École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 1 » VI. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs sous le règne de Louis VI le Gros » Paris, Ier janvier ou 26 mars 1122 — 2 avril/4 août 1122

Louis VI confirme la donation à St-Martin, par Gui le Rouge et sa femme Aélis, de l'église Notre-Dame et St-Jean à Gournay-sur-Marne, ainsi que les libéralités faites au prieuré établi à Gournay, notamment les églises de Roissy, Noisiel, Essonnes, des dîmes, des terres et des bois offerts par Gui le Rouge, le sénéchal Anseau de Garlande, Baudoin de Clacy, Aubert de Montfermeil Arnoul de Cocherel, Payen II (Arnoul) de Montjay.

  • A Original dépourvu de monogramme et de sceau. Arch. nat., K 22, nº 14, ancien S 1417, nº 109.
  • B Copie de 1223, Arch. nat., LL 1397, fol. 10.
  • C Copie du xvie s., Arch. nat., LL 1398, fol. 3-4.
  • D Copie du xviie s., Coll. Baluze, LV, 224.
  • a Marrier, Monasterii S. Martini de Campis historia, p. 279.
  • b Tardif, Monuments historiques, nº 383.
  • c Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
  • Bréquigny, Table des diplômes, I, 308 (avec la date erronée 1124).
  • Luchaire, Annales de la vie de Louis VI, nº 319, p. 148.
D'après c.

In nomine sancte et individue Trinitatis. Ego Ludovicus, Dei dispensante misericordia, in regnum Francorum sublimatus, notum fieri volo cunctis fidelibus tam futuris quam et instantibus, quod ecclesiam sancte Dei genitricis Marie sanctique Johannis Evangeliste, super Maternam fluvium juxta Gornaium castrum278 sitam, Guido Rubeus74 et uxor ejus Adelaida pari ab ipso fundamento devotione construxerunt. Cum multa illi contulissent beneficia, eam, cum omnibus ad ipsam pertinentibus, monachis Sti Martini de Campis perpetuo habendam concesserunt. Ut autem eorum dona que predicte ecclesie dederunt, ab aliorum beneficiis distinguamus, eadem dona nominatim subscribi precepimus. Primum eorum donum monachis Sancti Martini de Campis, ut dictum est, collatum, hoc est : prefata ecclesia cum suis clausuris et cum omni circumadjacente ambitu, capella de Gornaio, terra de Luabum380, molendinum apud Gornaium, apud Rusiacum141 ecclesia cum atrio et tercia parte ejusdem ville. Hec sunt specialiter Widonis et uxoris sue Adelaide dona, predictis monachis ab eisdem collata.

Cunctis preterea innotescere volumus, quod Ansellus de Garlanda, dapifer noster, supradicto monasterio tribuit apud Rusiacum duas ejusdem ville partes, et sic totam omnino villam concessit monachis, excepto nemore, et ipsum nemus eisdem et monachis et eorum hospitibus, ad ardendum et hospitandum et ad proprie necessitatis usuario. Nusiellum137 quoque, ecclesiam scilicet et quicquid ad illam pertinet, cum hospitibus, terris, pratis, vineis, cum nemore et molendino sicut monachi ea possident, illis donavit ; decimam insuper de Bercorellis et duas partes decime de Bercheriis140 ; terciam quoque partem Balduinus de Claciaco277 monachis dedit, assensu Anselli dapiferi nostri. Totam quoque decimam de Pontelz140, et apud Torciacum139 medietatem decime que dicitur Sancti Martini, et ecclesiam Essonie381 cum atrio et decima, Ansellus eidem monasterio contulit. Hospites vero in eodem atrio commanentes, Stephanus frater ejusdem Anselli eidem monasterio concessit. Apud Canoilum152 quoque, quicquid proprietatis habebat Albertus de Bri, ecclesiam scilicet cum decima, prata et terram et nemus, monachis prefati monasterii concessit, ipso Ansello annuente ex cujus feodo habebat. His et aliis beneficiis bone memorie Ansellus prefatum dotavit monasterium et Xristum heredem fecit, fratribus suis Stephano, Willelmo et Gisleberto concedentibus. In vodo381 quod est inter Gornaium et Scalam280, prefati monachi xvcim arpenta pratorum habent, vque de dono nostro, viitem de dono Alberici de Montefirmo382, et tria de aliorum fidelium beneficio.

Nos autem hec omnia predicta dona, Widonis videlicet Rubei et uxoris sue, et Anselli dapiferi nostri, et Stephani fratris sui, et Balduini de Claciaco, et Alberici de Montefirmo et volumus et approbamus, et quantum ad nostram pertinet Majestatem, in perpetuum omnino confirmamus. Terram quoque et nemus de Campo Mussoso que Arnulfus de Corquerellis383, annuente Pagano de Monteguaio241, predictis monachis dedit, nos eidem ecclesie confirmamus. Eidem ecclesie confirmamus terram et nemus quod dicitur Raimundi.

Actum Parisius publice , Adelaidis regine septimo. S. Stephani dapiferi. S. Gisleberti buticularii. S. Hugonis constabularii. S. Alberici camerarii. Data per manum Stephani cancellarii384.


278 Gournay-sur-Marne, ca. Le Raincy, ar. Pontoise (S.-et-O.). — Il est surprenant que ni la donation primitive de Gui le Rouge à St-Martin-des-Champs, ni l'approbation de Louis VI n'aient été conservées sous une forme diplomatique ou tout au moins par des notices insérées dans un recueil de titres. Les lettres de l'évêque Gilbert II sont le seul document qui atteste l'existence de ces actes, alors que d'autres, moins importants, concernant Gournay, furent insérés au Liber Testamentorum de St-Martin, et bien qu'à Gournay même un cartulaire important ait été composé. L'énoncé de la charte épiscopale ne va pas sans difficultés. On y attribue à Gui le Rouge et Aélis (sa première femme ; cf. p. 49, note a, et p. 63, note 74) non seulement la construction de Notre-Dame de Gournay, ce qui est admissible, mais aussi la donation de l'église et de son douaire à St-Martin. Or, Gui s'est remarié peu de temps après l'établissement des Clunisiens à St-Martin-des-Champs, tandis que le silence de la bulle d'Urbain II ne permet pas de considérer la donation de Gournay comme antérieure à 1096. D'ailleurs, Gilbert constate l'approbation donnée par le roi Louis à cette donation ; elle est donc postérieure à 1098. Enfin la lettre suivante d'Ives de Chartres montre qu'il existait à Gournay une communauté à laquelle il invite le prêtre Gonthier à se joindre et qui paraît être une collégiale plutôt qu'une congrégation. (Ives n'aurait pu agir avec une autorité semblable sur un monastère dépendant de Cluny et stué dans un diocèse autre que le sien) :

« Ivo, humilis Carnotensium episcopus, Gontherio (al. Gunheriov. c.) fratri et compresbytero ascendenti e convalle lacrymarum, intense cantare canticum graduum.

« Gaudeo te quasi postliminio rediisse, gratias agens protectori nostro, cujus misericordia te protexit etiam per marina discrimina. Nunc ergo quia incolumis es redditus fratribus tuis, licet desiderio interne quietis omnibus prodesse non possis, tamen vel paucis prodesse non graveris. Unde monco fraternitatem tuam ut ad ecclesiam Gornacensem Beatæ semper Virginis transeas, ubi et desiderate quieti vacare, et aliquorum fratrum saluti poteris providere. De cetero ora pro me, frater charissime, ne remigantem in altitudine maris tempestas submerget me. Vale. »

(Ivo Carnotensis episcopi epistola xi, edit. Magne, Patrologia latino, t. CLXII, col. 24. — Cf. Lebeuf, Hist. de la ville et du dioc. de Paris, édit. Bournon, t. IV, p. 610).

74 L'auteur de cette donation est une personnalité notoire du règne de Philippe Ier. C'est Gui le Rouge fils de Gui le Grand de Montlhéry ; son père assistait Henri Ieren 1059 lorsqu'il dota solennellement la collégiale de St-Martin-des champs (nº 7) et Philippe Ier lorsqu'en 1067 il en confirma l'établissement (nº 12). Lui-même intervint fréquemment pour faciliter et approuver les donations de ses vassaux au prieuré clunisien. On le rencontrera plus loin avec le titre de comte, accompagné parfois du surnom de Rochefort : « Wido comes " ou » Wido comes de Rupeforti ». Il mourut en 1107.

Élisabeth, sa seconde femme, s'identifie avec « Isabeldis, comitissa de Creciaco castro « qui, veuve de Bouchard II de Corbeil, assista à la première messe célébrée par saint Gautier, abbé-fondateur de St-Martin-de-Pontoise, sur l'autel de St-Nicolas de Morcerf (Cartul. de St-M. de P., p. 10, nº xi). Le récent mémoire de M. Estournet sur Bouchard II, comte de Corbeil dans les publications de la Société du Gâtinais, a précisé ce point. L'une des filles d'Élisabeth, Béatrix de Pierrefonds, fut aussi bienfaitrice de St-Martin des Champs.

380 Luabum était, d'après Lebeuf (Hist. de la ville et de tout le diocèse de Paris, édit. Bournon, II, 535), « de la paroisse du Pin, à une lieue de Chelles, parce que les seigneurs de cette paroisse avoient là une dîme (décima de Luabium) dont Jean et Maurice de Pomponne gratifièrent le prieuré de Pomponne sous Louis VII, ce qui fut approuvé par l'évêque de Paris en 1177 ». M. Henri Stein (Bulletin de la Soc. de l'Hist. de Paris et de l'Ile-de-France, 38e année, 4e livr., 1911, p. 223) cite un acte de 1397 relatif à Gournay-sur-Marne où les moines citent « nostre hostel et granche de Liaubon, assise ou terrouer et finage d'illec « (A. N. S 1417 B) ; un acte de 1523 place « le terrouer de Leaubon entre le villaige du Pin et Chesles-sainte-Baulteur ».
141 Roissy, ca. Tournan, ar. Melun. Cette localité et les précédentes se retrouvent plus tard aux mains des membres de la maison de Garlande. La possession de terres voisines de Tournan par cette famille rend toute naturelle l'alliance qui fit passer plus tard dans une de ses branches la seigneurie même de Tournan.
137 Noisiel, ca. Lagny, ar. Meaux. — Cette terre fut possédée à la fin du xie siècle par Gilbert Payen de Garlande, frère d'Anseau, le sénéchal de Louis VI. Adam, fils d'Aubert, nous apparaît comme la tige de cette maison. Anseau de Garlande, fils d'Adam, et ses frères, réclamaient contre Giboin, abbé de Lagny, l'avouerie des terres de Corbon et de Courtalin (voisine de Faremoutier), comme ayant appartenu à leurs ancêtres (s. d. Ms. lat. 9902, fol. 115). Sire Aubert, père d'Adam, s'identifie, croyons-nous, avec le père du grand-bouteiller Hugues et de Gautier, dont fut fils le grand-chambrier Galeran de Senlis. Cette parenté expliquerait la haute fortune des frères de Garlande.
140 Pontault, ca. Tournan, ar. Melun, au doyenné de Lagny. — Berchères, près de Pontault. Le pouillé parisien de 1205 indique que les cures de Pontault, de Berchères, de Roissy, de Noisiel et de Gournay sont à la nomination du prieur de Gournay-sur-Marne (Aug. Longnon, Pouillés de la province de Sens, p. 356, 447)
277 Clacy, éc. Noisy-le-Sec, ca. Pantin, ar. St-Denis (Seine); cf. Luchaire, Annales de la vie de Louis VI, p. 373. — Nous retrouvons en 1122 Guérin de Clacy, fils de Dreux (Liber Testamentorum, fol. 73).
139 Torcy, ca. Lagny, ar. Meaux.
381 Essonnes, ca. Corbeil. — Sur l'histoire religieuse de cette paroisse, cf. Depoin, Notre-Dame des Champs, prieuré dyonisien d'Essonnes (tir. à part du Bulletin de la Soc. historique de Corbeil). — Vodum, fossa (Ducange, Glossarium medix et infimæ latinitatis).
152 Chenou, ca. Château-Landon, ar. Fontainebleau (S.-et-M.).
280 Lagny-sur-Marne, ar. Meaux (Seine-et-Marne). — Chelles, ca. Lagny. — Villeflix, éc. Noisy-le-Grand, ca. Le Raincy, ar. Pontoise (S.-et-O.).
382 Montfermeil, ca. Le Raincy, ar. Pontoise.
383 Cocherel, ca. Lizy-sur-Oureq, ar. Meaux. — Campus mussosus serait-il Chamoust, éc. Sainte-Aulde, ca. La Ferté-sous-Jouarre, ar. Meaux ?

241 La suzeraineté exrcée par Nantier de Montjay à Annet-sur-Marne ne laisse aucun doute sur l'identification de son château avec Montjay-la-Tour, écart de Villevaudé qui, comme Annet, appartient au canton de Claye-Souilly, arr. de Meaux.

Nantier souscrit avec son frère Payen, en 1090, le diplôme de Philippe Ier pour St-Remi de Reims, en compagnie d'Eudes, comte de Corbeil. Nous apprenons ici que le nom baptismal de Payen fut Arnoul. Cette précision nous oblige à le distinguer d'un second Payen de Montjay, ayant pour prénom définitif Aubri, et dont nous aurons à reparler à propos d'une approbation qu'il accorda à la donation de Champmotteux à St-Martin-des-Champs en 1122. Payen Aubri est cité dès 1108 à de nombreuses reprises dans Luchaire (Annales de la vie de Louis VI, pp. 53, 97, 134, 158, 260, 329) ; il est confondu, à la table, avec Arnoul Payen (cité p. 2). C'est de ce dernier qu'il s'agit dans les pièces nos38, 62 et 90 du présent recueil.

Nous verrons (nº 90) qu'Eveline (Avelina), femme de Nantier de Montjay, était nièce de Josselin, archidiacre de Paris (cf. note 24).

384 D'après les lettres de l'évêque de Paris (nº166 infrà), le roi confirma les libéralités d'Anseau. Mais le document A, s'il est contemporain, est-il une pièce authentique ? Son examen laisse des doutes à cet égard. Il est bizarre que la chancellerie ait désigné le comte Gui de Rochefort, ancien grand-officier de la Couronne, par un surnom populaire. La rédaction est calquée sur celle de la charte épiscopale qui, elle, ne soulève pas de critique protocolaire. La date de cette pièce doit être la 14e année de Louis, se terminant le 4 août 1122 ; la 7e année d'Adélaïde se termine à une date comprise entre le 2 avril et le 4 août 1122.