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L’établissement

Historique

L’abbaye des Vaux-de-Cernay fut fondée en 1118 par Simon, seigneur de Neauphle, et sa femme Ève, qui donnèrent la terre du Val du Bric-Essart aux moines de Savigny (Manche) pour y construire une abbaye dédiée à la Vierge et à saint Jean-Baptiste. L’abbaye fut fondée à la limite entre les diocèses de Paris et de Chartres, ce qui lui apporta des donateurs très variés mais la plaça aussi dans une zone très conflictuelle.

La première attestation de l’appelation Vaux-de-Cernay se trouve dans un acte de Louis VII daté de 1142 et seule la dédicace à Notre-Dame semble avoir survécu, du moins dans les textes. En 1147, Savigny, avec toute sa congrégation, est intégrée à l’ordre cistercien, dans la filiation de Clairvaux ; les Vaux-de-Cernay deviennent donc la première abbaye cistercienne de l’actuel département des Yvelines. Le sixième abbé fut le fameux Guy des Vaux-de-Cernay, prédicateur enflammé de la croisade des Albigeois, proche de Simon de Montfort qu’il suivra dans le sud, et qui deviendra évêque de Carcassonne. Son neveu, Pierre, qui l’a accompagné dans certaines de ses descentes vers le sud, est l’auteur de l’Historia albigensis, témoignage important sur la croisade des Albigeois et sur les croisés eux-mêmes. L’abbatiat de saint Thibaud de Marly (1235-1247), entré aux Vaux-de-Cernay en 1226 et membre de la branche cadette de la puissante famille des Montmorency, est généralement considéré comme l’âge d’or de l’abbaye, après des temps difficiles à la fin du XIIe siècle, liés aux conflits entre les rois de France et d’Angleterre, qui d’ailleurs cherchèrent tous deux à prendre l’abbaye sous leur protection.

Les abbés des Vaux-de-Cernay ont eu la charge de deux abbayes : le Breuil-Benoît (comm. Marcilly-sur-Eure, Eure, dioc. Évreux), abbaye masculine fondée en 1137, et le Trésor (comm. Bus-Saint-Rémy, Eure, dioc. Rouen), abbaye féminine mise sous la responsabilité de l’abbé des Vaux-de-Cernay en 1237. Par ailleurs, ils étaient aussi en charge de la direction spirituelle des moniales de Port-Royal, fille directe de Cîteaux mais située à proximité de l’abbaye, à Magny-les-Hameaux. L’abbaye disposait encore, comme quasiment toutes les grandes abbayes franciliennes, d’une maison à Paris, rue du Foin (anciennement rue des Moines-de-Cernay), près de la place des Vosges.

Comme nombre d’autres, l’abbaye eut à subir les ravages liés à la guerre de Cent Ans puis aux guerres de Religion. Le XVIe siècle vit l’arrivée du premier abbé commendataire ; à cette époque, le monastère comptait vingt-deux moines. Se succédèrent à la tête de l’abbaye quelques personnages prestigieux, tels Henri de Bourbon de Verneuil, bâtard d’Henri IV, ou encore le roi Casimir de Pologne. En 1791, les douze derniers moines quittèrent l’abbaye, qui devint bien national l’année suivante et qui, comme beaucoup d’autres, fut en partie démolie et servit de carrière, jusqu’en 1873, date à laquelle le parc et les bâtiments furent rachetés par la baronne Nathaniel de Rothschild, qui s’installa dans l’ancien bâtiment des convers et restaura une partie du domaine. Racheté à nouveau à la fin des années 1980, l’abbaye est aujourd’hui un hôtel-restaurant de luxe, réparti sur trois sites : l’abbaye, l’hôtel des haras et la ferme des vallées, à Auffargis. De nombreuses photographies du site actuel sont disponibles sur le site internet de l’hôtel. Les bâtiments de l’abbaye ont été inscrits aux Monuments historiques en 1926 et le site lui-même en 1941 ; on peut consulter un dossier très complet sur les différentes bases du ministère de la Culture, notamment Mérimée.

Localisation du patrimoine à grands traits

Le patrimoine des Vaux-de-Cernay se concentre autour de deux pôles : l’abbaye elle-même (dons en Ile-de-France, surtout dans les Yvelines, mais pas seulement, car on trouve des biens dans un arc de cercle allant par l’ouest du Val-d’Oise à la Seine-et-Marne) et l’actuel département de l’Eure-et-Loir, proche de l’abbaye.

D’après Simone Lefèvre, l’abbaye disposa, dans le premier siècle de son existence, de pas moins de quinze granges, granges dîmières ou cellier dans les actuels départements des Yvelines, de l’Essonne, de la Seine-et-Marne : Saint-Robert (comm. Cernay-la-Ville), Grange-aux-Moines (comm. Saint-Jean-de-Beauregard), cellier de Bruyères-le-Châtel, Les Ébisoirs (comm. Plaisir), Saint-Nom-la-Bretêche, Bouligneau (comm. Saint-Fargeau-Ponthierry), Le Planet (comm. Saint-Léger-en-Yvelines, issue d’un ancien ermitage), Le Val-Saint-Germain, Longchêne (comm. Bullion), Saint-Benoît (comm. Auffargis), La Loge-Hodebert (comm. Le Perray), Le Grand-Crache (entre Les Molières et Limours), Blaru (au sud de la forêt de Bizy), Ithe (comm. Le Tremblay-sur-Mauldre), Provelu (comm. Ablis).

On peut se reporter pour plus de détails au Guide en ligne des archives des Yvelines () où l’on trouvera aussi quelques cartes anciennes numérisées (45 H 34 : carte de la seigneurie à la fin du XVIIIe siècle, A 356 : carte du fonds Cernay).

Réseaux de bienfaiteurs

Les premiers et les plus importants donateurs de l’abbaye sont les membres des grandes familles des actuelles Yvelines : Montfort, Marly (et leurs parents Montmorency), Chevreuse…, par ailleurs toutes liées entre elles par des liens de parenté, d’amitié ou encore par une même aspiration spirituelle vers les nouveaux ordres religieux, tels les Cisterciens (Port-Royal a été fondée par Mathieu de Marly). Nombre des membres de ces familles ont participé à la quatrième croisade puis à celle des Albigeois, et ont été de grands bienfaiteurs des abbayes cisterciennes franciliennes, à la tête desquelles se trouvaient certains de leurs proches, amis comme Guy des Vaux-de-Cernay ou parents comme Thibaud de Marly. C’est d’ailleurs ce réseau serré de grands seigneurs des Yvelines qui contribuent à la formation d’un temporel centré sur un grand ouest parisien, puisque leurs possessions y sont basées.

Mais on trouve aussi au fil des pages les différents rois de France ainsi que de grands personnages du royaume : Suger (acte n° IV), Thibaud comte de Blois, sénéchal de France (n° XLIX) ou Robert comte de Dreux (n° LXXII)… À leurs côtés, on trouve tout l’éventail, classique, des donateurs aux établissements ecclésiastiques, du plus ou moins grand chevalier au plus humble, simplement désigné par l’endroit où il vit et qui donne quelques sous de rente.