaine puissance avons ordonné et ordonnons par ces presentes que deb ladicte somme de tant sera deduit, ainsi que requis a esté par lesdictes gens des bonnes villes, tant livres tournois pour la porcion des gens d'Eglise et que sur toutes manieres de gens laiz de Languedoïl, officiers ou autres quelzconques privilegiez et non privilegiez sera miz suz, imposé, cueilly et levé la somme de tant, excepté toutesvoyes nobles vivans noblement, suivans et frequentans la guerre, vrais escoliers estans et continuans l'estude sanz fraude et povres mendians, a paier icelle somme a trois termes etc., et que a ce paier soient contrains comme etc., non obstans opposicions ou appellacions, non obstans quelzconques privileges etc., sanz prejudice d'iceulx et sanz ce qu'il leur tourne a prejudice pour le temps a venir etc. Et pour la porcion de ladicte somme avons imposé les manans et habitans en tel païs, estans en tele election, a la somme de tant. Si vous mandons et commettons par ces presentes et enjoingnons expressement que, ces lettres veues, toutesc excusacions cessans et autres choses arrieres mises, vous ledit aide mettez suz sanz delay, en imposant sur les parroissiens desdiz païs et election ladicte somme de tant le plus justement et egalment [fol. 146 v] que faire pourrez, le fort portant le foible, avecques tele somme moderee que verrez estre a faire pour les fraiz, en tele maniere que icelle somme puist venir enz franchement et sanz diminucion. Et a paier icelui aide au receveur sur ce par nous ordonné contraingnez ou faites contraindre tous ceulx qui pour ce feront a contraindre par toutes les voyes et manieres qu'il est acoustumé de faire pour noz propres debtes, non obstans quelzconques opposicions ou appellacions, en faisant au seurplus en cas d'opposicion aux parties oÿes raison et justice. De ce faire vous donnons povoir, mandons et commandons a tous noz justiciers, officiers et subgetz que a vous et a voz commis et depputez en ce faisans obeïssent et entendent diligemment et vous prestent et donnent conseil, confort, aide et prisons, se mestier en avez et par vous requis en sont. Donné etc.


a de ajouté en interligne.
b de absent de ms, restitué par nous d'après le sens, même si P ne le donne pas davantage : que ladicte somme de tant sera deduicte, ainsi que requis a esté (…), tant l. t. pour la porcion des gens d'Eglise, et que sur toutes (…) sera mise sus et imposee, cuillie et levee la somme de tant (la formule est absente de S et a disparu dans M).
c suivi de toutes, répété par erreur.
1 La formule fait allusion à un traité récemment passé avec le duc de Bretagne, ce qui renvoie à l'un des deux épisodes où le duc Jean V quitta sa position attentiste ou favorable aux Anglais : 1421, où il conclut le traité de Sablé avec le dauphin ; septembre-octobre 1425 où il renoua alliance avec Charles VII, qui venait de faire connétable son frère, et où il prêta hommage au roi. C'est cette dernière date qui doit être retenue ici, en fonction de la mention faite plus bas de plusieurs princes, et de la réunion, bien attestée, d'une assemblée, d'abord convoquée pour le 1er octobre, puis qui s'ouvrit le 16 octobre 1425 à Poitiers ; seuls les états de Languedoïl y furent finalement présents, ceux de Languedoc étant convoqués le mois suivant à Mehun-sur-Yèvre ; une aide d'un million de livres tournois y fut votée (René Lacour, Documents sur les états généraux de Poitiers de 1424 et 1425, dans Archives historiques du Poitou, t. 48, 1934, p. 91-117, et Du Fresne, t. II, passim ).
2 Peut-être Olivier de Champballon, prieur de la Celle, qui en tant qu'ambassadeur du duc Jean de Bretagne avait participé à la ratification tardive par celui-ci du traité de Troyes (Journal de Clément de Fauquembergue, t. II, p. 55, n. 1), et qui en 1426 fut employé par le connétable de Richemont à des tractations auprès du duc de Bretagne (Du Fresne, t. II, p. 381).
3 Avocat de l'évêque d'Orléans en 1401, puis avocat du roi au parlement de Paris à partir de 1413, Guillaume Le Tur suppléa puis remplaça le procureur général du roi à cette cour à compter de 1417. Il agit comme avocat du dauphin et du duc d'Orléans dès les débuts du parlement de Poitiers ; il en devint troisième président en 1427 (Aubert, Histoire du parlement, t. I, p. 392-393 ; Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 360-362 ; Little, The Parlement of Poitiers, p. 12 et suiv. ; Gorochov, Le collège de Navarre, p. 706).
4 Receveur général de toutes les finances : formule [8.10] et son annotation.
5 En qualité de sénéchal d'Auvergne, Jean de Langéac (Gallia regia, t. I, n° 2356) fit partie des commissions sur les tailles et impôts jusqu'en 1451 (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 90).
6 Le sire de Croy peut être identifié sans grande hésitation avec Pierre de Cros, chevalier, que l'on retrouve en 1436 en compagnie du sénéchal d'Auvergne, de Guiot Coustave et de Gonin Roland parmi les commissaires spéciaux chargés de faire l'assiette de l'aide d'Auvergne (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 89-90). Seigneur de Cros, de La Tartière et de Saint-Sauves, il appartenait à une famille noble originaire de Clermont (Tardieu, Histoire de la ville de Clermont, t. II, p. 219-220).
7 Guiot Coustave descendait d'une famille de Clermont dite aussi Costavol. Son père, Raymond, anobli par le duc de Berry, avait détenu plusieurs offices importants (capitaine de la ville de Clermont, receveur général des aides de Languedoc et de la Guyenne, trésorier du duc de Berry). Guiot détint auprès du duc de Berry et du roi Charles VI l'office d'échanson et fut lui aussi capitaine de la ville de Clermont en 1415 (Tardieu, Histoire de la ville de Clermont, t. II, p. 217). Il fut plus tard gouverneur de Clermont, office qu'il occupait en mai 1423 (Du Fresne, t. II, p. 634, n. 7) et encore en 1428 (Albert Rigaudière, La répartition de l'impôt royal en Auvergne sous les règnes de Charles VI et de Charles VII [1993], repr. dans id., Penser et construire l'État, p. 591-620, à la p. 617). Au début des années 1430, il fut remplacé par son fils Robert (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 90-91 et 193). En 1432 et 1436 encore, Guiot apparaît en tant qu'écuyer parmi les commissaires nommés pour la répartition de l'assiette de la Basse-Auvergne (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 89-91).
8 Comme Coustave, Gonin Roland, écuyer, figure en 1432 et 1436 parmi les commissaires nommés pour la répartition de l'assiette de la Basse-Auvergne (Thomas, Les états provinciaux, t. I, p. 89-91).
9 Connu surtout comme poète, Pierre de Nesson ( né en 1383 et mort avant 1442-1443), licencié ès lois, avait succédé à son père comme élu des aides à Clermont. Il fut aussi bailli d'Aigueperse, étant par ailleurs un proche de la maison de Bourbon (Arthur Piaget et Eugénie Droz, Pierre de Nesson et ses œuvres, Paris, 1925, p. 5-7).
10 Sont successivement mentionnés : la belle-mère de Charles VII, Yolande d'Aragon ; Charles Ier de Bourbon, comte de Clermont, plus tard duc de Bourbon et d'Auvergne ; Arthur comte de Richemont, connétable de France depuis mars 1425 ; Jean Ier, comte de Foix et lieutenant général de Charles VII en Languedoc et en Guyenne ; Richard de Bretagne, seigneur de Châteaumur, titulaire du comté d'Étampes depuis 1421 par la faveur de Charles VII ; Jean, comte d'Harcourt, qui avait été fait prisonnier à Azincourt ; Charles II, sire d'Albret, comte de Dreux, plusieurs fois récompensé par Charles VII pour ses services, entre autres en février et novembre 1425 pour la garde de ses châteaux et forteresses situés en Guyenne (Anselme, t. VI, p. 212) ; Mathieu de Foix, qui avait reçu le comté de Comminges en épousant, le 15 juillet 1419, la comtesse Marguerite, et qui, après avoir été attaché au parti du duc de Bourgogne, fit serment de fidélité à Charles VII et renonça, le 16 février 1425, à toute alliance qui aurait porté tort au roi (Anselme, t. III, p. 572 ; Charles Higounet, Le comté de Comminges de ses origines à son annexion à la couronne, Toulouse, 1949 [repr. 1984], p. 581-589).
11 Jean V, duc de Bretagne (1399-1442) : voir ci-dessus, note sur la datation de la formule.