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Édition du lectionnaire sanctoral

Principes d'édition

Principe directeur

Il ne s'agit pas ici de reconstruire en s'appuyant sur plusieurs manuscrits l'archétype de la tradition, ce « manuscrit unique », « proche de la composition du texte » et « prototype de la tradition » tout à la fois1, mais d'éditer LHR sur le principe de l'édition d'un unicum.

Certes, EHR est tout proche de la composition du texte, puisqu'il a été copié en 1256-1259 ; certes, ce manuscrit n'a pas son pareil, puisqu'il est l'unique exemplar à être parvenu jusqu'à nous ; certes encore, qui dit exemplar dit en principe ipso facto prototype de la tradition manuscrite, puisque c'est dans ce but même que l'on en élabore un, pour plus de facilités de copie et surtout pour plus de fidélité au texte à transmettre. Et les Chapitres dominicains conçoivent bien l'exemplar comme un prototype / archétype de la tradition, fût-ce par le biais de corrections et non de copies entièrement nouvelles, eu égard à la continuité de la révision de 1254-1256 avec les travaux précédents... et au coût extraordinaire de toute autre forme de diffusion :

Quicumque scripserint usque hodie aliquid de Officio non dent ad transcribendum aliis quousque correcta fuerint diligenter ea que scripserunt ad exemplaria que sunt Parisius ; et quicumque a modo scribent, non utantur illis scriptis, quousque per fratres diligenter correcta fuerint scripta illa, nec credatur particularibus correctionibus quas quidam dicuntur portasse in quaternis et cedulis 2 .

Mais là où les choses se gâtent en ce qui concerne EHR, c'est que ce manuscrit semble avoir été très vite, pour ne pas dire aussitôt, dévié de sa finalité initiale. De fait, les récentes études du P. Boyle3 ont permis de relever des marques de l'utilisation au chœur de tel ou tel livre de l'Ecclesiasticum officium, dont le Lectionnaire (avant reliure de l'ensemble bien sûr), mais aucune trace de sa copie par pecia.

Seule une analyse étendue de la tradition manuscrite ultérieure permettrait de trancher définitivement cette question. Mais en tout état de cause, LHR reste l'unique témoin direct, fidèle et officiel, de la révision humbertienne des leçons de matines, et c'est en tant que tel qu'il mérite l'édition qui seule permettra à tous les chercheurs d'en apprécier la portée et l'éventuelle postérité, liturgique comme extra-liturgique.

Dans un tel contexte, on pourrait être tenté par une édition fac simile à l'anglaise. Mais une édition n'est pas un microfilm. Ma ligne de conduite a donc été la suivante : signaler à l'attention du lecteur tout ce qui est signifiant, et rien de plus ; éliminer de l'apparat critique toutes les fautes et particularités récurrentes, celles-ci ayant déjà été analysées dans le cadre de l'étude de l'orthographe du Lectionnaire.

Signalement des fautes et particularités graphiques

J'ai distingué quatre cas. D'abord, celui des fautes ponctuelles (non signifiantes) et corrigées ; ensuite celui des fautes récurrentes et corrigées : ces deux cas de figure sont mis sur un plan d'égalité dans l'édition (cf. paragraphe 1.2). Puis vient le cas des fautes non corrigées : celles-ci sont systématiquement signalées dans le cours de l'édition (cf. paragraphe 1.3). Enfin restent toutes les particularités graphiques, largement récurrentes, et que le correcteur n'a pas toujours sanctionnées : dans ce dernier cas on ne pouvait décider a priori et globalement s'il était opportun ou non de les signaler dans le cours de l'édition, d'où une politique plus diversifiée (cf. paragraphe 1.1). On aboutit ainsi au système suivant.

Particularités graphiques

Morphologie
  • L'intervention du correcteur est toujours signalée lorsqu'il modifie le lexique ou l'étymologie d'un terme (type auctor / actor). La graphie initiale du scribe est alors mentionnée en note, et c'est l'état après correction qui figure dans le texte.
  • La suppression systématique du 2e i de hiis n'est nulle part signalée dans l'édition, qui donne uniquement et directement l'état après correction.
  • On se souvient que le scribe introduit systématiquement, dans les mots formés par préfixation, un petit espace entre le préfixe et le radical, mais que le correcteur ne les a soudés d'un tiret que lorsque l'espace laissé par le scribe pouvait induire le lecteur en erreur. Je n'ai pas signalé cette intervention dans le cours de l'édition, où préfixes et radicaux sont toujours soudés selon notre mode normal d'écriture. De même n'ai-je pas relevé l'usage du scribe qui consiste au contraire à rapprocher une préposition de son régime.
Phonétique
  • La suppression systématique des p épenthétiques n'est nulle part signalée dans l'édition, qui donne l'état après correction.
  • L'assourdissement du d de sed en t ne pose de problème d'édition que lorsque la conjonction apparaît sous sa forme abrégée. J'ai opté pour la résolution sed, c'est-à-dire pour la forme que privilégie le correcteur. L'édition ne distingue donc pas le cas où la graphie sed résulte d'une correction de la forme set, et le cas, de loin le plus fréquent, où la graphie sed correspond au développement de l'abréviation du manuscrit.
  • Pour ce qui est de la tendance à transformer en n, par exponctuation du 3e jambage, le m de mots comme eamdem, tamquam, etc., l'intervention du correcteur, fréquente sans être systématique, s'avère parfaitement aléatoire. Donc, lorsqu'il a effectivement substitué la graphie en n, j'ai retenu implicitement l'état après correction, sans préciser au cas par cas si le scribe avait de lui-même opté pour la graphie avec n, ou si c'était le correcteur qui avait censuré le m.
  • Pour ce qui est de l'omission répétée des nasales implosives et des hésitations auxquelles donnent lieu les constrictives, j'ai fait état de la graphie du scribe (entérinée par le correcteur), tout en donnant la forme normale, soit en note, soit en suppléant la lettre manquante entre crochets droits dans le texte lui même.

Fautes corrigées

Ne sont mentionnées en aucune manière :
  • les corrections orthographiques récurrentes.
    Ex. : celles qui portent sur les redoublements de consonnes erronés (du type occulis).
  • les corrections de mise en page récurrentes.
    Ex. : la destination de l'office est très généralement ramenée en tête, avant la source des leçons, quand le scribe avait inversé ces deux éléments.
  • les corrections orthographiques portant sur des lapsus calami sans signification particulière (omission ou bissage d'une lettre ou d'une syllabe, etc.). Cependant les lapsus ponctuels ont été signalés en note dans l'unique mesure où ils pouvaient résulter d'une mauvaise compréhension du texte ou de la confusion entre deux termes proches de la part du scribe.
    Ex. : j'ai mentionné que le scribe avait écrit dicere au lieu de discere au n° 119.1, alors que je n'ai pas signalé qu'il avait oublié le premier r de armoriolo au n° 3.2 (le correcteur l'a ajouté dans l'interligne), ou le s de presbiter au n° 17.1 (le s a été ultérieurement greffé sur le b) .

Dans tous ces cas et de façon implicite, c'est l'état après correction qui a été retenu.

Sont signalées en note
  • les omissions d'un mot ou de tout un membre de phrase (les termes en question ont alors été ajoutés en marge du Lectionnaire).
  • les inversions ponctuelles de termes dans le corps des leçons.
    Ex. : au n° 1.1b, a qua nullis temptationum improbitatibus posset deici, écrit d'abord a qua nullis temptationum posset improbitatibus deici.
  • les coupures de mots erronées, soit qu'un terme ait d'abord été écrit en deux mots, soit que deux termes aient d'abord été écrits en un seul mot4.
    Ex. : a qua écrit d'abord aqua au n° 1.1b ; adeo écrit d'abord au a Deo n° 9.9. Ou encore au n° 19.3, un fallacieux pro scriptione, réuni ensuite en un seul mot par le correcteur.

Fautes non corrigées

Figurent dans le texte :
  • entre crochets droits [], tout mot ou lettre(s) omis par erreur et qu'il faut suppléer sous peine d'entraver la bonne compréhension du texte5.
    Ex.: au n° 35.1, « Maria virgo est ante partum ' et virgo in partu ' et virgo [post] partum ». Le « post » manquait dans le manuscrit.
  • entre parenthèses (), tout mot ou lettre(s) qu'il faut supprimer sous peine d'entraver la bonne compréhension du texte.
    Ex.: au n° 3.8', indesi(g)nenter, comprendre inde­sinenter.

Particularités de transcription

Résolution des abréviations

Le Lectionnaire comporte un nombre assez restreint d'abréviations, et il n'en est aucune qui ne soit d'usage courant6. Signalons simplement le a suscrit sans valeur abréviative uniformément utilisé dans l'abréviation d'evangelium et de tous ses composés. On le retrouve en quelques autres occasions, comme dans Marchus (n° 22.4), debeamus (n° 129.6), ou encore Martinus (n° 150.a), et passim. L'emploi du s final suscrit sans valeur abréviative (en bout de ligne) est omniprésent.

Lorsqu'une abréviation est employée, elle l'est à peu près systématiquement. Faute de graphie développée, il a parfois fallu opter arbitrairement pour une résolution plutôt qu'une autre. Ainsi, pour l'abréviation traditionnelle Jhs, que l'on pouvait développer Jhesus et Jesus, j'ai choisi la seconde graphie.

Cependant, on peut avoir la chance de rencontrer une fois ou l'autre la forme développée. Par exemple, alors que partout ailleurs on ne trouve qu'epla / eple, l'unique epistolis écrit en toutes lettres au n° 25.2 nous a fait opter pour la résolution avec o plutôt que u, ce qui est d'ailleurs la graphie normale au Moyen Age.

Mais il reste le cas des abréviations que le scribe développe tantôt d'une façon, tantôt d'une autre. Comment développer le tilde d'un circucisi lorsque l'on rencontre indifférement des circuncisi et des circumcisi (n° 12) ? Pour ne pas parler de y distribués au petit bonheur dans martyr et ses composés... Dans la résolution de telles abréviations, j'ai en fait retenu tantôt l'une, tantôt l'autre des graphies en m'alignant sur celle qui avait été adoptée par le scribe dans le contexte immédiat. Néanmoins, puisqu'au milieu d'innombrables kmi, on trouve une poignée de karissimi et autant de carissimi, c'est cette dernière graphie, pour nous être plus familière, qui a été retenue quand il fallait résoudre l'abréviation.

Enfin, et quoique l'usage du compilateur reste flottant lorsque le terme apparaît en toutes lettres, l'abréviation oct. a été quant à elle résolue Octava (au singulier) lorsqu'elle désigne le jour d'Octave proprement dit, et octavas (au pluriel) lorsqu'il s'agit de la semaine d'octave.

Développement des indications chiffrées

Dans le manuscrit, les cardinaux comme les ordinaux apparaissent soit en toutes lettres, soit en chiffres et entre deux points.

Ex. : Notandum quod iste Severus fecit opuscula .V. (n° 143.N), mais In festo septem fratrum (n° 76). Secundum Matheum. IIII. e. (n° 2.7), Lectio .Ia. (n° 1), mais Lectio secunda (n° 1).

Cette opposition entre l'expression en chiffres ou en lettres est respectée dans ma transcription, à quelques exceptions près :
  • Dans le manuscrit, les numéros des leçons sont exprimés en chiffres ou en lettres en fonction de l'espace dont disposait le rubricateur. Dans l'édition ils sont toujours donnés en toutes lettres (Lectio prima, Lectio secunda, etc.)
  • Les références scripturaires n'apparaissent jamais en toutes lettres. Je les ai donc conservées sous leur forme chiffrée, mais en calquant notre mode de référence actuel par chapitre et verset : Secundum Matheum, IIII, e (sans points).

Ambivalences graphiques

On sait l'ambivalence graphique des c et t dans les manuscrits médiévaux. Le Lectionnaire, quoique remarquablement calligraphié, n'échappe que très partiellement à cette confusion. En cas de doute, c'est l'orthographe classique, laquelle nous est plus familière, qui a été retenue.

Par ailleurs, alors que le scribe se pique d'écrire etsi, nonnullus, postmodum, quamdiu, necnon, etc., en deux mots, le correcteur préfère généralement souder ces termes. Lorsqu'il ne l'a pas fait, j'ai implicitement procédé à la même réunion, et régularisé le système graphique dans le sens qui nous est le plus coutumier.

L'emploi des majuscules se conforme aux usages contemporains.

Conventions typographiques

Traduisant une réalité du manuscrit

Encre noire, encre rouge
  • Caractères romains = corps du texte, copié à l'encre noire.
  • Caractères italiques = tout ce qui apparaît en rubrique dans le manuscrit.
Signes de versiculation
  • Majuscule = pause forte (finis versus, punctus + littera notabilior).
  • * = pause médiale majeure (mediatio, punctus elevatus).
  • + = pause médiale mineure (flexa, punctus flexus).
  • ' = pause faible ([respiration], punctus).
  • ? = point d'interrogation (interrogatio, punctus interrogativus).
Signes d'adaptation
  • . Å . = signe utilisé par Humbert pour indiquer que la source employée a été adaptée par sélection.
  • . T . = signe utilisé par Humbert pour indiquer que la source employée a été adaptée par réécriture.

Dans le manuscrit, les deux symboles . Å . et . T . sont généralement encadrés de deux points. J'ai systématisé cette pratique dans l'édition. Dans le manuscrit, ils sont indifféremment copiés en rouge ou en noir ; dans l'édition, ils sont toujours donnés en caractères romains.

Correspondant à une intervention de ma part

Artifices d'édition
  • Petites Capitales = citations bibliques dans le cours des leçons.
  • () lettre ou mot à supprimer.
  • [] lettre ou mot ajouté, information complémentaire.

Les numéros des feuillets, en particulier, figurent entre crochets droits, de même que les références des citations scripturaires. Lorsque la référence est précédée de « cf. », c'est que la citation est abrégée. Par exemple au n° 104.4, Pater, volo ut ubi ego sum * et illi sint mecum [cf. Jo. 17, 24]. Je ne signale pas les simples allusions aux Ecritures. Par exemple, en 104.7, « Si enim omnium sanctorum mors est preciosa * Marie sane est preciosissima », l'allusion au Ps. 115, 15 n'est pas indiquée. En revanche, on aura au n° 24.9 : « Sed in his omnibus nichil aliud est * nisi preciosa semper in conspectu Domini mors sanctorum ejus [Ps. 115, 15]. »

Signes de ponctuation
En complément à la versiculation, ont été introduits les signes suivants :
  • ! = point d'exclamation, qui correspond dans le manuscrit à une pause forte.
  • « ... » = guillemets et/ou deux-points, qui correspondent dans le manuscrit à une pause forte, sauf indication contraire explicite.
    Dans le corps des leçons, il arrive en effet que des paroles rapportées suivent une pause médiale et non une pause forte. Par ailleurs, j'ai usé des guillemets pour isoler tout terme ou groupe de mots venant comme une définition, ou une explication étymologique. Par exemple, au n° 56.1, Barnabas hebraice ' latine filius prophete vel consolationis... devient dans mon édition « Barnabas » hebraice ' latine « filius prophete » vel « consolationis », alors qu'aucun signe particulier n'isole ces définitions dans le manuscrit.
  • , = virgule, lorsque le sens et la syntaxe nécessitent cette marque de ponctuation.

Dans les notices liminaires, les signes de ponctuation modernes ont été substitués aux symboles de versiculation du manuscrit.

Identification des textes hagiographiques
  • référence précédée du signe « = »  : le texte répertorié dans la BHL figure in extenso dans le Lectionnaire.
  • référence donnée seule : le texte de la BHL n'a fait l'objet d'aucune adaptation.
  • référence précédée du signe « < » : le texte de la BHL a été adapté par sélection.
  • référence précédée de « cf. » : le texte de la BHL a été adapté par réécriture.
  • référence suivie d'un point d'interrogation : signale un doute sur l'identification du texte de base.
  • tiret « - » entre deux références = « et » (cas d'un récit réparti sur plusieurs numéros de la BHL).
  • barre oblique entre deux références « / » = « ou » (hésitation entre plusieurs versions d'un récit hagiographique).

Liste des abréviations

  • ab. : abbas
  • abbr. : abbreviavit
  • a.c. : ante correctionem
  • add. : addidit
  • AF : homéliaire d'Alain de Farfa
  • ap. : apostolus
  • app. : apostoli
  • BMV : beata Maria virgo
  • c. : confessor
  • corr. : correxit
  • d : duplex (festum)
  • D : dominica
  • del. : delevit
  • ep. : episcopus
  • evg. : evangelista
  • exp. : expunxit
  • F : feria
  • ETP : extra Tempus Pascale
  • in marg. : in margine /marginem
  • par défaut, cette observation s'applique à toute la ligne en fin de laquelle on la trouve.
  • inf. oct. : infra octavas
  • inter l.: inter lineas
  • inv. : inversum
  • m. : martyr
  • mm. : martyres
  • Oct. : Octava
  • om. : omisit
  • p. : papa
  • p.c. : post correctionem
  • pbr. : presbyter
  • PD : homéliaire de Paul Diacre
  • rep. : repetivit
  • s : simplex (festum)
  • S : sabbatum
  • S. : sanctus / sancta
  • sd : semi duplex (festum)
  • SD : si fuerit dominica
  • SND : si non fuerit dominica
  • SS. : sancti / sanctae
  • td : totum duplex (festum)
  • tl : trium lectionum (festum)
  • TP : in Tempore Paschali
  • tr. : transposuit
  • v. : virgo
  • vig. : vigilia

1 Sur ces caractéristiques fondamentales dans une perspective éditoriale, voir P. Bourgain, Sur l'édition des textes littéraires latins médiévaux, p. 35.
2 Cf. Annexe 2.1, à l'année 1257.
3 A Material consideration..., dans Liturgie, musique et culture...
4 Ces erreurs doivent être distinguées du « tic » graphique du scribe qui consiste à espacer très légèrement le préfixe du radical dans les mots formés par affixation. Lorsque la graphie en deux mots pourrait résulter de cette particularité morphologique tout aussi bien que d'une mauvaise compréhension du texte, j'ai préféré, dans le doute, mentionner en note la graphie fautive.
5 Mais les erreurs portant sur des lettres géminées ne sont pas corrigées (par exemple j'ai conservé l'opido du n° 143.1), pas plus que n'est modifiée la graphie au demeurant fort courante de Matheus pour Mattheus / Matthieu.
6 L'ambiguïté de l'abréviation epla (epistula ou epula) se lève d'elle-même suivant le contexte.