École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 1 » V. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs prieuré de Cluny, sous le règne de Philippe Ier » Vers 1089

Adebran, vassal de Guérin II de Paris, fils de Milon I, pour la terre de Sevran, au comté de Dammartin, la cède à Saint-Martin-des-Champs sous certaines réserves ; d'un commun accord, les parties nomment un maire, Thibaud, pour l'administrer ; la seigneurie et la justice demeurent aux moines, propriétaires du siège du domaine (villa). Consentement de Guérin II de Paris et de son fils Milon III. Approbation du comte Hugues de Dammartin, qui tenait Sevran en fief de l'évêché de Paris, comme casatus.

  • A Original perdu.
  • B Copie de 1118, Bibl. nat. de Fr., ms. lat. 10977, Liber Testamentorum, fol. 33, nº 72.
  • C Copie du xve s., A. N. S 1362.
  • a Marrier, Monasterii S. Martini... historia, p. 483.
  • b Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
D'après b.

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum volo fieri sanctæ matris Aecclesiæ filiis quod Hadebrannus98, divina inspiratione admonitus, dedit æcclesiæ [Sancti] Petri Cluniacensis et æcclesiæ Sti Martini de Campis totam villam que Ceverencus vocatur97, cum suis appendiciis, determinatam tamen ut in subsequenti describemus paucis verbis : Altare et æcclesiam et atrium dedit supradicte æcclesiæ Sti Martini extra partem. Villam vero tali pacto ut dimidium redditum a priore et senioribus teneret in fedo sive in legibus, seu quibuslibet consuetudinibus. Major a priore et seniorioribus inibi constituetur, qui utrisque sub juramento faciet fidelitatem, suam unicuique redditurus medietatem. Sub manu prioris erit senioratus et justicia, ut illius cujus est villa. Supradictus Hadebrannus in qua parte ville elegerit, domuma in dominium sine censu seu aliqua consuetudine possidebit, in æcclesia archas seu alia vasa sine arcandio habebit.

Hoc concessum est a Gaufredo tunc Parisiensi episcopo18, et ab Hugone comite de Domno martino10, qui villam supradictam ex episcopi tenebat casamento.

Firmatum est etiam a Guarino, Milonis filio17, qui eam tenebat a comite supradicto, in communi Sti Martini capitulo, et Milone ejus filio, cum Hadebranno qui totum tenebat ab ipso Guarino. Hoc ordine ita prosecuto, Warinus et filius ejus Milo cum Hadebranno, in communi Sti Martini æcclesia, donum posuerunt super altare dominicum, videntibus cunctis qui aderant, qui matris Aecclesiæ testes existant, ne eam injuriari permittant, que eos introducat in vitam æternam.

Hæc sunt autem nomina eorum qui in hac cartula scribi potuerunt, quos scribat in Libro viventium Scriptor ille beatus, qui scribebat in terra digito, oblata sibi muliere in adulterio deprehensa :

Walbertus de Burriaco ; Richardus filius ejus ; Rodulfus nepos ejus66 ; Lamelinus (sic) Roscelini ; Rotbertus de Ganturane, Elinandus de Fai ; Tetbaldus filius Geheldis ; Wirrigus Malusvicinus, Rodulfus frater ejus70 ; Hubertus de Roseto101 ; Hildigerius de Greva ; Lisiardus filius Ansoldi Parisiensis100. De famulis Sti Martini : Joscelinus, Rainaldus Ad-Barbam ; Adelelmus Barbatus, Walterius de Buhulco101.

Post transacto multo tempore, rationem habuit Hadebrannus cum priore et senioribus, ubi omnia recapitulata sunt, que superius diximus. Unde testes fuerunt hi : Rotbertus Stephani filius154 ; Fulco monetarius ; Walterius major, Warinus frater ejus36 ; Herlebodusa Stephanus, Hugo de Aneto13, Frotbertus frater ejus : Teobaldus major de Cevrenco97 ; et multi alii quos non est necesse modo nominare.


98 Pierre Sanglier, appelé ailleurs Petrus Aper. Sa sœur Agnès épousa Adebran de Sevran (nº105 infrà). Pierre Sanglier fit une libéralité à St-Martin, de concert avec Adeline sa femme, et ses fils Simon et Pierre (nº106).
a Les mots suivants sont restés en blanc dans C.
18 Cette pièce a échappé aux auteurs de la Gallia christiana nova, qui font commencer l'épiscopat d'Imbert « circà annum 1030 ». Puisque, en novembre 1060, il était dans sa 33e année d'épiscopat, il a été intronisé avant le 29 novembre 1028 ; or son prédécesseur Francon, cité dans un titre de 1028, étant mort le 24 juillet, il faut placer l'avènement d'Imbert entre le 25 juillet et le 29 novembre 1028 (Cf. Gallia, VII, 47-49, et D. Bouquet, Rec. des Hist. de France, X, 619). Imbert mourut le 22 novembre 1060, peu de jours après avoir donné cette charte, qui fut probablement écrite à l'occasion de la fête de St-Martin d'hiver, le 11 novembre. Geofroi de Boulogne, successeur d'Imbert, mourut le 1er mai 1095. (Depoin, Essai sur la chronologie des évêques de Paris de 778 à 1138, p. 23 ; tir. à p. du Bulletin historique et philologique, 1906, p. 236).

10 Hugues, comte de Dammartin, que nous rencontrerons plusieurs fois comme témoin de chartes postérieures, avait pour père Manassé, comte de Dammartin, frère de Haudouin III, comte de Ramerupt. Conseiller intime et probablement chambrier (noster a secretis) du roi Robert en 1031 (Bouquet, Rec. des Hist. de France, X, 626), Manassé périt auprès de Bar-le-Duc, dans la même journée où fut tué Eudes II, comte de Chartres (Hugues de Flavigny, Chron., ap. Mon. Germ. hist., Scriptores, VIII, 401 c'est-à-dire le 15 novembre 1037 (Aug. Longnon, Obituaires de la province de Sens, t. II, préface, p. viii). Sa veuve fit de grandes libéralités à St-Vanne de Verdun où les victimes du combat furent ensevelies (Vita S. Richardi abbatis Virdan., ap. M. G. h., Scriptores, XI, 288). Elle se nommait Constance ; c'était sûrement une fille de Robert le Pieux et de sa dernière femme ; filiation qui motive l'attribution des prénoms robertiens d'Eudes et de Hugues aux fils issus de son union avec Manassé (Guérard, Cartul. de St-Père de Chartres, p. 175). Eudes, omis par l'Art de vérifier les Dates, bien que cité avec son titre dans un diplôme de 1060, mourut peu après sans postérité mâle. Il laissa le comté de Dammartin à son frère cadet Hugues, précédemment établi à Bulles (Hugo Buglensis comes, titre que lui donne Ives de Chartres, éd. Bouquet, Rec. des Hist. de France, XV, 242), qui lui venait de sa femme Rohais. Au cours d'une grave maladie en 1075, il restitua à St-Lucien de Beauvais les églises de Bulles (Louvet, Hist. du Beauvoisis, I, 630-634) ; les chanoines qui les occupaient protestèrent devant le concile d'Issoudun en 1081 (Achery, Spicileg., III, 128). Revenu à la santé, Hugues partit en Terre-Sainte pour accomplir un vœu ; il y fut fait prisonnier, et sa rançon ayant été fournie par les Bénédictins du Bois-Saint-Michel, dépendant de Vezelay, il fonda à son retour le prieuré clunisien de St-Leu d'Esserent (Louvet, I, 645 ; cf. Mém. de la Soc. acad. de l'Oise, X, 493) en 1081 (Chan. Eug. Müller, Cartulaire de St-Leu d'Esserent, pp. 1-6) auquel l'abbé de Cluny réunit St-Michel dont les moines se transportèrent à St-Leu (p. 11).

Hugues avait causé des inquiétudes à Philippe Ier, qui fortifia Montmélian, aux frontières du Senlisois, pour se protéger contre ses atteintes (Rec. des Hist. de France, XI, 158, 410 ; XII, 135). Il finit ses jours sous la bure, à St-Leu d'Esserent (Müller, p. 17). Dès 1103, il était remplacé par Pierre, son fils (Cartulaire A de Montier-en-Der, coll. Baluze, XXXIX, fol. 239'). Celui-ci tomba malade à Rosnay en Champagne, d'où était originaire sa femme Eustachie (Müller, p. 16). Il y mourut un 13 septembre, en 1105 ou 1106 (Obit. de la prov. de Sens, I, 456) ; il fut inhumé à St-Leu d'Esserent où les moines qu'il avait appelés à ses derniers moments, ramenèrent son corps au prix de mille peines. Il y reposa près de son père et d'un frère aîné mort jeune (avant 1081). Il laissait d'Eustachie un fils qui lui succéda, certainement Hugues II qui dès lors exerçait les fonctions comtales. L'Art de vér. les Dates (II, 661) le fait à tort frère de Pierre. Les actes de Hugues Ier ne lui attribuent, sur la fin de sa vie, qu'un seul fils et trois filles ; Basle, Aélis, Eustachie (nom porté déjà par une tante, issue du comte Manassé, et dont une fille, Agnès, épousa Guillaume vicomte de Mantes). Mariée d'abord à Aubri Payen de Mello, Aélis se remaria à Lancelin II de Beauvais, qui après 1111, succéda à Hugues II. Lancelin eut d'elle quatre enfants, dont deux, Manassé et Rohais, relevèrent des prénoms de l'ascendance maternelle. Mais Dammartin passa à Aubri Ier, que par son prénom l'on peut croire issu de la première union d'Aélis ; Lancelin n'aurait été que son mainbour : on ne s'explique pas autrement, d'ailleurs, que la nombreuse postérité de ce sénéchal ait pu être exclue du comté dont il avait été titulaire.

17 Il n'est pas douteux qu'il ne s'agisse ici de Milon, frère d'Ansoud le Riche, et père de Milon II et de Guérin II, cités dans le diplôme de Henri Ier de 1059-1060 (nº 6 suprà). Milon ayant été gracié à la suite de la composition qui fait l'objet de ce diplôme, réclama d'abord contre la cession faite, puis transigea avec les chanoines de St-Martin.

Milon est cité en 1047 avec son frère Ansoud, dans un diplôme de Henri Ier : « in presentia... optimatum palatii regis, videlicet... Ansoldi quoque et Milonis pratris ejus. » (D. Bouquet, Rec. des Hist. de France, t. XI, p. 582). Sa disgrâce se place entre 1047 et 1059. Peut-être fut-elle motivée par son attitude durant la guerre entreprise par Henri Ier contre Guillaume de Normandie et qui se termina par la défaite des Français à Mortain en 1055. Un chevalier nommé Guérin de Maule fit partie de l'expédition de Guillaume le Conquérant en 1066 et de lui descendent les Maule d'Angleterre : la famille Le Riche de Paris avait donc des intérêts en Normandie ; il est possible que Milon ait voulu les ménager lors de la campagne de 1055, soit en n'y participant pas, soit en ne s'y comportant pas en fidèle vassal de la Couronne de France.

66 Richard, frère de Gaubert, châtelain de Boury près Chaumont-en-Vexin, organisa en 1097 la résistance contre les Anglais. Voir sur cette famille l'Appendice IX au Cartul de St-Martin de Pontoise, pp. 445 à 450.
70 Raoul de la Porte se rattache sans doute à Guerri Mauvoisin, appelé aussi de la Porte, dont les descendants conservèrent le second surnom (Appendices au Cartulaire de St-Martin de Pantoise, p. 252). Guerri avec son frère Raoul II Mauvoisin sont témoins ensemble vers 1089 (nº39 infrà). — Thibaud Corseint, d'une famille qui a possédé des fiefs en divers lieux du Parisis et du Vexin français.
101 Behoust, ca. Monfort-l'Amaury, ar. Rambouillet. — Rosay, ca. Mantes (S.-et-O.). Plus d'un Hubert de Rosay se rencontre dans le Cartulaire de St-Père de Chartres.
100 Lisiard (Lethardus, Lisiardus) fils d'Ansoud III Le Riche et neveu de Milon Ier dont les biens confisqués servirent à doter St-Martin-des-Cliamps. Ses descendants prirent habituellement son prénom comme surnom patronymique. Son fils Ansoud V (Ansoldus filius Lisiardi de Parisius) donna à Longpont tout ce qu'il avait dans la dîme de Nozay (Noerai) et une terre à Villiers, hameau de Nozay (ca. Palaiseau, ar. Versailles) pour l'âme de son fils Guérin V (Ms. lat, 9968, nos 289, 290). Il est encore témoin d'une charte de Louis le Gros donnée en 1108 peu avant son avènement (Ib. nº 42). Son frère Guérin IV (Garinus filius Letardi) souscrit un diplôme du même roi pour St-Magloire en 1112 (Ms. I. 5413, fol. 10). Il eut trois fils, Manassé qui fit don à Longpont d'un clos à La Celle de St-Cloud ; Milon et Anseau, cités avec Pierre, curé de Marcoussis, leur oncle (Ms. 1. 9968, nº 247). De Milon, fils d'Ansoud Lisiard, cité avant 1146 (A. N. LL 1024 fol. 74) sont issus les seigneurs de Courtry ; de Milon fils de Guérin IV ceux de Marcoussis, vassaux des Courtry au xiiie siècle (Ms. lat. 5466, p. 563). Milon de Marcolciis est contemporain du prieur Thibaud de Longpont vers 1154 (Ms. I. 9968, nº 46). Lisiard II, se croisant en 1201 (Dominus lestardus de Marchocies ad visitandum Domini sepulcrum iter arripuit), concéda à St-Wandrille des droits de pressurage sur des vignes du monastère ; ses frères Pierre et Hervé, fratres jamdicti Lesiardi (sic) y ajoutèrent le don d'une vigne dite Vinea Letardi (Gr. Cart. de St-Wandrille, arch. de la Seine-Inférieure ; cf. Malte-Brun, Hist de Marcoussis).
154 Etienne était prévôt de Paris en 1067 (nº12supra ; Cf. note 268) et peut être encore vers 1083 (nº24) : à ce moment son fils Robert, assistant à la donation de Foulques d'Annet, est qualifié filius prefecti. Robertus, filius Stephani prepositi Parisiensis, intervient dans l'accord entre St-Martin et le seigneur de Neuilly-sur-Marne (nº63). Ici il est accompagné de son frère Payen et de son neuveu Jean. Payen, fils d'Étienne, est témoin pour Raoul Deliés en 1092-1093 (nº53). C'est peut-être le même que Galon, frère de Robert, nommé avec lui et Henri, fils de Robert, en 1096 comme témoin de la donation de Montmartre (nº72). Robert de Paris, simple gentilhomme et nullement comte comme certains l'ont cru par méprise, se croisa et périt à la bataille de Dorylée (Riant, Note sur Robert de Paris, chevalier croisé. Bulletin de la Soc. de l'Hist de Paris, sept. 1879, 6e année, 5e livr., p. 130). On ne voit pas bien où se trouvaient ses domaines. Peut-être possédait-il Ivry-sur-Seine ; nous rencontrons plus loin Henri d'Ivry, gendre de Payen Hérisson de Neuilly qui prit Robert pour arbitre (nº63). S'il s'identifie avec Henri, fils de Robert, il faut lui donner pour frère Ansoud, Ansoldus filius Rotberti de Ivri, témoin en 1096-1097 (nº78). — Cf. Appendices au Cartulaire de St-Martin de Pontoise, p. 270.
36 Gautier, frère aîné de Thion, maire de Noisy-le-Grand, ayant été remplacé entre 1101 et 1105 et disparaissant à partir de ce moment (cf. note 272), cette charte se place entre 1079 et 1104 environ. On peut se demander si Archambaud qualifié maire n'aurait pas été le devancier de Gautier, qui n'a point de titre dans cette pièce ; d'autre part, les moines ne sont point nommés. C'est pourquoi nous proposerions de placer cette notice entre 1067, date de la dédicace de l'église dans laquelle fut fait le don, et 1079, époque de l'entrée des moines, mais à une date très voisine de 1079, en raison du surnom « de Campis « attribué au monastère.
13 Annet-sur-Marne, ca. Claye-Souilly, ar. Meaux (Seine-et-Marne).