Le contenu du formulaire
Dans la version ici éditée, le formulaire d'Odart Morchesne comprend successivement les pièces suivantes : une table des matières des formules ; le formulaire proprement dit (chapitres [1] à [17]) ; une série de conseils généraux aux notaires et secrétaires du roi (chapitre [18]) ; une liste des évêchés de France, d'Angleterre et d'Écosse, en latin et en français, doublée d'une liste également bilingue des pays ; une ébauche de chronique des années 1407-1424.
Le plan du formulaire proprement dit est fondé moins sur des types diplomatiques (à l'exception du chapitre [17], consacré aux chartes) ou sur des catégories documentaires, que sur des types ou domaines d'intervention assez précis, le long chapitre fourre-tout des Lettres diffuses [11] donnant une indispensable souplesse à un système rarement pris en défaut. Plusieurs chapitres tirent leur unité de la nature des formules qu'ils regroupent, Debitis, Sauvegardes, Respiz, etc., ou de la matière traitée, Offices, Collacions… D'autres sont définis par la forme du geste royal mis en œuvre par les formules. Ainsi des lettres sont-elles regroupées sous la notion de Congiez [6], c'est-à-dire de permissions accordées par le roi ; on y trouve aussi bien la permission à un officier royal de cumuler deux fonctions, que la permission à une ville de se doter d'une enceinte ou de lever impôt. De même, le chapitre des Deffenses [11] regroupe des interdictions royales aussi différentes que celle de blasphémer ou celle de transporter des menues monnaies à l'extérieur du royaume.
La pertinence du plan est rarement prise en défaut. Les deux formules d'ajournement [1.9] et [1.10] seraient mieux à leur place dans le chapitre [5], Ajournemens. D'autre part, une erreur majeure pourrait bien remonter au moment où Morchesne lui-même a ordonné les chapitres : un chapitre bicéphale de Povoirs (comprendre des lettres de pouvoirs à des ambassadeurs, puis des lettres de pouvoirs divers) serait plus naturellement composé des formules [15.1] à [15.8] puis [16.3] à [16.6], quand un autre chapitre aurait beaucoup plus naturellement regroupé les Alliances [15.9] à [15.11] et Deffiances [16.1] et [16.2].
Si l'on écarte, au plus juste, les quatre actes blancs et les deux doublons patents, le recueil compte au total 268 formules différentes d'actes (et parfois de parties d'actes), dont 177 en français et 91 en latin. Toutes les formules ne sont pas au nom du roi ou dauphin, mais dix-sept ont d'autres auteurs, sans pour autant sortir du champ d'activité des notaires et secrétaires du roi (elles concernent alors spécialement les finances).
La recherche des sources exploitées par Morchesne est grandement facilitée par le fait que des données factuelles ont été plus ou moins copieusement conservées dans nombre de formules : date, nom du bénéficiaire, contexte de délivrance de l'acte… Sans pouvoir prétendre à l'exhaustivité, les résultats déjà obtenus montrent chez Morchesne la conjonction de deux soucis :
- puiser délibérément et massivement à la documentation la plus contemporaine, la seule du reste qui lui fût disponible loin de Paris – actes rédigés par lui-même, brouillons de confrères, archives de la chancellerie de Bourges, originaux entre les mains de fidèles de Charles VII… ;
- y adjoindre soit quelques actes plus anciens et fameux (alliance conclue en 1299 entre Albert, roi des Romains, et Philippe le Bel ; lettre de défi adressée à Charles VI par le duc de Gueldre en 1387, suivie de la lettre de défi que le roi avait fait parvenir au duc de Juliers ; ordonnance de 1389 sur le travail des notaires et secrétaires du roi), soit des formules qui circulent déjà au temps de Charles V, et ce pour des types d'actes à la rédaction plus stéréotypée : états, debitis, sauvegardes, collations de bénéfices…
Le recueil est donc riche à la fois de son immersion dans l'actualité la plus immédiate, qui n'est pas pour rien dans sa capacité d'évocation des premières années du royaume de Bourges
, et de la réception d'une tradition puissante et vivante.
Offrant un condensé de la production de la chancellerie (mais un fugace aperçu de la production des secrétaires, puisqu'il ne donne que quatre modèles de lettres de par le roi), le formulaire est une pierre de touche idéale pour étudier les méthodes rédactionnelles mises en œuvre, la part et la qualité du latin et du français, le docte attachement aux préceptes de la grammaire.