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L’établissement

Historique

Une basilique funéraire mérovingienne des VIe-VIIe siècles, réaménagée au temps des Carolingiens, précéda Saint-Martin des Champs. Elle est mentionnée par Grégoire de Tours et se trouve plus ou moins au même emplacement que l’église Saint-Martin-des-Champs, aujourd’hui dépendance du Conservatoire National des Arts et Métiers. La première église aurait été détruite par les Normands, elle est reconstruite autour de 1059 sur l’initiative du roi Henri Ier. Le souverain y instaure une collégiale, et ratifie sa fondation dans un acte solennel délivré entre le 23 mai 1059 et sa propre mort, le 4 août 1060. Le 29 mai 1067, le roi Philippe Ier fait procéder à la dédicace de l’église.

Des chanoines s’y étaient donc installés, mais en 1079 Philippe Ier leur substitue des religieux de Cluny : la maison devient le premier prieuré de l’ordre. La vacance du siège abbatial, provoquée par la mort d’Engelard, administrateur avisé et lettré, a favorisé sans doute cette transition à laquelle semblent s’être conformés la plupart des treize chanoines de la collégiale. Les religieux de l’ordre de Cluny s’implantent ainsi en Ile-de-France. Toujours en 1079, l’abbé de Cluny Hugues désigne Urson comme premier prieur de Saint-Martin-des-Champs. Ce prieuré est le siège d’une organisation agricole qui comporte des greniers de stockage, des pressoirs et celliers, une bluterie. Une masse considérable de terres et de droits sont offerts au prieuré. Hugues Ier, prieur de 1130 à 1142, fait entourer la maison de murailles fortifiées qui sont renouvelées au XIIIe siècle. Un bourg se développe autour de Saint-Martin-des-Champs, noyau actif de peuplement de cet espace péri-urbain, et une chapelle est rapidement créée pour les habitants : c’est l’église Saint-Nicolas des Champs. Cette chapelle est mentionnée pour la première fois dans une bulle de Calixte II du 27 novembre 1119 et est signalée comme paroisse pour la première fois en 1184. Dès 1220, elle est qualifiée d’ecclesia, en raison de la forte croissance démographique du faubourg.

Sous les règnes de Louis VIII (1223-1226) et Louis IX (1226-1270) sont édifiés la chapelle particulière des Arrode, aux abords de l’église, le cloître, le réfectoire des moines, et la seconde nef de l’église, probablement sous le priorat d’Évrard du Pas. En 1321, Bertrand de Pébrac devient prieur de Saint-Martin-des-Champs. C’est sur son initiative qu’est rédigé, en 1340, un code des offices du prieuré, complété d’une description des domaines (Arch. nat., LL 1355-1357, dit « Registre Bertrand »). Ces offices claustraux existent dès la fin du XIe siècle, mais on ne les a jamais définis avec un tel souci d’organisation.

La première moitié du XVe siècle est marquée par la figure de Jacques II Seguin, nommé prieur de Saint-Martin-des-Champs en février 1425. Son administration consciencieuse, qui dure vingt-sept ans, s’ouvre sur la brillante fondation des époux Morvilliers, qui élisent sépulture en la chapelle Saint-Nicolas, dans le déambulatoire, contre une rente de 1600 £ et le don d’un mobilier liturgique coûteux (1429). À la fin du XVe siècle, Jacques d’Amboise, abbé de Cluny, envoie à Paris plusieurs moines pour réformer le prieuré, affecté par les abus des prieurs commendataires qui se sont succédés. On possède une liste des religieux « qui vinrent de Cluny, pour concevoir la réforme ». Le plus important est Jehan Rolin, à qui Jacques d’Amboise confia la réforme des maisons clunisiennes, dont celle de Saint-Martin-des-Champs. Cette réforme des statuts de 1500 incrimine la mauvaise gestion des XIVe et XVe siècles ainsi que la lente dégradation des bâtiments.

Sous l’Ancien Régime, les bâtiments conventuels sont rénovés par de nombreuses campagnes de travaux. Sous Henri III, un portail monumental est élevé en bordure de la rue Saint-Martin. Le prieuré accueille Guillaume Postel de 1562 à sa mort en 1581. En 1626, François Mansart construit un imposant maître-autel. Les études historiques se développent au XVIIe siècle. L’historiographe du prieuré, dom Martin Marrier, publie dès le début du XVIIe siècle un recueil des documents les plus importants de Saint-Martin-des-Champs (Martiniana, id est, litteræ, tituli, cartæ, privilegia et documenta…, Paris : Nicolas du Fossé, 1606). Trois décennies plus tard, il décrit le prieuré, étend sa quête documentaire, relève l’emplacement des dalles mortuaires et des épitaphes (Monasterii regalis Sancti Martini de Campis Parisiensis, ordinis Cluniacensis, historia, Paris : Sébastien Cramoisy, 1636, 2e éd. dès 1637). On possède également les dessins de monuments funéraires levés par Boudan pour le compte de Roger de Gaignières (Bibl. nat. de Fr., Estampes, Pe 11 b rés.). Un cloître dorique est construit de 1702 à 1720 sur les plans de Pierre Bullet ; un nouveau dortoir est terminé en 1742. Vers 1765, la façade de l’église est refaite dans le style jésuite.

À la Révolution, les bâtiments et les biens du prieuré sont confisqués. En 1794, le prieuré, vide depuis quelques années, est transformé en Conservatoire des Arts et Métiers sur la proposition de l’abbé Grégoire : « Il sera formé à Paris, sous le nom de Conservatoire des Arts et Métiers, […] un dépôt de machines, modèles, outils, dessins, descriptions et livres dans tous les genres d’arts et métiers ».

Localisation du patrimoine à grands traits

S’il dominait comme seigneur justicier et censuel le bourg né autour de lui, le prieuré de Saint-Martin des Champs possédait aussi un important temporel localisé essentiellement en Ile-de-France (carte de situation) : seize des vingt-quatre prieurés dépendant de l’établissement se trouvent dans l’actuelle région parisienne.

Un premier ensemble se situait au nord et à l’est de Paris, entre l’Oise et la Marne, d’un part dans la vallée de la Marne, de Charenton à Annet-sur-Marne (on y trouvait quelques dépendances très riches de Saint-Martin comme les prieurés d’Annet-sur-Marne et de Gournay-sur-Marne, ou encore la seigneurie de Noisy-le-Grand), d’autre part entre Oise et Marne, où certaines terres se trouvaient le long de la route de Paris à Senlis (prieurés de Mauregard et Moussy-le-Neuf, seigneurie de Louvres-en-Parisis…), et à part, plus au nord, vers Senlis, la seigneurie de Saint-Nicolas d’Acy ; d’autres prieurés et seigneuries se retrouvaient hors de cet axe, à côté des forêts de Montmorency et Chantilly, comme la ferme de Bouffemont et le prieuré de Domont. D’autres possessions enfin se trouvaient le long de l’Oise, de Nogent-sur-Oise à Pontoise, avec notamment les prieurés de Beaumont-sur-Oise et de L’Isle-Adam.

Une nébuleuse de possessions s’étendaient à l’ouest de la cité, d’Aubervilliers à Saint-Cloud. En Beauce, Saint-Martin possédait le prieuré de Janville et quelques grands domaines comme Roinville et Gouillons-en-Beauce ; et, en Brie, autour de Melun, le prieuré de Marolles-en-Brie et les seigneuries de Limoges-Fourches et de Fontaine-le-Port, sur la Seine.

Réseaux de bienfaiteurs

Outre les fondateurs capétiens, ce sont surtout des membres de l’aristocratie d’Ile-de-France qui sont à l’origine des principales dotations temporelles. Les plus importants sont les Montmorency, les comtes de Dammartin, les sires de Garlande, les comtes de Montfort, les Montlhéry et les comtes de Meulan, sans compter des milites parisiens, comme ces Le Riche qui avaient beaucoup intéressé Joseph Depoin, et d’autres lignages urbains.