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[fol. 163]
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Povoir sur toutes finances, bien ample1

Charles, par la grace de Dieu roy de France, a tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons que, pour l'entiere confiencea que nous avons des grans sens, loyaulté, preudommie et bonne diligence que par experience savons estre en la personne de nostre amé et feal chevalier, conseiller et chambellan Jehan Louvet, seigneur de Mirandol2, lequel pour certainnes causes qui grandement nous touchent avons chargié de soy presentement transporter en noz païs de Languedoc et duchié de Guienne, espicialment de savoir au vray de l'estat et valleur de noz finances d'iceulx païz affin d'en estreb par lui informez et en avoir clere congnoissance, nous ledit seigneur de Mirandol avons fait, ordonné, commis et establi, faisons, ordonnons, commettons et establissons par ces presentes de nostre certainne science souverain et general gouverneur par dessus tous d'icelles noz finances presentes et a venir, tant de celles de noz revenues ordinaires et de noz monnoyes que de noz greniers et gabelles et aussi des aides, tailles et subvencions octroyees et a octroyer, des traictes de vins, de blez, de sel et autres denrees, et generalment de toutes noz finances quelles qu'elles soient, tant ordinaires que extraordinaires, desdiz païs de Languedoc et duchié de Guienne. Et lui avons donné et donnons par cesdictes presentes plaine puissance et auctorité de besoingner, vacquer et entendre au fait, gouvernement et administracion d'icelles noz finances, soit seul se bon lui semble ou autrement en la compaignie et appellez avecques lui les generaulx conseillers et autres commissaires sur le fait desdictes finances ou les aucuns d'iceulx, demander et faire venir par devers lui toutes et quanttes fois et en tel lieu que bon lui semblera pour besoingner oudit fait lesdiz generaulx conseillers et commissaires, les receveurs generaulx et particuliers, les grenetiers et autres noz officiers desdictes finances ; de veoir leurs estaz, les chargez qui sont sur leurs receptes, restraindre ou du tout rayer et casser celles que bon [fol. 164] lui semblera, avancer les unes et delayer les autres ainsi qu'il verra estre a ffaire ; de assoupper3, rompre ou delayer toutes assignacions faictes ou a ffaire sur nosdictes finances a quelque cause que ce soit, tant pour don, prest, debte et restitucion que autrement ; de assoupper aussi et, se bon lui semble, diminuer et admoderer tous gaiges, tauxacions, pensions a vie tant ordinaires que extraordinaires ; de suspendre tous officiers chargiez de recepte esdiz païs ; de commettre en leurs lieux autres ; de congnoistre de toutes amendes, confiscacions et forfaictures ; de sur ce et noz autres debtes composer et faire telle grace et quittance en nostre nom comme bon lui semblera ; de bailler ses lettres et mandemens a nosdictes gens et officiers pour convertir nosdictes finances selon que par lui et sesdictes lettres leur sera ordonné es choses neccessaires touchans nous et noz affaires ; de tauxer nouveaulx gaiges et tous sallaires, voyages et despens ; de faire faire toutes excusacions et contrainctes sur nosdictes finances, mesmement sur ceulx qui lui seront desobeïssans es choses devantdictes tout ainsi qu'il est acoustumé de faire pour noz propres debtes ; et generalment de faire, ordonner, commander et disposer sur ledit fait et gouvernement, administracion et despencec de nosdictes finances, espicialment en tout ce qui toucheroit nous et noz officiers, tout autant que nous mesmes en nostre personne, se presens y estions et faire le pourrions. Et ne voulons pas que sans ledit seigneur de Mirandol, mesmement tant qu'il sera esdiz païz, lesdiz generaulx conseillers ou autres commissaires sur lesdictes finances, soit Jehan Havart4 ou autre, quelque povoir qu'ilz aient eu de nous, puissent ne doient besoingner en aucune maniere ou fait de nosdictes finances sans ledit seigneur de Mirandol, lequel ce neantmoins y pourra besoingner sans eulx, si comme dessus est dit ; ains par cesdictes presentes leur interdisons quant ad ce toute congnoissance, en revoquant, rappellant et abolissant tout leurdit povoir, reservé seulement ce qu'ilz feront et besoingneront en cellui fait en la compaignie et soubz l'auctorité et consentement d'icellui seigneur de Mirandol. Si donnons en mandement par cesdictes presentes ausdiz generaulx conseillers et commissaires, audit Havart et ausdiz receveurs generaulx et particuliers, grenetiers, maistres de pors et autres officiers dessusdiz, tant presens que a venir, et a chascun d'eulx endroit soy si comme a lui touchera, que audit seigneur de Mirandol et a ses lettres et mandemens sur les choses devantdictes, leurs circunstances et deppendences [fol. 164v] facent et donnent telle et semblable obeïssance comme faire devroient a nous et aux nostres lettres, en gardant sans aucune transgression ceste nostre ordonnance sur peinne de privacion de leurs offices, d'encourir nostre indignacion et d'en estre pugni en corps et en biens selon l'exigence du cas. Et mesmement mandons et deffendons sur lesdictes peinnes ausdiz receveurs, grenetiers et autres officiers devantdiz chargiez de recepte que d'ores en avant aprés la publicacion de ces presentes, que voulons estre faicte partout ou il escherra, ne paient aucune chose de leurs receptes, quelque mandement ou descharge qu'ilz ayent pour ce eu ou pourroient cy aprés avoir de nous ou d'autre, sinon seulement ce qu'il leur sera ordonné par nostredit conseiller et par ses lettres. Par lesquelles rapportant avecques vidimus de cesdictes presentes et les acquictz et quittances a ce pertinens et neccessaires, se le cas le requiert, voulons et mandonsd ce que paié ainsi auront estre alloué en leurs comptes et rabatuz de leurs receptes par noz amez et feaulx gens de noz comptes, ausquelz par expres deffendons que es comptes d'iceulx receveurs et grenetiers ne passent ou allouent quelque chose par eulx payee autrement que dessus est dit depuis ladicte publicacion. Car ainsi nous plaist et le voulons estre fait. Non obstans les dessusdictese puissances par nous autresfois donnees ausdiz generaulx et commissaires et quelzconques ordonnances, mandemens ou deffences a ce contraires. Et pour ce que de cesdictes presentes nostredit conseiller pourra avoir a faire en divers lieux, nous voulons que au vidimus, fait soubz seel royal ou auctentique, plaine foy soit adjoustee comme a ce present original. Par lequel mandons en oultre a nostre chier et amé cousin le conte de Foix5, nostre lieutenant general esdiz païs, et a tous seneschaulx et autres juges d'iceulx païs et a leurs lieuxtenans et a chascun d'eulx que a nostredit conseiller et a ses commis et depputez facent obeïr et entendre es choses dessusdictes par tous ceulx qu'il appartendra ainsi et par la maniere que dessus est dit, en lui donnant quant a ce et aussi a faire faire lesdictes execucions ou contrainctes toute faveur, conseil, confort, aide et prisons, se mestier en est et requis en sont. En tesmoing de ce, nous avons fait etc. Donné etc.


a précédé de conscience, rayé.
b d'entre ms, corrigé avec P.
c abrégé despen-, ms.
d suivi d'un q, amorce du mot que, abandonnée.
e dessusdicte ms.
1 La lettre a été signalée par Du Fresne, t. II, p. 617, qui l'avait retrouvée dans plusieurs formulaires (fr. 5053, 6022, 14371), dont celui que nous éditons, sans indication de date. Il propose de la situer à la fin mars 1425, sans développer ses arguments.
2 Familier de la maison d'Anjou, seigneur de Mérindol[-les-Oliviers] et d'Eygaliers (Drôme, cant. Buis-les-Baronnies), Jean Louvet était président de la chambre des comptes d'Aix en 1415 (d'où son surnom de président de Provence) et suivit le roi de Sicile, Louis II d'Anjou, à Paris. Commissaire général de toutes les finances pour le compte des Armagnacs en 1417, il devient très influent auprès du dauphin puis roi Charles VII. Sa promotion, en mars 1425, objet du présent acte (étendue au Dauphiné quatre mois plus tard), précéda de peu sa disgrâce, le 5 juillet 1425, qui était probablement l'effet de l'hostilité de la reine Yolande et du connétable de Richemont (Du Fresne, passim  ; Gaussin, Les conseillers de Charles VII, p. 119). Voir également la formule [17.28].
3 Achoper : retenir, annuler (Godefroy, t. I, p. 57).
4 Jean Havart apparaît en juillet 1425 comme receveur général de l'aide octroyée au roi par les gens des trois états du pays de Languedoc à l'assemblée d'Espaly en janvier 1425. Il était aussi commis a veoir et recevoir les rentes deues au roy par les estaz des monnoyes, greniers a sel, reves, traictes et impostz et de quelconques autres receptes et finances dudit pays de Languedoc (Michel Mollat, Un compte du grenier à sel de Capestang pour l'année 1424-1425, dans Annales du Midi, t. 78, 1966, p. 249-261, spéc. p. 257 et 260).
5 En février 1412, Jean Ier, comte de Foix, avait déjà été promu à la charge de capitaine général du pays de Languedoc et du duché de Guyenne par Charles VI, qui souhaitait le voir défendre ces provinces contre Bernard d'Armagnac (Françoise Lehoux, Jean de France, duc de Berri, Paris, 1968, t. III, p. 260). Il fut nommé le 17 août 1418, par le dauphin Charles, lieutenant et capitaine général pour tout le pays de Languedoc et le duché de Guyenne. Après une période d'hésitation entre les deux factions rivales, le comte de Foix fut réinvesti par Charles VII de la lieutenance générale en Languedoc et en Guyenne au-delà de la Dordogne, en janvier 1425 (Léon Flourac, Jean Ier comte de Foix, vicomte souverain de Béarn, lieutenant du roi en Languedoc, Paris, 1884).