École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 1 » V. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs prieuré de Cluny, sous le règne de Philippe Ier » 1067 — 1er mai 1095

Historique de l'érection d'une chapelle de secours. Une noble dame, sœur d'Hervé de Montmorency, qui s'était retirée d'abord au cloître de St-Paul de Beauvais, l'avait quitté, d'accord avec l'abbesse, pour aller habiter Ezanville, domaine qu'elle avait donné au couvent ; devenue trop souffrante pour suivre les offices à l'église paroissiale d'Ecouen, elle veut édifier un oratoire privé ; l'évêque de Paris, Geofroi de Boulogne, et l'archidiacre de Parisis, Dreux, le lui permettent ; le curé d'Ecouen, Robert, après s'y être opposé, finit par consentir, sous réserve qu'aucune messe ne serait dite dans cet oratoire aux principales solennités, ni à la fête de saint Acheul patron d'Ecouen, et que les épousailles et les relevailles se célébreraient à la paroisse.

  • A Original perdu.
  • B Copie de 1118, Bibl. nat. de Fr., ms. lat. 10977, Liber Testamentorum, fol. 32, nº 71.
  • a Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
D'après a.

Post domini nostri Jhesu passionem et suæ gloriose mortis resurrectionem, in universis gentibus predicatio successit profutura, ita ut, fide Xristi crescente, multi esse martires sive confessores meruerunt. Nec mirum quia illis aderat cor unum et anima una, et erant eis omnia communia ; de quibus dicitur : « Laudemus viros gloriosos. »

Ad eorum, nostris in temporibus, societatem quedam matrona tetendit, ingenua natalibusa regni Francorum ac probis moribus generosa ; et ut cum fratre soror, cum patre scilicet Herveo Burchardi Montismorenciaci, genealogiam duxit.

Audierat enim Dominum dicentem : « Nisi quis renuntiaverit omnibus quæ possidet, meus esse non potest discipulus ». Propter quod omne quod sibi aderat proprium dereliquit, et ut Xristi pauper fieri posset, cenobium Stæ Mariæ et Sti Pauli adiit, ibique sanctimonialis effecta, se totam ad Deo serviendum optulit. Sed, non post multos dies, ibi communi consilio decretum est ut ad quandam villam que vocatur Aysenvilla131, quam in alimoniis sanctimonalium suæ dederat æcclesiæ, obedienter permansura remearet. Sic illa, prout sibi permissum fuit, peregit. Tum denique, propter corporis infirmitatem et annorum suorum pluralitatem, cotidie ad æcclesiam ire non poterat, obedientiam sibi impositam ut onus importabile graviter sustinebat Igitur, Deo opitulante, Spiritus Sancti gratia admonente, Gaufredum Parisiensis æcclesiæ episcopum18 ac Drogonem archidiaconum, misericordiam deprecatura, requisivit ut, eorum assensu, quoddam oraorium facere posset ; in auribus oculisque eorum multimodo deploravit132

At illi continuo assensum dederunt, eo tenore si a sacerdote Rotberto qui æcclesiæ preerat, impetrare potuisset. Que audiens, leta rediit, et ad sacerdotem quantocius perrexit ; eique rem quam impetraverat per ordinem enarravit. Quibus auditis, sacerdotis animus perturbatus extitit.

In futurum precavere cœpit, matris æcclesiæ ne perderet timens, modis quibuscumque potuit contradixit. Verum ubi animum episcopi et archidiaconi cognovit, illius jussioni non resistit, sed dixit se concessurum, si mater æcclesia beneficia que a primordio optinuerat, non amiserit. Quod ex utraque parte concessum est, tali conventu quod in illa æcclesia, in missa a populo non audiretur, neque cantaretur, neque in octavis Domini, neque in Apparitione, neque in , neque in , neque in , neque in æcclesiæ, neque in , neque a quinta feria ejusdem septimane usque ad secundam feriam subsequentis ebdomade, nec , nec in et in die , neque in et defunctorum ; neque sponsus cum sponsa benedictionem acceperit, neque mulier post partum ad purificationem venerit. Et quicumque conventus hos tales violare voluerit, gladio anathematis, nisi resipuerit, percutiatur. Et hujus talis conventus testes fuerunt : Gaufredus episcopus18, Drogo archidiaconus79, Rotbertus presbiter, et alii quamplurimi. Laici vero : Otto major, Arnulfus frater ejus, Goifridus, Drogo, Grinbertus, Ermenfridus, Drogo miles, Airidus et ceteri quamplures .


a B natabus.
131 Ezanville, ca. Ecouen, ar. Pontoise (Seine-et-Oise).
132 Nous avons dû, nous en tenant aux indications strictes de la notice que nous a transmise le Liber Testamentorum, prendre comme limites de la période où les événements relatés se sont passés, d'une part la nomination de Dreux comme archidiacre (1067), de l'autre le décès de l'évêque Geofroi (1er mai 1095). Mais si l'on fait état d'indications contenues dans une Histoire de l'abbaye de St-Paul de Beauvais par l'abbé Deladreue (Mémoires de la Société académique de l'Oise, t. VI, p. 57), le terme final serait ramené au 21 octobre 1082, jour où mourut Adélaïde, abbesse de Saint-Paul. « Ce fut de son temps, dit-il, et vers l'an 1080 que fut fondé, sous son obédience, le prieuré d'Ezanville, près Ecouen. La terre de ce nom avait été donnée à l'abbaye par Bouchard III de Montmorency, lors de l'entrée en religion de l'une de ses filles en cette maison. Comme cette terre était très importante et nécessitait de continuels et longs voyages pour la régir, l'abbcsse se décida, pour éviter ce va-et-vient, à y envoyer quelques religieuses chargées de veiller sur l'exploitation, et d'en percevoir les revenus et les droits seigneuriaux. Ces religieuses devaient vivre dans la même régularité monastique qu'à St-Paul, et sous la conduite d'une prieure nommée par l'abbesse. Ce fut naturellement la mère de Montmorency qui eut cette charge. Elles s'installèrent dans le manoir seigneurial et y vécurent tranquillement, se rendant pour les offices à l'église d'Ecouen. C'était tous les jours un trajet assez long et parfois pénible à faire ; aussi ne tarda-t-il pas à fatiguer d'autant plus qu'il nuisait à l'esprit de recueillement des religieuses et devenait difficile pour la mère prieure, que des infirmités tourmentaient. L'abbesse Adélaïde, alors, intervint et sollicita de l'évêque de Paris l'autorisation de construire une église dans l'enceinte et pour le service du prieuré d'Ezanville. Geofroi de Boulogne, qui occupait alors le siège de Paris (1061-1095), et dans la dépendance duquel était situé cet établissement, accorda l'autorisation après avoir consulté Robert, le curé d'Ecouen, mais à la condition que les habitants du village d'Ezanville ne pourraient y assister à la messe les jours de Noël, de l'Epiphanie, de la Purification de la Ste Vierge, des Cendres, des Rameaux, du Jeudi-Saint et jours suivants, jusqu'au lundi de la Pentecôte, de la Toussaint, de la Commémoration des morts, de la fête du patron d'Ecouen et de l'anniversaire de la dédicace de l'église de ce lieu, et qu'ils seraient en ces jours tenus d'aller entendre la messe à Ecouen ; que, de plus, aucun baptême, ni aucun mariage ne pourrait être fait dans l'église d'Ezanville, au préjudice du curé d'Ecouen, sous peine d'excommunication. L'abbesse accepta ces conditions et le prieuré eut son église. — Adélaïde survécut peu à la fondation de cet établissement ; elle mourut le 21 octobre 1082, après avoir sagement régi pendant 21 ans son abbaye. « On remarquera, dans ce récit, des divergences sensibles avec le texte de la présente notice, qui attribue notamment la donation d'Ezanville à la sœur d'Hervé, et non pas à leur père Bouchard III. L'auteur, assez avare de citations, n'indique point ici ses sources ; il ne fait allusion à l'existence d'aucune autre que le fonds conservé aux Archives de l'Oise, qui n'est point inventorié, et une Histoire manuscrite rédigée par les religieuses d'après des documents et des traditions que nous ne pouvons contrôler, l'abbé Deladreue ayant laissé ignorer en quelles mains se trouvait le premier volume de cet ouvrage. Aux pièces justificatives il n'y a rien qui intéresse Ezanville, si ce n'est une bulle confirmative des biens de St-Paul donnée par Innocent IV en 1245 où on lit : « Domum de Essenville et medietatem ville ejusdem loci. » (Mém. Soc. ac., VI, 479). Le texte du Liber Testamentorum, qualifiant la sœur d'Hervé père de Bouchard IV « matrona », atteste qu'elle était veuve — ce dont on ne se douterait pas en lisant le récit de l'abbé Deladreue. Qu'on nous permette une hypothèse. Hervé de Montmorency avait eu la tutelle de Guillaume de Gometz, fils de Guillaume et d'Auberée (Alberada). Ce jeune homme aussitôt émancipé donna l'église de Gometz-le-Châtel à St-Florent de Saumur, abbaye à laquelle Hervé avait offert celles de Deuil, Gonesse, Verneuil et St-Marcel de Paris. Cela se fit le 25 mai 1081 ; Auberée était encore vivante (Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 4esérie, t. III, p. 387). Le pupille d'Hervé ne fut autre, croyons-nous que son neveu. Une étroite affinité peut seule expliquer le choix de ce tuteur (de préférence à des agnats), et de communes sympathies pour cette congrégation de Saumur, si éloignée du Parisis. Auberée, considérée comme sœur d'Hervé, pourrait être la « matrona » qui, l'éducation de son fils terminée, se retira dans un milieu où elle était sûre de rencontrer les soins dévoués qu'exigeait sa constitution valétudinaire. La chapelle d'Ezanville fut dédiée à Notre-Dame. D. Marrier (Monasterii S. M. de C. historia, p. 470) la signale comme une succursale de St-Acheul d'Ecouen.
79 Dreux, archidiacre du Parisis, était seigneur féodal de Marolles. Nous retrouverons l'archidiacre de Brie, Dreux II de Mello, possesseur de cette seigneurie en 1117.